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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 00:02

 

 

     Les tombes royales et privées sont de loin les monuments archéologiques les mieux préservés de l'Ancienne Égypte. Il en existe des centaines et des centaines de type différents - les principaux étant les mastabas, les tombes rupestres, les "shaft" et les fosses. 

(...)

     Nous pouvons utiliser les tombes individuelles pour reconstruire la société d'une période donnée, caractériser la royauté, les structures sociales, la religion, les mécanismes de l'administration centrale, la mobilité des individus et des groupes, et bien d'autres éléments encore.

 

 

 

Miroslav  BARTA

Les tombes non-royales d'Abousir

 

Égypte, Afrique & Orient 77,

Les mastabas de l'Ancien Empire,

Montségur, Centre d'égyptologie, 2015,

pp. 15-6.

 

 

 

 

     Quand nous nous sommes quittés, la semaine dernière, amis visiteurs, je vous proposais de commencer d'envisager aujourd'hui avec vous ce que l'ultime décennie du XXème siècle avait réservé aux archéologues de l'Institut tchèque d'égyptologie (I.T.E.) qui, depuis le début des années soixante, explorent avec le succès que vous commencez à mieux connaître la nécropole d'Abousir, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest du Caire actuel.

 

     Sous la direction de Miroslav Verner, nous l'avons vu, de nombreux complexes funéraires furent ainsi mis au jour. Les découvertes, fort heureusement, ne se tarirent nullement puisque, même après avoir quitté la direction de l'I.T.E., le Professeur Verner assumant celle de la Concession pour la Prospection d'Abousir, poursuivit ses travaux patronnant et accompagnant de nouveaux collègues : je n'en citerai que deux qui, relativement jeunes encore à l'époque, se révélèrent par la suite, vous le constaterez au fil des prochains mois, de brillants fouilleurs :  

    

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

 

Ladislav BARES, ci-dessus

 

et Miroslav BARTA, ci-dessous.

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

 

     Dès 1991, les missions archéologiques tchèques vont se diriger plus encore vers le sud du site pour en explorer les ultimes confins, à environ un kilomètre de la nécropole royale d'origine ; et ce, après avoir pris soin d'effectuer des sondages préalables dans cette zone bien circonscrite.

    Permettez-moi d'emblée une petite précision : en Professeur d'Histoire, mais pas uniquement pour cette raison, j'ai pris l'initiative de relater
 dans un ordre purement chronologique 
les découvertes qui se sont là succédé. Car en fait, ayant avec vous tout récemment quitté la tombe-puits d'Oudjahorresnet, il m'eût fallu, animé de la logique de terrain la plus élémentaire, envisager de vous emmener vers celles qui lui étaient proches dans ce cimetière saïto-perse, mais qui ne furent mises au jour que dans les années qui suivirent.

    J'ai en réalité plutôt préféré épouser le cheminement des égyptologues - même si, dans un premier temps, leurs raisons premières m'échappèrent en partie -, et donc momentanément choisi de quitter le cimetière ouest pour les accompagner dans celui de son extrémité sud.

    Le dessin cartographique ci-après, 
extrait de l'ouvrage "Abusir - Realm of Osiris", de Miroslav Verner (voir référence infrapaginale), qu'il est possible d'agrandir par un simple clic, devrait faciliter vos déplacements parmi les sépultures que nous allons bientôt découvrir : il s'agit de celles numérotées de 14 à 18.

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

 

     Mais pour l'heure, ce qu'il importe de bien maîtriser, amis visiteurs, c'est l'aspect chronologique des lieux et, plus précisément, les différentes dynasties égyptiennes. Car si, avec ses pyramides effondrées et ses mastabas de hauts dignitaires, le secteur nord de la nécropole date pour une grande part de la Vème dynastie de l'Ancien Empire, la tombe-puits d'Oudjahorresnet, souvenez-vous, avait quant à elle été creusée quelque 1700 ans plus tard, soit à la XXVIème dynastie, à l'époque tardive donc, pour emprunter à Jean Yoyotte cette dénomination nettement moins dépréciative que le sempiternel Basse Époque que, pourtant, l'on rencontre encore très souvent dans les ouvrages de référence ...

(Mais ceci est une autre histoire !)

    Et maintenant, nouveau retour en arrière, là-bas, tout au sud du site, je vous  invite à renouer avec l'histoire des fonctionnaires palatiaux de l'Ancien Empire.

    Aussi, et afin que toutes ces allées et venues dans le temps et le sable du désert ne vous essoufflent démesurément, je vous propose aujourd'hui plutôt que déjà nous pencher au-dessus de nouvelles tombes de simplement les évoquer de manière très générale, en guise de mise en appétit pour les prochaines visites auxquelles, après le congé de Printemps, je vous convierai.

    Profitez donc de ces quelques moments de répit car, - et je vous l'annonce solennellement -, ce n'est pas en vacances que je vous emmènerai ces prochains mois : il ne s'agira nullement de vous prélasser au soleil d'une agréable croisière sur le Nil avec soirée dansante déguisés en Néfertiti, mesdames ou en Toutankhamon, messieurs.

     Non ! Ce seront plus certainement des godillots qu'il vous faudra chausser et des jeans endosser : nous allons à nouveau descendre, à la suite des archéologues tchèques, dans le sous-sol de la nécropole, en explorant avec eux ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le cimetière des fonctionnaires de rang inférieur d'Abousir Sud.

    Certes, d'aucuns m'opposeront très vite qu'il ne s'agit point là d'une vraie découverte ; que plusieurs  des tombeaux que je compte prochainement vous faire visiter furent, au XIXème siècle déjà, l'objet de fouilles, notamment entreprises par l'expédition pour compte de la Prusse de l'égyptologue allemand Karl Richard 
Lepsius, (1810-1884) qui, de 1842 à 1845, sillonna précisément toute cette région des domaines funéraires de Guizeh, Saqqarah, Abousir ou autres aux fins d'en effectuer un relevé topographique d'importance cardinale pour l'égyptologie.


    Bien évidemment, je ne puis qu'entériner cette connaissance pointue qui est vôtre en la matière. Je préciserai simplement que si nos amis tchèques ont cru bon, là et alors, d'y consacrer un temps certain, c'était parce qu'ils jugèrent urgent d'y effectuer ce qu'ils nomment une "fouille de sauvetage" dans la mesure où la structure même de ces monuments se trouvait grandement - et irrémédiablement - menacée par d'avides pilleurs de sépultures.

    Parmi ces antiques "maisons d'éternité", je relève, sans prétention d'exhaustivité aucune, les mastabas en partie déjà connus de Kaaper, un fonctionnaire de très haut rang, et de Fetekti, un prêtre d'un temple royal, tous deux
 ayant vécu à la Vème dynastie, ; et ceux, nouvellement  mis au jour, de Qar, un vizir de la VIème dynastie et des membres de la famille d'un certain Hetepi, prêtre également, mais à la IVème dynastie ...

 

     Toutes ces fouilles, toutes ces découvertes  - ou redécouvertes, c'est selon -  menées par de jeunes collègues sous la direction attentive de Miroslav Verner s'étageront donc sur les dix dernières années du précédent siècle : à partir de 1990-91 pour ce qui concerne Kaaper, Fetekti et les tombes près de celle de Hetepi ; de 1993 pour Itehy, fonctionnaire du début de la IVème dynastie - ce qui correspondrait donc à la plus ancienne du site -, et de 1995 pour les sépultures des vizirs Qar et Isesiseneb ...

 

     Sans oublier - et là, il nous faudra revenir près de la tombe-puits d'Oudjahorresnet, dans le cimetière saïto-perse - celle également explorée à partir de 1995 d'un autre très important personnage de cette époque : Iufaa.

 

     Voilà donc, très rapidement exposé, ce qui vous attend, amis visiteurs, après les deux semaines des vacances scolaires de Printemps que l'Enseignement belge et ÉgyptoMusée vous offrent.

 

    Lmardi 12 avril prochain, pour être tout à fait précis, ce sera dans la première d'entre elles, celle de Kaaper, que je vous inviterai à descendre en compagnie des égyptologues tchèques.

 

 

    Excellent congé pascal à toutes et à tous. Profitez-en bien  ...

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

 

 

... mais attention aux crises de foie !

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE 

 

 

 

BARTA MiroslavThe Cemetery of Lower-Ranking Officials at Abusir South, Prague, site de l'I.T.E

 

VERNER Miroslav, Abusir - Realm of Osiris, Cairo/New York, The American University in Cairo Press, 2002, p. 43.

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18 mars 2016 5 18 /03 /mars /2016 14:08

 

     Autorisez-moi, amis visiteurs, en ce vendredi 18 mars, d'emprunter, tout en les transformant quelque peu, ces propos bien connus qui célébraient les rapports profondément amicaux entre Michel de Montaigne et Étienne de la Boétie, aux fins de vous réitérer mes remerciements les plus appuyés pour m'avoir, depuis le 18 mars 2008, indéfectiblement honoré d'une aussi belle et grande amitié : à vous qui m'accompagnez depuis huit années maintenant ; à vous qui avez au cours du temps, ici ou sur Facebook, toujours plus nombreux, découvert ÉgyptoMusée, "parce que c'est vous, parce que c'est moi", merci pour cette présence qui me porte, me stimule, m'encourage, me nourrit ...

     Merci pour votre réceptivité à mes coups de coeur, voire à mes coups de gueule. Merci pour l'intérêt que vous manifestez au point de m'adresser vos commentaires, vos questions, au point d'importer certaines de mes interventions sur votre propre page Facebook pour les partager avec le plus grand nombre ... 

 

     Aujourd'hui, c'est mon anniversaire de blogueur, partant, votre anniversaire de lecteur : 8 ans de "vie commune" pour certains, moins pour la majorité des autres mais peu me chaut : c'est à vous tous qu'il me sied d'offrir ces quelques bulles. 

 

     "Parce que c'était vous, parce que c'était moi", l'aventure de mon, de votre ÉgyptoMusée, fut et reste toujours un immense et indispensable pan de ma vie.

 

    Puisse-t-il perdurer de longues et belles années encore ...

 

 

"PARCE QUE C'ÉTAIT VOUS, PARCE QUE C'ÉTAIT MOI ...
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15 mars 2016 2 15 /03 /mars /2016 00:02

 

     Bien que de nombreuses découvertes de natures diverses aient été faites dans le passé à Abousir par différentes missions archéologiques, il y avait lieu d'espérer en faire d'autres sur ce site, car, jusqu'à ces dernières années, de vastes secteurs de la nécropole restaient à explorer, comme celui qui s'étend au sud-ouest du groupe des pyramides d'Abousir.

 

 

 

Miroslav  VERNER

La tombe d'Oudjahorresnet et le cimetière saïto-perse d'Abousir

 

Le Caire, B.I.F.A.O 89, 1989,

pp. 283-90, + planches XXXVI à XXXIX.

 

 

 

 

     En 1989, aux confins sud-ouest de la concession d'Abousir accordée à la Tchécoslovaquie par le gouvernement égyptien pour la remercier d'avoir, au début des années soixante, participé au sauvetage des temples de Nubie, l'égyptologue Miroslav Verner, à la tête des fouilles menées là depuis plusieurs décennies par l'I.T.E., Institut tchécoslovaque d'égyptologie, découvre donc le puits d'accès à une tombe, - vraisemblablement la première à avoir été creusée dans cette partie excentrée du site -, qui se révélera être celle d'un homme hors du commun : médecin général de Haute et Basse-Égypte, Commandant de la Marine royale, Chancelier des rois perses Cambyse et Darius Ier en tant que souverains sur le trône égyptien et porteur de maints autres titres probablement plus honorifiques que réellement effectifs, Oudjahorresnet que, mardi dernier, nous avons, vous et moi, amis visiteurs, quelque peu appris à mieux connaître.

 

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : II. L'INSTITUT ET LES FOUILLES D' ABOUSIR - 5. MIROSLAV VERNER ET OUDJAHORRESNET (Seconde partie)

     Sur le plan ci-dessus extrait de la page 43 de l'ouvrage "Abusir - Realm of Osiris", de M.Verner (voir référence infrapaginale, 2002) et que vous pouvez agrandir en cliquant dessus, l'emplacement de cette tombe porte le numéro 13.  

 

     Mes précédentes interventions à propos des découvertes en Abousir, souvenez-vous, ont permis d'insister sur le fait que cette vaste nécropole fut essentiellement, à tout le moins dans sa partie nord, celle de certains monarques de la Vème dynastie dont la plupart des pyramides ne sont plus actuellement que monceaux de ruines ; ainsi que de hauts fonctionnaires gravitant dans l'entourage royal, aux mastabas parfois impressionnants : c'était évidemment du temps où le pouvoir résidait à Memphis, capitale de l'Ancien Empire. 

 

     J'ai ainsi plus spécifiquement attiré votre attention, le 16 février, sur le mastaba de Ptahshepses (emplacement 5 sur le dessin cartographique ci-dessus), ainsi que, le 23 février dernier, sur la "Pyramide inachevée" de Rêneferef (ou Neferefrê ; emplacement 9). 

 

     Quand, bien après Memphis, Thèbes devint elle aussi capitale d'empire, les nécropoles de Saqqarah, Abousir et de toute cette région furent délaissées au profit de la montagne thébaine, avec ses célèbres vallées des Rois, des Reines et des Nobles celant en leur sein nombre d'hypogées presque toujours richement décorés.

 

     Il fallut attendre ce que les égyptologues appellent la Basse Epoque, et plus spécifiquement les XXVIème et XXVIIème dynasties, à partir d'approximativement 664 avant notre ère, pour que, les vicissitudes de l'Histoire aidant, le site d'Abousir recouvrât une nouvelle aura, grâce à un petit cimetière situé un peu plus au sud-ouest des pyramides royales d'Ancien Empire et caractérisé par des tombes-puits, - ce que la littérature égyptologique anglophone nomme "Shaft Tombs"- , remises à l'honneur en ces temps saïto-perses : ce sont ci-dessus les emplacements numérotés de 13 à 18.

 

     Remises à l'honneur puisque, vous ne l'ignorez probablement pas, c'est déjà tout au fond d'un semblable aménagement souterrain d'une trentaine de mètres sous le niveau du désert qu'entre autres, le premier souverain égyptien à se faire construire une pyramide, Djoser, à la IIIème dynastie, fut inhumé.

 

     Même si, aux yeux de certains savants, de semblables puits furent longtemps compris comme des réponses à des impératifs essentiellement pratiques, - recevoir par exemple les eaux torrentielles qui, parfois, se déversaient dans la Vallée des Rois -, l'on sait actuellement, après les travaux pertinents de l'égyptologue allemand Friedrich Abitz au niveau des inscriptions qu'on y a retrouvées, que ces descenderies ressortissent au domaine des mythes osiriens : dans la tombe de Ramsès II, par exemple, les textes considèrent très clairement le puits comme une métaphore du tombeau d'Osiris, c'est-à-dire l'emplacement où s'opère la transformation de Pharaon en Osiris, partant, comme un lieu de résurrection.

 

     Et le Professeur Abitz d'amplifier son propos en ajoutant que semblable cavité matérialisant l'endroit où le souverain prenait un nouveau départ vers sa vie dans l'Au-delà, pouvait être considérée comme étant "la matrice où, environné d'eau, l'enfant s'apprête à naître".  

 

     Ce fut donc une de ces tombes-puits, au demeurant en fort mauvais état, qui, lors de la mission de fouilles de 1988-89, retint plus particulièrement l'attention de Miroslav Verner et de son équipe.

 

 

Oudjahorresnet---Entree-tombe-puits.jpg

 

 

 

     L'exploration ce tombeau, le plus à l'ouest du cimetière saïto-perse, étant à présent terminée ; les résultats ayant fait l'objet d'une monographie publiée en 1999 par Ladislav Bares, un des égyptologues tchèques travaillant sous la direction du Professeur Verner, ainsi que d'un article qu'il signa en novembre 2005 sur le site de l'I.T.E., 

 

 

Oudjahorresnet---Monographie-de-L.-Bares.jpg

 

 

nous savons que cette galerie centrale de quelque 17 mètres de profondeur pour approximativement 5, 50 m de côté, remplie de sable très fin quand elle fut mise au jour, faisait en réalité partie, comme vous le montre le tout premier cliché monochrome ci-avant, d'une superstructure constituée d'un mur d'enceinte en calcaire blanc, ainsi que l'étaient également les blocs de la chambre funéraire proprement dite : en fait, tout simplement un matériau que les ouvriers avaient trouvé sur place.

 

     Si l'ensemble du complexe funéraire comprenait des puits périphériques, c'est au fond du principal que fut découvert le caveau, dont une des particularités résidait dans la présence de  trois ouvertures de forme conique pratiquées dans le plafond et encore obstruées par des poteries de terre cuite rouge manifestement destinées à retenir le sable fin comblant l'espace immédiatement au-dessus :

 

 

Oudjahorresnet---Plafond-tombe.jpg

 

 

ce détail nous permet de comprendre que, les funérailles d'Oudjahorresnet à peine terminées, il avait suffi de casser un morceau de ces céramiques de manière à permettre au sable entassé d'entièrement combler, en un certain laps de temps, la chambre funéraire elle-même ; et ainsi, en principe enfouis à jamais, les cercueils gigognes de ce haut dignitaire, n'eussent jamais dû être découverts ; ni profanés. 

 

     Sur le sol de la chambre sépulcrale avait été déposé un  imposant sarcophage rectangulaire, en calcaire blanc lui aussi, de 5,10 m de long, 2,90 de large et 3,20 m de hauteur, couvercle d'1,10 m d'épaisseur compris. L'ensemble était de finition relativement sommaire et seule une ligne de hiéroglyphes courait sur tout le pourtour du coffre : grossièrement gravés, ils fournissaient tout à la fois les formules religieuses classiques,  mais surtout, "détail" extrêmement important, les nom et titres du défunt. 

 

     À l'intérieur, M. Verner découvrit donc un second cercueil, anthropomorphe celui-là, et en basalte.

 

 

Oudjahorresnet---Sarcophage-anthropomorphe.jpg

 

 

     Soigneusement lissé, il était recouvert d'inscriptions conformes aux us funéraires du temps : textes religieux, figuration des divinités protectrices, à nouveau le nom et les différents titres d'Oudjahorresnet, ainsi que ceux de ses parents.

 

     L'imbrication de ces deux éléments aux fins de protéger la momie au maximum n'était évidemment pas le fruit du hasard ni du seul état social du défunt puisque vous n'ignorez plus, amis visiteurs, que placé au plus profond d'un tombeau, tout sarcophage symbolisait le Noun, l'océan primordial d'où, aux temps premiers, sortit toute vie, - (voir à ce sujet mon article du 23 mars 2010, ainsi que le judicieux commentaire d'Alain et ma réponse afférente).

     L'introduction dans un sarcophage extérieur d'un cercueil contenant le corps proprement dit figure métaphoriquement l'immersion nécessaire à toute résurrection. 

 

     Mal gré qu'ils en aient, il ne fut pas long à Miroslav Verner et à ses hommes pour remarquer que des pillards s'étaient introduits dans le tombeau d'Oudjahorresnet : en effet, avaient été réparées et reconstruites déjà dans l'Antiquité les dalles massives du plafond d'un corridor horizontal permettant d'accéder à la chambre funéraire par où, vraisemblablement, étaient passés ces premiers voleurs ; mais surtout, il était patent qu'ils s'étaient attaqués aux deux sarcophages de pierre : un trou d'approximativement 40 x 28 cm endommageait en effet la partie inférieure du second d'entre eux, pourtant bien plus dur que le simple calcaire du premier. Espace qui, toutefois, n'était absolument pas suffisant pour permettre d'en retirer la momie !

 

     Bien qu'encore scellée, la bière était désespérément vide ...  

 

     Et là, Miroslav Verner prend conscience de ce que d'autres détails des fouilles viendront par la suite corroborer : la tombe-puits d'Oudjahorresnet pose bien plus de questions que, véritablement, elle n'en résout !

 

     Elle ne contint manifestement jamais de corps. Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Point de trace non plus des traditionnels vases-canopes, - ou de débris suggérant leur présence originelle -, abritant les viscères d'un éventuel défunt. Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Ce tombeau ne serait donc qu'un cénotaphe ? Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Autre singularité : si les parois du caveau présentent des extraits des Textes des Pyramides qui, bien que fort abîmés, viennent néanmoins compléter et accréditer les connaissances des égyptologues à propos de l'utilisation de semblables inscriptions à la Basse Époque, 

 

 

Oudjahorresnet---Hieroglyphes-peints-mur-ouest.jpg

 

 

ces hiéroglyphes sont simplement peints et non gravés en relief comme le voudrait la tradition. Cette décoration pariétale ne  fut donc jamais achevée.

Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Nonobstant que, dans la chambre funéraire, la découverte de fragments de céramique datant des époques romaine, copte et même arabe prouve qu'elle fut, au moins jusqu'au Xème siècle de notre ère, l'objet d'indésirables intrusions, la quantité d'artefacts encore présents mis au jour par la mission tchécoslovaque fut véritablement dérisoire : 5 statuettes funéraires (des oushebtis) de "faïence" verdâtre au nom d'Oudjahorresnet ; deux plaquettes en "faïence", vraisemblablement de petites tables d'offrandes votives supportant de minuscules vases ; enfin quelques fragments de ce que les égyptologues nomment des briques magiques : généralement au nombre de quatre, en fonction des points cardinaux, ces petits blocs en argile crue gravée ou peinte d'une inscription magique et d'une amulette protectrice étaient, selon le chapitre 151 A du Livre pour sortir au jour destinés, parce que placés dans une alcôve creusée dans chaque paroi de la  pièce, à protéger la demeure d'éternité d'un défunt.

 

     Ces quelques rares vestiges constituaient-ils ce qui avait été préservé de l'équipement funéraire d'Oudjahorresnet ou ce viatique avait-il été initialement réduit à son plus strict minimum ? Pour quelle(s) raison(s) ?

 

      En outre, alors que ses fonctions le liaient indubitablement à la ville de Saïs, capitale dynastique sise dans le Delta occidental, Oudjahorresnet se fit inhumer à l'autre extrémité du pays : une tombe-puits, à Abousir et, en outre, complètement isolée des complexes funéraires déjà existants sur le site.

Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Et après lui, nous le verrons bientôt, d'autres hauts fonctionnaires de cette époque plébiscitèrent ce même petit cimetière.

Pour quelle(s) raison(s) ?

 

 

     Que de questions animaient encore l'esprit de Miroslav Verner au moment où il allait bientôt quitter ses fonctions à la tête de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie, mais pas la nécropole sur laquelle, à partir de 1991, il dirigerait officiellement les recherches en tant que Directeur de la Concession pour la Prospection d'Abousir.

 

     Me croirez-vous, amis visiteurs, si je vous confie que mardi prochain, 22 mars, avant que ne débutent les deux semaines de vacances de Printemps accordées à l'Enseignement belge et à ÉgyptoMusée, j'escompte bien l'accompagner pour avoir une idée de ce que le site d'Abousir a réservé à la dernière décennie du précédent siècle comme nouvelles surprises archéologiques ?

 

     Vous serez des nôtres, j'espère ...

 

 

 

 

(Abitz : 1974, passim ; Bares : 1999, passim ; Bresciani : 1995, 102 ; Desroches Noblecourt : 1963, 245 sqq ; Régen : 2010, 23 ; Vandersleyen : 1975, 151-7 ; Verner : 1989, 283-90  + planches XXXVI-XXXIX ; ID. : 2002, 43)

 

 

 

 

Précisions.

Même si en positionnant la flèche de votre souris sur chacune des photos monochromes de ma présente intervention, vous pourrez en lire l'origine, je tiens à signaler avant de nous quitter ce matin qu'elles proviennent de l'article que Miroslav Verner a publié dans le BIFAO 89 (référence supra sur laquelle il vous suffit de cliquer pour être redirigés vers ma bibliographie complète) et que dans un courriel avec lui échangé à l'automne 2010, il m'avait autorisé à reproduire dans mon article d'alors.

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8 mars 2016 2 08 /03 /mars /2016 00:01

     

     C'est dans ce contexte purement égyptien qu'il convient de comprendre l'attitude des classes dominantes égyptiennes face à la conquête perse (puis face à la conquête macédonienne).

     À partir du moment où leurs intérêts et privilèges n'étaient pas remis en cause, elles étaient toute prêtes à reconnaître un conquérant qui acceptait de se laisser pharaoniser. À cet égard les déclarations d'Udjahorresne sont claires. Il salue en Cambyse un pharaon qui vient rétablir l'ordre sur ses bases traditionnelles (bases non seulement idéologiques mais sociales).

(...)

     En d'autres termes, à ses yeux, un pharaon d'origine étrangère mais se conformant au modèle traditionnel était aussi et même plus acceptable qu'un pharaon d'origine égyptienne exerçant son pouvoir en contradiction avec les règles de la "bonne royauté".

     Ce qui veut dire aussi qu'en se ralliant au nouveau maître, les Égyptiens de l'aristocratie n'entendent nullement adhérer aux valeurs et au mode de vie perses.

 

 

 

 

Pierre  BRIANT

Ethno-classe dominante et populations soumises 

dans l'empire achéménide : le cas de l'Égypte

 

dans A. KURTH, H. SANCISI-WEERDENBURG, (éds.)

Method and History

Leiden, Achaemenid History III, 1988

pp. 158-9

 

 

     La campagne de fouilles 1988-1989 bat son plein !

     Aux confins sud-ouest du site d'Abousir, comme il est de tradition de nommer en français l'antique Per Usir des Égyptiens, - traduisons par "Royaume d'Osiris" -, que les Grecs appelèrent Busiris et devenu Abusir en arabe contemporain, l'égyptologue Miroslav Verner ignore encore qu'il va découvrir une nouvelle tombe : celle d'un homme hors du commun.

 

 

 

Oudjahorrresne---Museo-Gregoriano-Vatican---Rome--copie-1.jpg

 

 

     (À nouveau, immense merci à Sébastien Quercy, - Sebi ou Neithsabes -, pour l'autorisation qu'il m'accorda la semaine dernière d'utiliser à ma meilleure convenance certaines des photographies qu'il a déposées sur le Net, dont celles d'Oudjahorresnet dans cet article.)

 

 

 

     Reportons-nous, voulez-vous, au Ier millénaire avant notre ère, au VIème siècle et plus précisément encore en 525.

 

     Cambyse, roi de Perse, de la dynastie des Achéménides, dans le droit fil d'une politique d'expansion au Proche-Orient que son père, Cyrus le Grand, avait préalablement initiée, - conquête des royaumes mède en 550, lydien en 546 et néo-babylonien en 539 -, à l'aide d'une flotte de guerre qu'il venait de se faire construire aux fins de plus aisément contrer les défenses égyptiennes, rallie Memphis, s'empare manu militari du pharaon Psammétique III, souverain originaire de la ville de Saïs, capitale dynastique, dans le Delta occidental, mais aussi de son fils et de quelques hauts dignitaires de la cour : la XXVIème dynastie, dite saïte, laisse ainsi la place à celle qu'après Manéthon de Sebennytos, les égyptologues ont pris coutume d'appeler "perse".

 

     A propos de Cambyse et de Darius, son successeur ; à propos des Perses achéménides un temps à la tête de l'Égypte donc, vous me permettrez, amis visiteurs, dans le cadre de ce quatrième article consacré aux fouilles de Miroslav Verner en Abousir, de ne point trop m'étendre sinon peut-être pour préciser - et ce ne sera nullement la première fois lors de nos rencontres -, qu'il faut envisager avec une certaine circonspection les propos avancés par l'écrivain grec Hérodote, notamment dans le livre III de ses "Histoires". Comme bien d'autres et d'aussi célèbres après lui, - je pense notamment à Diodore de Sicile -, l'historien d'Halicarnasse n'est pas exempt d'une certaine vision propagandiste des événements qu'il relate : il ne vous faut pas perdre de vue que dans ce cas d'espèce, après les Perses, ce furent les Grecs qui  régnèrent sur l'Égypte, et il n'est malheureusement rien de plus humain que de dénigrer un prédécesseur, Cambyse ici en l'occurrence, quand, par des allégations franchement apologétiques, l'on souhaite mieux mettre en valeur les actions de l'un des siens, à savoir : Alexandre le Grand.

 

     Plutôt que grecs donc, ce seraient des documents uniquement égyptiens que je convoquerais si je devais longuement définir cette période de l'histoire du pays au milieu du dernier millénaire avant notre ère. 

 

     Ce pourrait, par exemple, être l'une ou l'autre des stèles datant précisément de cette première domination perse mises au jour par l'égyptologue français Auguste Mariette au XIXème siècle dans le Serapeum de Memphis ; stèles qu'il vous serait loisible de découvrir si d'aventure vous décidiez de vous rendre en la salle 19 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre dans lequel, souvenez-vous, j'ai chaque mardi plus de sept années durant pris tellement de plaisir à vous emmener.

 

 

 

Steles-Serapeum-Memphis---Salle-19.JPG

 

 

 

     En effet, plusieurs d'entre celles rédigées tout à la fois en hiéroglyphes et en démotique proviennent de l'époque des rois achéménides : documentation multi-culturelle d'une richesse inouïe concernant ces temps de "soumission", elles constituent un véritable miroir de la diversité ethnique d'une époque où le pays était dans les faits dirigé par un satrape résidant à Memphis, sous la férule évidemment du souverain perse en personne, auto-proclamé pharaon. Les fonctionnaires de cette Égypte devenue administrativement, avec les autres provinces africaines, sixième satrapie, mais aussi les militaires et bien d'autres personnages occupant des postes décisionnels, représentaient quasiment autant de nationalités différentes qu'existaient de provinces de l'Empire perse : administratifs perses, mèdes, babyloniens, juifs - notamment ceux de la célèbre colonie d'Éléphantine -, araméens, syriens, phéniciens, tous avaient adopté l'araméen comme langue et écriture communes.

 

     Quant aux fonctionnaires égyptiens, eux aussi embrigadés dans cette acculturation forcée, puisque la structure globale du pays était restée semblable à celle des dynasties pharaoniques précédentes, c'est grâce à l'écriture démotique donc qu'ils correspondaient avec leurs collègues. Bref, aussi bizarre que cela puisse actuellement nous paraître, tout ce petit monde de l'intelligentsia saïto-perse sembla fort bien se comprendre malgré la multiplicité des origines linguistiques en présence.

 

     Mais LE document qu'incontestablement je plébisciterais sans hésitation aucune si, de la domination achéménide dans l'ancienne Kemet je voulais aujourd'hui plus particulièrement vous entretenir, serait, vous vous en doutez certainement, celui qui chapeaute cet article.

 

     Je vous accorde que "chapeauter" n'est peut-être pas le verbe idoine quand il s'agit d'une statue ... acéphale ! Mais bon ...

     Je puis en tout cas vous assurer qu'en guise de référence historique, elle comporte un véritable spicilège de renseignements de premier choix.

 

     Enlevé d'Égypte par l'empereur Hadrien au 2ème siècle de notre ère, ce monument naophore, comprenez : qui porte ("phoros" en grec) un naos, c'est-à-dire une epèce de petit tabernacle contenant la figuration d'un dieu, - ici Osiris Hemag qui, après la déesse Neith, fut la deuxième divinité révérée à Saïs -, en basalte vert très foncé de 96 cm de hauteur, décora un temps les jardins de sa villa de Tivoli, l'ancienne Tibur, à quelque trente kilomètres de Rome, avant de se retrouver à présent exposée dans la première salle du Musée grégorien du Vatican, sous le numéro d'inventaire 22690.

 

     Elle figure un personnage hors du commun : le haut dignitaire saïte Oudjahorresnet, bardé de titres divers dont celui de médecin attitré du "Grand Roi" Darius Ier.

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : II. L'INSTITUT ET LES FOUILLES D' ABOUSIR - 4. MIROSLAV VERNER ET OUDJAHORRESNET (Première partie)

 

 

     Sa particularité, vous l'aurez constaté d'emblée, outre bien sûr le fait qu'elle est étêtée, réside dans la profusion des inscriptions hiéroglyphiques dont elle est presque entièrement recouverte.

 

     Il faut savoir, pour la petite histoire, que c'est à l'égyptologue et philologue français Emmanuel de Rougé (1811-1872) que nous devons, en 1851, le premier déchiffrement des textes ici gravés.    

 

     Un autre égyptologue français, Georges Posener (1906-1988) publiera, en 1936, LA traduction que semblable document méritait, qu'il accompagna de commentaires philologiques et historiques faisant de cet ouvrage, toujours à l'heure actuelle, une référence incontournable sur le sujet.

 

 

     Ceci posé, il m'importe d'insister sur le fait que bien que se présentant sous un aspect éminemment flatteur - "J'ai été un (homme) honoré de tous ses maîtres" ou "J'ai défendu le faible contre le puissant", peut-on lire à différents endroits du corps, car c'était l'usage et la destination obvies de ce type de monument voué à offrir à son propriétaire une certaine aura sociale, et donc constituant plus l'expression d'un poncif littéraire qu'une stricte réalité de terrain -, Oudjahorresnet nous fournit incontestablement des renseignements de première main quant à la perception historique à avoir de la première domination perse en Égypte.

 

     De première main ? Sans conteste, oui. Et c'est bien là ce qui, dans le chef de certains historiens, pose problème. Des termes équivoques, et à mon sens inappropriés, lui furent attribués par d'aucuns : je pense notamment à "traître" ou à ce plus insidieux encore "collaborateur", pour ne pas écrire "collabo", cette apocope si grosse de la connotation négative que nous lui connaissons depuis la Deuxième Guerre mondiale.

 

     Certes, déjà plus que très bien introduit en cour à l'époque du pharaon Psammétique III, ce haut dignitaire de l'Administration de l'État, n'eut apparemment aucun mal à accueillir le conquérant étranger, l'Achéménide Cambyse, en tant que nouveau pharaon qu'il servit de son mieux.

 

     Qu'Oujahorresnet servit de son mieux dans la mesure où humainement et économiquement parlant, il ne tenait pas à se départir des prérogatives privilégiées qui furent siennes sous l'ancien régime.

     Qu'Oudjahorresnet servit de son mieux dans la mesure où ses relations avec le nouveau pouvoir en place lui permettaient, si pas de traiter de pair à compagnon avec le roi, d'à tout le moins d'user d'influence pour le bien de sa ville : je pense notamment au fait que Cambyse, comme tout pharaon qui se respecte, n'hésita pas à honorer la déesse locale et à lui faire régulièrement offrandes.

 

      Je fis en sorte que Sa Majesté connût la grandeur de Saïs : c'est la résidence de la grande Neith, la mère qui a donné naissance à Rê, peut-on lire sur un des côtés de sa statue.

 

     Je pense aussi au fait qu'il obtint que fût dégagé des domaines de Neith, le téménos, l'aire sacrée sur  laquelle, d'autorité, dans un premier temps, les soldats perses avaient établi leurs baraquements.

 

     Je me suis plaint auprès de la Majesté du roi de Haute et Basse-Égypte Cambyse au sujet de tous les étrangers qui s'étaient installés dans le temple de Neith, pour qu'ils soient chassés de là, afin que le temple de Neith soit dans toute sa splendeur comme il en était auparavant, poursuit le texte, sous le bras gauche.

 

     (Il faut en effet savoir, qu'à l'opposé des églises chrétiennes, le temple égyptien qui constituait également la demeure de la divinité, n'admettait que très peu de personnes en son sein : hormis la population à l'occasion de quelques manifestations religieuses, et encore n'excédant pas les limites d'une certaine aire géographique autorisée, mais aussi un personnel civil engagé pour l'entretien quotidien, aucune personne étrangère à la classe sacerdotale n'était autorisée à entrer dans l'espace sacré, comprenez : à le profaner. 

     Seuls donc, Pharaon et les desservants du culte, pour autant qu'ils se fussent préalablement purifiés, pouvaient y pénétrer.)   

 

     Qu'Oudjahorresnet servit de son mieux au point d'être invité par le roi à lui libeller un protocole officiel : souvenez-vous, il s'agit de la titulature complète avec ses cinq noms attribuée à celui qui occupe le trône d'Horus pour gouverner l'Égypte : ce qui témoigne de la confiance que le roi perse lui  prodiguait. Et qui nous indique, a contrario, et quoi qu'en écrivît Hérodote, que Cambyse - mais il en fut de même de Darius Ier, son successeur et d'autres à la tête de cette satrapie -, malgré certaines exactions à mettre à son actif, s'ingéniât avec une habileté consommée à se fondre dans les traditions ancestrales égyptiennes ; à épouser l'idéologie religieuse du pays qu'il venait de soumettre ; à, d'une certaine manière, faire en sorte que l'ensemble des dignitaires et des hauts fonctionnaires auliques pour lesquels incontestablement Oudjahorresnet était un parangon, ne se sentent pas outre mesure considérés comme de serviles administratifs soumis.

 

     Oudjahorresnet un "collabo" ??  Faut-il vraiment ne pas avoir compris ce que ce dignitaire égyptien fit graver sur sa statue pour encore entériner semblable contresens !

 

 

 

     Nous sommes en pleine campagne de fouilles 1988-1989, je l'ai souligné à l'entame de notre rendez-vous, aux confins sud-ouest du site d'Abousir.

     Miroslav Verner s'apprête à  découvrir une nouvelle tombe : celle d'Oudjahorresnet, cet homme hors du commun, aux multiples et prestigieuses fontions dans l'entourage royal égyptien puis perse que nous venons d'apprendre à mieux connaître.

 

     Et,  insigne honneur, l'égyptologue tchécoslovaque nous invite mardi prochain 15 mars à le rejoindre sur son chantier de fouilles ...

 

    Vous m'y accompagnerez, j'espère ?

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE 

 

 

(Bresciani : 1995, 97-108 ; Briant : 1988, 2-6 ; ID. : 1998, 137-73 ; Grimal : 1988, 443 ; Hérodote : 1964, 218-86 ; Legrain : 1906, 54 ; Posener : 1936, passim ; Serrano Delgado : 2004, 31-52 ; Thiers : 1995, 493-516

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1 mars 2016 2 01 /03 /mars /2016 00:02

 

     Baigné dans une sorte de mystique nationale, l'Égyptien demeura pendant des millénaires sensible aux manifestations susceptibles de lui paraître ressortissant du surnaturel, donc à l'inexplicable. Aussi le moyen de se prémunir par la magie contre l'impalpable, l'inattendu, le déséquilibre, paraît avoir été son souci permanent.  

(...)

     En imitant la nature, l'homme a inventé la magie, c'est-à-dire : l'art d'accomplir ce qui n'a pas lieu dans le cours des événements naturels. Les premiers vecteurs de cette magie opératoire utilisés de façon permanente furent les images, d'où, par la suite, l'influence fondamentale des pratiques magiques sur l'élaboration des créations picturales et plastiques.

     En fait, ces dernières n'exprimèrent vraiment jamais l'art pour l'art, mais constituèrent impérativement des supports magiques pour assurer, par sympathie, dans les temples, les tombeaux et les demeures, la perpétuité du culte et de l'offrande, la sécurité du pays, l'harmonieux déroulement d'un cycle, le rempart contre le danger ou l'anéantissement.

(...) 

     Certains furent alors tentés d'utiliser de telles armes pour acquérir ce qu'ils n'avaient pu posséder, - se concilier un amour repoussé, par exemple -, ou encore nuire à la personne enviée, voire abhorrée, et même la supprimer, fût-elle royale.

 

 

 

 

Christiane  DESROCHES NOBLECOURT

Présentation

 

dans Yvan  KOENIG

Magie et magiciens dans l'Égypte ancienne

Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 1994

pp. 10-1

 

 

 

     La semaine dernière, souvenez-vous amis visiteurs, c'est à la suite de l'égyptologue Miroslav Verner que nous pénétrâmes, vous et moi, dans la "maison d'éternité" de Rêneferef, souverain de la Vème dynastie, à l'Ancien Empire, en définitive relativement peu connu avant que les missions tchécoslovaques de fouilles qui se sont succédé dans la nécropole d'Abousir lors de la seconde moitié du XXème siècle mettent au jour sa trace archéologique.

 

    Conscient des différentes lectures possibles de son nom retenues par les égyptologues - Râneferef ou Neferefrâ ?, Rêneferef ou Neferefrê ? Rênefer ? -, et sans entrer dans de pointues considérations sémantiques qui alourdiraient mon présent propos, j'indique simplement que j'ai évidemment opté pour celle proposée par Miroslav Verner, - Rêneferef, donc -, puisque c'est finalement à son travail que dans mes articles actuels je rends hommage. 

 

      Suivons-le derechef sur ce site que, par ses fouilles, il rendit à la science égyptologique et qu'il est maintenant convenu d'appeler la "Pyramide Inachevée" dans la mesure où le règne de Rêneferef ne durant vraisemblablement pas plus de deux ou trois ans, la construction initialement prévue pour être sa prestigieuse sépulture fut, le temps pressant, très habilement réduite à un simple mastaba.

(Vue des ruines du temple funéraire et de la "pyramide inachevée" de Rêneferef)

(Vue des ruines du temple funéraire et de la "pyramide inachevée" de Rêneferef)

     (Merci à Sébastien Quercy - Sébi ou Neithsabes - de m'avoir amicalement autorisé à exporter une nouvelle fois ici une de ses photos d'Abousir.)

 

 

     Le 26 janvier 2010, dans une intervention consacrée à la philosophie de la nature du pouvoir pharaonique et de sa pratique, j'avais eu l'occasion d'attirer votre attention sur les puissances malfaisantes, hostiles, qu'aux yeux des Égyptiens représentaient, entre autres, les pays étrangers. Ce qui autorisa certains monarques à investir ces États de manière à préventivement protéger leur territoire du "chaos" toujours menaçant et susceptible de grandement en perturber l'ordre que Maât symbolisait et que chaque souverain se devait de soutenir.


     Toutefois, d'autres pratiques que le conflit armé, magico-religieuses celles-là, furent également employées : elles consistaient à détruire rituellement les ennemis soit en immolant des animaux précisément censés les incarner, puisque préalablement marqués d'un sceau les figurant en tant que captifs, ce qui permettait d'allègrement contourner le "tabou du sang versé" ; soit en gravant, peignant ou fabriquant en ronde-bosse des prisonniers, les mains liées derrière le dos, véritables métaphores de ces forces du mal momentanément capturées et donc vaincues que, sous forme de statuettes, l'on pouvait pour la circonstance partiellement briser, brûler ou tout simplement enfouir dans le sol ; soit aussi en écrivant, en hiératique le plus souvent, des textes dits d'exécration ou de proscription, sur différents supports : des vases, par exemple, comme certains à Berlin ou, plus souvent encore, sur le corps même des statuettes en question.

 


     Nombreux furent aussi, sur les monuments égyptiens dès les premières dynasties déjà, les bas-reliefs proposant ce type de scène avec captifs aux fins d'exorciser semblable menace extérieure mais aussi, très probablement, de mettre en évidence la sujétion au roi tout puissant, réelle ou souhaitée, des pays frontaliers.

    
 Ce thème de l'anéantissement des ennemis ou, à tout le moins, de leur empêchement de nuire, les égyptologues le rencontrèrent donc par le biais de statues et statuettes déclinées sous tous formats et tous matériaux. Ainsi, à la IIIème dynastie, dès l'entrée de l'enceinte du  domaine funéraire de Djoser, à Saqqarah, des groupes d'hommes ainsi ligotés, en shiste et en granite, matérialisaient dans la pierre la suprématie royale sur les peuples avoisinants : il semblerait d'ailleurs que ce soient là, chez Djoser précisément, les plus anciennes statues 
actuellement mises au jour évoquant ce sujet .

 

     Certaines représentations destinées à ces rites d'envoûtement, rappelant qu'ennemis, fauteurs de troubles, voire criminels, furent dès le début de l'histoire égyptienne, associés au dangereux serpent cosmique Apopis (ou Apophis, selon certains égyptologues), précisent en plus du nom des individus concernés, celui du dangereux ophidien en personne : ainsi tout être susceptible d'engendrer le désordre lui était-il assimilé. On n'est jamais suffisamment protégé !  

   
     De la Vème dynastie, on connaît, datant de l'époque de Niouserrê, de grandes représentations d'ennemis ainsi entravés. Il en est de même, à la dynastie suivante, sous les règnes de Pépi Ier et de Pépi II : furent en effet exhumés 8 têtes et de 
nombreux débris de calcaire permettant de partiellement reconstituer une quinzaine de corps.



Prisonnier-agenouille--face----MMA.jpg 

 

 

Prisonnier-agenouille--dos----MMA.jpg 

 

 

 

 

     (Exposées au Metropolitan Museum of Art de New York, ces statues de près de 90 cm de hauteur ont été arbitrairement reconstituées à partir des fragments enfouis : rien ne prouve en réalité que ces têtes-là appartiennent bien à ces corps-là.

 

 

 

 

 

 

     (Clichés extraits de la page 364 de mon catalogue de l'exposition consacrée à L'Art égyptien au temps des pyramides, que j'avais visitée en 1999, au Grand Palais, à Paris.)


     Tous ces hommes affichaient la même position : agenouillés et assis sur leurs talons, les orteils s'appuyant sur le socle de la statue (sur le sol, donc, suivant une des conventions de l'art égyptien), arborant une musculature que la pierre rendait remarquablement, ils se tenaient ainsi le buste droit, légèrement projeté vers l'avant, poings rageusement serrés le long du corps, apparemment fiers malgré leur état de vaincus que prouvaient les bras ligotés dans le dos, "prêts à recevoir le coup mortel de la massue royale", comme l'écrivit, avec une légère pointe d'emphase l'égyptologue belge Jean Capart dans l'avant-propos qu'il rédigea pour "Princes et pays d'Asie et de Nubie", ouvrage de son collègue français Georges Posener, incontestable spécialiste de l'étude des rites d'envoûtement. (Bruxelles, F.E.R.E., 1940, p.5) 

 

     Nonobstant ces grands exemples lithiques, c'est plus spécifiquement sur des figurines, neuf en tout, - comme les "Neuf Arcs" symbolisant les ennemis traditionnels de l'Égypte, étrangers qui lui sont hostiles -, que je voudrais aujourd'hui porter l'éclairage.

 

     D'environ 15 à 30 centimètres de haut, en bois, - matériau par définition putrescible, donc rarement choisi par les artistes pour ce type d'artefact -, Miroslav Verner, donc, les découvrit brisées, pour la plupart d'entre elles, sur le sol de la salle aux vingt colonnes lotiformes en bois du temple funéraire de Rêneferef, lors de sa campagne de fouilles de 1984. 

     M'est-il besoin de préciser qu'elles constituèrent indubitablement un nouvel apport d'importance à une connaissance plus aiguë des rites égyptiens de l'Ancien Empire en matière de pratiques d'envoûtement ?

 

 

Abousir---Statuettes-de-prisonniers.jpg

 

(Photo de trois de ces statuettes réalisée d'après la planche 8, p. 152, de la Revue d'Égyptologie n° 36. Voir ma référence infrapaginale : 1985 3 ) 

 

     Dans cet ensemble de neuf personnages ainsi entravés, l'égyptologue tchécoslovaque reconnut sans peine des Asiatiques, des Noirs et un Libyen. Il vous faut en effet savoir, amis visiteurs, que si, traditionnellement, la littérature égyptologique, par facilité, emploie la dénomination de Peuples du Sud et Peuples du Nord, pour caractériser ces prisonniers, les Égyptiens avaient quant à eux, dès l'origine, réparti leurs ennemis étrangers en trois groupes distincts : les Nubiens au sud, les Asiatiques au nord-est et les Libyens à l'ouest.


     Le fait que, dans pratiquement tous les cas, et quelle que fût l'époque, statues ou statuettes furent exhumées brisées a fortement intrigué les archéologues et, conséquemment, donné naissance à bien des controverses : pour certains, la mutilation était intentionnelle et procédait d'un autre rite magico-religieux perpétré par des prêtres qui, dans les temples, voulaient ainsi commémorer la victoire de la Maât sur celle d'Isefet, la victoire du Bien sur celle du Mal ; pour d'autres, ces outrages résultaient, à des époques plus tardives, de la volonté d'exorciser la peur que ces pièces suscitaient encore ; d'aucuns, enfin, avancent l'argument du simple accident, voire de dégradations dues au temps, excipant de l'indubitable constatation que beaucoup de "trésors" de l'art égyptien sont arrivés jusqu'à nous en parfois bien piètre état.

     Ceci posé, toutes ces représentations de prisonniers agenouillés et ligotés font partie d'un corpus dans lequel se côtoient tout aussi bien des exemplaires anépigraphes que d'autres portant des textes de proscription à connotation magique avérée, comprenant souvent l'énumération  nominale des souverains étrangers, celle des différentes contrées qu'ils gouvernaient et les projets malveillants qu'ils fomentaient contre l'Égypte ; sans oublier évidemment des allusions directes au serpent Apopis que j'évoquais tout à l'heure.

 

    Un dernier point que je me dois de vous signaler dans le vain espoir d'éventuellement tutoyer l'exhaustivité, c'est que, historiquement parlant, ces listes onomastiques de princes asiatiques, nubiens ou libyens, indirectement, renseignent sur l'histoire officielle de tous ces pays ou régions cités.

   

     À l'intention de ceux d'entre vous que le sujet intéresserait, j'ajouterai qu'en vous rendant en la salle 
18 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre entièrement dévolue aux dieux et à la magie, vous rencontrerez, dans la deuxième des grandes vitrines centrales, quelques-unes de ces figurines dites d'exécration (E 16492 à E 16501) et d'envoûtement (E 27204 - E 27209 et E 27691).

 

     Enfin, pour une approche tout autre d'un de ces rites car frappée au coin d'un humour particulier et empreinte d'intéressants questionnements, permettez-moi de vous conseiller la lecture de cet article d'un excellent blogueur récemment découvert :

 

http://www.louvreravioli.fr/2016/02/26/magie-rose/

   
     En 1991, après avoir dix-sept années consécutivement assumé la direction de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie, le Professeur Verner quitta son poste pour devenir Directeur des fouilles d'Abousir.

     Toutefois, une ultime découverte lors de sa dernière campagne retiendra encore notre attention. Raison pour laquelle je n'hésite pas à vous proposer - si l'aventure archéologique en ma compagnie vous agrée -, de nouvelles rencontres les semaines à venir, toujours sur le même site de cette nécropole que vous et moi commençons à présent à mieux connaître, légèrement plus au sud mais sans déjà nous rendre à l'extrémité de cette concession accordée voici un demi-siècle par le gouvernement égyptien à la Tchécoslovaquie d'alors.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

(Arnold : 1999, 65 ; Koenig : 1994, 29 ; ID. : 2001, 300-1 ; Lauer/Leclant : 1969, 55-62 ; Malek/Baines : 1981, 140-1 et 152-3 ; Onderka & alii : 2008, passim ; Posener : 1940, 5 ; et id. : 1987, 1-6 ; Verner : 1978, 155-9 ; ID. : 1985 (1), 267-80 ; ID. : 1985 (2), 281-4 ; ID. : 1985 (3), 145-52)

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23 février 2016 2 23 /02 /février /2016 00:01

 

     ... J'avoue pourtant qu'au premier aspect des Pyramides, je n'ai senti que de l'admiration. Je sais que la philosophie peut gémir ou sourire en songeant que le plus grand monument sorti de la main des hommes est un tombeau ; mais pourquoi ne voir dans la pyramide de Chéops qu'un amas de pierres et un squelette ? Ce n'est point par le sentiment de son néant que l'homme a élevé un tel sépulcre, c'est par l'instinct de son immortalité : ce sépulcre n'est point la borne qui annonce la fin d'une carrière d'un jour, c'est la borne qui marque l'entrée d'une vie sans terme ; c'est une espèce de porte éternelle bâtie sur les confins de l'éternité.

(...)

    On voudrait aujourd'hui que tous les monuments eussent une utilité physique, et l'on ne songe pas qu'il y a pour les peuples une utilité morale d'un ordre fort supérieur, vers laquelle tendaient les législations de l'antiquité.

     La vue d'un tombeau n'apprend-elle donc rien ? Si elle renseigne quelque chose, pourquoi se plaindre qu'un roi ait voulu rendre la leçon perpétuelle ?

 

 

 

François-René de CHATEAUBRIAND

Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris

 

Sixième partie : Voyage d' Égypte

(Extrait)

 

Gallica - Document électronique

 

     Ah ! Chateaubriand ! Le belle langue que voilà ! Il serait plus que souhaitable de lire ou relire ce grand littérateur.

Pour moult raisons.

Celle-ci, en particulier : aux fins de mettre à mal cette "manie" qui me hérisse à chaque fois - et elles sont nombreuses ! -, que j'entends sur les chaînes de télévision françaises où elle fait florès, - même chez François Busnel à La Grande Librairie, le jeudi soir -, maint intervenant oublier que le substantif "espèce" est du genre féminin ! Partant, qu'il n'a nulle raison, à l'instar d'un adjectif, de s'accorder avec le nom qui l'accompagne en guise de complément !

     En ces temps de réapparition de vieilles réformes émergeant d'un quart de siècle d'endormissement, quel masssacre pour notre belle langue commune qui n'a mérité "ni cet excès d'honneur ni cette indignité", que d'entendre, parmi d'autres exemples : "J'ai fait un espèce de rêve ...", atroce accord si régulièrement infligé à ce pauvre terme qui n'en peut vraiment mais !!

 

     Pardonnez-moi cette espèce de coup de sang, amis visiteurs, un parmi tant d'autres, - j'aurai probablement l'opportunité d'y revenir -, et reprenons nos déambulations au sein de l'égyptologie tchécoslovaque qui nous y invite depuis quelques semaines aux côtés de Miroslav VERNER.

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : II. L'INSTITUT ET LES FOUILLES D' ABOUSIR - 2. MIROSLAV VERNER ET RÊNEFEREF (Première Partie)

     Il est parfois malaisé quand, sur un chantier de fouilles, s'enchaînent, des années durant, tant d'importantes découvertes, de déterminer celle qui restera la plus cardinale au regard de l'Histoire, concluais-je la semaine dernière, avant de prendre congé de vous.

     En définitive, est-il bien nécessaire de poser semblable jugement hiérarchique ?


     J'avais aussi, souvenez-vous, évoqué lors de ce rendez-vous hebdomadaire, le début des recherches menées à Abousir, à une petite trentaine de kilomètres au sud-ouest du Caire actuel,

 
 
Abousir-3.jpg
 


site archéologique d'importance qu'avait reçu cette république d'Europe centrale en guise de remerciement pour avoir, dans les années soixante, activement apporté son concours à la grande épopée du sauvetage des monuments de Nubie menacés de disparaître sous les eaux du deuxième barrage d'Assouan.

     J'avais épinglé, parmi d'autres trouvailles, celle de l'imposant mastaba de Ptahshepses, beau-fils de Niouserrê, un des souverains de la Vème dynastie, ainsi que celle des archives exhumées au niveau du complexe funéraire du roi Rêneferef ; documentation administrative aussi importante que celle de Neferirkarê-Kakaï, un autre monarque de la même époque, qui avait été mise au jour à l'aube du XXème siècle par la
 Deutsche Orient-Gesellschaft, sous la direction de Ludwig Borchardt, et étudiée bien plus tard par l'égyptologue française Madame Paule Posener-Kriéger.

     En 1974 et jusqu'à 1991, Miroslav Verner prit
 donc 
la direction de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie - qui deviendra "tchèque" à partir de 1993 ! -, et, par la même occasion, celle des missions archéologiques annuelles à Abousir.

 

     Si d'inestimables découvertes se succèdent à un rythme soutenu, - je pense notamment aux pyramides de Néferirkarê-Kakaï et de son épouse la reine Khentkaous II grâce à l'utilisation nouvelle pour l'époque d'une technologie de pointe basée sur des méthodes géophysiques ;

 
 
Pyramides_Neferirkare_Khentkaous_II.jpg
 
 

mais aussi à des mastabas de nobles, dont celui de Khékéretnebty, fille du roi Djedkarê-Isési ainsi que de hauts fonctionnaires palatiaux tels le scribe Idu et son épouse Khenitet -, c'est plus précisément vers le complexe funéraire de Rêneferef, ce souverain au départ fort peu connu, que j'aimerais aujourd'hui vous emmener de manière à mettre en exergue l'apport capital des travaux qu'entreprit Miroslav Verner dans ce domaine qu'il est maintenant convenu d'appeler dans le milieu égyptologique, la "Pyramide Inachevée" : en effet, le règne de Rêneferef ne durant vraisemblablement pas plus de deux ans, la construction entamée fut très vite muée en mastaba pur et simple, comme l'attestent ci-dessous et la photographie de Kamil Vodera et la reconstitution virtuelle qui a été réalisée de cet ensemble, sur la photo que, comme la précédente d'ailleurs, j'ai exportée du site d'un certain Sebi (Neithsabes).

 
 

Vestiges complexe funéraire de Neferefrê
Restitution-complexe-funeraire-Reneferef-copie-1.jpg
 
 


     Alors que, lors des fouilles de Borchardt auxquelles je faisais ci-avant allusion, pratiquement aucun vestige de la ronde-bosse royale n'avait été exhumé dans les différents domaines funéraires des souverains de la Vème dynastie à Abousir, la mission tchécoslovaque mit au jour en  octobre et novembre 1984, précisément sur ce site de la "Pyramide Inachevée" de Rêneferef, exactement dans la partie sud-ouest de son "temple de millions d'années", une douzaine de fragments, en pierre et en bois, de statues dont six, fait exceptionnel, représentaient le monarque en personne.

 


Reneferef---Statue.jpg
        


     L'intéressant des recherches entreprises dans cette section du temple réside aussi dans l'exhumation d'une grande salle à colonnes en bois, jadis vingt, se terminant par une botte de lotus à 6 tiges : dans la mesure où ce furent dans des pièces qui lui étaient contiguës qu'il retrouva les débris des statues, Verner pensa qu'il était plus que vraisemblable que cette salle constituât l'espace privilégié dans lequel s'effectuèrent rites et cérémonies religieuses afférents au temple.

     En outre, c'est également de cette aire que provenaient quelques statuettes à destination bien particulière ...

 

     Que je vous invite à découvrir le mardi 1er mars prochain. 


 
 
 
 

BIBLIOGRAPHIE

 

Arnold : 1999, 65 ; Koenig : 1994, 29 et 2001, 300-1 ; Lauer/Leclant : 1969, 55-62 ; Malek/Baines : 1981, 140-1 et 152-3 ; Onderka & alii : 2008, passim ; Posener : 1940, 5 ; et id. : 1987, 1-6 ; Verner : 1978, 155-9 ; 1985 (1), 267-80 ; 1985 (2), 281-4 et 1985 (3), 145-52)

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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 00:03

 

   

  ... J'aimais mieux porter ma vue au dehors et admirer, du haut du château, le vaste tableau que présentaient au loin le Nil, les campagnes, le désert et les Pyramides. Nous avions l'air de toucher à ces dernières, quoique nous en fussions éloignés de quatre lieues. À l'oeil nu, je voyais parfaitement les assises des pierres et la tête du sphinx qui sortait du sable ; avec une lunette je comptais les gradins des angles de la grande Pyramide et je distinguais les yeux, la bouche et les oreilles du sphinx, tant ces masses sont prodigieuses.

 

 

François-René de CHATEAUBRIAND

Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris

 

Sixième partie : Voyage d' Égypte

 

Gallica - Document électronique

  

  

     Plus personne parmi vous n'ignore, je présume, amis visiteurs,  qu'à l'Ancien Empire, dès la  IVème dynastie, les premiers souverains égyptiens à se faire ériger une pyramide en guise de "maison d'éternité" choisirent le plateau de Guizeh, en Basse-Égypte, devenu avec le temps passage obligé pour des millions de touristes qui visitèrent le pays. À quelques kilomètres plus au sud : Saqqarah, indépendamment de la  première pyramide à degrés de Djoser, à la IIIème dynastie, l'ancêtre avéré de toutes les autres, n'en compte pas moins d'une quinzaine, notamment pour les derniers souverains de la Vème dynastie, Isési et Ounas, ainsi que ceux de la VIème, Téti, Pépi Ier, Mérenrê et Pépi II.

 

     Dois-je une fois encore rappeler que c'est précisément  à Ounas que l'on doit la présence, pour la toute première fois, de textes destinés à permettre d'obtenir l'éternité - communément appelés Textes des Pyramides -, sur les parois des appartements funéraires royaux ? Et d'insister sur le fait que tous ces immenses tombeaux qui ont précédé celui d'Ounas étaient  donc absolument anépigraphes ...

    

    Ce que d'aucuns savent peut-être un peu moins, c'est que, les trois plus célèbres mises à part, celles de Chéops, de Chéphren et de Mykérinos, des dizaines et des dizaines d'autres virent le jour, plus au sud encore pour la majorité d'entre elles et ce, jusqu'à la XIIème dynastie du Moyen Empire : pendant un bon millénaire donc, rois et souvent épouses, recoururent à ce mode d'ensevelissement avant de préférer, au Nouvel Empire, les profondeurs de la montagne thébaine - dont la forme, par parenthèses, avait bizarrement un aspect plus ou moins pyramidal -, pour y faire aménager des hypogées, plus discrets, partant, moins susceptibles d'être pillés, donc leur permettant de définitivement reposer en paix ; à tout le moins, l'espéraient-ils.  

 

     Certains d'entre vous me citeront probablement aussi, avec raison, les pyramides de Dachour, de Licht, ou de Meidoum ... même si, pour la plupart, ne subsiste plus comme probants vestiges qu'un amoncellement de débris.

 

     Pour ma part, et comme vous vous y attendez si vous m'avez accompagné jusqu'avant le congé de Carnaval, j'apporterai une autre pierre à cet édifice - qui n'a rien, quant à lui, de pyramidal ! -, en citant le site d'Abousir, entre Guizeh, au nord et Saqqarah, au sud où l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie reçut, en remerciement de sa participation au sauvetage des temples de Nubie, au début des années soixante, une vaste et importante concession de fouilles. 

 

Abousir-5-copie-2.jpg

 

 

      Abousir ? Oui, vous en avez récemment entendu parler : c'est là qu'une équipe d'archéologues de l'Institut Tchèque d'Égyptologie dirigée par Miroslav Barta, - dont je vous entretiendrai dans les semaines à venir -,  a mis au jour, proche d'un mastaba, les vestiges d'un bateau de 18 mèttres de long vieux de quatre millénaires et demi.

 

(https://www.rtbf.be/info/monde/detail_egypte-les-restes-d-un-bateau-de-4-500-ans-decouverts-pres-de-pyramides?id=9202000)

 

     Mais pour l'heure, revenons voulez-vous, à l'époque précédant la direction de Miroslav Barta sur les fouilles du site d'Abousir ...

 
 

    Ouserkaf mis à part, cinq de ses huit successeurs à la tête de la Vème dynastie : Sahourê, Néferirkarê-Kakaï, Rêneferef, Shepseskarê et Niouserrê choisirent Abousir comme lieu d'inhumation, permettant par la même occasion à certains de leurs hauts fonctionnaires d'y prévoir leur propre mastaba.

 

     L'on suppose que la préférence, par ces souverains, d'un endroit situé à une petite trentaine de kilomètres au sud-ouest de Memphis, serait consécutive au fait qu'Ouserkaf, leur ancêtre direct qui, bien que faisant ériger son propre tombeau à Saqqarah, proche de celui de Djoser, choisit Abousir pour y édifier son temple solaire. Ce qui eut pour conséquence de déplacer le centre de gravité du royaume vers cette partie septentrionale de la capitale d'alors, en la transformant en nécropole à l'usage de certains dynastes de la fin de l'Ancien Empire.

 

     Certes, l'endroit n'attendit pas les égyptologues tchécoslovaques pour être fouillé et étudié : ainsi, des clandestins à l'extrême fin du XIXème siècle déjà, puis le grand égyptologue allemand Ludwig Borchardt à la tête de la Deutsche Orient-Gesellschaft, en 1907, mirent au jour, dans le temple funéraire du pharaon Neferirkarê-Kakaï, un important corpus de papyri dont certains fragments ont entre autres abouti au Musée du Louvre, et qu'étudia et publia en 1976 Madame Paule Posener-Kriéger ; publication que, jeune égyptologue, elle dédia notamment à la mémoire de Jaroslav Cerny que j'ai pour vous récemment évoqué



Ouvrage-Posener.jpg


 

 

     Comme j'avais déjà eu l'opportunité de l'expliquer en septembre 2009, cette collection de rouleaux d'archives concernait la vie quotidienne du temple, d'où son immense importance : des tableaux de service définissant les tâches à accomplir par les différents membres de son personnel côtoyaient des inventaires de biens ; des comptes afférents aux offrandes alimentaires destinées à nourrir la statue du dieu s'accompagnaient de l'énoncé des noms de ceux qui les avaient acheminées ; des listes de pièces livrées étaient assorties de notices décrivant leur état, etc.

     Toute cette comptabilité qui fut ainsi tenue deux cents ans durant par une pléiade de scribes méticuleux représentait incontestablement à l'époque de son étude par Paule Posener le lot de documents archivés le plus imposant, le plus détaillé, partant, le plus intéressant jamais retrouvé pour l'Ancien Empire.

     Mais un égyptologue tchécoslovaque vint qui, dès 1980, eut l'heur de mettre au jour les vestiges d'un autre temple funéraire, en briques crues, et donc considérablement ruiné : celui de  Rêneferef, le fils aîné de Néferirkarê-Kakaï,



Vestiges-complexe-funeraire-de-Rêneferef.jpg

 


des magasins duquel il exhuma, en 1982, des empreintes de sceaux en terre crue, des fragments de plaquettes de faïence, ainsi que des papyri, ensemble bien plus riche encore dans la mesure où il nous permet à présent, non seulement d'affiner nos connaissances de la gestion des domaines royaux à la Vème dynastie, mais surtout, grâce aux autres découvertes réalisées jusqu'en 1986, de mieux appréhender le règne de ce pharaon en définitive peu connu.

     Miroslav Verner - car c'est bien de lui qu'il s'agit : j'avais en effet mentionné, le mardi 2 février dernier, rappelez-vous amis visiteurs, son accession à la direction de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie, après le décès de Zbynek Zaba -, fouillait régulièrement à Abousir, tant au nord qu'au sud du site.

 

 
Verner-Miroslav.jpg
 
 

     Avant lui, dès le début des années soixante, les missions tchécoslovaques qui s'y étaient succédé avaient déjà contribué à l'exploration du plus imposant complexe funéraire privé de l'Ancien Empire (56 x 42 mètres), le mastaba de Ptahshepses, l'époux d'une fille du roi Niouserrê,



Abousir Mastaba Ptahshepses


ainsi qu'à son anastylose.

 

Ptahshepses---Entree-du-mastaba.jpg

 


     Il appert que les agrandissements successifs que Ptahshepses imprima dans son tombeau soient le reflet de son prestigieux parcours social : cumulant tout à la fois les fonctions de vizir, de grand prêtre de Memphis et d'Inspecteur général des travaux du roi, il s'était initialement prévu un mastaba qui ne devait se composer que des traditionnelles salles inhérentes à son inhumation et à son culte funéraire ; c'est à tout le moins ce que les différentes saisons de fouilles des archéologues tchécoslovaques révélèrent.

     Or, après la construction initiale, le haut fonctionnaire palatial commanda deux agrandissements qui, étude faite, n'eurent d'autre fonction que celle d'asseoir sa notoriété en empruntant des caractéristiques architecturales aux monuments royaux, pas moins !, qu'apparemment, vu sa position - gendre du souverain, je le rappelle ! -, il connaissait à la perfection.

     Des magasins ; un autel destiné à recevoir les offrandes au centre d'une immense cour  entourée de 20 piliers ; une chapelle à trois niches hautes pour abriter ses statues, grandeur nature, auxquelles un petit nombre de marches permettaient d'accéder et servant manifestement d'important lieu de culte ; deux salles d'offrandes, dont une réservée à son épouse furent entre autres ainsi ajoutés au mastaba originel. 

     L'ensemble était précédé d'un portique, ainsi que le montre le cliché ci-dessus de Kamil Vodera, que soutenaient deux colonnes en calcaire symbolisant un bouquet de plusieurs tiges de lotus. Les monarques antérieurs, quant à eux, s'ils plébiscitèrent également ce type de colonnes, choisirent plutôt le bois pour les faire réaliser. Et après Ptahshepses, plus personne ne souhaita semblables supports lotiformes en pierre pour ce type de soutènement.

     En outre, dans une des salles nouvelles, il fit également aménager un escalier permettant d'accéder au toit, comme dans certains temples précédant les pyramides royales .

     Miroslav Verner jaugeant les fragments mis au jour estima que les différentes salles de ce tombeau, décorées de bas-reliefs peints dont certains furent retrouvés in situ, servirent à abriter une quarantaine de statues du défunt de tailles et de matériaux différents.

     Mais quelle ne fut pas la surprise des membres de la mission tchécoslovaque quand ils prirent conscience que la couverture du caveau funéraire de Ptahshepses se révélait parfaitement semblable à celle des pyramides des rois de la Vème dynastie : quatre paires d'énormes monolithes de calcaire étaient en effet empilés en chevron.



     Il est en définitive difficile quand, sur un chantier de fouilles, s'enchaînent comme ici, pendant des années, tant d'importantes découvertes, de déterminer celle qui restera la plus prépondérante aux yeux de l'Histoire. Et les archéologues de l'Institut tchécoslovaque, à la  tête duquel officia Miroslav Verner dix-sept années durant, sont là pour avérer mon propos, eux qui permirent à l'égyptologie d'effectuer de grands pas dans ses différents axes d'études : qu'ils ressortissent au domaine de l'architecture funéraire, à celui, plus théorique, de la chronologie des rois de la Vème dynastie ou à celui de certains rites de proscription ...


     C'est pour envisager la suite des travaux de ces missions tchécoslovaques, ainsi que leurs résultats, que je vous invite à me rejoindre, amis visiteurs, sur le site d'Abousir, le mardi 23 février prochain.



(Grimal : 1988, 92-5 ; Janosi : 1999, 60-3 ;  Malek/Baines : 1981, 140-1 et 152-3 ; 
Onderka & alii : 2008, passim; Posener-Kriéger : 1976, passim ; Verner : 1978, 155-9 ; 1985 (1), 267-80 ; 1985 (2), 281-4 et 1985 (3), 145-52)

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13 février 2016 6 13 /02 /février /2016 00:39
Vincent VAN GOGH : Le Pont du Carrousel et le Louvre (1886)

Vincent VAN GOGH : Le Pont du Carrousel et le Louvre (1886)

 

 

Fiers nous sommes. 

Fier je suis. Immodestement, peut-être ...

 

 

     À l'heure où se termine agréablement la semaine du congé de Carnaval dans l'Enseignement belge qui m'a permis de vous laisser en repos de mon blog, amis visiteurs, j'ai été informé voici quelques heures d'une nouvelle délectable à lire et, pour tout avouer, éminemment agréable à vous annoncer tant je me sens honoré de la partager avec vous : sur la page Facebook du Musée du Caire, le Directeur Khaled el Enany a publié avant-hier une liste - au demeurant prestigieuse dans la mesure où les noms de grandes institutions muséales y figurent ! -, de "sites utiles pour aider les égyptologues et jeunes chercheurs dans leurs recherches" ; liste donc qu'il invite à consulter et à grandement utiliser ; liste dans laquelle trois sites incontournables d'amis passionnés sont répertoriés : "OsirisNet" de Thierry Benderitter, "Projet Rosette" de Vincent Euverte et "Promenade en Égypte" d'Alain Guilleux.

    Liste aussi au sein de laquelle, page 8, vient timidement s'immiscer "ÉgyptoMusée", le blog de votre serviteur.

 

     Bravo à nous pour cette reconnaissance internationale qui ne peut que personnellement me ravir : savoir qu'à l'avenir, nos modestes apports pourront servir à de jeunes égyptologues, à de jeunes chercheurs réjouit au plus haut point notre soif d'ouvrir des chemins ...  

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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 00:02

          Enfin, je me fais un agréable devoir de remercier ici l'Académicien F. Lexa qui m'a encouragé au cours de cette tâche difficile et qui a renoncé, en ma faveur, à continuer son étude des Maximes de Ptahhotep, commencée en 1928. Je remercie également le professeur J. Cerny, Fellow of British Academy, d'avoir bien voulu mettre à ma disposition une partie considérable de sa bibliothèque qui se trouvait encore à Prague jusqu'en novembre 1947 ...

 

Zbynek  ZABA

Les Maximes de Ptahhotep

Avant-propos

 

Éditions de l'Académie tchécoslovaque des sciences

Prague, 1956, p. 12  

 

 

     Citées avec reconnaissance par Zbynek Zaba dans l'exergue qui entame le présent article extrait de l'avant-propos de sa traduction des célèbres Maximes de Ptahhotep, deux figures emblématiques, nous l'avons vu amis visiteurs, Frantisek LEXA et Jaroslav CERNY, ont donc, dans la première moitié du XXème siècle, offert leurs lettres de noblesse à l'égyptologie tchécoslovaque.

     La création d'une institution officielle dépendant entièrement de la Faculté des Lettres et des Arts de l'Université Charles IV, partiellement impulsée par Lexa en 1958 déjà,  assoira dans les meilleures conditions le développement des études sur le terrain.

     Avec le recul, quelque soixante ans après sa mise en chantier au sein même de l'Alma Mater pragoise, nous comprenons que cet Institut Tchèque d'Égyptologie (
I.T.E.) fut le véritable élément déclencheur, mais aussi fédérateur de tout ce que cette république centrale brassait et brassera comme grands savants en la matière.

     Un homme, que l'on peut en réalité considérer comme la troisième et dernière personnalité du "triumvirat" des fondateurs de cette science en ce pays succède à Frantisek Lexa, décédé deux ans à peine après la naissance de "son" Institut : il s'agit de Zbynek Zaba.

   

 

 

Cerny--Jaroslav--et-Zaba--Zbynek--copie-1.jpg


(Zaba, à droite, s'entretenant avec son collègue Cerny, sous le portrait du "Maître", Frantisek Lexa.)


 

      C'est en 1938 que le jeune Tchécoslovaque Zbynek Zaba, né en 1917, entreprend des études d'égyptologie : il assiste bien évidemment aux séminaires des professeurs Lexa et Cerny à l'Université Charles de Prague. Immédiatement à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il devient l'assistant de Lexa et obtient, en 1954, le poste de Professeur associé dans le prestigieux établissement.

     Si, dans un premier temps, nous lui devons des articles essentiellement consacrés à l'orientation astronomique des pyramides de l'Ancien Empire, mais aussi, je l'ai souligné ci-avant, une grande étude en français sur les Maximes de Ptahhotep, avec traduction et commentaires, certes considérée de nos jours comme quelque peu obsolète mais qui constitua néanmoins tout un temps l'ouvrage de référence de cet important recueil de sagesses égyptiennes, c'est surtout grâce à sa direction de l'Institut qu'il sera internationalement connu. En effet, en 1958, il participe avec Frantisek Lexa à la création de cet important organisme à la tête duquel il se retrouve donc deux ans plus tard, suite au décès de Lexa.

 

     Lui incombe alors la tâche, - Cerny oeuvrant le plus souvent à l'étranger comme nous l'avons constaté la semaine dernière -, de mener de front de multiples activités : l'enseignement universitaire, - il est désormais le seul Professeur d'égyptologie nommé à Prague -, la direction de l'I.T.E. et ses propres recherches sur le terrain.

 

 

 
 
Zbynek-ZABA.jpg

 

 

     Il vous faut savoir que dès 1956 déjà, les professeurs Lexa et Zaba firent partie d'une délégation officielle se rendant en Egypte aux fins de préparer les fondements d'un accord culturel de grande envergure entre les deux pays : de ces contacts naîtra entre autres le prestigieux Institut tchécoslovaque d'égyptologie créé conjointement à Prague, en octobre 1958 et au Caire, en mai de l'année suivante.  


     Et tout naturellement, fort des excellentes relations scientifiques mais aussi  diplomatiques entre les deux Etats, l'Institut prendra activement part, au début des années soixante, au plus colossal  projet de sauvetage de monuments que notre monde ait jamais connu : celui, patronné par l'Unesco, des temples de Nubie menacés de total ensevelissement suite à la la construction du Haut-Barrage d'Assouan.
      
     Si, parmi les pays "généreux donateurs", certains reçurent du gouvernement égyptien l'un ou l'autre bâtiment d'exception - je pense entre autres au temple de Debod, originaire de Basse-Nubie, qu'à défaut d'avoir peut-être déjà admiré à Madrid,
 
dans les Jardins de l'Ouest, vous pourrez sur ce site virtuellement découvrir ; ou à celui de Dendour, érigé par l'empereur romain Auguste en tant que pharaon, maintenant au Metropolitan Museum de New York -, la Tchécoslovaquie, quant à elle, se vit octroyer du gouvernement égyptien, en guise de remerciements donc, une des plus grandes concessions de fouilles jamais accordée à des archéologues étrangers : le site d'Abousir, à une petite trentaine de kilomètres au sud-ouest du Caire, avec notamment sa nécropole des souverains de la VIème dynastie.

 

 

 
Abousir---Pyramides--2-.jpg


(Photo de Milan Zemina que j'ai extraite du catalogue cité infra.)


 


     En 1970 et 1971, décèdent respectivement Jaroslav Cerny et Zbynek Zaba.

     Dix-sept années durant, un jeune égyptologue, né en 1941 à Brno, 
Miroslav Verner, - j'aurai sous peu l'opportunité de l'évoquer -, en prend alors en mains les rênes, conjointement à celles de l'égyptologie tchèque. 

 

     Sous sa direction, les fouilles réalisées à Abousir, déjà pourtant très prometteuses, vont offrir au monde savant de nouveaux et inestimables "trésors".


     C'est, amis visiteurs, sur ce terrain archéologique et notamment en sa compagnie que je vous invite à m'acompagner dès après la semaine de congé qu'offre l'Enseignement belge - partant, votre serviteur - aux fins de dignement célébrer les festivités du Carnaval.

 

     Je vous donne donc rendez-vous le mardi 16 février prochain pour faire connaissance avec le site d'Abousir et Miroslav Verner ...  

 

 

 

Remarque.

 

     M'est-il besoin de rappeler qu'à l'instar des deux précédents articles dédiés aux précurseurs de l'égyptologie tchèque, les trois clichés de ma présente intervention proviennent du catalogue de l'exposition Objevovani zeme na Nilu ("Discovering the land on the Nile"), qui s'est tenue au Narodni Museum, à Prague, en 2008 et que, d'autorité, je me suis permis de reproduire et d'insérer ici ?

 

 

 

(Onderka & alii : 2008, passim Vernus : 2001, 63)

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27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 22:32

     

 

     Non, ce n'est pas mort que tu t'en es allé, c'est vivant que tu es parti.

 

 

Textes des Pyramides, 213, § 134 a

 

 

 

IL FUT MON PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DE LIÈGE ...

 

 

     Bien triste nouvelle que celle apprise en cours de soirée : le Professeur Michel MALAISE est décédé ce 25 janvier 2016. Il avait eu 72 ans le 30 novembre dernier.

 

    Triste pour sa famille en tout premier lieu, à laquelle j'adresse mes condoléances les plus respectueuses ; triste aussi en particulier pour tous ceux qui eurent l'heur de recevoir son Enseignement ; triste enfin pour le monde égyptologique en général.

 

     Nommé Professeur à la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège en 1979, Michel Malaise succède alors à Baudouin van de Walle, disciple et lui même successeur à la chaire d'égyptologie de Jean Capart, Conservateur aux Musées royaux d'Art et d'Histoire (M.R.A.H.) de Bruxelles pour lequel elle avait été créée en 1902.

 

    Après une carrière égyptologique bibliographiquement prolifique, le Professeur Malaise prit sa retraite le 1er janvier 2004.

 

     Au plan des publications scientifiques, je me dois évidemment d'épingler dans un premier temps la Grammaire raisonnée de l'égyptien classique qu'il mit au point avec Jean Winand, Doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'U.Lg., ouvrage qui constitue indéniablement un outil majeur pour tous ceux qui s'adonnent au déchiffrement de la langue hiéroglyphique égyptienne et, dans un second temps, de mettre l'accent sur les nombreuses contributions qui furent siennes pour faire connaître le développement des cultes isiaques dans le bassin de la Méditerrannée antique.

 

     Permettez-moi, amis visiteurs, de clore ce très modeste hommage par une note toute personnelle aux fins d'indiquer combien, pendant sa retraite, il eut à coeur de répondre à quelques courriels que je lui adressai avec une extrême gentillesse toujours assortie de mots d'encouragement vis-à-vis de mon blog sur lequel il portait un regard bienveillant et dans lequel il me souhaitait de "persévérer et d'y trouver beaucoup de plaisir".

 

    Non, ce n'est pas mort que vous vous en êtes allé, Monsieur le Professeur, c'est toujours bien vivant dans mon esprit ...

 

 

    (Un merci appuyé au Professeur Jean Winand qui avec beaucoup de sympathie m'a autorisé à lui emprunter le cliché ci-dessus, publié dans "Michel Malaise. Une bio-bibliographie", Acta Orientalia Belgica XVIII, La langue dans tous ses étatsMichel Malaise in honorem, édités par C. Cannuyer, Bruxelles/Liège/Louvain-la-Neuve, 2005, p. VII.)

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