Visite, au Musée du Louvre, au fil des semaines, salle par salle, du Département des Antiquités égyptiennes.Mais aussi articles concernant l'égyptologie en Belgique.Mais aussi la littérature égyptienne antique.Et enfin certains de mes coups de coeur à découvrir dans la rubrique "RichArt" ...
"Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides."
(...)
Charles BAUDELAIRE
Élévation
Les Fleurs du Mal, 3
(Extrait)
dans Œuvres complètes
Paris, Seuil, Collection "L'Intégrale", 1968,
p. 46
En ouvrant mes volets, vendredi dernier, j'augurai que la journée m'apporterait la lumière.
Elle le fit ...
Vous vous souvenez assurément, amis visiteurs, que cette thématique consacrée aux barques exposées dans la vitrine 2 de la salle 3 du Département des Antiquités égyptiennes du Louvre (D.A.E.) a de façon inattendue débouché sur un certain nombre de questions concernant d'incontestables changements intervenus au niveau de leur apparence quand il m'a pris l'idée de comparer les photographies que Claude Field, un de mes amis parisiens qui m'a fait l'immense cadeau de se rendre sur les lieux aux fins de me les offrir, - de nous les offrir à tous en réalité ! -, avec celles encore actuellement proposées sur le site officiel internet du Musée, exactement les mêmes qu'il y a dix ans quand déjà je traitai ce sujet, de manière bien plus minimaliste, il est vrai.
Ce mien questionnement, je le soumis le 1er juin au D.A.E et reçut bien aimable réponse qui, je le rappelle au passage, figurait en fin d'article de la semaine dernière. Vous y appreniez que m'était également adressée une étude exceptionnelle dont je n'avais, au préalable, pas eu connaissance, sous les plumes de mesdames Gersande Eschenbrenner-Diemer, Docteur en Égyptologie et Anne Portal, Conservateur-restaurateur du patrimoine ; article paru dans la première livraison de 2016 de la "Revue du Louvre", qui précisément traitait des modèles de bateaux égyptiens en bois et de leur rénovation récente, à l'origine, vous l'aurez deviné, des manifestes modifications opérées sur certains de ceux ici devant vous alignés.
En fouillant par la suite quelque peu le Net, je m'aperçus que G. Eschenbrenner-Diemer pouvait actuellement être considérée comme LA spécialiste en la matière dans la mesure où précisément son Doctorat porta sur ce sujet.
Non négligeable, cette jeune dame disposait d'une adresse FB.
Je la contactai donc à tout hasard et fus plus que très agréablement surpris qu'elle accepte d'apporter réponses aux questions que son article n'avait pas nécessairement toutes abordées.
Je ne la remercierai jamais assez de m'avoir ainsi accordé sa confiance - c'est rare à notre époque parsemée d'étoiles qui, plus souvent qu'elles ne le devraient, ne condescendent que très rarement à converser avec les vers de terre.
Reprenons, voulez-vous, amis visiteurs, dans l'ordre où vous les avez découvertes, les embarcations concernées.
E 284
À la page 28 de son étude publiée dans la "Revue du Louvre", Madame Eschenbrenner-Diemer écrit : "... il semble que les figurines aient été déplacées à plusieurs reprises."
En effet, vous avez comme moi constaté que le marin debout qui, précédemment était tourné vers la structure ajourée abritant le défunt assis tenant en main une fleur de lotus, symbole de renaissance, a pivoté sur lui-même pour faire face aux hommes d'équipage.
Parfaitement logique selon Madame Eschenbrenner, dans la mesure où il occupe enfin maintenant sa position originelle, ce que prouve, après l'examen minutieux qu'elle lui accorda, une cheville cassée à l'arrière de la tête permettant à l'homme d'ainsi être fixé au dais.
Ses bras levés infèrent qu'il gréait un mât, malheureusement jamais arrivé au Louvre avec le reste de la collection Clot-Bey, en 1852.
Le marin assis qui, précédemment se trouvait à la poupe, et qui a ensuite été relégué derrière les quatre autres, aurait dû en réalité y rester mais tourné vers le dais, dos au Nil donc, en tant que barreur.
Sur ce point, Madame Eschenbrenner escompte rediscuter avec le Conservateur de la salle.
Quant à l'aviron se trouvant à la poupe en remplacement du timonier, il provient d'une autre barque funéraire car si E 284 date du début du Moyen Empire, la décoration du gouvernail ajouté le situerait plus vraisemblablement au milieu de ce même Moyen Empire.
Scientifiquement parlant, il n'a donc pas à intégrer ce bateau funéraire. Quoi qu'il en soit, il est probable que, pour une simple question de bonne compréhension du public, le Conservateur a cru bon de combler le vide ...
Et Madame Eschenbrenner de conclure, dans un de nos échanges : "Je vous remercie pour vos remarques. Les modèles en bois ont subi de nombreux remontages, démontages et cela dès leur découverte pour être revendus. J'ai tant de fois constaté la réutilisation d'un équipage pour qu'une coque vide prenne vie !
Mes travaux ont tenté de faire avancer cette question mais comme je le constate, tout n'est pas parfait !
E 11993/E 11994
En réponse à une question qui, tout logiquement, nous intriguait, Claude Field et moi-même, - pour quelle raison attribuer deux numéros d'inventaire à un seul artefact ? -, Madame Eschenbrenner me précisa ce dont je me doutais un peu, à tout le moins sur le principe :
"Cher Monsieur, le numéro E 11993 correspond à la barque tandis que E 11994 correspond à la petite rame. J'aurais en effet dû le préciser, votre œil est particulièrement aiguisé."
E 17111
Enfin, avant de mettre un terme à notre rendez-vous de ce matin, il me reste à envisager avec vous la dernière embarcation qui me posa problème puisque a aujourd'hui disparu un élément pourtant toujours présent sur la photo qu'en propose le site Internet officiel du Louvre : un immense portique peint.
Voici à son sujet ce que m'a divulgué Madame Eschenbrenner :
"Concernant le bateau E 17111, l'immense portique dont vous parlez était un mauvais remontage constitué de plusieurs pièces appartenant à une voilure sans doute d'une autre embarcation.
Tous les bateaux ont été examinés, les éléments mal remontés remis en place ou retirés si ceux-ci provenaient d'autres objets.
Ils sont à présent conformes à la réalité archéologique et bien datés."
(C'est moi qui souligne.)
Avant de prendre congé de vous jusqu'à mardi prochain, 26 juin, amis visiteurs, il me siérait dans un premier temps, en votre nom et au mien de grandement féliciter Madame Gersande Eschenbrenner-Diemer pour l'excellence du travail qu'elle a effectué sur les embarcations présentées dans la vitrine 2 de la salle 3 du Département des Antiquités égyptiennes de Musée du Louvre ; puis, dans un second temps, de la remercier d'avoir eu l'extraordinaire gentillesse de répondre à mes questions.
Madame, grâce à votre article publié dans la "Revue du Louvre", grâce à ceux dont je disposais déjà personnellement et dont je fournis la référence dans ma bibliographie infrapaginale, grâce aussi à nos échanges scripturaux à plusieurs reprises dans la semaine écoulée, soyez consciente que ma présente intervention vous doit tout !
MERCI à vous d'avoir, avec autant d'aménité, consenti à m'instruire toutes les fois que je vous sollicitai.
BIBLIOGRAPHIE
ESCHENBRENNER-DIEMER Gersande/PORTAL Anne, Un nouveau regard sur des modèles de bateaux égyptiens au musée du Louvre, dans La Revue des Musées de France - Revue du Louvre, Paris, 2016, n° 1, pp. 18-29.
ESCHENBRENNER-DIEMER Gersande, Modèle de barque funéraire, dans Catalogue de l’exposition Sésostris III, Pharaon de légende, Lille, Éditions Snoeck, 2014, p. 217.
EAD., Les modèles en bois du Moyen Empire dans les collections d’Émile Guimet, dans Catalogue de l'exposition Un jour j’achetai une momie. Émile Guimet et l’Égypte antique, Lyon, Éditions Hazan/Musée des Beaux-Arts de Lyon, 2012, pp. 88-89.