C'est la fraîcheur courant aux crêtes du langage, l'écume encore aux lèvres du poème,
Et l'homme encore de toutes parts pressé d'idées nouvelles, qui cède au soulèvement des grandes houles de l'esprit.
SAINT-JOHN PERSE
Pluies, VIII
dans Oeuvres complètes,
Paris, Gallimard, La Pléiade,
p. 153 de mon édition de 1972
Ce fut en octobre 2011 que, pour la dernière fois amis lecteurs, nous eûmes rendez-vous avec la littérature des rives du Nil antique : j'y apposais, souvenez-vous, un point final - mais pas nécessairement définitif ! - à notre voyage au sein des Maximes de Ptahhotep.
Encouragé par une fidèle interlocutrice dans un nouveau projet qui devrait nous accompagner cet été jusqu'à la prochaine rentrée académique, j'ai dessein de vous donner à lire un monument du Moyen Empire : le Roman de Sinouhé.
Il n'y a guère, choisissant un extrait en guise d'exergue à l'une de mes interventions, j'avais expliqué que ce texte historique était devenu un "classique" que tout impétrant s'étant frotté à l'apprentissage de la langue et de l'écriture égyptiennes se devait d'un jour traduire. Je fus de ceux-là, voici plus d'un quart de siècle, sous la direction du Professeur Malaise, à l'Université de Liège.
Et ce sera, d'après la version hiéroglyphique qu'a fournie du texte hiératique l'égyptologue anglais Aylward Manley Blackman, ma modeste traduction, bien évidemment peaufinée par les corrections apportées par M. Malaise que je prendrai plaisir à vous offrir.
A ces quelques mots de présentation, je m'en voudrais de ne pas en ajouter d'autres, en guise de préalable à l'oeuvre elle-même, de manière à la replacer dans son contexte antique.
Tous les ouvrages d'Histoire littéraire concernant le Moyen Empire égyptien vous l'expliqueront de manière bien plus détaillée que je ne veux aujourd'hui le faire : quelques grands genres sont à distinguer qui composent le corpus de cette riche période.
J'épinglerai tout d'abord les biographies, que l'on retrouve expansivement proposées sur les murs des tombes depuis l'Ancien Empire d'ailleurs ou, plus condensées mais aussi flatteuses, sur les stèles qu'ont souhaitées les défunts. En termes efficients, toutes visent un même but, essentiel : rédiger l'apologie du propriétaire du monument afin de lui assurer le séjour le plus agréable possible dans l'Au-delà.
Consubstantiellement à ce premier genre littéraire se présentent les textes didactiques, qu'ils soient politiques - visant à exalter le loyalisme envers le souverain -, moraux - réfléchissant philosophiquement sur la vie, la mort, la destinée humaine ou, enfin, scolaires - comme la célèbre Satire des Métiers sur laquelle, un jour peut-être, je vous entretiendrai.
Bien évidemment la poésie n'est pas exclue de ces lignes de force qu'ici rapidement je trace, avec de nombreux hymnes s'adressant au matin - chants destinés à éveiller le souverain - ou glorifiant dieux ou Génies - Osiris, le Nil ... -, voire les monarques - notamment, et c'est le plus vieil hymne royal actuellement connu, celui exaltant les qualités de Sésostris III.
Enfin, je terminerai cette petite introduction, fort pédagogique je vous le concède, par l'évocation des textes narratifs, genre dans lequel nous pouvons aisément distinguer les récits merveilleux - le plus connu étant indiscutablement le Conte du Naufragé - des récits bucoliques ; la troisième occurrence étant ce Roman de Sinouhé dont je vous proposerai "ma" traduction dès le 10 juillet prochain.
Voici donc, amis lecteurs, parce que nous allons quelque trois mois durant délaisser le Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre et les fragments peints provenant du mastaba de Metchetchi - sur lesquels j'ai tant encore à écrire -, l'option que j'ai choisie : pré-programmer mes futures interventions aux fins de rester un tant soit peu en contact avec vous les grandes vacances à venir, sachant que je n'aurai pas toujours l'opportunité, en fonction de mes escapades hors frontières, de répondre ponctuellement à vos commentaires ... Ce qui sera d'ailleurs déjà le cas cette première semaine de juillet quand vous lirez ces propos en mon absence ...
A mardi néanmoins, pour entamer ensemble la découverte du Roman de Sinouhé ...
Et excellentes vacances à toutes et tous.
Richard