Visite, au Musée du Louvre, au fil des semaines, salle par salle, du Département des Antiquités égyptiennes.Mais aussi articles concernant l'égyptologie en Belgique.Mais aussi la littérature égyptienne antique.Et enfin certains de mes coups de coeur à découvrir dans la rubrique "RichArt" ...
Ici commencent les formules de la Campagne des Félicités et les formules de la sortie au jour : entrer et sortir, dans l'empire des morts ; s'établir dans le Champ des Souchets, séjourner dans la double Campagne des Félicités, la grande ville maîtresse de la brise ; y être puissant, y être glorieux ; y labourer ; y moissonner ; y manger, y boire, y faire l'amour, faite tout ce que l'on a l'habitude de faire sur terre, de la part de N. (= nom d'un défunt à ajouter sur le papyrus).
Chapitre 110
(Extrait)
dans Paul BARGUET
Le Livre des Morts des Anciens Égyptiens
Paris, Éditions du Cerf, 1979,
pp. 143-5.
Mon cœur comme un oiseau, voltigeait tout joyeux
Et planait librement à l'entour des cordages ;
Le navire roulait sous un ciel sans nuages,
Comme un ange enivré d'un soleil radieux.
(...)
- Le ciel était charmant, la mer était unie ;
Pour moi tout était noir et sanglant désormais,
Hélas ! et j'avais, comme en un suaire épais,
Le cœur enseveli dans cette allégorie.
Charles BAUDELAIRE
Un voyage à Cythère
Les Fleurs du Mal, 116
(Extrait)
dans Œuvres complètes
Paris, Seuil, Collection "L'Intégrale", 1968,
p. 117
Crépuscule grimant les arbres et les faces,
Avec son manteau bleu, sous son masque incertain ;
Poussière de baisers autour des bouches lasses ...
Le vague devient tendre , et le tout près, lointain.
La mascarade, autre lointain mélancolique,
Fait le geste d'aimer plus faux, triste et charmant.
Caprice de poète - ou prudence d'amant,
L'amour ayant besoin d'être orné savamment -
Voici barques, goûters, silences et musique.
Marcel PROUST
Antoine Watteau
dans Cahiers Marcel Proust 10
Poèmes
Paris, NRF Gallimard, 1982
p. 32
J'aime oser penser parfois, - avec beaucoup d'extravagance, je vous l'accorde, amis visiteurs, et donc assumant ce qu'il peut sourdre d'incongru dans cette mienne comparaison ; mais rêver tout haut n'est-il point sorte de thérapie ? -, que ces Campagnes de Félicités ainsi que, parmi d'autres appellations, les nommaient les Égyptiens de l'Antiquité, et tels que les décrit ce passage du chapitre 110 du Livre pour sortir au jour dont je vous ai il n'y a guère entretenus et qu'avec d'autres extraits de poèmes de deux immenses littérateurs, j'ai aimé vous faire (re)lire ce matin, en guise de triple exergue, ont peut-être servi d'exemple idyllique à cette création mythologique des passions amoureuses dont Cythère, île grecque honorant Aphrodite, fut l'immarcescible écrin.
Certes, je n'ignore nullement que ces champs élyséens antiques participent de bien d'autres connotations que la relation sexuelle que mentionne ci-dessus le défunt mais, précisément parce qu'il y fait allusion parmi d'autres activités qu'il espère connaître dans son au-delà, je m'autorise à considérer celle-là plus spécifiquement comme décisive dans ses envies post mortem ... probablement parce que, si j'avais été un Égyptien de cette époque, et si j'avais eu foi en cette promesse de seconde vie, j'en eusse particulièrement fort apprécié l'augure. Et l'aurais quotidiennement souhaité.
Dans le droit fil du modèle d'embarcation que la semaine dernière j'eus l'heur de vous présenter et à propos duquel, au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre dont un ami eut l'amabilité de me fournir l'adresse de contact, j'éprouvai le besoin de m'adresser aux fins de soumettre les trois questions qui clôturaient provisoirement mon article, - "provisoirement" car, aujourd'hui, vous l'allez comprendre, interrogation semblable à nouveau se profile à votre horizon -, il me siérait ce matin de considérer avec vous, sur la même grande étagère centrale de l'imposante vitrine 2 de la salle 3 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, à Paris, une autre maquette, un autre modèle d'embarcation destinée elle aussi à mener un trépassé vers sa demeure d'éternité.
Datant de la même époque, à savoir : le Moyen Empire, la barque funéraire E 17111, provenant de Deir el Bercheh, mesure 77, 5 centimètres de long, 19 de large et, initialement, 49 de hauteur.
Initialement, viens-je de préciser, parce qu'il y a dix ans, - et toujours actuellement sur la photo de Christian Décamps qu'en propose le site internet officiel du Musée -,
elle était surmontée d'un immense encadrement de bois peint, disparu depuis, ainsi que vous l'a prouvé tout à l'heure, le cliché du 31 janvier 2018, réalisé par Claude Field, un de mes amis parisiens.
Semblablement aux interrogations de mardi dernier, je me demande à nouveau la raison de cette disparition.
Contrairement à E 284, le modèle qui nous occupe aujourd'hui, coque blanche rehaussée d'ocre brun-rouge sur tout son pourtour supérieur, vous donne cette fois à constater la présence non plus d'un défunt assis mais d'une momie allongée sur sa couche funèbre, également ornée de motifs décoratifs rectangulaires alternant teintes claires et foncées et séparés par des traits noirs, tout comme d'ailleurs les montants de ce dais érigé au centre d'un pont entièrement décoré d'un large quadrillage déterminé avec la même ocre brun-rouge que le haut de la coque.
Pigment, j'aime à le souligner, traditionnellement choisi par les artistes égyptiens pour figurer la carnation des corps masculins par opposition à l'ocre claire, beaucoup plus pâle, adoptée pour les corps féminins.
Aux extrémités antérieures de ce baldaquin se tiennent deux faucons Horus, symboles de protection.
Autour de la momie, quatorze petits personnages, les uns assis, d'autres debout, certains torse nu, d'autres non, tous coiffés d'une noire perruque courte, vêtus les uns d'un pagne blanc jusqu'aux genoux, d'autres d'un long atteignant les chevilles les uns sous le dais, d'autres sur le pont, tous accompagnent manifestement le défunt dans son ultime voyage sur terre avant de rallier l'au-delà : traverser le Nil, naviguer depuis la rive des vivants, à l’est, là où le soleil se lève, jusqu'à celle des morts, à l’ouest, là où l'astre se couche.
Pour terminer notre entretien, permettez-moi d'ajouter, amis visiteurs, qu'il ne s'agit point là d'une simple ou gratuite symbolique : cette traversée d'est en ouest constitue en fait l'application d'une particularité concrète issue de la topographie du pays : ceux parmi vous, - et je les sais nombreux -, qui se sont déjà rendus en Égypte, ont très vite pris conscience qu'essentiellement sur la rive droite du Nil se concentrent les habitations, tandis que la rive gauche, - la West Bank, comme on le lit si souvent -, abrite, de Saqqarah à la région thébaine, quasiment toutes les nécropoles du pays.