Les tombes royales et privées sont de loin les monuments archéologiques les mieux préservés de l'Ancienne Égypte. Il en existe des centaines et des centaines de type différents - les principaux étant les mastabas, les tombes rupestres, les "shaft" et les fosses.
(...)
Nous pouvons utiliser les tombes individuelles pour reconstruire la société d'une période donnée, caractériser la royauté, les structures sociales, la religion, les mécanismes de l'administration centrale, la mobilité des individus et des groupes, et bien d'autres éléments encore.
Miroslav BARTA
Les tombes non-royales d'Abousir
Égypte, Afrique & Orient 77,
Les mastabas de l'Ancien Empire,
Montségur, Centre d'égyptologie, 2015,
pp. 15-6.
Quand nous nous sommes quittés, la semaine dernière, amis visiteurs, je vous proposais de commencer d'envisager aujourd'hui avec vous ce que l'ultime décennie du XXème siècle avait réservé aux archéologues de l'Institut tchèque d'égyptologie (I.T.E.) qui, depuis le début des années soixante, explorent avec le succès que vous commencez à mieux connaître la nécropole d'Abousir, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest du Caire actuel.
Sous la direction de Miroslav Verner, nous l'avons vu, de nombreux complexes funéraires furent ainsi mis au jour. Les découvertes, fort heureusement, ne se tarirent nullement puisque, même après avoir quitté la direction de l'I.T.E., le Professeur Verner assumant celle de la Concession pour la Prospection d'Abousir, poursuivit ses travaux patronnant et accompagnant de nouveaux collègues : je n'en citerai que deux qui, relativement jeunes encore à l'époque, se révélèrent par la suite, vous le constaterez au fil des prochains mois, de brillants fouilleurs :
Dès 1991, les missions archéologiques tchèques vont se diriger plus encore vers le sud du site pour en explorer les ultimes confins, à environ un kilomètre de la nécropole royale d'origine ; et ce, après avoir pris soin d'effectuer des sondages préalables dans cette zone bien circonscrite.
Permettez-moi d'emblée une petite précision : en Professeur d'Histoire, mais pas uniquement pour cette raison, j'ai pris l'initiative de relater dans un ordre purement chronologique les découvertes qui se sont là succédé. Car en fait, ayant avec vous tout récemment quitté la tombe-puits d'Oudjahorresnet, il m'eût fallu, animé de la logique de terrain la plus élémentaire, envisager de vous emmener vers celles qui lui étaient proches dans ce cimetière saïto-perse, mais qui ne furent mises au jour que dans les années qui suivirent.
J'ai en réalité plutôt préféré épouser le cheminement des égyptologues - même si, dans un premier temps, leurs raisons premières m'échappèrent en partie -, et donc momentanément choisi de quitter le cimetière ouest pour les accompagner dans celui de son extrémité sud.
Le dessin cartographique ci-après, extrait de l'ouvrage "Abusir - Realm of Osiris", de Miroslav Verner (voir référence infrapaginale), qu'il est possible d'agrandir par un simple clic, devrait faciliter vos déplacements parmi les sépultures que nous allons bientôt découvrir : il s'agit de celles numérotées de 14 à 18.
Mais pour l'heure, ce qu'il importe de bien maîtriser, amis visiteurs, c'est l'aspect chronologique des lieux et, plus précisément, les différentes dynasties égyptiennes. Car si, avec ses pyramides effondrées et ses mastabas de hauts dignitaires, le secteur nord de la nécropole date pour une grande part de la Vème dynastie de l'Ancien Empire, la tombe-puits d'Oudjahorresnet, souvenez-vous, avait quant à elle été creusée quelque 1700 ans plus tard, soit à la XXVIème dynastie, à l'époque tardive donc, pour emprunter à Jean Yoyotte cette dénomination nettement moins dépréciative que le sempiternel Basse Époque que, pourtant, l'on rencontre encore très souvent dans les ouvrages de référence ...
(Mais ceci est une autre histoire !)
Et maintenant, nouveau retour en arrière, là-bas, tout au sud du site, je vous invite à renouer avec l'histoire des fonctionnaires palatiaux de l'Ancien Empire.
Aussi, et afin que toutes ces allées et venues dans le temps et le sable du désert ne vous essoufflent démesurément, je vous propose aujourd'hui plutôt que déjà nous pencher au-dessus de nouvelles tombes de simplement les évoquer de manière très générale, en guise de mise en appétit pour les prochaines visites auxquelles, après le congé de Printemps, je vous convierai.
Profitez donc de ces quelques moments de répit car, - et je vous l'annonce solennellement -, ce n'est pas en vacances que je vous emmènerai ces prochains mois : il ne s'agira nullement de vous prélasser au soleil d'une agréable croisière sur le Nil avec soirée dansante déguisés en Néfertiti, mesdames ou en Toutankhamon, messieurs.
Non ! Ce seront plus certainement des godillots qu'il vous faudra chausser et des jeans endosser : nous allons à nouveau descendre, à la suite des archéologues tchèques, dans le sous-sol de la nécropole, en explorant avec eux ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le cimetière des fonctionnaires de rang inférieur d'Abousir Sud.
Certes, d'aucuns m'opposeront très vite qu'il ne s'agit point là d'une vraie découverte ; que plusieurs des tombeaux que je compte prochainement vous faire visiter furent, au XIXème siècle déjà, l'objet de fouilles, notamment entreprises par l'expédition pour compte de la Prusse de l'égyptologue allemand Karl Richard Lepsius, (1810-1884) qui, de 1842 à 1845, sillonna précisément toute cette région des domaines funéraires de Guizeh, Saqqarah, Abousir ou autres aux fins d'en effectuer un relevé topographique d'importance cardinale pour l'égyptologie.
Bien évidemment, je ne puis qu'entériner cette connaissance pointue qui est vôtre en la matière. Je préciserai simplement que si nos amis tchèques ont cru bon, là et alors, d'y consacrer un temps certain, c'était parce qu'ils jugèrent urgent d'y effectuer ce qu'ils nomment une "fouille de sauvetage" dans la mesure où la structure même de ces monuments se trouvait grandement - et irrémédiablement - menacée par d'avides pilleurs de sépultures.
Parmi ces antiques "maisons d'éternité", je relève, sans prétention d'exhaustivité aucune, les mastabas en partie déjà connus de Kaaper, un fonctionnaire de très haut rang, et de Fetekti, un prêtre d'un temple royal, tous deux ayant vécu à la Vème dynastie, ; et ceux, nouvellement mis au jour, de Qar, un vizir de la VIème dynastie et des membres de la famille d'un certain Hetepi, prêtre également, mais à la IVème dynastie ...
Toutes ces fouilles, toutes ces découvertes - ou redécouvertes, c'est selon - menées par de jeunes collègues sous la direction attentive de Miroslav Verner s'étageront donc sur les dix dernières années du précédent siècle : à partir de 1990-91 pour ce qui concerne Kaaper, Fetekti et les tombes près de celle de Hetepi ; de 1993 pour Itehy, fonctionnaire du début de la IVème dynastie - ce qui correspondrait donc à la plus ancienne du site -, et de 1995 pour les sépultures des vizirs Qar et Isesiseneb ...
Sans oublier - et là, il nous faudra revenir près de la tombe-puits d'Oudjahorresnet, dans le cimetière saïto-perse - celle également explorée à partir de 1995 d'un autre très important personnage de cette époque : Iufaa.
Voilà donc, très rapidement exposé, ce qui vous attend, amis visiteurs, après les deux semaines des vacances scolaires de Printemps que l'Enseignement belge et ÉgyptoMusée vous offrent.
Le mardi 12 avril prochain, pour être tout à fait précis, ce sera dans la première d'entre elles, celle de Kaaper, que je vous inviterai à descendre en compagnie des égyptologues tchèques.
Excellent congé pascal à toutes et à tous. Profitez-en bien ...
... mais attention aux crises de foie !
BIBLIOGRAPHIE
BARTA Miroslav, The Cemetery of Lower-Ranking Officials at Abusir South, Prague, site de l'I.T.E
VERNER Miroslav, Abusir - Realm of Osiris, Cairo/New York, The American University in Cairo Press, 2002, p. 43.