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27 septembre 2016 2 27 /09 /septembre /2016 00:00

 

 

Quatrième Partie :

 

"J'AI VU VENIR À MOI LE PEUPLE DES STATUES"

 

 

 

     Avec cet alexandrin que j'ai choisi en guise d'exergue à notre présent rendez-vous, extrait de Les Charités d'Alcippe, poème peu connu je pense, datant de 1929, et seulement publié dans un recueil éponyme un quart de siècle plus tard, en 1956, à Liège, aux éditions "La Flûte enchantée", puis heureusement sorti d'un certain oubli en 1984 par les éditions Gallimard, Marguerite Yourcenar exprimait déjà la passion qui fut sienne, sa vie durant, pour l'Antiquité gréco-romaine, pour l'art de sa statuaire, - tout autant, d'ailleurs, que pour celui de la Renaissance italienne -, qui, faut-il encore le préciser, amis visiteurs, habite ce chef-d'oeuvre de la littérature mondiale du XXème siècle qu'est Mémoires d'Hadrien

 

     En l'occurrence, si depuis le mardi 6 septembre vous m'avez suivi au sein des quelques pages que j'avais distinguées dans cette biographie fictive en guise de prémices à un "dossier-enquête", tant archéologique qu'égyptologique, que j'escompte mener à bien jusqu'au prochain congé de Toussaint, dont Antinoüs constitue l'humain canevas, vous devez avoir compris que l'empereur profondément esthète délégua, notamment aux ciseaux de ses sculpteurs, - approximativement une centaine de "portraits" sont actuellement répertoriés dont deux, seulement, nommément identifiés -, mais aussi aux talents de maints autres artistes mandés pour créer médaillons, intailles et pièces de monnaie, le pouvoir suprême d'infirmer le décès du jeune homme devenu déité dans son esprit et ainsi, de façon crâne, de proclamer à la face du monde, grâce à son effigie juvénile démultipliée à l'envi, l'ineffable bonheur de le vouloir toujours vivant, toujours présent.

     Une trentaine de cités grecques battirent ainsi monnaie en l'honneur du favori, qu'elles soient courantes ou monnaies-médailles, uniquement en bronze, l'argent demeurant toutefois l'apanage des membres de la domus impériale !

 

     L'art en tant que parangon d'un incontournable travail de deuil, parangon de la toute puissante volonté d'un homme de rendre vie à ce que la Camarde lui a pourtant ravi.

 

     Ces oeuvres abondent, et vont de l'incomparable au médiocre, concède la romancière dans ses Carnets de notes où, entre autres notions, elle évoque la survivance immobile des statues : si certaines d'entre elles sont toujours in situ, à la Villa Hadriana ; si d'autres se sont égaillées depuis dans différents grands musées internationaux, - ce site internet en répertorie un certain nombre -, quelques-unes, devant lesquelles la petite Marguerite, dès son plus jeune âge, dut probablement s'extasier, se trouvent au Musée du Louvre, à Paris, ville où son père s'était installé avec elle juste avant qu'éclate la Première Guerre mondiale. En effet, veuf dix jours après la naissance de sa fille, il avait quitté l'avenue Louise, à Bruxelles où elle était née quelque neuf ans plus tôt, avait vécu et voyagé avec elle de Lille au Midi, puis, avait un temps choisi la capitale française où, grâce à son instutrice qui, deux fois la semaine, l'emmenait dans les salles de peintures et de sculptures du Louvre, elle découvrit l'Art et prit conscience de cette lueur vers laquelle j'allais sans le savoir, affirme-t-elle dans Quoi ? L'éternité.

     Là, elle allait naître à la Beauté.

 

     Même si j'ai appris, en lisant le catalogue de l'exposition de Bavay à laquelle j'ai fait allusion dans mon premier article de septembre, que ce fut au British Museum alors qu'elle n'avait que douze ans que la petite Marguerite, - qui n'était point encore "Yourcenar" -,  croisa pour la première fois l'empereur philhellène, le viril et presque brutal Hadrien de bronze vers la quarantième année, repêché dans la Tamise au XIXème siècle, ainsi qu'elle le confie à Matthieu Galey, dans Les yeux ouverts ; même si je me suis avisé, grâce au même catalogue, que la première mention d'Antinoüs dans son oeuvre figurait dans un sonnet intitulé "L'Apparition", écrit à l'adolescence, j'aime à jouissivement imaginer que ce fut au Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre où, adulte, elle reviendra souvent, qu'entre neuf et onze ans, elle fut précocement fascinée par les statues et les bustes du bel éphèbe qu'elle y rencontrait et, probablement par l'un d'eux, l'Antinoüs au némès ... qu'il vous est encore loisible d'admirer jusqu'au 20 novembre prochain puisque, comme je l'ai rappelé lors de notre précédent rendez-vous, il fait partie des oeuvres prêtées à Arnaud Quertinmont, Conservateur du Département Égypte/Proche-Orient au Musée royal de Mariemont. à Morlanwelz, en province de Hainaut belge, pour son exposition Dieux, Génies et Démons en Égypte ancienne.

 

     À défaut, tout au long de mes trois premiers articles de septembre, aurez-vous eu le loisir d'à votre aise le considérer grâce à une photo que j'avais réalisée en mai denier, et parfois librement "retravaillée". Aujourd'hui, vous retrouvez ce buste remarquablement magnifié, sous un angle quelque peu rapproché, grâce à l'objectif de mon ami Alain Guilleux, qu'une fois encore il me sied de chaleureusement remercier pour avoir accepté de me, - de nous -, l'offrir ici, de manière à parfaire l'image d'Antinoüs.

 

Antinoüs au némès - Louvre Ma 433 - (© Alain Guilleux - Photos Égypte)

Antinoüs au némès - Louvre Ma 433 - (© Alain Guilleux - Photos Égypte)

 

      À une petite trentaine de kilomètres de Rome, au 1, Largo Marguerite Yourcenar, - je n'invente évidemment pas cet hommage clin d'oeil de la municipalité italienne de Tivoli, l'ancienne Tibur, à l'immense romancière ! - vous pouvez encore de nos jours à cette adresse contemporaine visiter ce qu'il subsiste de la Villa Hadriana, imposante résidence estivale dont Hadrien, en connaisseur raffiné des cultures égyptienne, grecque et romaine, avait ordonné la construction au deuxième siècle de notre ère.

 

Maquette de la villa d'Hadrien réalisée par Italo Gismondi - Photo © Guilhem Dulous (Guilhem06), déposée sur Wikipedia Français en juin 2006.

Maquette de la villa d'Hadrien réalisée par Italo Gismondi - Photo © Guilhem Dulous (Guilhem06), déposée sur Wikipedia Français en juin 2006.

 

     C'est dans ce complexe impérial que fut exhumé par le peintre, marchand d'art et archéologue écossais Gavin Hamilton, en 1769, ce buste de marbre de 76 centimètres de hauteur ou, pour être plus précis : que furent retrouvés la majeure partie de la tête, le cou et un fragment de l'épaule et du sein gauches ; le tout ayant été complété par la suite, comme le signale Daniel Roger, Conservateur en chef du Patrimoine, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre qui signe la notice qu'il lui consacre à la page 248 du catalogue de l'actuelle exposition de Mariemont Dieux, Génies et Démons en Égypte ancienne

     Ou, pour le dire d'une autre manière, en me référant cette fois au site internet officiel du Louvre : nez, bouche, partie gauche du visage et buste sont modernes.

 

     Et d'ajouter, - n'ayant pas l'opportunité de me rendre à Paris, je me contenterai d'entériner, sans possibilité de vérification aucune -, que ce monument est visible au premier étage de l'aile Denon, dans la salle 5 de la Grande Galerie, soit en un espace consacré à la peinture toscane et celle de l'Italie du Nord aux XVème et XVIème siècles. 

    Ce qui signifie, sauf erreur d'interprétation de ma part, que le buste, comme nous serions en droit de l'y chercher, ne figurerait pas au sein de son propre département, juste en dessous, au rez-de-chaussée de cette même aile Denon, celui donc des Antiquités étrusques, grecques et romaines.

 

     Ah ! si l'un ou l'autre Parisien pouvait confirmer ou infirmer mon propos ...

 

     Quoi qu'il en soit de son emplacement exact, dans l'inventaire du musée, il porte le numéro MR 16, la note étant toutefois assortie d'une précision , - rien n'est simple, décidément ! -, attestant que le numéro usuel est Ma 433.

 

     Et tant qu'à fouiner dans cartels et notes muséales, permettez-moi de tutoyer l'exhaustivité en précisant que la pièce fit partie de l'ancienne "Collection Albani", du nom de ce cardinal mécène italien Alessandro Albani (1692-1779) qui en fit l'acquisition, avec d'autres figurations d'Antinoüs. Cette collection fut saisie par le Directoire en 1797 en accord avec le célèbre Traité de Tolentino, signé entre autres par le Général Bonaparte, qui astreignit la Papauté à notamment restituer Avignon et le Comtat Venaissin à la France et, de surcroît, à lui concéder un imposant corpus d'oeuvres d'art ... demeurées au Louvre.

 

 

    Indépendamment de l'appellation officielle donnée à l'oeuvre, - Antinoüs au némès -, vous aviez d'évidence remarqué, amis visiteurs, que le jeune homme, pourtant originaire de Bithynie, en Asie mineure je le rappelle, pourtant favori d'un empereur qui, bien que romain, fut profondément admiratif de la Grèce, porte ici deux attributs typiquement égyptiens : le némès et l'uraeus. Et qu'en outre, parmi les inscriptions gravées sur le socle, figure le nom du dieu égyptien Osiris.

 

     Quand, entre autres, vous vous rappellerez qu'à juste raison Marguerite Yourcenar explique qu'Antinoüs fut retrouvé mort noyé dans le Nil, alors qu'il séjournait en Égypte avec Hadrien et sa suite ; quand, entre autres, vous vous rappellerez qu'elle indique que l'empereur, en parfait évergète, fit créer une ville - Antinoé ou, en grec, Antinoopolis -, et qu'il y imposa un culte en l'honneur de son favori ; quand, entre autres, vous vous rappellerez que j'ai précisé que le second volet à venir de cette série d'articles vous emmènerait sur les chemins de l'archéologie et de l'épigraphie égyptiennes, que l'auguste souverain souhaitât pour son protégé que fussent réalisées des oeuvres à forte influence égyptienne ne vous étonnera nullement. Sur ce buste, comme sur d'autres, la présence d'un némès et de l'uraeus le surmontant ; sur ce buste encore, celle du nom d'Osiris gravé ; sur des statues, par exemple, celle d'un pagne à l'égyptienne, et j'en oublie certainement ... ; bref, tous ces détails géographiquement connotés ne devraient dès lors point vous surprendre.

 

LES DEVENIRS D'ANTINOÜS : DE LA FICTION ROMANESQUE À LA RÉALITÉ ARCHÉOLOGIQUE

 

      Parce que tout le monde l'a vu et revu sur les photos du "trésor" de Toutânkhamon ou sur celles de l'imposant sphinx du plateau de Guizeh, le némès constitue le couvre-chef le plus connu du grand public parmi ceux que portèrent les souverains d'Égypte : traditionnellement en lin, il se compose de plusieurs parties qu'il serait trop fastidieux de détailler dans ma présente intervention.

     Toutefois, à ceux d'entre vous qui en souhaiteraient une description plus que minutieuse, je ne puis que vivement conseiller la visite du site d'un ancien étudiant de l'Université Paul-Valéry à Montpellier, Sylvain Cabaret,

 

    Une remarque néanmoins : traditionnellement, en Égypte bien sûr mais aussi sur d'autres effigies d'Antinoüs commandées par l'empereur, comme celle-ci, au Louvre également, 

 

 

 

Antinoüs-Osiris (MND 2167 - n° usuel Ma 4890) - Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (© Pierre Philibert)

Antinoüs-Osiris (MND 2167 - n° usuel Ma 4890) - Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (© Pierre Philibert)

 

le némès enveloppait entièrement la tête. Il ne vous aura certes pas échappé que sur le buste d'Antinoüs exposé à Mariemont, il a été sculpté un peu plus en retrait, laissant abondamment apparaître, sur le front et encadrant le haut du visage, les primesautières ondulations du jeune homme, ses cheveux tumultueux, comme les décrivait Marguerite Yourcenar elle-même, révéla l'égyptologue français Jean-Pierre Corteggiani dans sa conférence Marguerite Yourcenar et l'Égypte, prononcée à l'Association Papyrus de Lille, le 23 mai 2015. 

     (Vidéo que vous pouvez découvrir grâce à ce lien.)  

 

    C'était un trait caractéristique de la statuaire grecque qui, plutôt que représenter une masse inerte de cheveux courts, les préféra plus longs et plus naturels en leur donnant du mouvement grâce à une succession de petites et grandes boucles en cascade. Mode capillaire qui, je le souligne au passage, influença par la suite celle de l'Empire romain, essentiellement d'Hadrien à Marc Aurèle.

 

    Avec l'Osiris-Antinoüs à Mariemont jusqu'au 20 novembre, nous sommes en présence d'une oeuvre mariant le plus harmonieusement qui soit art égyptien (némès) et art grec (mèches de cheveux apparentes) ; en présence de l'exemple même d'une parfaite symbiose entre deux cultures, d'un parfait syncrétisme.  

 

  

     Au nombre des parties constituantes de ce némès, je l'évoquai tout à l'heure, vous trouvez la figuration d'un cobra, serpent dressé dont la dangereuse arrogance était censée refouler les forces du mal, visant ainsi à préserver le souverain d'ennemis éventuels. C'est, dans le vocabulaire égyptologique, ce qu'il est convenu d'appeler l'uraeus.

 

     Ajouter que ce type de coiffe constituait l'apanage des seuls souverains égyptiens et qu'ils le partageaint avec certains dieux vous en dira long sur la conception que se fit Hadrien de son favori et sur l'image que, pour la postérité, il souhaita imposer au monde.

 

     Si toutefois il vous agrée de poursuivre cette étude en ma compagnie, amis visiteurs, nous en reparlerons lors d'un nouveau rendez-vous, le mardi 4 octobre prochain  ...

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

AMANDRY Michel/ KÜTER Alexia, Antinoüs, dans Marguerite Yourcenar et l'empereur Hadrien, Une réécriture de l'Antiquité, Catalogue de l'exposition au Forum antique de Bavay, musée archéologique du Département du Nord, Gand, Éditions Snoeck, 2015, pp. 80-93.

 

 

BERTHIER Philippe"Regarder les images jusqu'à les faire bouger", dans BLANCKEMAN Bruno (s/d), Les Diagonales du Temps. Marguerite Yourcenar à Cerisy, Presses universitaires de Rennes 2007, [2016], pp. 113-24.

 

 

HALLEY AchmyMémoires d'Hadrien, Genèse, réception et postérité d'un chef-d'oeuvre, dans Marguerite Yourcenar et l'empereur Hadrien, Une réécriture de l'Antiquité, Catalogue de l'exposition au Forum antique de Bavay, musée archéologique du Département du Nord, Gand, Éditions Snoeck, 2015, pp. 27-37.

 

 

YOURCENAR Marguerite, Carnets de notes de Mémoires d'HadrienParis, Gallimard, 1981, Collection "Folio" n° 921, pp. 323 et 336.

 

 

YOURCENAR MargueriteQuoi ? L'éternité, Paris, Gallimard, 1990, Collection "Folio" n° 2161, p. 230.

 

 

YOURCENAR Marguerite, Les yeux ouverts. Entretiens avec Matthieu GaleyParis, Le Livre de Poche "Biblio" n° 5577,  Librairie Générale Française, 2015, p. 32.  

 

 

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20 septembre 2016 2 20 /09 /septembre /2016 00:00

 

 

Troisième Partie :  

 

 

" JE NE SAVAIS PAS QUE LA DOULEUR CONTIENT D'ÉTRANGES LABYRINTHES OÙ JE N'AVAIS PAS FINI DE MARCHER "

 

 

 

 

     Avec la relation des funérailles d'Antinoüs tout imprégnées de rites égyptiens que nous allons lire dans un court instant, nous serons arrivés vous et moi, amis visiteurs, au terme de la première section de ce qu'immodestement je nomme "dossier-enquête" que je souhaitais ouvrir en cette rentrée de septembre en vous permettant de (re)découvrir trois extraits du chef-d'oeuvre de Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, récit épistolaire, je vous le rappelle, censé avoir été adressé par l'auguste Hadrien à son petit-fils adoptif, le futur empereur Marc Aurèle.

 

     Si, aux fins de porter plus spécifiquement l'éclairage sur le jeune Bithynien, je me suis, dans un premier temps, uniquement confiné dans la seule fiction romanesque, je me dois, dans un second temps à venir, grâce à l'archéologie et à l'épigraphie égyptologiques, de vous permettre de percevoir au plus près la réalité historique de sa courte vie aux côtés de son mentor et l'avenir post-mortem que ce dernier tint à lui assurer. 

 

     Ce double dessein, vous l'aurez évidemment compris, a justifié le titre générique que j'ai choisi pour l'ensemble de ces articles : "Les devenirs d'Antinoüs : de la fiction romanesque à la réalité archéologique".  

 

     Il ne vous aura pas plus échappé, je présume, que la motivation première de cette nouvelle éude au sein d'ÉgyptoMusée fut la découverte que nous fîmes du buste d'Antinoüs proposé par l'égyptologue belge Arnaud Quertinmont à l'exposition Dieux, Génies et Démons en Égypte ancienne qu'il a conçue cette année au Musée royal de Mariemont, à Morlanwelz, en Belgique.

 

     Si vous le voulez bien, sur cette oeuvre, nous reviendrons de manière plus détaillée la semaine prochaine  car pour l'heure, c'est aux obsèques du jeune homme que je vous convie d'assister ...     

 

 

     Les embaumeurs livrèrent leur ouvrage : on déposa le mince cercueil de cèdre à l'intérieur d'une cuve de porphyre, dressée tout debout dans la salle la plus secrète du temple. Je m'approchai timidement du mort. Il semblait costumé : la dure coiffe égyptienne recouvrait les cheveux. Les jambes serrées de bandelettes n'étaient plus qu'un long paquet blanc, 

 

Musée du Louvre - Département des Antiquités égyptiennes, salle 15, vitrine 1 : Momie de Pachéry (N 2627)

Musée du Louvre - Département des Antiquités égyptiennes, salle 15, vitrine 1 : Momie de Pachéry (N 2627)

 

mais le profil du jeune garçon n'avait pas changé : les cils faisaient sur les joues fardées une ombre que je reconnaissais. Avant de terminer l'emmaillotement des mains, on tint à me faire admirer les ongles d'or. Les litanies commencèrent ; le mort, par la bouche des prêtres, déclarait avoir été perpétuellement véridique, perpétuellement chaste, perpétuellement compatissant et juste, se vantait de vertus qui, s'il les avait ainsi pratiquées, l'auraient mis à jamais à l'écart des vivants. L'odeur rance de l'encens emplissait la salle : à travers un nuage, j'essayai de me donner à moi-même l'illusion du sourire : le beau visage immobile paraissait trembler. J'ai assisté aux passes magiques par lesquelles les prêtres forcent l'âme du mort à incarner une parcelle d'elle-même à l'intérieur des statues qui conserveront sa mémoire : et à d'autres injonctions, plus étranges encore. Quand ce fut fini, on mit en place le masque d'or moulé sur la cire funèbre ; il épousait étroitement les traits. Cette belle surface incorruptible allait bientôt résorber en elle-même ses possibilités de rayonnement et de chaleur : elle giserait à jamais dans cette caisse hermétiquement close, symbole inerte d'immortalité. On posa sur la poitrine un bouquet d'acacias. Une douzaine d'hommes mirent en place le pesant couvercle. Mais j'hésitais encore au sujet de l'emplacement de la tombe. Je me rappelai qu'en ordonnant partout des fêtes d'apothéose, des jeux funèbres, des frappes de monnaies, des statues sur les places publiques, j'avais fait une exception pour Rome : j'avais craint d'augmenter l'animosité qui entoure plus ou moins tout favori étranger. Je me dis que je ne serais pas toujours là pour protéger cette sépulture. Le monument prévu aux portes d'Antinoé semblait aussi trop public, peu sûr. Je suivis l'avis des prêtres. Ils m'indiquèrent au flanc d'une montagne de la chaîne arabique, à trois lieues environ de la ville, une de ces cavernes destinées jadis par les rois d'Égypte à leur servir de puits funéraire. Un attelage de boeufs traîna le sarcophage sur cette pente. À l'aide de cordes, on le fit glisser le long de ces corridors de mine  ; on l'appuya contre une paroi de roc. L'enfant de Claudiopolis descendait dans la tombe comme un pharaon, comme un Ptolémée. Nous le laissâmes seul. Il entrait dans cette durée sans air, sans lumière, sans saisons et sans fin, auprès de laquelle toute vie semble brève ; il avait atteint cette stabilité, peut-être ce calme. Les siècles encore contenus dans le sein opaque du temps passeraient par milliers sur cette tombe sans lui rendre l'existence, mais aussi sans ajouter à sa mort, sans empêcher qu'il eût été.

 

    

LES DEVENIRS D'ANTINOÜS : DE LA FICTION ROMANESQUE À LA RÉALITÉ ARCHÉOLOGIQUE

 

     Hermogène me prit par le bras pour m'aider à remonter à l'air libre ; ce fut presque une joie de se retrouver à la surface, de revoir le froid ciel bleu entre deux pans de roches fauves. Le reste du voyage fut court. À Alexandrie, l'impératrice se rembarqua pour Rome.

 

     Je rentrai en Grèce par voie de terre. Le voyage fut long.  

 

 

 

 

Marguerite  YOURCENAR

Mémoires d'Hadrien

 

Paris, Gallimard, Collection Folio n° 921,

pp. 221 et 228-33 de mon édition de 1981

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13 septembre 2016 2 13 /09 /septembre /2016 00:00

 

 

Deuxième Partie :  

 

" IL A OBÉI À L'ORDRE DU CIEL  "

 

 

 

     Or donc, depuis mardi dernier, vous aurez compris, amis visiteurs, que nous allions abondamment évoquer l'ici-bas et l'au-delà de ce jeune et bel éphèbe du nom d'Antinoüs qui vécut au deuxième siècle de notre ère,

 

Antinoüs au némès - Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Ma 433)

Antinoüs au némès - Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Ma 433)

 

favori de l'empereur Hadrien, originaire de Claudiopolis, ville de la province romaine de Bithynie, en Asie mineure, au nord-ouest de la Turquie asiatique actuelle. Et ce, dans un premier temps, en septembre, sous l'angle de la fiction romanesque grâce à de nouveaux extraits de l'immense roman de Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, dont nous poursuivrons la lecture dans quelques minutes ; et lors d'un second temps, en octobre, sous celui de l'Histoire en conviant à la barre conjointement l'archéologie et l'égyptologie, aux fins de tenter de répondre à diverses questions, comme les circonstances de sa mort, les rites typiquement égyptiens de ses funérailles, l'emplacement du tombeau que le souverain lui fit ériger et, in fine, en nous interrogeant sur son apothéose, comprenez sa divinisation, son admission dans le monde des dieux et sa catastérisation, entendez sa transformation en étoile visible dans le ciel : ses différents devenirs post-mortem, en quelque sorte. 

 

     Mais comme je viens de l'indiquer, avant de vous convier sur le chemin plus difficultueux de l'enquête proprement historique du "dossier" Antinoüs, reprenons, voulez-vous, notre déambulation au sein de Mémoires d'Hadrien et, plus spécifiquement, dans cette partie que la romancière a intitulée Saeculum aureum, - l'Âge d'or : l'évocation du décès plus que prématuré du jeune homme.

  

 

 

 

 

     Le premier jour du mois d'Athyr, la deuxième année de la deux cent vingt-sixième Olympiade ... C'est l'anniversaire de la mort d'Osiris, dieu des agonies : le long du fleuve, des lamentations aiguës retentissaient depuis trois jours dans tous les villages. (...)

     J'avais fait amarrer ma barque à quelque distance des autres, loin de tout lieu habité : un temple pharaonique à demi abandonné se dressait pourtant à proximité du rivage ; il avait encore son collège de prêtres ; je n'échappai pas tout à fait au bruit de plaintes. (...)

 

     Le courrier de Rome venait d'arriver ; la journée se passa à le lire et à y répondre. Comme d'ordinaire Antinoüs allait et venait silencieusement dans la pièce : je ne sais pas à quel moment ce beau lévrier est sorti de ma vie. Vers la douzième heure, Chabrias agité entra. Contrairement à toutes règles, le jeune homme avait quitté la barque sans spécifier le but et la longueur de son absence : deux heures au moins avaient passé depuis son départ. Chabrias se rappelait d'étranges phrases prononcées la veille, une recommandation faite le matin même, et qui me concernait. Il me communiqua ses craintes. Nous descendîmes en hâte sur la berge. Le vieux pédagogue se dirigea d'instinct  vers une chapelle située sur le rivage, petit édifice isolé qui faisait partie des dépendances du temple, et qu'Antinoüs et lui avaient visité ensemble. Sur une table à offrandes, les cendres d'un sacrifice étaient encore tièdes. Chabrias y plongea les doigts, et en retira presque intacte une boucle de cheveux coupés.

    Il ne nous restait plus qu'à explorer la berge. Une série de réservoirs, qui avaient dû servir autrefois à des cérémonies sacrées, communiquaient avec une anse du fleuve : au bord du dernier bassin, Chabrias aperçut dans le crépuscule qui tombait rapidement un vêtement plié, des sandales. Je descendis les marches glissantes : il était couché au fond, déjà enlisé par la boue du fleuve. Avec l'aide de Chabrias, je réussis à soulever le corps qui pesait soudain d'un poids de pierre. Chabrias héla des bateliers qui improvisèrent une civière de toile. Hermogène appelé à la hâte ne put que constater la mort. Ce corps si docile refusait de se laisser réchauffer, de revivre. Nous le transportâmes à bord. Tout croulait ; tout parut s'éteindre. Le Zeus  Olympien, le Maître de Tout, le Sauveur du Monde s'effondrèrent, et il n'y eut plus qu'un homme à cheveux gris sanglotant sur le pont d'une barque.

 

     Deux jours plus tard, Hermogène réussit à me faire penser aux funérailles. Les rites de sacrifice dont Antinoüs avait choisi d'entourer sa mort nous montraient un chemin à suivre : ce ne serait pas pour rien que l'heure et le jour de cette fin coïncidaient avec ceux où Osiris descend dans la tombe. Je me rendis sur l'autre rive, à Hermopolis, chez les embaumeurs. J'avais vu leurs pareils travailler à Alexandrie ; je savais quels outrages j'allais faire subir à ce corps. Mais le feu aussi est horrible, qui grille et charbonne cette chair qui fut aimée ; et la terre où pourrissent les morts.

     La traversée fut brève ; accroupi dans un coin de la cabine de poupe, Euphorion hululait à voix basse je ne sais quelle complainte funèbre africaine ;  ce chant étouffé et rauque me semblait presque mon propre cri. Nous transférâmes le mort dans une salle lavée à grande eau qui me rappela la clinique de Satyrus ; j'aidai le mouleur à huiler le visage avant d'y appliquer la cire. Toutes les métaphores retrouvaient un sens : j'ai tenu ce coeur entre mes mains. Quand je le quittai, le corps vide n'était plus qu'une préparation d'embaumeur, premier état d'un atroce chef-d'oeuvre, substance précieuse traitée par le sel et la gelée de myrrhe, que l'air et le soleil ne toucheraient jamais plus.

 

     Au retour, je visitai le temple près duquel s'était consommé le sacrifice ; je parlai aux prêtres. Leur sanctuaire rénové redeviendrait pour toute l'Égypte un lieu de pèlerinage ; leur collège enrichi, augmenté se consacrerait désormais au service de mon dieu. Même dans les moments les plus obtus, je n'avais jamais douté que cette jeunesse fût divine. La Grèce et l'Asie le vénéreraient à notre manière, par des jeux, des danses, des offrandes rituelles au pied d'une statue blanche et nue. L'Égypte, qui avait assisté à l'agonie, aurait elle aussi sa part dans l'apothéose. Ce serait la plus sombre, la plus secrète, la plus dure : ce pays jouerait auprès de lui un rôle d'éternel embaumeur. Durant des siècles, des prêtres au crâne rasé réciteraient des litanies où figurerait ce nom, pour eux sans valeur, mais qui pour moi contenait tout. Chaque année, la barque sacrée promènerait cette effigie sur le fleuve ; le premier du mois d'Athyr, des pleureurs marcheraient sur cette berge où j'avais marché. Toute heure a son devoir immédiat, son injonction qui domine les autres : celle du moment était de défendre contre la mort le peu qui me restait.

 

     Phlégon avait réuni pour moi sur le rivage les architectes et les ingénieurs de ma suite ; soutenu par une espèce d'ivresse lucide, je les traînai le long des collines pierreuses ; j'expliquai mon plan, le développement des quarante-cinq stades du mur d'enceinte ; je marquai dans le sable la place de l'arc de triomphe, celle de la tombe. Antinoé allait naître : ce serait déjà vaincre la mort que d'imposer à cette pierre sinistre une cité toute grecque, un bastion qui tiendrait en respect les nomades de l'Érythrée, un nouveau marché sur la route de l'Inde. Alexandre avait célébré les funérailles d'Héphaistion par des dévastations et des hécatombes. Je trouvais plus beau d'offrir au préféré une ville où son culte serait à jamais mêlé au va-et-vient sur la place publique, où son nom reviendrait dans les causeries du soir, où les jeunes hommes se jetteraient des couronnes à l'heure des banquets. Mais, sur un point, ma pensée flottait. Il semblait impossible d'abandonner ce corps en sol étranger. Comme un homme incertain de l'étape suivante ordonne à la fois un logement dans plusieurs hôtelleries, je lui commandai à Rome un monument sur les bords du Tibre, près de ma tombe : je pensai aussi aux chapelles égyptiennes que j'avais, par caprice, fait bâtir à la Villa, et qui s'avéraient soudain tragiquement utiles. 

     On prit jour pour les funérailles qui auraient lieu au bout des deux mois exigés par les embaumeurs. Je chargeai Mésomédès de composer des chants funèbres. Tard dans la nuit, je rentrai à bord ; Hermogène me prépara une potion pour dormir. 

 

 

 

Marguerite  YOURCENAR

Mémoires d'Hadrien

 

Paris, Gallimard, Collection Folio n° 921,

pp. 215-8 et 238 de mon édition de 1981

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6 septembre 2016 2 06 /09 /septembre /2016 00:00

 

 

Première Partie :

 

" JE ME SENTAIS RESPONSABLE DE LA BEAUTÉ DU MONDE "

 

 

 

 

 

 Mon cher Marc "  

 

 

     C'est par cette formule d'appel que l'empereur romain Hadrien (Imperator Caesar Trajanus Hadrianus Augustus, 76-138 de notre ère) entame le récit de sa vie, propos qu'il destine à son petit-fils adoptif, le futur empereur philosophe Marc Aurèle.

 

 

Tête en marbre de l'empereur Hadrien - Louvre : Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Ma 3132)  (© Hervé Lewandowski)

Tête en marbre de l'empereur Hadrien - Louvre : Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Ma 3132) (© Hervé Lewandowski)

 

    Ou, plus exactement, c'est par ces simples mots que la romancière Marguerite Cleenewerck de Crayencour, née le 8 juin 1903 à Bruxelles, d'un père d'origine française et d'une mère belge, - que vraisemblablement vous connaissez mieux, amis visiteurs, sous le nom de Marguerite Yourcenar, anagramme quasiment complète de son vrai patronyme -, commence cet admirable roman "Mémoires d'Hadrien" dans lequel il m'a plu de m'enfouir à nouveau au cours des récentes vacances d'été, quelque 35 ans après le réel coup de coeur littéraire qu'il  m'avait offert lors de sa première lecture.

 

     Ce matin qui voit la rentrée officielle d'ÉgyptoMusée, ainsi que maints autres mardis à venir, il me siérait de vous en donner à découvrir différents extraits.

 

     Mais pour quelle raison, seriez-vous en droit de m'interroger, un roman, - ce qui est déjà hors norme dans mon chef -, et celui-là plus particulièrement ?

 

     Peut-être certains parmi vous, amis Lillois ou de Picardie, feront-ils le rapprochement avec cette exposition qui lui fut dédiée jusqu'au 30 août dernier au Forum antique de Bavay, musée archéologique du Département du Nord, que je n'ai personnellement pas eu l'opportunité de visiter. 

     Là, toutefois, ne réside pas le véritable prétexte.

     D'autres, parmi vous, amis visiteurs, établiront tout naturellement une corrélation avec l'exposition "Dieux, Génies, Démons en Égypte ancienne" que nous parcourûmes de conserve en juin dernier, au Musée royal de Mariemont.

    Et ceux-là seront dans le vrai !

 

     Nous en reparlerons abondamment plus tard Car pour l'heure, et sans plus tarder, tournons une première fois les pages de ce chef d'oeuvre absolu qu'est Mémoires d'Hadrien.

 

 

 

 

   L'art du portrait m'intéressait peu. Nos portraits romains n'ont qu'une valeur de chronique : copies marquées de rides exactes ou de verrues uniques, décalques de modèles qu'on coudoie distraitement dans la vie et qu'on oublie sitôt morts. Les Grecs au contraire ont aimé la perfection humaine au point de se soucier assez peu du visage varié des hommes. Je ne jetais qu'un coup d'oeil à ma propre image, cette figure basanée, dénaturée par la blancheur du marbre, ces yeux grands ouverts, cette bouche mince et pourtant charnue, contrôlée jusqu'à trembler. Mais le visage d'un autre m'a préoccupé davantage. Sitôt qu'il compta dans ma vie, l'art cessa d'être un luxe, devint une ressource, une forme de secours. J'ai imposé au monde cette image : il existe aujourd'hui plus de portraits de cet enfant que de n'importe quel homme illustre, de n'importe quelle reine.

       

Antinoüs au némès - Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Ma 433)

Antinoüs au némès - Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (Ma 433)

 

     J'eus d'abord à coeur de faire enregistrer par la statuaire la beauté successive d'une forme qui change ; l'art devint ensuite une sorte d'opération magique capable d'évoquer un visage perdu. Les effigies colossales semblaient un moyen d'exprimer ces vraies proportions que l'amour donne aux êtres ; ces images, je les voulais énormes comme une figure vue de tout près, hautes et solennelles comme les visions et les apparitions du cauchemar ; pesantes comme l'est resté ce souvenir. Je réclamais un fini parfait, une perfection pure, ce dieu qu'est pour ceux qui l'ont aimé tout être mort à vingt ans, et aussi la ressemblance exacte, la présence familière, chaque irrégularité d'un visage plus chère que la beauté. Que de discussions pour maintenir la ligne épaisse d'un sourcil, la rondeur un peu tuméfiée d'une lèvre ... Je comptais désespérément sur l'éternité de la pierre, la fidélité du bronze, pour perpétuer un corps périssable, ou déjà détruit, mais j'insistais aussi pour que le marbre, oint chaque jour d'un mélange d'huile et d'acides, prît le poli et presque le moelleux d'une chair jeune. Ce visage unique, je le retrouvais partout : j'amalgamais les personnes divines, les sexes et les attributs éternels, la dure Diane des forêts au Bacchus mélancolique, l'Hermès vigoureux des palestres au dieu double qui dort, la tête contre le bras, dans un désordre de fleur. Je constatais à quel point un jeune homme qui pense ressemble à la virile Athéna. Mes sculpteurs s'y perdaient un peu ; les plus médiocres tombaient ça et là dans la mollesse et dans l'emphase ; tous pourtant prenaient plus ou moins part aux songes. Il y a les statues et les peintures du jeune vivant, celles qui reflètent ce paysage immense et changeant qui va de la quinzième à la vingtième année : le profil sérieux de l'enfant sage ; cette statue où un sculpteur de Corinthe a osé garder le laisser-aller du jeune garçon qui bombe le ventre en effaçant les épaules, la main sur la hanche, comme s'il surveillait au coin d'une rue une partie de dés. Il y a ce marbre où Papias d'Aphrodisie a tracé un corps plus que nu, désarmé, d'une fraîcheur fragile de narcisse. Et Aristéas a sculpté sous mes ordres, dans une pierre un peu rugueuse, cette petite tête impérieuse et fière ... Il y a les portraits d'après la mort, et où la mort a passé, ces grands visages aux lèvres savantes, chargés de secrets qui ne sont plus les miens, parce que ce ne sont plus ceux de la vie. Il y a ce bas-relief où le Carien Antonianos a doué d'une grâce élyséenne le vendangeur vêtu de soie grège, et le museau amical du chien pressé contre une jambe nue. Et ce masque presque intolérable, oeuvre d'un sculpteur de Cyrène, où le plaisir et la douleur fusent et s'entrechoquent sur ce même visage comme deux vagues sur un même rocher. Et ces petites statuettes d'argile à un sou qui ont servi à la propagande impériale : Tellus Stabilita, le Génie de la Terre pacifiée, sous l'aspect d'un jeune homme couché qui tient des fruits et des fleurs. 

 

     Trahit sua quemque voluptas. À chacun sa pente : à chacun aussi son but, son ambition si l'on veut, son goût le plus secret et son plus clair idéal. Le mien était enfermé dans ce mot de beauté, si difficile à définir en dépit de toutes les évidences des sens et des yeux. Je me sentais responsable de la beauté du monde. Je voulais que les villes fussent splendides, aérées, arrosées d'eaux claires, peuplées d'êtres humains dont le corps ne fût détérioré ni par les marques de la misère ni de la servitude, ni par l'enflure d'une richesse grossière ; que les écoliers récitassent d'une voix juste des leçons point ineptes ; que les femmes au foyer eussent dans leurs mouvements une espèce de dignité maternelle, de repos puissant ; que les gymnases fussent fréquentés par des jeunes hommes point ignorants des jeux et des arts ; que les vergers portassent les plus beaux fruits et les champs les plus riches moissons. Je voulais que l'immense majesté de la paix romaine s'étendît à tous, insensible et présente comme la musique du ciel en marche ; que le plus humble voyageur pût errer d'un pays, d'un continent à l'autre, sans formalités vexatoires, sans dangers, sûr partout d'un minimum de légalité et de culture ; que nos soldats continuassent leur éternelle danse pyrrhique aux frontières ; que tout fonctionnât sans accroc, les ateliers et les temples ; que la mer fût sillonnée de beaux navires et les routes parcourues par de fréquents attelages ; que, dans un monde bien en ordre, les philosophes eussent leur place et les danseurs aussi.

     Cet idéal, modeste en somme, serait assez souvent approché si les hommes mettaient à son service une partie de l'énergie qu'ils dépensent en travaux stupides ou féroces ; une chance heureuse m'a permis de le réaliser partiellement ce dernier quart de siècle.

 

(...)

 

 

 

Marguerite  YOURCENAR

Mémoires d'Hadrien

 

Paris, Gallimard, Collection Folio n° 921,

pp. 146-9 de mon édition de 1981

 

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27 juin 2016 1 27 /06 /juin /2016 23:05
EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 6. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ET SI NOUS JOUIONS ?

 

     Vous vous rappelez certainement qu'en quittant l'exposition "De Stargate au Comics" organisée jusqu'au 20 novembre prochain, au rez-de-chaussée du Musée royal de Mariemont, à Morlanwelz, en province de Hainaut belge, je vous avais conviés, vos enfants ou petits-enfants et vous, amis visiteurs, à m'accompagner au second étage pour y déambuler entre "Dieux, génies et démons en Égypte ancienne" où, comme le suggère parmi d'autres cette affiche qui chapeaute notre rendez-vous de ce matin, - le dernier avant que débutent les vacances d'été, partant les quelque deux mois de repos que s'octroie et vous octroie ÉgyptoMusée -, un parcours a été conçu à l'intention des plus jeunes aux fins qu'ils puissent eux aussi découvrir ici, mais de manière ludique, qui sont ces divinités dont ils croiseront diverses figurations.

 

     Nonobstant cette intéressante et première approche, les concepteurs de ces deux manifestations ont également jugé opportun de lui associer un certain nombre d'activités parallèles, - appelons-les "stages d'été" -,  dont il me siérait maintenant d'évoquer le calendrier et les objectifs. 

 

 

 

1.     "Le musée à la hauteur des petits"

Pour les enfants de 3 à 6 ans : du mardi 5 au vendredi 8 juillet, de 10 à 16 H.

 

Photo de Musée royal de Mariemont.

 

"Dis-moi ce que tu vois, je te dirai comment tu es grand ! Parcourir le musée et le parc avec le point du vue du petit, lui confier un appareil photo, enregistrer les sons, les exclamations, le bruit des objets, dessiner des espaces dans lesquels bouger, remuer, écouter de la musique,… avec la précieuse complicité d’Olivier Roisin, danseur et chorégraphe."

 

PAF : 60 € pour les quatre jours 
 

Inscription obligatoire !

Infos : sp@musee-mariemont.be ou 064 27 37 84

 

 

 

2.     "Crayon, papier, ciseaux !"

 

Pour le enfants de 8 à 15 ans : du mardi 5 au vendredi 8 juillet, de 10 à 16 H.

 

"Les collections permanentes du Musée et l’exposition temporaire "Dieux, Génies, Démons en Égypte ancienne" seront notre source d’inspiration. Objectif de la semaine : réaliser un livre de l’illustration à la reliure…

Pour en illustrer les pages, nous utiliserons du Coca, des gommes, de l’huile, de l’encre de Chine, du brou de noix… de la colle et des ciseaux.

Livre unique réalisé par des artistes en herbe !"

 

PAF : 60 € pour les quatre jours 
 

Inscription obligatoire !

Infos : sp@musee-mariemont.be ou 064 27 37 84

 

 

 

3.     "Dieux, Génies et Démons, c’est qui ? c’est quoi ?"

Pour les enfants de 6 à 12 ans : du mardi 12 au vendredi 15 juillet, de 10 à 16 H.

 

Photo de Musée royal de Mariemont.

 

"Partons à la découverte de l’univers des mythes, des dieux, des génies et des démons égyptiens. Parfois intimidants, parfois intimes, souvent étranges et complexes, les divinités égyptiennes n’ont cessé de fasciner l’homme, et ce, depuis l’Antiquité. Mais après tout, qu’est-ce qu’un dieu ? Et pourquoi choisir de représenter des divinités aussi étranges, tantôt humaines, tantôt animales ou hybrides ?"

 

PAF : 60 € pour les quatre jours 
 

Inscription obligatoire !

Infos : sp@musee-mariemont.be ou 064 27 37 84

 

 

 

4.     "Héros un jour, héros toujours".

 

Pour les enfants de 6 à 12 ans : du mardi 23 au vendredi 26 août, de 10 à 16 H.

 

Photo de Musée royal de Mariemont.

 

"Des héros, il y en a dans toutes les civilisations. Qui étaient les héros d’hier ? Qui sont-ils de nos jours ? Sont-ils toujours considérés comme « super » ? Quels sont leurs pouvoirs ? Entre mythologie et comics, nous découvrirons des récits racontant leurs exploits."

 

PAF : 60 € pour les quatre jours 
 

Inscription obligatoire !

Infos : sp@musee-mariemont.be ou 064 27 37 84

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     Voilà ce que vous pourrez trouver, amis visiteurs, concernant toutes les activités soumises au bon vouloir de vos enfants et/ou petits-enfants par l'équipe pédagogique du Musée, en relation avec les expositions égyptologiques ; renseignements que j'ai tout simplement pour vous recopiés de la page Facebook de l'Institution.

 

    J'y ajouterai toutefois une dernière proposition qui se déroulera, pour les familles, les premiers dimanches des cinq mois à venir, intitulée :  "Vers l'infini et l'au-delààààà"

 

     Il s'agira, de 14, 30 H. à 16 H., les 3 juillet, 7 août, 4 septembre, 2 octobre et 6 novembre, pour une participation de 2 € par personne, - enfants à partir de 5 ans, compris -, de prolonger la visite des deux expositions par un "atelier pour super-héros aux super-pouvoirs" ...

 

 

     Reconnaissez, amis visiteurs, qu'à la différence d'ÉgyptoMusée, Mariemont pour sa part, ne vous "abandonne" pas pendant les vacances d'été !

 

     Bonne visite, bon stage à ceux qui parmi vous décideront de passer cette année par le Musée royal de Mariemont et, quoi que vous en fassiez,

 

EXCELLENTES VACANCES

 

à toutes et à tous

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20 juin 2016 1 20 /06 /juin /2016 23:03

     Je ne peux pas m'imaginer voir d'un coup un Cézanne. Je sens que je suis obligé, pour le rendre à la vision, de le penser presque point par point, touche par touche, plan par plan, lentement, vite, comme si je n'allais jamais parvenir à le terminer en tant qu'ensemble.  

 

 

Philippe SOLLERS

Le paradis de Cézanne 

 

dans Éloge de l'infini

Paris, Gallimard, Folio 3806, 2003

p. 46

 

 

 

     

      Qu'il se puisse que cela vous ait échappé, amis visiteurs, ne m'étonnerait guère dans la mesure où je n'ai pas vraiment insisté mais la semaine dernière, en réquérant votre attention pour deux pièces en rapport avec la déesse Isis présentées à l'exposition "Dieux, génies, démons en Égypte ancienne" que propose jusqu'au 20 novembre prochain au second étage du Musée royal de Mariemont, à Morlanwelz, en province de Hainaut belge, Arnaud Quertinmont, Conservateur du Département Égypte/Proche-Orient, j'avais évoqué l'étroite corrélation qui existait dans la mythologie égyptienne entre cette divinité et Hathor.

 

    Ce matin, je souhaiterais vous permettre d'admirer un objet en stéatite glaçurée, - autre coup de coeur personnel -, en partie relatif à la déesse Hathor, petit il est vrai puisqu'il ne mesure que 7 centimètres de long, 4,50 de large et 2,50 de haut, ce que le superbe gros plan qu'a accepté de m'offrir Alain Guilleux pour illustrer mon propos ne laisse pas à première vue deviner. 

 

 

© Alain Guilleux

© Alain Guilleux

 

     Déposé à l'avant-plan gauche d'une vitrine dans laquelle figurent, - et ce n'est point un hasard ! -, une statue de Bès, un ivoire magique et une statuette de fertilité, ce petit objet funéraire, vraisemblablement un godet à onguent, peut relativement passer inaperçu, 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 5. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : HATHOR

 

tout autant d'ailleurs qu'au Département des Antiquités égyptiennes du Louvre où il semblait encore bien plus perdu dans l'immense vitrine 2 de sa salle 5 quand, en 2010 déjà, j'avais dessus porté l'éclairage aux fins de le considérer tel qu'il le mérite, certains d'entre vous parmi les plus anciens et fidèles lecteurs s'en souvenant peut-être.

 

     Acquis jadis pour le musée parisien par feu l'égyptologue Madame Christiane Desroches Noblecourt, ce minuscule bassin rectangulaire malheureusement ébréché en certains endroits date la XVIIIème dynastie.

 

     Dans la droite ligne des propos de Philippe Sollers choisis ce matin en guise d'exergue concernant l'oeuvre de Paul Cézanne qu'à la lumière de commentaires échangés sur sa page Facebook avec Alain Yvars, de longue date lecteur attentif de mon blog, je relus avant hier, je voudrais vous rendre sensibles à la beauté des différentes facettes de cette pièce exceptionnelle.

 

     Devant vous, le côté le plus long immédiatement visible sur le cliché d'Alain chapeautant notre rencontre démontre que sont successivement gravés en creux deux thèmes qu'il m'a jadis été donné d'aborder sur mon blog : celui d'abord du frêle petit veau qui a traversé, de manière ou d'une autre, mais très souvent en vue d'être mené à l'abattoir, bien des scènes que nous avons déjà rencontrées : ici, ce n'est plus sur les épaules d'un tout jeune moscophore qu'il est transporté, mais en barque ; et celui, ensuite, sur la droite, de la capture d'oiseaux palustres à l'aide d'un filet hexagonal.

 

     Sur la face opposée, décelable grâce au petit miroir judicieusement placé à l'arrière,

Louvre E 25298 © Georges Poncet

Louvre E 25298 © Georges Poncet

 

l'artiste a représenté une théorie de divers animaux sauvages habituellement chassés par les Égyptiens aux marges des déserts qui s'étendaient de part et d'autre de la Vallée du Nil et capturés pour soit les consommer, soit les domestiquer : oryx, antilope, singe, bovidé ... tous aussi évoqués dans divers anciens articles de mon blog.

 

     Les thématiques développées sur les deux étroits côtés doivent, quant à elle, s'appréhender sous un angle quelque peu plus religieux.

 

     Sur le premier d'entre eux, 

 

 

 

 

Louvre E 25298 © Georges Poncet

Louvre E 25298 © Georges Poncet

 

vous remarquerez, entourant le bas d'un collier de fleurs de lotus, la présence dédoublée de Hapy, génie de fécondité, incarnation de la crue du Nil en tant que fleuve nourricier, - auquel j'avais, en août 2008, consacré une de mes interventions hebdomadaires -, avec entre eux deux, un tilapia nilotica, poisson qui ne peut lui aussi que vous être devenu familier puisque dans cet article-ci mais également celui-là, je vous ai expliqué la symbolique qu'il véhiculait au niveau de la croyance des Égyptiens en une régénérescence dans une seconde vie depuis qu'ils s'étaient aperçu qu'immédiatement après la ponte, cette espèce abritait ses petits dans la gueule pour ne les régurgiter qu'une fois éclos.

 

     À nouveau, devant ce minuscule objet à connotation funéraire, vous aurez compris, amis visiteurs, combien les motifs présentés ne sont en rien anodins ni en rien gratuits : l'image égyptienne, je n'ai depuis huit ans cessé de le répéter, fut essentiellement utilitaire avant d'être simplement décorative.

 

     Finalité plus religieuse pour les décors des côtés latéraux, viens-je de vous préciser, qui vous apparaîtra plus évidente encore maintenant que nous allons envisager de découvrir la raison pour laquelle, après Isis la semaine dernière, il me seyait aujourd'hui de convoquer Hathor ... et même une théorie de sept Hathor, à l'instar des fées qui telles celles du conte de la Belle au Bois dormant prédisent leur destinée aux nouveau-nés.    

Louvre E 25298 © Georges Poncet

Louvre E 25298 © Georges Poncet

 

     Déesse du ciel, Hathor, - reconnaissable à sa couronne caractéristique : deux cornes de vache qui enserrent le disque solaire, rappelant ainsi qu'elle est fille de Rê -, était pourvue de multiples fonctions dans la cosmogonie égyptienne : patronne de l'amour, du désir érotique aussi, mais également de l'ivresse, de la joie, de la musique, de la danse ; sans oublier qu'en lien avec la fécondité, elle avait également en charge de protéger les femmes, leurs grossesses, leurs accouchements puis, tout naturellement, leurs nourrissons.

 

     Ressortissant aussi au domaine plus spécifiquement funéraire, elle était considérée comme la souveraine de la nécropole thébaine avec dessein de pourvoir à la renaissance des défunts.

 

     Déesse des déesses, nourrice céleste, parfois démultipliée, au nombre de sept comme sur ce godet à onguent quadrangulaire ici devant nous où elle est toutefois figurée sous forme humaine, elle pouvait également prendre une apparence bovine et, dès lors, décliner sept noms distincts, ainsi que le confirment et la vignette et le chapitre 148 du Livre pour sortir au jour, plus souvent mais improprement nommé Livre des Morts : 

 

 

Formule pour approvisionner le bienheureux dans l'empire des morts.

 

Paroles dites par N. " Salut à toi, celui qui brille en son disque, (âme) vivante qui monte de l'horizon !

N. te connaît et connaît ton nom, et connaît le nom des sept vaches et de leur taureau.

Vous qui donnez pain, bière, ce qui est profitable aux âmes, qui fournissez les portions journalières, donnez du pain et de la bière, fournissez les provisions pour moi, N. ; qu'il vous accompagne, qu'il vienne à l'existence sous vos croupes !

 

     Vache  Château-des-kas, maîtresse-de-l'Univers ;

     Vache  Igeret, celle-qui-se-tient-en-avant-de-sa-place ;

     Vache  La Khemmite, celle-qui-emmaillote-le-dieu ;

     Vache  Grand-est-son-amour, la Rousse ;

     Vache  Possesseur-de-vie, la Colorée ;

     Vache  Celle-dont-le-nom-fait-autorité-dans-sa-catégorie ;

     Vache  Nuée-du-ciel, celle-qui-porte-le-dieu ;

 

     Taureau, le mâle-des-vaches ;

 

donnez pain, bière, offrandes alimentaires, approvisionnez le bienheureux N., bienheureux parfait qui est dans l'empire des morts.

 

 

     Approvisionner le bienheureux dans l'empire des morts, indique la formule : je crois qu'il n'est nul besoin, amis visiteurs, après l'extrait de ce texte funéraire, de m'apesantir sur la raison pour laquelle ce magnifique petit bassin en stéatite destiné à accompagner le défunt dans sa maison d'éternité qui tant me plaît convie le collège des sept déesses Hathor, tout à la fois protectrices et nourricières, pour son devenir post mortem ...

 

 

    Mais j'espère aussi, sollicitant à nouveau Philippe Sollers invité à l'entame de notre rencontre, vous amener à la conclure avec la même philosophie que ces quelques mots qu'il avance, page 47 de l'ouvrage précité :

 

     Je renonce donc au grappin optique, à la vulgarité meutrière du "j'ai vu", en réalité je ne vois déjà plus rien, je pense à voir, ce qui est tout autre chose. 

 

 

 

 

 

 

     À nouveau grand merci à toi, Alain, d'avoir consenti à m'offrir ici la possibilité d'exporter un de tes clichés, celui qui chapeaute le présent article.

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

BARGUET Paul, Le Livre des Morts des anciens Égyptiens, Paris, Éditions du Cerf, 1967 pp. 206-7.

 

 

 

MARUÉJOL Florence, 2009, Dieux et rites de l'Égypte antique, Paris, La Martinière, 2009, p. 36.

 

 

QUERTINMONT Arnaud, Petit bassin, dans QUERTINMONT ArnaudDieux, génies et démons en Égypte ancienne, Paris, Somogy Éditions d'Art / Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, 2016, notice catalogue 20, pp. 90-1.

 

 

SOLLERS PhilippeLe paradis de Cézanne, dans Éloge de l'infini, Paris, Gallimard, Folio 3806, 2003, pp. 46-7.

 

 

SPIESER Cathie, Meskhenet et les sept Hathors en Égypte ancienne, Études de lettres [En ligne], 3-4 (2011) : Des Fata aux fées, Faculté des lettres de l'Université de Lausanne, pp. 5 sqq.

 

 

 

   

 

     (À nouveau grand merci à toi, Alain, d'avoir consenti à m'offrir ici la possibilité d'exporter un de tes clichés : celui du petit godet funéraire qui chapeaute le présent article.)
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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 23:03

 

     Certes, j'eusse pu vous convier, amis visiteurs, à une balade dans un parc de quelque 45 hectares, superbe, celui du domaine royal de Mariemont, à Morlanwelz, en province de Hainaut belge où nous aurions flâné de conserve sur les bords munificents d'un plan d'eau ; 

 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 4. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ISIS

 

où nous aurions admiré des essences classées, certaines rares parce qu'exotiques, d'autres parce que moult fois séculaires ; 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 4. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ISIS

 

où nous aurions badaudé sur des chemins ourlés de flamboyants massifs d'azalées et de rhododendrons qu'ombragent fraternellement des hêtres pourpres ;

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 4. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ISIS

 

où nous aurions croisé six hommes, de licou et de simple chemise couverts, résignés si j'en crois Froissart, à se sacrifier pour sauver les habitants de leur ville s'apprêtant à être conquise par la soldatesque d'Édouard III d'Angleterre ; 

   

Auguste RODIN "Les Bourgeois de Calais"

Auguste RODIN "Les Bourgeois de Calais"

 

où nous aurions ...

 

     Brisons net l'anaphore et acceptez, - la beauté bucolique du parc ne le cédant en rien à celle des oeuvres égyptiennes encore à découvrir -, qu'après l'article préliminaire, sorte de mise en bouche apéritive du 17 mai dernier, après le préambule du 24 mai suivant, après les deux rencontres que nous nous sommes octroyées les 31 mai et 7 juin, j'aie préféré suivre l'invite que me suggère l'index injonctif de ce jeune garçon, - doigt que le scribe Amenempopé aurait pu comparer à un bec d'ibis :

 

 

Victor ROUSSEAU : "Vers la vie"

Victor ROUSSEAU : "Vers la vie"

 

nous rendre à nouveau au Musée lui-même 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 4. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ISIS

 

et plus spécifiquement en son second étage pour y reprendre, là où nous l'avions à peine ébauchée, la visite de l'exposition "Dieux, génies, démons en Égypte anciennequ'Arnaud Quertinmont, 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 4. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ISIS

 

Égyptologue, Docteur en Histoire, Art et Archéologie et Conservateur du Département Égypte/Proche-Orient, y propose jusqu'au 20 novembre prochain.

 

     Dans l'imposant ouvrage d'art de quelque 380 pages, - un catalogue, est-il convenu de l'appeler -, réalisé sous sa direction,

 

 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 4. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ISIS

 

l'introduction et les trois grandes thématiques envisagées par les contributions de grands noms de l'égyptologie contemporaine sont précédées d'un  texte, pp. 11-3, Par Horus demeure ! ou l'éternelle fascination des dieux égyptienssigné Jean-Marcel Humbert.

 

     Docteur en Histoire (égyptologie) et Docteur d'État ès-lettres et Sciences humaines de l'Université Paris IV-Sorbonne, Conservateur général honoraire du Patrimoine, J.-M. Humbert est incontestablement devenu LA référence en matière d'égyptomanie, thème qu'il a développé dans de nombreux écrits, ainsi qu'en tant que Commissaire de la mémorable exposition "Égyptomania. L'Égypte dans l'art occidental (1730-1930)", que j'eus l'heur de voir au Louvre en mars 1994.

 

     Le titre de son article, à tout le moins les trois premiers termes, fait évidemment référence, beaucoup d'entre vous l'auront reconnue, à l'exhortation "Par Horus demeure !" prononcée par le Professeur Mortimer en brandissant dans la direction d'un dangereux serpent naja rampant vers son lit la petite gaine de cuir contenant une quelconque formulation magique tracée en hiéroglyphes sur un vieux papyrus - (Mystère de la Grande Pyramide, tome II : La chambre d'Horus, planche V, dernier philactère) - que lui avait offerte quelques heures plus tôt le cheik Abdel Razek (op. cit., planche IV, 9ème vignette).

 

     Court article en réalité qui aurait tout aussi bien pu figurer dans un éventuel catalogue de l'exposition De Stargate aux comics que nous avons visitée de conserve les deux semaines précédentes, dans la mesure où traitant d'égyptomanie, il montre dans un premier temps combien certains dieux égyptiens contribuent de nos jours à faire acheter, Bastet, des croquettes pour chats, Osiris, des voitures d'occasion et Isis, des tire-lait !! 

 

     Isis dont J.-M. Humbert retrace ensuite la popularité dans l'imaginaire collectif depuis les cultes isiaques que propagèrent dans tout le bassin méditerranéen les légions romaines jusqu'aux comics américains qui en firent une héroïne surhumaine, dont également le cinéma s'empara, détenant certains pouvoirs comme ceux de s'envoler, de passser murailles, d'apparaître ou de disparaître selon son humeur ...

 

    Cette Isis devenue égérie d'une littérature éminemment contemporaine, l'exposition du rez-de-chaussée la met en valeur dans une de ses vitrines.          

 

     

 

 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 4. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ISIS

 

      Preuve, si besoin s'imposait encore de le souligner, qu'exista dans le chef de ses commissaires l'impérative volonté de les penser de manière que soit possible entre elles une étroite interdépendance susceptible, à des niveaux différents certes, de grandement séduire autant les parents que leurs enfants.

     Enfants qui sont bien sûr attendus eux aussi au second étage et auxquels un parcours est suggéré, avec jeux de questions/réponses, guidés qu'ils seront par un "Bès" contemporanéisé. 

 

© Alain Guilleux

© Alain Guilleux

 

 

     Là, tous auront loisir de retrouver la déesse Isis, épouse d'Osiris, mère d'Horus plus d'une quinzaine de fois représentée sous divers aspects et à différents époques avec les traits d'une jeune femme élancée, revêtue d'une robe longue moulante et souvent "coiffée" du signe hiéroglyphique figurant le siège du roi servant à écrire son nom en égyptien.

 

     C'est cette première apparence que je soulignerai aujourd'hui grâce à un fragment de cartonnage de momie en lin stuqué et peint (FT 207), datant de l'époque pendant laquelle l'Égypte vécut sous les dominations grecque puis romaine.

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 4. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ISIS

 

     Il fait partie d'un très bel ensemble de textiles coptes, 220 pièces, constitué par Maria Luise Fill et Robert Trevisiol, couple véritablement passionné par les tisssages et qui, dernièrement, décida d'offrir leur collection à la Fondation Roi Baudouin avec mission de la sauvegarder. Celle-ci jugea opportun de la placer en dépôt au Musée royal de Mariemont aux fins qu'elle soit admirée par le plus grand nombre. 

 

     Scrutez cette pièce de tissu : au niveau de la portion inférieure gauche, sous les représentations momiformes de chacun des quatre fils d'Horus et face à sa soeur Nephthys, vous distinguerez Isis, tournée vers la droite, assise sur le hiéroglyphe de l'or et portant sur la tête la figuration minimalisée du trône qu'à l'instant j'évoquai.

 

     Avant de prendre congé de vous, amis visiteurs, préférant vous laisser déambuler seuls au sein de l'exposition à la recherche des autres Isis présentes, j'aimerais  partager avec vous un véritable coup de coeur. Il constituera la seconde apparence sur laquelle je souhaitais ce matin attirer votre attention : une Isis coiffée de cornes ceignant un disque solaire, l'assimilant fortement à la déesse Hathor, figures divines de l'amour maternel qu'elles représentaient toutes deux dans la mythologie égyptienne.

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 4. DIEUX, GÉNIES, DÉMONS EN ÉGYPTE ANCIENNE : ISIS

     

    Qu'importe si pour expliquer d'aussi longues ailes, d'aucuns évoquent un geste protecteur quand d'autres hésitent entre celui de permettre l'ombre et, plus poétique et mieux en accord avec les souhaits des défunts, celui d'apporter en battant le doux souffle du vent du nord : mais ne trouvez-vous pas, amis visiteurs, qu'ainsi dotée, de cette statuette en bronze de 26 centimètres de haut, de cette Isis ailée, comme il est convenu de la nommer dans la littérature égyptologique, sourd une élégance hors du commun ?              

 

     Il vous reste un peu plus de cinq mois pour venir l'admirer à Mariemont avant qu'elle s'en retourne au Museum aan de Stroom d'Anvers où elle est répertoriée sous le numéro d'inventaire AV 79.1.30.

 

 

 

     (Grand merci à toi, Alaind'avoir aussi amicalement accepté de m'offrir ta photo de l'affiche de Bès destinée aux enfants pour l'insérer dans le présent article.)

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

CANNUYER ChristianStatuette d'Isis ailée, dans QUERTINMONT ArnaudDieux, génies et démons en Égypte ancienne, Paris, Somogy Éditions d'Art / Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, 2016, notice catalogue 57, pp. 190-1.

 

QUERTINMONT ArnaudFragment de cartonnage, dans QUERTINMONT ArnaudDieux, génies et démons en Égypte ancienne, Paris, Somogy Éditions d'Art / Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, 2016, notice catalogue 149, pp. 340-1.   

  

TREVISIOL Robert & alii, Textiles coptes. La collection Fill-Trevisiol, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 2015, pp. 30 et 99.

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6 juin 2016 1 06 /06 /juin /2016 23:03

 

     Nul doute donc que la puissance d'évocation des dieux de l'Égypte ancienne, qui ont atteint la force de mythes éternels, ne perdure encore longtemps, quelles que soient les métamorphoses que beaucoup leur font journellement subir.

 

 

Jean-Marcel  HUMBERT

Par Horus demeure ! ou l'éternelle fascination des dieux égyptiens

 

dans QUERTINMONT Arnaud 

Dieux, génies et démons en Égypte ancienne

 

Paris, Somogy Éditions d'Art / Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, 2016

p. 12

 

 

 

 

 

    Après avoir longuement évoqué, la semaine dernière, la première partie de l'exposition De Stargate TM aux Ccomics. Les dieux égyptiens dans la culture geek (1975-2015) que proposent ce semestre jusqu'au 20 novembre au rez-de-chaussée du Musée royal de Mariemont, à Morlanwemz, en province de Hainaut belge, Bertrand Fédérinov, Conservateur du fonds ancien de la Réserve précieuse et Responsable de la bibliothèque documentaire et Arnaud Quertinmont, Conservateur du Département Égypte/Proche-Orient, 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 3. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Seconde partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES BANDES DESSINÉES ET DIFFÉRENTS TYPES DE JEUX ...

 

je voudrais ce matin, amis visiteurs, poursuivre nos déambulations en vous faisant découvrir la seconde partie, plus spécifiquement dédiée à la bande dessinée et aux jeux, ayant bien évidemment certains membres du Panthéon égyptien en guise de fil conducteur.

     Au rez-de-chaussée du Musée, elle est concentrée dans la salle qui jouxte la Réserve précieuse que j'eus l'heur de personnellement découvrir l'année dernière.

   

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 3. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Seconde partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES BANDES DESSINÉES ET DIFFÉRENTS TYPES DE JEUX ...

 

     Ce n'est point inutilement coqueriquer que souligner le grand déploiement que connut au XXème siècle la bande dessinée belge : je pense bien évidemment, entre autres artistes, à Frankin et à ses "Fantasio" et "Spirou" (1946) ; à Morris et à son "Lucky Luke" (1947) ; à  Peyo et à ses "Schtroumpfs" (1958).

 

     Sans en être les seuls Belges, les deux premiers d'entre eux furent même distingués au point de recevoir le "Grand Prix de la ville d'Angoulême" à son festival international annuel de la BD ; le dernier prix en date, en janvier 2016, ayant également été attribué à un compatriote, le créateur de "Jeremiah", Hermann Huppen, originaire de Bévercé, près de Malmedy, en province de Liège.

 

     Dans notre pays, il est de tradition d'admettre que la bande dessinée acquiert véritablement ses lettres de noblesse à partir de 1929, avec les albums de Hergé et son "Tintin", portant également l'éclairage sur quelques personnages devenus emblématiques comme le Capitaine Haddock et ses succulents jurons, les Dupont et Dupond professant de mêmes mots, persuadés qu'ils sont d'ainsi toujours en dire plus, le Professeur Tournesol, inventeur invétéré atteint d'une surdité suscitant le cocasse, ainsi que l'inénarable, époustouflante et emperlousée Bianca Castafiore incapable de s'empêcher jamais d'interpréter devant son miroir l'extase que lui procure sa beauté ; sans oublier Milou, l'inséparable fox-terrier blanc qui, quelles que soient les circonstances, d'office trottine aux basques, - ou, plutôt, à la culotte de golf -, de Tintin.

 

     Le patrimoine graphique belge se devait évidemment d'affûter ses crayons pour convoquer l'Égypte ancienne et ses dieux au sein même de sa production : ce fut chose faite avec les deux tomes dus au Bruxellois Edgar P. Jacobs, parus respectivement en 1954 et 1955 : "Le Mystère de la Grande Pyramide".

 
EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 3. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Seconde partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES BANDES DESSINÉES ET DIFFÉRENTS TYPES DE JEUX ...

     

     Sacrifiant inévitablement à un manichéisme récurrent dans ce genre de littérature, Jacobs créa un couple de héros, Sir Francis Blake et le Professeur Philip Mortimer, confrontés au colonel Olrik, parangon du "méchant". Les uns recherchent une chambre secrète - eh oui, déjà !! - prétendument celée au coeur de la pyramide de Chéops qui contiendrait la tombe et le trésor d'Akhenaton ; l'autre, Olrik, tentant bien évidemment de déjouer les plans des enquêteurs.

 

     Dans le premier des deux tomes, "Le papyrus de Manéthon", apparaît également le Docteur Grossgrabenstein, égyptologue allemand qui fouille sur le plateau de Guizeh, personnage haut en couleur, partiellement inspiré, j'eus déjà l'opportunité de vous l'indiquer dans cet ancien article, par le Professeur Jean Capart, "père" et sommité de l'égyptologie belge.

 

     Vous vous doutez bien, amis visiteurs, que l'exposition de Mariemont ne pouvait passer sous silence ces incontournables de la bande dessinée "égyptisante" de notre pays. 

     Concomitamment, elle fait la part plus que belle à ce qu'il est convenu d'appeler les "Comics", terme anglais pour mêmement définir le 9ème art aux États-Unis.

 

     À la fin des années '30, après les incontournables héros que sont "Superman" et "Batman", - qu'il ne faut plus présenter, je pense -, apparaissent timidement outre Atlantique quelques livres sacrifiant également à l'Égypte en tant que théâtre de leur intrigue.

 

     Toutefois, l'exploitation plus intense des divinités intrinsèques aux mythes égyptiens en corrélation étroite avec les dieux astronautes que j'évoquai la semaine dernière n'interviendra en définitive dans la bande dessinée d'Outre-Atlantique qu'à partir des années '60, pour encore de nos jours donner naissance à de nouveaux ouvrages, The Book of the dead (1999), réinterprétation du mythe osirien que Plutarque a magistralement décrit dans son De Iside et Osiride, que j'avais déjà mentionné dans ce vieil article 

© DC Comics

© DC Comics

 

ou The Mighty Thor (2012) par exemple, dont rendent compte, conjointement à d'autres documents exposés dans les vitrines, les vingt encadrements alignés sur le mur de la salle.

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 3. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Seconde partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES BANDES DESSINÉES ET DIFFÉRENTS TYPES DE JEUX ...

 

     Je m'en voudrais, amis visiteurs, avant de terminer notre tour d'horizon de cette exposition tout à fait exceptionnelle, - vers laquelle, j'espère, je vous aurai donné envie de vous précipiter avant le 20 novembre prochain -, de ne point attirer votre attention sur la perspective ludique bien présente dans la culture geek mise ici à l'honneur : les jeux vidéo, les jeux de rôle ou plus simplement de plateau.  

 

     Peut-être se peut-il que certains parmi vous, ou que vos enfants, voire vos petits-enfants, s'adonnent à ces "joutes" grâce à votre ordinateur, comme par exemple Lara Croft et le temple d'Osiris, ou grâce à divers petits écrans plus manipulables sur les genoux.

    Peut-être aussi, d'autres, - ou les mêmes -, préfèrent-ils les jeux de société que l'on pratique volontiers en famille ou entre amis, tel cet exemplaire de Kemet ici exposé, - Kemet (ou Kemi), terme que l'on traduit habituellement par "Terre noire", était le nom donné par les Égyptiens de l'Antiquité à leur pays : partie de stratégie dans laquelle les joueurs s'affrontent sur une carte représentant le territoire égyptien en sollicitant les dieux aux seules fins de complètement le dominer.   

 

 

   

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 3. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Seconde partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES BANDES DESSINÉES ET DIFFÉRENTS TYPES DE JEUX ...

 

     Si, en parcourant l'exposition de Mariemont puis, en consultant l'album édité à son occasion, j'appris déjà beaucoup, c'est aussi en conversant avec un Petit Prince de 8 ans et demi que je pus accroître mes connaissances, notamment mon vocabulaire "technologique" à propos de consoles de jeux, de WII, de DS, - qui, comme j'aurais naïvement pu le croire, n'a strictement rien à voir avec une quelconque déesse égyptienne !! -, de PS VITA et d'autres PSP aux acronymes aussi ésotériques à mon entendement qu'ils sont exotériques au sien et que je puis maintenant considérer que tous ces sigles me sont devenus, si pas familiers, à tout le moins partiellement compréhensibles.

 

 

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30 mai 2016 1 30 /05 /mai /2016 23:03

 

 

     Ainsi l'égyptophilie s'est-elle nourrie des tâtonnements des débuts de l'archéologie égyptienne, des premières visites des voyageurs aux monuments, des premiers contacts, aussi, des collectionneurs et des érudits avec les objets mobiliers, statues ou amulettes. Les publications de textes et de dessins qui en sont issues et qui vont continuer à se multiplier jusqu'à la véritable naissance de l'égyptologie ont servi de base à l'apparition, puis au développement de l'égyptomanie.

 

 

Jean  LECLANT

Avant-propos

 

dans Jean-Marcel  HUMBERT 

L'égyptomanie dans l'art occidental

 

Paris, ACR Édition internationale, 1989

p. 9

 

 

 

     Si d'aventure certains d'entre vous, amis visiteurs, persistaient à croire qu'une exposition égyptologique ne constitue jamais que l'éternel retour d'une précédente exposition égyptologique, sorte de tautologie au sein de différentes institutions muséales, il serait opportun de venir ces prochains mois, jusqu'au 20 novembre très exactement, au Musée royal de Mariemont, à Morlanwelz, en province de Hainaut, pour y découvrir des événements ayant la mythologie pour toile de fond qui, assurément, marqueront au coin de l'excellence le paysage culturel belge.  

 

    En guise de prémices, je vous les avais déjà voici deux semaines annoncés. Du premier d'entre eux, "Dieux, génies, démons en Égypte ancienne", je vous en avais mardi dernier, souvenez-vous, simplement présenté les lignes directrices, vous assurant de m'y consacrer plus en détail dans le courant de ce tout proche mois de juin.

 

     Aujourd'hui, comme promis, j'aborderai ce qui très probablement constituera l'ÉVÉNEMENT - avec d'incommensurables majuscules ! -, au coeur de cette remarquable trilogie du semestre à venir : " De Stargate TM aux Ccomics. Les dieux égyptiens dans la culture geek (1975-2015).

 

     Ainsi l'égyptophilie s'est-elle nourrie des tâtonnements des débuts de l'archéologie égyptienne, des premières visites des voyageurs aux monuments, des premiers contacts, aussi, des collectionneurs et des érudits avec les objets mobiliers, statues ou amulettes. Les publications de textes et de dessins qui en sont issues et qui vont continuer  à se multiplier jusqu'à la véritable naissance de l'égyptologie ont servi de base à l'apparition, puis au développement de l'égyptomanie.

 

 

Jean  LECLANT

Avant-propos

 

dans Jean-Marcel  HUMBERT 

L'égyptomanie dans l'art occidental

 

Paris, ACR Édition internationale, 1989

p. 9

 

 

 

     Si d'aventure certains d'entre vous, amis visiteurs, persistaient à croire qu'une exposition égyptologique ne constitue jamais que l'éternel retour d'une précédente exposition égyptologique, sorte de tautologie au sein de différents musées, il serait opportun de venir ces prochains mois, jusqu'au 20 novembre très exactement, au Musée royal de Mariemont, à Morlanwelz, en province de Hainaut, pour y découvrir des événements qui, assurément, marqueront au coin de l'excellence le paysage culturel belge.  

 

    En guise de prémices, je vous avais déjà voici deux semaines, annoncé ces trois expositions ayant la mythologie pour de toile de fond.

 

     De celles plus spécifiquement dédiées à l'Égypte, j'avais la semaine dernière, souvenez-vous, simplement présenté les lignes directrices de la première, "Dieux, génies, démons en Égypte ancienne", vous assurant d'y revenir plus en détails dans le courant de ce prochain mois de juin.

 

     Aujourd'hui, comme promis, je voudrais aborder ce qui très probablement constituera l'ÉVÉNEMENT - avec d'incommensurables majuscules ! -, au coeur de cette remarquable trilogie du semestre à venir : " De Stargate TM aux Ccomics. Les dieux égyptiens dans la culture geek (1975-2015) 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 2. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Première partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES PRODUCTIONS CINÉMATOGRAPHIQUES ET TÉLÉVISUELLES

 

         L'égyptomanie, - car c'est effectivement de cela qu'il s'agit quand parmi ses différents aspects possibles l'on convoque la partie de culture geek dans laquelle est manifeste la résurgence des déités égyptiennes -, n'assoit nullement ses fondemements, à l'encontre de ce que l'on lit trop souvent sur le Net, sur la seule Campagne d'Égypte de Bonaparte, à l'extrême fin du XVIIIème siècle.

 

     Bien antérieurement, - et feu Jean Leclant le souligne judicieusement dans l'exergue que j'ai ce matin choisi pour vous -, c'est à la Renaissance que se développe en Europe l'envie de collectionner des objets en provenance des rives du Nil, dans le chef des premiers voyageurs d'abord, des puissants souverains très vite ensuite - je pense notamment à François Ier et à Charles Quint qui s'offrirent d'imposantes galeries d'antiques -, puis, enfin de riches particuliers souhaitant adorner leur environnement quotidien avec ce qu'il est convenu de nommer un "Cabinet de curiosités".

 

     C'est Bertrand Federinov, Licencié en Histoire et diplômé en Sciences du livre, Conservateur du fonds ancien de la Réserve précieuse et Responsable de la bibliothèque documentaire au Musée de Mariemont 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 2. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Première partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES PRODUCTIONS CINÉMATOGRAPHIQUES ET TÉLÉVISUELLES

qui nous guidera dans cette exposition qu'il a mise sur pied avec son collègue Arnaud Quertinmont, Égyptologue, Docteur en Histoire, Art et Archéologie et Conservateur du Département Égypte/Proche-Orient de ce même Musée.

 

     Dans un premier temps, il attirera notre attention sur la fascination, l'engouement pour tout ce qui, peu ou prou, eut un rapport avec l'Égypte en nous proposant la reconstitution d'une partie du mobilier ayant appartenu à Raoul Warocqué, ce très riche collectionneur hennuyer qui légua ses "trésors" à l'État belge ; meubles que vous distinguez ici de part et d'autre du tapis rouge de l'entrée. 

 

      Ainsi, parmi eux, je retiendrai cette armoire vitrée contenant entre autres quelques exemplaires de vases pansus

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 2. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Première partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES PRODUCTIONS CINÉMATOGRAPHIQUES ET TÉLÉVISUELLES

 

dont, sur l'étagère médiane, celui de droite

 
(© Cliché J.M. Humbert)

(© Cliché J.M. Humbert)

 

 

qui provient de la célèbre manufacture de porcelaine Wedgwood qui, à partir de 1771 introduisit en Grande-Bretagne le style égyptien dans l'art de la céramique en fabriquant entre autres ce type d'objet décoratif, interprétation plus que libre des vases canopes qui, au nombre de quatre, étaient destinés à contenir certains des viscères des défunts égyptiens antiques.

    Cet exemplaire en biscuit, prêté par un collectionneur privé parisien, fut réalisé en 1978, d'après un modèle créé au début du XIXème siècle.

 

    L'égyptomanie perdura et se développa dans différents domaines artistiques pour, au XXème siècle, également faire florès dans le cinéma et la télévision : il faut bien admettre aussi que la découverte, en 1922, de l'hypogée quasiment intact de Toutankhamon, - et la pseudo-malédiction qui lui fut associée -, ne constitua pas le moindre des phénomènes qui entretinrent dans la population, - et qui, l'actualité la plus récente le prouve encore à l'envi, entretient toujours -, cet engouement égyptomaniaque.

     Mais il faut bien reconnaître également qu'une certaine littérature ne fut pas en reste : c'est ce que démontre le contenu de cette armoire style milieu des années '60 

 

    

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 2. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Première partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES PRODUCTIONS CINÉMATOGRAPHIQUES ET TÉLÉVISUELLES

 

qui me rappelle ma toute première "bibliothèque" de jeune adolescent, tant par le modèle vitré que par certains des livres ici exposés : j'ai reconnu là le goût immodéré que j'avais à cette époque pour les romans de H. P. Lovecraft, notamment ceux évoquant le mythe de Cthulhu, mais aussi pour la revue bimestrielle "Planète", de Jacques Bergier et Louis Pauwels, mais encore pour les ouvrages de Robert Charroux publiés par les éditions Laffont sous couverture noire ... jusqu'à ce que, mes études d'histoire entamées, l'âge de raison, - ou de discernement -, aidant, il me fallut convenir que rien n'était crédible dans tout ce qui avait pourtant alimenté maints rêves de ma prime jeunesse.

 

    Notion d'importance soulignée par l'exposition : c'est dans cette littérature et à cette époque que naquit la théorie des anciens dieux astronautes venus d'autres mondes auxquels nous serions redevables de connaissances technologiques de pointe, - dont ne disposaient évidemment pas les civilisations antiques -, permettant par exemple la construction des pyramides, celle des statues de l'Île de Pâques et d'autres monuments tout aussi imposants qui, dans certains esprits, entraînent questionnement.

     Théorie interventionniste des extraterrestres dans l'histoire de l'Égypte ancienne donc qui, au-delà de la littérature, connut comme je viens de l'indiquer, un important retentissement dans le domaine des productions cinématographiques de science-fiction faisant intervenir les dieux et qui sous-tendit incontestablement la genèse de films, voire de séries télévisées, dont Stargate, la Porte des étoiles", du réalisateur allemand Roland Emmerich, sorti en 1994 fut probablement le plus emblématique du genre. 

  

© http://soogeek.com/fr/stargate-histoire/stargate-le-film/

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     À ceux d'entre vous auxquels auraient échappé les premiers moments du film, permettez-moi de très rapidement vous raviver les grandes lignes de son synopsis : sur le plateau de Guizeh, en 1928, un archéologue et sa fille exhument de dessous une dalle protectrice un énorme anneau d'une matière inconnue qui se révélera être du naqahdahminerai extrêmement rare présentant la propriété d'absorber, d'accumuler et de restituer de l'énergie.

 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 2. LES  DIEUX  ÉGYPTIENS  DANS  LA  CULTURE  GEEK - Première partie : FASCINATION POUR L'ÉGYPTE DANS LES PRODUCTIONS CINÉMATOGRAPHIQUES ET TÉLÉVISUELLES

 

    L'anneau central de cette imposante pièce couverte de symboles hiéroglyphiques devait être activé de façon que certains d'entre eux viennent se placer à l'aplomb d'un des chevrons de l'immense anneau extérieur aux fins de permettre de se déplacer dans l'espace, vers d'autres constellations, en franchissant cette "Porte des étoiles". 

 

     C'est ce que comprit, près de soixante années plus tard, le jeune égyptologue Daniel Jackson en déchiffrant l'inscription gravée, - (http://projetrosette.info/page.php?Id=116) -, qu'a pour nous reproduite sur un tableau scolaire semblable l'un des concepteurs de l'exposition.

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     La traduction de ces quelques phrases permirent d'ouvrir la voie à une expédition dirigée par le colonel Jack O'Neil menant à la découverte de la planète Abydos et de ses habitants dirigés par un humain, Kasuf,

 

 

 

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père de Skaara. 

 

 

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     Admirez au passage l'esthétique des costumes.

 

     Dans le film, Abydos nommait donc une planète aride dont la population, aux us et coutumes fort semblables à ceux des Égyptiens de l'Antiquité, se débat sous la coulpe de Râ, un tyran de l'engeance des dieux hostiles, les Goa'ulds, qui assure son autorité grâce à une soldatesque - les Jaffa's - présentant, certains, les attributs d'Horus 

 

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et d'autres, ceux d'Anubis

 

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et dont les lances bénéficient d'une réserve de naqahdah en guise d'accumulateur d'énérgie pour mieux attaquer l'ennemi.

 

     Et, in fine, ce ne sera que quand les soldats du colonel O'Neil auront tué cet extraterrestre parasite qu'est Râ que les Abydossiens seront enfin à même de recouvrer leur liberté.

 

     Cette histoire, je pense donc qu'en substance beaucoup parmi vous, amis visiteurs, s'en souviennent mais sans certainement avoir eu l'opportunité d'admirer de près tout ou parties des tenues arborées par les personnages, acteurs principaux ou leur doublure,

Armure de Bra'tac, un des Jaffas originaire de Chulak, planète du Goa'uld Apophis, dans la série télévisée "Stargate SG-1".

Armure de Bra'tac, un des Jaffas originaire de Chulak, planète du Goa'uld Apophis, dans la série télévisée "Stargate SG-1".

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que les commissaires de cette exposition hors du commun sont parvenus à rassembler grâce à des collectionneurs privés qui ont accepté de s'en départir six mois durant pour les prêter à Mariemont.

 

    En revanche, saviez-vous que Roalnd Emmerich, attentif à néanmoins garantir une certaine crédibilité historique à son scénario, s'adjoignit le concours de spécialistes en histoire de l'art, en archéologie, en philologie aussi, dont le moindre de ses conseillers scientifiques ne fut pas l'égyptologue américain Stuart Tyson Smith, actuellement Professeur à l'Université de Californie, à Santa Barbara, et qui, grâce à sa parfaite connaissance de l'égyptien ancien, fut en 1999 également consulté par Stephen Sommers, réalisateur d'un autre film célèbre : "La momie".

 

    Pour l'heure, avant de vous quitter et de vous proposer d'à nouveau me rejoindre ici même mardi prochain, le 7 juin, aux fins d'ensemble terminer notre visite par la seconde partie de cette remarquable exposition, permettez-moi de simplement attirer l'attention de ceux qui, parmi vous, seraient amateurs du genre sur les récentes sorties, en mars dernier, du film "Gods of Egypt", d'Alex Proyas et, ce mois-ci, de "X-men : Apocalypse", de Bryan Singer, productions cinématographiques dans lesquelles l'Égypte continue à être sollicitée ... 

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23 mai 2016 1 23 /05 /mai /2016 23:02

 

 

    Souvenez-vous, amis visiteurs, j'y avais consacré l'intégralité d'un article préliminaire publié ici même mardi dernier : le Musée royal de Mariemont, établissement scientifique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, s'offre le luxe peu commun de proposer six mois durant, - du 21 mai au 20 novembre 2016 très exactement -, trois expositions à la mythologie consacrées, dont deux plus précisément dédiées à celle de l'Égypte ancienne : quoi de plus normal que cette mise en évidence d'une civilisation spécifique me direz-vous puisque, mesurée à l'aune de notre "petite" Belgique, la collection des pièces égyptiennes exposées en permanence à Mariemont constitue la deuxième d'importance, après bien évidemment celle des Musées royaux d'Art et d'Histoire (M.R.A.H.), de Bruxelles. 

 

     Souvenez-vous également que je vous avais promis en vous quittant la semaine dernière que, puisque j'avais l'honneur d'être invité à la conférence de presse du jeudi 19 mai, suivie des visites des trois expositions commentées par leurs commissaires respectifs, je prévoyais dès cette semaine de vous rendre compte de deux d'entre elles, choisissant, vous vous en doutez,  celles ayant l'Égypte pour toile de fond.

 

     Soyez conscients que mon ambition ne sera nullement de tutoyer l'exhaustivité, à l'instar de nos anciennes pérégrinations au sein du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre quand, huit années durant, j'ai détaillé pour vous chacun des objets dans chacune des vitrines de chacune des cinq premières salles.

    

     Ce que je souhaite en réalité, par le verbe et l'image, - celle de mes coups de coeur surtout, - démarche subjective s'il en est, je vous l'accorde -, c'est inciter la plus grande partie possible d'entre vous à céder à l'envie latente de venir jusqu'en terres wallonnes, à Morlanwelz, en province de Hainaut pour, de visu, constater que mes propos à venir, loin de sacrifier à une quelconque démarche publicitaire ou commerciale, loin de jouer le thuriféraire de circonstance, reflètent sincèrement l'enthousiasme qui fut mien pour les oeuvres, connues ou découvertes que j'ai admirées à Mariemont jeudi dernier mais aussi pour les connaissances nouvelles que j'y ai acquises et qu'avec ceux qui n'auront malheureusement pas l'opportunité de s'y rendre, j'aimerais dès à présent partager.

 

     

"Stargate" - "Porte des Étoiles", reconstituée au milieu du plan d'eau, devant le Musée

"Stargate" - "Porte des Étoiles", reconstituée au milieu du plan d'eau, devant le Musée

  

       Si, notamment en cliquant dessus pour l'agrandir, vous regardez attentivement la photo ci-avant, vous remarquerez qu'elle est cadrée de manière telle que cette "Porte des étoiles", même si intrinsèquement elle n'illustre qu'un seul des événements annoncés, s'ouvre sur la perspective des deux expositions égyptologiques.

 

     Sans plus attendre, il me siérait ce matin de vous les présenter sous le seul angle du cheminement des thématiques abordées au sein de chacune d'elles, réservant à nos prochains rendez-vous, le soin de les détailler en peaufinant mes propos.   

 

    Au deuxième étage du Musée, l'imposant escalier gravi, - "réservé" aux sportifs (et sportives, n'est-ce pas Mélanie ?) dédaignant l'ascenseur avec superbe condescendance -, 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 1. PRÉAMBULES

 

c'est Amenhotep II qui, au haut des marches, vous accueille, - mais non, Arnaud, je ne t'ai pas confondu avec le pharaon quand tu as entamé, toi, tes explications et moi pas encore la bouteille de ce bien agréable Muscat servi au buffet qui suivit la visite en ta compagnie. 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 1. PRÉAMBULES

 

Un Amenhotep II figuré sous l'aspect d'un faucon,

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 1. PRÉAMBULES

 

 - le dieu bon, Maître des Deux-Terres, Âakheperourê, aimé d'Horus

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 1. PRÉAMBULES

 

ainsi que, au-dessus de la formule d'offrande à Horus adressée par le prêtre-ouab Ahmès sur la face antérieure du socle, l'identifient les hiéroglyphes et le cartouche incisés sur le plat, devant les serres du rapace divin.

 

     En calcaire, haut de plus de quatre-vingts centimètres, piédestal de 14 compris, (MRM - Inv. B. 126), il fut exhumé en plusiseurs fragments à Abydos, dans la nécropole d'Oumm el-Qaab lors de la campagne de fouilles françaises de 1895-96 dirigée par l'archéologue Émile Amélineau (1850-1915).

 

     Ainsi mis en évidence à l'entrée de l'exposition qu'a imaginée Arnaud Quertinmont, Égyptologue, Docteur en Histoire, Art et Archéologie et Conservateur du Département Égypte/Proche-Orient au Musée de Mariemont, cet Horus faucon sur la tête duquel repose le pschent, comprenez la couronne réunissant celle de Haute-Égypte à celle de Basse-Égypte, métaphore visuelle de la légitimité et de la puissance sur le Double-Pays, - l'Égypte du Nord autant que celle du Sud -, accordée par les dieux à Amenhotep II, roi de la XVIIIème dynastie ; cet Horus hiéracocéphale, une des premières divinités du complexe panthéon égyptien ; cet Horus faucon, fils d'Osiris, protecteur de la royauté auquel le souverain en titre est assimilé, vous invite en quelque sorte à pénétrer en sa compagnie dans le monde des dieux, des génies et des démons de la mythologie égyptienne et, secondé par d'autres divinités, répondra tout au long de cette exposition aux diverses questions que vous vous posez sur les différentes cosmogonies expliquant leur création du monde, sur la notion de "dieu", sur ce qu'il est convenu d'appeler les génies et les démons, sur les rôles inhérents à tous ces personnages, etc.

 

    Comme également y répondra, soyez-en persuadés, ce qu'il est convenu d'appeler "catalogue" qui, sous la direction d'Arnaud Quertinmont toujours, collige les interventions de grands noms de l'égyptologie contemporaine, belge autant que française, mais aussi allemande, suisse et californienne et qui, bien plus qu'un simple catalogue d'exposition, constitue un véritable ouvrage d'art de quelque 380 pages, - publié conjointement par le Musée de Mariemont et les éditions Somogy, s'il vous plaît ! -, et de référence tant par l'iconographie présente que par les études proposées, regoupées en trois grandes sections :

 

"Qui est dieu ?" ; 

"Nommer et représenter les dieux" ;

"Que font les dieux ?"  

 

 

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 1. PRÉAMBULES

 

     Et comme y répondront aussi à leur manière particulière car placé sous un éclairage franchement contemporain d'autres artefacts que vous découvrirez dans la galerie du rez-de-chaussée : là réside l'idée géniale dont il faut créditer, et féliciter, les concepteurs de ce semestre égyptologique à Mariemont, Bertrand Federinov, Licencié en Histoire et diplômé en Sciences du livre, Conservateur du fonds ancien de la Réserve précieuse et Responsable de la bibliothèque documentaire du Musée, et à nouveau Arnaud Quertimont, tous deux commissaires de la deuxième exposition, tous deux férus de culture geek, entendez dans ce cas précis de films, de bandes dessinées et de jeux, vidéo ou de rôle, ressortissant au domaine de la science-fiction et du fantastique dans lesquels interviennent notamment des dieux égyptiens.

  

    C'est rappelez-vous, la raison pour laquelle, sans heureusement devoir traverser le plan d'eau pour y accéder, nous interpella ce matin cette gigantesque, et intriguante pour d'aucuns, "Porte des étoiles" 

 

       

 

     

EXPOSITIONS Á MARIEMONT : 1. PRÉAMBULES

 

dont l'anneau rotatif central est couvert de symboles qui, sans que nous soyons obligés de le manipuler aux fins que l'un d'entre eux vienne correspondre avec un des chevrons de l'immense anneau extérieur, nous transportera d'office sur cette autre grande constellation matérialisée par la deuxième exposition.

 

     Avant de consacrer tout ou partie du mois de juin à parcourir celle du second étage dont, ce matin, je ne vous ai brossé que les très grandes lignes, je vous propose amis visiteurs, pour autant que "De Stargate TM aux Comics. Les dieux égyptiens dans la culture geek" constitue un sujet qui également vous intéresse, de me rejoindre ici-même le mardi 31 mai prochain. 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

DELVAUX LUC

Faucon, dans DERRIKS Claire/ DELVAUX Luc, Antiquités égyptiennes au Musée royal de Mariemont, Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, 2009, notice pp. 67-71 

 

 

QUERTINMONT Arnaud

Statue d'Horus, dans QUERTINMONT Arnaud, Dieux, génies et démons en Égypte ancienne, Paris, Somogy Éditions d'Art / Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, 2016, notice catalogue 40, pp. 162-3.

 

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