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25 avril 2017 2 25 /04 /avril /2017 00:00

 

 
     Parmi les nombreuses appréciations positives reçues à la suite de la publication de mon article de la semaine dernière dédié au décodage de la récurrente scène de chasse dans les marais nilotiques dans lequel j'avais "osé" mettre en évidence la symbolique érotique qui la sous-tend, j'en reçus un, unique, à charge : c'était le 19 avril dernier sur un des sites Facebook qui me font l'honneur d'accepter mes publications.
 
     Ce lecteur qui ne s'était auparavant jamais manifesté, m'écrivait :
 
 
     "ridicule"
     "juste consternant"
    "reflet tout a fait non démontrable d'une époque centré sur la sexualite brandie comme étendard et voulant s'immicer partout , je repette , affligeant"  
 

(Seuls les italiques et les guillemets constituent un ajout qui m'est personnel)

 

 

***
 
 
     Il est évident que feu les égyptologues belges que j'ai appelés à la barre n'étaient en rien des excités du bulbe, ni des pervers pépères gotlib...idineux. Et que leurs recherches en la matière, - que j'ai voulu synthétiser pour vous, - étaient étayées par une iconographie bien présente dans le corpus des peintures et des sculptures ; mais aussi par des textes consignés dans la papyrologie égyptienne ; ce domaine précis faisant l'objet de notre rencontre de ce matin, avant que je reprenne la semaine prochaine seulement le fil de mes projets originels : vous initier à la symbolique celée dans les scènes de pêche.
 
     Cet excursus imprévu me semble s'imposer aujourd'hui, -  digression incontestable celle-là, je présume -, qui vous emmènera au sein même de la littérature "classique" des rives du Nil antique avec, dans un premier temps, un extrait significatif du célèbre Conte des Deux  Frères", datant du Nouvel Empire, de la XIXème dynastie exactement ; puis, dans un second temps, avec quelques vers d'un poème d'amour, deux oeuvres que, dans un très vieil article, - 15 août 2008, cinq mois après la création de mon blog -, j'avais proposées à mes lecteurs d'alors aux fins de les persuader du sens, évidemment caché, qu'exprime la coiffure des dames dans le domaine de l'érotisme.
 
DE LA CONNOTATION ÉROTIQUE DE CERTAINES PEINTURES PARIÉTALES ÉGYPTIENNES : 2. PARENTHÈSE LITTÉRAIRE

 


     Mon premier exemple reprend donc un passage d’un conte à portée psychologique, oeuvre majeure dans le corpus littéraire égyptien, mettant en scène une femme mariée amoureuse du jeune frère de son époux, - rien que de très banal, parfois -, qui, dépitée par le fait qu’il dédaigne ses avances, décide de bassement le calomnier aux yeux de son mari.


     Certains d’entre vous reconnaîtront peut-être dans cette trame, à des degrés divers, autant l’épisode de Joseph et de l’épouse de Putiphar dans la Bible (Genèse) que l’histoire de Bellérophon et d’Anteia chez Homère (Iliade), ou celle de la relation entre Hippolyte et sa belle-mère Phèdre, narrée par Euripide.


     En égyptologie, il est convenu, je viens de le souligner, de donner à ce texte le titre de Conte des deux frères.


     L'histoire, dans la première partie tout au moins, se révèle finalement très simple : Anoupou, - que les Grecs, plus tard, traduiront par Anubis -, est ici un paysan propriétaire de sa terre. Il est marié. Le couple héberge Bata, jeune frère d’Anoupou. Nourri et logé, Bata aide vigoureusement son frère aîné dans les travaux des champs, tout en s'occupant également de conduire les bêtes au pâturage et, à l’occasion, de tisser des étoffes.


     Par ses désirs d’adultère inassouvis débouchant sur d’éhontés mensonges, l’épouse insatisfaite provoque l’inévitable discorde entre les deux hommes. A la fin de la première partie du conte, la vérité étant rétablie, elle sera tuée par son époux et jetée aux chiens.


     C’est sur un papyrus de 19 pages, rédigé en écriture hiératique, que l’on trouve la version la plus complète de ce Conte des deux frères : il est désormais convenu de le nommer "Papyrus Orbiney", en référence à Madame Elisabeth Orbiney, riche Londonienne qui, avec d’autres pièces, l'acquit lors d’un voyage en Égypte ; puis décida de le mettre en vente. Le Musée du Louvre se déclarant incapable de l'acquérir, - dans la mesure où le prix demandé dépassait ses ressources de l’époque -, le document devint en 1857 la propriété du British Museum où il est désormais consigné sous le numéro d’inventaire BM 10 183.

(Pour une version hiéroglyphique de ce papyrus, accompagnée de la traduction française de la première partie du conte, je convie mes amis intéressés à consulter le lien suivant : 
http://egycontes.free.fr/2freres.pdf).

  

     Découvrons à présent l’extrait visant à étayer la thèse défendue par feu l’égyptologue belge Philippe Derchain à laquelle je faisais allusion mardi dernier, à savoir : la connotation érotique accordée par les Égyptiens à la chevelure, ainsi qu'au port de la perruque.

 

 
     
Or quelques jours plus tard, alors qu’ils étaient au champ et qu’ils manquaient de semences, l’aîné envoya son jeune frère en lui disant : " Va vite, et rapporte-nous des semences de la ferme". Il trouva la femme de son frère aîné en train de se faire coiffer et lui dit : "Lève-toi et donne-moi des semences. Je dois vite retourner au champ car mon frère m’attend. Ne traîne pas".

     Elle lui répondit : "Vas-y toi-même; ouvre le grenier et prends ce que tu veux. Ne sois pas cause que ma coiffure reste en plan".

     Le jeune homme entra donc dans son étable pour y prendre une grande jarre car il voulait emporter beaucoup de semences. Il l’emplit d’orge et de blé et sortit avec sa charge. Elle lui demanda : " Quel est le poids de ce que tu as sur les épaules ?" Il répondit : " Trois sacs de froment, deux d’orge, en tout cinq sacs."  (1) Voilà ce que j’ai sur les épaules". (...) 

     Ce qui fit dire à la dame : " Que de force il y a en toi ! Chaque jour j’admire ta vigueur." Elle eut envie de le connaître comme on connaît un homme, se leva, le saisit et lui dit : " Viens, allons passer une heure au lit. Ce te sera profitable, car je te ferai de beaux vêtements."

     Alors le jeune homme devint comme un léopard qui entre en rage, à cause des vilains propos qu’elle lui avait tenus


     Dans la version qu’elle donne de la scène à son époux, la dame affirme :  


     "Lorsque ton frère est venu chercher des semences, il m’a trouvée seule et m’a dit : "Allons passer une heure au lit. Mets ta perruque."

 


(1) Ce que les égyptologues traduisent par "sac" était à l'époque une mesure de capacité  qui équivalait à plus ou moins 56 kilogrammes. Bata, si l'on en croit le texte, porterait donc ici une charge de quelque 280 kilogrammes sur ses épaules. Détail supplémentaire de force qui naturellement émoustille les sens de la dame disposée à être infidèle. 


     Pour mieux comprendre encore la connotation érotique qui se cache derrière le port de la perruque, je vous invite à maintenant découvrir, amis visiteurs, un second texte, un chant d’amour extrait du Papyrus Harris 500,
datant lui aussi de la XIXème dynastie.

 

     Pour la petite histoire, je préciserai simplement que ce papyrus fait partie de la collection que détenait l’amateur et marchand d’antiquités anglais Anthony Charles Harris (1790-1869) et que sa fille adoptive mit en vente en 1871. Ce fut le Bristish Museum qui en acquit l’ensemble, contenant ce que les égyptologues appellent le Papyrus Harris I (ou Grand Papyrus Harris); le Papyrus Harris II; le Papyrus Harris 500 qui contient deux contes et de la poésie ; et le Papyrus Harris 501 sur lequel a été copié un texte magique.

 

     "Écoutons" à présent la voix de l’Aimée ...

 

Mon coeur est une fois de plus envahi de ton amour
Alors que la moitié de la tempe seulement est tressée.
Je cours te retrouver.
Hélas, je suis dénouée.
Bah ! Je vais mettre une perruque et serai prête à tout moment.

 

 

     Il est aussi indéniable, à la lecture de ce très court poème que si la coiffure parfaite représente un véritable moyen de séduction, la perruque, toujours prête en cas de besoin, constitue le signe de l’amplification des désirs et de la totale et immédiate disponibilité amoureuse.


     On comprend par ces quelques vers que la jeune femme, prise d’un violent désir amoureux, ne peut en aucun cas se présenter à son amant, ses soins de coiffure non terminés. Fougueuse, elle n’hésite donc pas à se parer d’une perruque.

 


     Voilà bien la preuve, si besoin en était encore ce matin, qu’une coiffure impeccable, voire une perruque soignée, font également partie de la toilette d’une amante qui font manifestement office de signes de connivence : ils constituent un code invitant à l’amour. Ce sont donc, comme le port de certains vêtements et/ou de certains bijoux, tels que nous l'avons ensemble vu la semaine dernière, amis visiteurs, des détails à connotation érotique d'importance non négligeable.

 

 

 

ADDENDUM

(14, 45 H. )

 

 

     Il m'est plus qu'agréable, amis visiteurs, de vous donner à découvrir ce mardi après-midi, une version bien plus poétique que la traduction littérale que je m'étais contenté de proposer de l'extrait du poème égyptien qui clôturait mes propos de ce matin.

 

     Au sein d'échanges de commentaires que vous pourrez lire ci-dessous tout à l'heure, elle m'est, - elle vous est -, offerte par un très ancien et fidèle lecteur, Alain Yvars, l'auteur de l'excellent blog "Si l'art m'était conté".

 

     La voici :

 

 

Que faire ! Seule la moitié de ma tempe est tressée. 
Une fois de plus, mon coeur est envahi de ton amour.
Je cours te retrouver. Hélas ! je suis dénouée.
Bah ! Je vais mettre une perruque et serai à toi pour toujours.

 

 

Merci Alain.

Ton cadeau m'honore.

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 


DERCHAIN Philippe, La perruque et le cristal, SAK 2, Hamburg, Helmut Buske Verlag, 1975, passim. 

 

 

LEFEBVRE Gustave, Romans et contes égyptiens de l'époque pharaonique, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonnneuve, 1988, pp. 144-6.

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commentaires

C
Mais est-ce si différent aujourd'hui ?<br /> La chevelure masque et révèle. Suggère et cache. Voilà pour l'érotisme.<br /> Et toute belle chevelure est "la houle qui enlève". Voilà pour le rêve.
Répondre
R
Certes, oui, Carole, l'on peut établir quelques similitudes avec notre époque, sauf, me semble-t-il, la connotation érotique de la perruque ...
C
Ah Richard, cela corrobore ce que nous disions...<br /> Face à ce genre de témoignage, même si tout le monde est libre évidemment de s'exprimer, je pense à l'intelligence et à la générosité de vos travaux qui ne font qu'exprimer des vérités symboliques et iconographiques que seuls des esprits limités se permettront de réfuter. Il y aura toujours des spécimens de ce genre, des gens qui ne comprennent rien et qui ont sûrement un problème avec leur corps,le désir, le plaisir, la sexualité joyeuse et vive... C'est ainsi... zappons et poursuivons ce passionnant voyage en terre de symbolique érotique. <br /> Les cheveux sont un prolongement magnifique de l'éruption du désir, leur « toile » soyeuse attire le regard aussi bien que le toucher et le triangle amoureux, thème de prédilection dans bien des récits, nous séduit à travers la qualité de vos explications. Chevelure...arme féminine... les mots d'Alain sont superbes et très appropriés. Bravo à vous deux et belle soirée, amitiés chaleureuses !<br /> Cendrine
Répondre
R
Poursuivons, oui, Cendrine !<br /> C'était évidemment bien mon intention avec cette courte introduction dans la littérature, prétexte que m'a "offert" sur un plateau mon interlocuteur critique de la semaine dernière.<br /> Et ce sera ainsi les deux semaines à venir, prévues déjà à l'entame de mon projet de décoder l'image de la célèbre scène de chasse et de pêche dans les marais nilotiques ...
F
A que voilà, un joli conte où deux frères sont séduit par une jeune femme amoureuse de l'amour! il est certain que les atouts et atours féminins sont un précieux bagage de séduction! je pense qu'il fut, est et sera ainsi de tous les temps! cette perruque qui doit rendre plus séduisante l'amante devait être une mode et de plus, les cheveux vrais ou faux étaient raides alors que les femmes égyptiennes devaient avoir les cheveux plus frisés donc, plus difficiles à coiffer!! Bisous Fan
Répondre
R
Détrompez-vous, chère Fan, il n'est pas aussi joli que vous pourriez le croire, ce "Conte des Deux frères" ...
C
Trois petits tours et s'en vont... ce lecteur de passage (d'où venait-il? où allait-il?) n'a rien compris mais ne le peut pas. C'est le sort de Facebook: futilité, superficialité et lui croit que tu essaies de nous appâter avec du sexe... il ne peut pas savoir que nous te suivons fidèlement, régulièrement et que tu nous inities aux mystères de l'égyptologie depuis bien longtemps.
Répondre
R
Pour savoir, quand on veut vraiment savoir, Christiana, il suffit soit de "feuilleter" mon blog, soit mes pages FB, soit celles du site "Histoire et archéologies antiques" qui héberge aussi mes articles et sur lequel il a déposé son message mais surtout, dans ce cas précis de réfutation non étayée de sa part, d'éplucher et de vérifier un par un les arguments que j'avais développés ... <br /> Mais bon : je pense surtout qu'il ne connaît pas grand chose en matière de mentalités et de croyances égyptiennes anciennes.
A
Puisque tu m’y incites, Richard, je fais rimer ce beau texte. Ce n’est pas excellent mais je garde son esprit.<br /> <br /> Que faire ! Seule la moitié de ma tempe est tressée. <br /> Une fois de plus, mon coeur est envahi de ton amour.<br /> Je cours te retrouver. Hélas ! je suis dénouée.<br /> Bah ! Je vais mettre une perruque et serai à toi pour toujours.
Répondre
R
Waw !!!<br /> Excellent ! <br /> Merci, Alain ...<br /> Je m'en vais de ce pas l'insérer en fin d'article, en citant sa source ...
A
Je le sais Richard qu'il s'agit d'une traduction. J'avais envie de changer la fin...
Répondre
R
Traduction littérale.<br /> Mais tu peux évidemment, Alain, en conservant l'esprit, nous proposer ta traduction en y mettant rimes et poésie : j'en serais plus que ravi ... car je n'y avais pas pensé, ne souhaitant pas donner à lire autre chose que le texte égyptien "francisé" ...
A
La coquetterie féminine… La vie amoureuse débute d’abord par la coiffure.<br /> Très joli le second texte. Il s’agirait de vers en changeant la fin : « Bah ! Je vais mettre une perruque et serai à toi pour toujours. »
Répondre
R
Attention, attention, Alain ! <br /> Ce que tu lis ici de ce "poème" constitue une traduction littérale française ... qui ne peut évidemment pas rendre compte d'éventuelles allitérations ou rimes égyptiennes telles que nous les concevons au sein de la poésie française. D'ailleurs très certainement n'existaient-elles pas !!<br /> En revanche, dans divers articles, puis un ouvrage consacré à la poésie des rives du Nil antique, l'égyptologue français Bernard Mathieu a parfaitement démontré qu'existait à l'antiquité une métrique égyptienne prouvant qu'une notion de poésie autrement agencée que la nôtre vit effectivement le jour ...

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