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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 00:02

 

 

     Parmi les plaisirs accordés à un retraité, outre celui, essentiel parce que roboratif, de s'occuper certains jours de ses petits-enfants, existe celui, dès les volets ouverts sur un paysage bucolique, de choisir, dans la même soif d'esthétisme, l'auteur qui, après douche et petit-déjeuner, comblera votre journée.

 

 

CHAMPOLLION EN ÉGYPTE : LETTRE À MONSIEUR  DACIER

 

     Plus personne, ici, n'ignore mon besoin de continuer à apprendre de mes lectures, mon besoin aussi, consubstantiel, de me prélasser dans une belle langue : Proust, vous le savez, amis visiteurs, ainsi que Chateaubriand figurent parmi ces sauveurs de mes vieux jours.

 

     Aujourd'hui, dans la droite ligne de mes rééditions des semaines précédentes, j'ai un court instant délaissé ces deux immenses littérateurs pour me tourner - revenir, préciserais-je - vers Jean-François Champollion qui, je vous l'ai souvent répété, semble animé dans certaines de ses descriptions de ce souffle romantique particulièrement cher à Chateaubriand,    

 

     Pour la troisième fois consécutive, j'ai choisi de vous proposer l'une des missives datées du 1er janvier 1829, alors que le Figeacois séjourne à Ouady-Halfa, à l'extrême sud de la Nubie.

     Si les deux précédentes, relatant sa vision de Philae et d'Abou Simbel, constituaient des remises en lumière d'anciennes contributions au sein d'ÉgyptoMusée, vous aurez compris que le présent document, cadeau qu'il me sied de vous procurer, se révèle pour sa part tout à fait inédit sur ce blog.

 

     Les plus fidèles d'entre vous se souviendront certainement d'une Lettre à Monsieur Dacier, document capital dont j'avais donné à lire un extrait le 28 septembre dernier en introduction à un article intitulé Figeac, Grenoble, Paris : se battre pour des idées : il y exposait, rappelez-vous, les principes des hiéroglyphes égyptiens devant les membres de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres dont, précisément, Bon-Joseph Dacier était le Secrétaire perpétuel.

     C'est donc à cette même personne que Champollion adresse le courrier ci-après : 

 

 

 

 

 

 

Ouady-Halfa, le 1er janvier 1829

 

     Monsieur,

 

     Quoique séparé de vous par les déserts et par toute l'étendue de la Méditerranée, je sens le besoin de me joindre, au moins par la pensée, et de tout coeur, à ceux qui vous offrent leurs voeux au renouvellement de l'année. Partant du fond de la Nubie, les miens n'en sont ni moins ardents, ni moins sincères ; je vous prie de les agréer comme un témoignage du souvenir reconnaissant que je garderai toujours de vos bontés et de cette affection toute paternelle dont vous voulez bien nous honorer, mon frère et moi.

 

     Je suis fier maintenant que, ayant suivi le cours du Nil depuis son embouchure jusques à la seconde cataracte, j'ai le droit de vous annoncer qu'il n'y a rien à modifier dans notre Lettre sur l'alphabet des hiéroglyphes. Notre alphabet est bon : il s'applique avec un égal succès, d'abord aux monuments égyptiens du temps des Romains et des Lagides, et ensuite, ce qui devient d'un bien plus grand intérêt, aux inscriptions de tous les temples, palais et tombeaux des époques pharaoniques. Tout légitime donc les encouragements que vous avez bien voulu donner à mes travaux hiéroglyphiques, dans un temps où l'on n'était nullement disposé à leur prêter faveur.

 

     Me voici au point extrême de ma navigation vers le midi. La seconde cataracte m'arrête, d'abord par l'impossibilité de la faire franchir par mon escadre composée de sept voiles et, en second lieu, parce que la famine m'attend au-delà, et qu'elle terminerait promptement une pointe imprudente tentée sur l'Éthiopie. Ce n'est pas à moi de recommencer Cambyse : je suis, d'ailleurs, un peu plus attaché à mes compagnons de voyage qu'il ne l'était probablement aux siens. Je tourne donc dès aujourd'hui ma proue du côté de l'Égypte pour redescendre le Nil, en étudiant successivement à fond les monuments de ses deux rives : je prendrai tous les détails dignes de quelque intérêt, et, d'après l'idée générale que je m'en suis formée en montant, la moisson sera des plus riches et des plus abondantes.

 

     Vers le milieu de février, je serai à Thèbes, car je dois au moins donner quinze jours au magnifique temple d'Ibsamboul l'une des merveilles de la Nubie, créée par la puissance colossale de Rhamsès-Sésostris (sic), et un mois me suffira ensuite pour les monuments existants entre la première et la deuxième cataracte. Philae a été à peu près épuisée pendant les dix jours que nous y avons passés en remontant le Nil, et les templs d'Ombos, d'Edfou et d'Esné, si vantés par la Commission d'Égypte au détriment de ceux de Thèbes, que ces messieurs n'ont pas sentis, m'arrêteront peu de temps, parce que je les ai déjà classés, et que je trouve, sur des monuments plus anciens et d'un meilleur style, les détails mythologiques et religieux que je ne veux puiser qu'à des sources pures. Je me bornerai à recueillir quelques inscriptions historiques et certains détails de costume qui sentent la décadence. Malgré cela, il est utile de les avoir.

 

     Mes portefeuilles sont déjà bien riches : je me fais d'avance un plaisir de vous mettre successivement sous les yeux toute la vieille Égypte, religion, histoire, arts et métiers, moeurs et usages. 

 

 

CHAMPOLLION EN ÉGYPTE : LETTRE À MONSIEUR  DACIER

 

     Une grande partie de mes dessins sont coloriés, et je ne crains pas d'annoncer qu'ils ne ressemblent en rien à ceux de notre ami Jomard, parce qu'ils reproduisent le véritable style des originaux avec une scrupuleuse fidélité.

(...)

    Je vous prie, monsieur, d'agréer la nouvelle assurance de mon très respectueux attachement,

 

J.-F. Champollion Le Jeune

 

 

P.S. Rosellini et Duchesne me chargent de vous présenter leurs très respectueux hommages.

 

 

 

Jean-François CHAMPOLLION

Lettre à son frère

 

dans Lettres et journaux écrits pendant le voyage d'Égypte

Paris, Christian Bourgois éditeur, 1987,

pp. 181-3

 

 

 

 

 

 

Remarque.

 

 

     Je ne détiens évidemment pas l'ouvrage original de Champollion.

 

     Si toutefois je me suis autorisé à "signer" le cliché au bas de sa page introductive ci-dessus, c'est parce que je l'ai effectué à partir de ce que je possède, à savoir la reprographie en plusieurs volumes de l'édition originale qu'en ont réalisée les Éditions de Belles-Lettres, à Genève, en 1973.

 

 

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26 août 2011 5 26 /08 /août /2011 23:00

     Oh là là là !

     On me rappelle fort à propos que j'avais promis d'évoquer encore l' "Île aux Bananes"

 

Bananes.jpg

 

 

et le "Village Nubien".

     Le fameux village, j'en avais - comme vous - entendu parler...
Alors que nous revenions de Mo'Allah avec notre fidèle Mohamed, nous voyons un panneau publicitaire annonçant que nous y arrivions.
La journée avait été longue, je demande à nos mentors s'ils ne voient pas d'inconvénient à nous y arrêter.
Petit conciliabule, et Mohamed nous gare à l'entrée du "Village".
En fait, ce village est censé être une reproduction de village typique.
Dans la réalité, c'est une sorte d'enceinte commerciale, destinée à vendre, dans un cadre relativement couleur locale quelques objets en cuir, poteries, perles et autres tissages aux cars de touristes qui ont la bonne grâce de s'arrêter là pour permettre au chauffeur et au guide de toucher un bakchich sur les ventes effectuées.


     Bien sûr, on y voit quelques jeunes filles affairées à tisser des écharpes (elles nous poursuivent, celles-là !) ou à confectionner quelques objets en perles de verre.
On voit surtout une sorte de cafétéria, un bar, un chadouf factice, une noria détériorée ...
Pas de quoi casser trois pattes au canard égyptien qui m'a un jour mordu, mais réellement rien de formidable ...

     Nous achèterons tout de même une écharpe dont le prix fait bondir nos amis égyptiens qui ne pipent pas mot mais, n'en pensant pas moins, échangent des regards furibonds !
50 LE, il faut vraiment être touriste pour payer une écharpe ce prix-là !

     Les voyant furieux, je leur propose de prendre un pot au bar en notre compagnie.

     Comme nous avions évoqué la noix-doum lors d'une de nos conversations, et sachant grâce à eux que l'on peut la consommer en boisson, je leur demande si l'on peut en avoir ici.
Abdallah l’infatigable va se renseigner auprès d'un barman aussi empressé qu'un lion devant un buffet végétarien, et nous commandons quatre "boissons aux noix-doum". (Pardon de n'avoir pas retenu le nom de ce breuvage.)
C'est douceâtre, ressemblant un peu à de la chicorée dans du lait, et sûrement très long à préparer, car il faudra une bonne demi-heure au garçon pour nous les apporter.


     Durant notre attente, Abdallah s'absente pour aller chercher un petit souvenir pour sa jeune épouse.
Il revient avec une toute petite bourse en perles représentant ... un sapin de Noël !!!
Il est tout vert, sur fond rouge, avec de belles boules multicolores. Nous rions, Catherine et moi, et lui demandons s'il sait ce que c'est ... Devant son ignorance, nous apprenons à notre musulman pratiquant qu'il vient d'acheter un symbole de la fête de Noël !

     Quand arrivera la note pour les boissons, ils se mettront une fois de plus en colère devant le prix et jureront qu'ils n'emmèneront plus jamais qui que ce soit dans ce repaire de bandits.

     En résumé, donc, une visite inutile et à éviter ...



     Pour l'Île aux Bananes, c'est une autre histoire ...


     Nous avions fait la connaissance d'un "Omar",

 

 

Chez-Omar--1-.jpg

 

copain de Marie, et à cette occasion, il nous avait dit que si nous désirions faire une excursion dans les oasis, aller à Abydos ou à l'île aux bananes, nous pouvions compter sur lui.
 

 

     Lors de cette rencontre, nous avions bu un pot dans son coffee-shop,

et très gentiment Omar nous en avait fait cadeau.
 

 

     Bien naturel, par conséquent, que nous prenions date avec lui pour cette fameuse visite de l'île aux bananes.

 

Chez-Omar--2-.jpg

 

     (Merci à Marie Van Brussel qui, avec une extrême gentillesse, m'a autorisé à puiser dans ses "trésors" pour nous offrir les deux clichés ci-dessus.)

 


     Le jour dit, nous nous rendons donc à son bistro et embarquons en felouque pour cette visite.
Il faut le faire en fin d'après-midi, d'abord c'est l'heure où se lève un petit rab de vent et l'on peut ainsi au retour assister au coucher de soleil sur le Nil.


 

Nil-felouque.jpg


     Autant la visite du village, pas la peine, autant la balade en felouque pour l'île aux bananes, c'est réellement une chose qu'il faut faire. Je parle bien de la balade pour y aller et pour en revenir. L'île par elle-même ne présente d'intérêt que si vous n'avez jamais vu de bananier, ce qui est bien permis, après tout, et que vous ne connaissez rien à sa culture.

     On vous fera donc visiter la bananeraie passant devant un pigeonnier

 

Pigeonnier.jpg

 

 

dont vous apprendrez que la ceinture de carrelage brillant qui l'entoure n'est pas une coquetterie, mais une précaution destinée à éviter que les serpents et autres prédateurs ne puissent grimper pour dérober les œufs ou les pigeonneaux.

     La visite s'achève par une invite à vous asseoir à l'ombre d'une pergola et à déguster quelques-unes de ces bananes que vous aurez rencontrées lors de votre visite.
N'oubliez pas que "offrir" veut juste dire proposer à la vente, et qu'on vous allégera de quelques livres avant votre départ.

     A mon sens, préférez négocier une belle balade en felouque, mais passez votre chemin pour la visite de l'île. Il est probable que votre felouquier voudra absolument vous y conduire tout de même, il doit y trouver son compte ...
Amateurs d’ornithologie, munissez-vous de vos gros télés, aigrette, martin-pie, hérons et autres bihoreaux ou butors sont multitudes et vous pourrez en photographier à loisir pour peu que votre pilote longe les rives d'assez près.

     Voilà finie cette escapade !
 
      J'espère que le voyage vous aura plu, et surtout, n'oubliez pas mon petit bakchich ...

     Amicalement !

 

François :jap:

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19 août 2011 5 19 /08 /août /2011 23:00

 

      Depuis le temps que je vous ai abandonnés dans les airs, les bonbonnes de gaz doivent être vides ...

     Bon, c'est toujours un moment un peu bizarre que l'atterrissage, surtout lorsque d'en haut on voit autant de poteaux électriques, de maisons, d'arbres et d'eau. :(
En plus, pas moyen de diriger ce fichu aéronef qui est l'esclave des courants d'air.

 

12---ou-se-poser.jpg

 

      Alors on scrute le visage du pilote qui cherche à se poser et n'a pas l'air plus inquiet que ça, ; il discute dans son walkie-talkie avec un interlocuteur invisible.


     Petit à petit l'ombre de la montgolfière grossit, la cime des arbres se rapproche, les détails du sol se précisent, mais heureusement nous pouvons voir une zone dégagée à portée.

 

13--l-ombre-se-rapproche.jpg

 

      Finalement, pilote de montgolfière, c'est vraiment un métier !
  

     Dès lors, tout se précipite : "landing position". Bien entendu, il y en a toujours un ou deux qui n'obtempèrent pas ..."LANDING POSITION NOW, I SAID !!!"

     Accroupi, on ne voit plus rien.
La tension est palpable à bord, on n'entend plus que les brefs coups de brûleur, le souffle de l'air, et les secondes paraissent s'être dilatées en minutes interminables.
 

    

     Enfin, le rassurant : "egyptian smooth kiss-landing ! Everything OK, now ..."
On se redresse, et à ma plus grande surprise, je me rends compte que nous sommes posés à quelques mètres à peine du camion de transport de la nacelle et de notre minibus. Tous deux nous attendent, le personnel se précipite pour retenir la nacelle, pendant que d'autres étalent sur le sol les toiles destinées à éviter d'abîmer la délicate tunique en toile de parachute lorsqu'elle reposera au sol.

     Dernier spectacle, le capitaine hâle la corde destinée à ouvrir le sommet du ballon de façon à laisser échapper l'air chaud. La rondelle supérieure de l'enveloppe, sous l'effet du haubanage se rétracte comme une fleur qui se fermerait ... Très joli !

 


Fleurs-bleues.jpg

 


     C'est avec finalement un petit goût de "trop-peu" qu'on enjambe le bord de la nacelle pour retrouver le plancher des vaches.

     Récupération du sac contenant l'objectif qui finalement n'aurait pas servi, et on rembarque pour rejoindre la rive est, en minibus d'abord, motor-boat ensuite ...

 

motorboat

 

 

     Le capitaine est évidemment le dernier à quitter l'engin.

 

Dernier-a-quitter.jpg

 

 

     Enfin, il ne reste plus qu'à ranger la toile ...

 

On-range-la-toile.jpg

 

 

     Une petite halte à l'hôtel pour déposer les choses dont on n'a plus besoin. Le type de l’hôtel ne répond pas à notre sourire, détournant ostensiblement le regard. On a fait une délicieuse expérience, mais on s'est fait, aussi, un ennemi farouche qui désormais ne nous adressera plus la parole jusqu'à la fin du séjour.

     Si je puis vous être d'un quelconque conseil, ne manquez sous aucun prétexte ce vol en montgolfière ! Vous en garderez un souvenir impérissable et surtout une envie irrépressible de recommencer ! La vision au petit jour de la montagne thébaine, de la vallée du Nil, de Louxor et des monuments, même si mes photos ne vous en donnent qu'une idée bien imparfaite, restera gravée comme un grand moment et une expérience réellement unique !
 

 

     Et puis, même si vous êtes en voyage organisé et qu'on ne vous propose pas cette excursion, sachez que compte-tenu de l'heure extrêmement matinale de départ, vous avez toutes les chances d'être de retour avant que les autres membres de votre groupe aient fini leur petit déjeuner. Alors, pas d'excuses ! Et vous aurez droit à votre beau certificat de vol.
 

 

     Un petit regret, j'aurais sans doute dû acheter le fameux DVD, certains instants du vol méritant amplement une vidéo plus que les pauvres photos que l'on peut faire.
 

 

     La prochaine fois, car je suis bien sûr qu'il y aura une prochaine fois, je l'achèterai, ce fichu DVD !!!


 

François :jap:

 

 

 

 

    Ici même, dans la partie "Commentaires", n'oubliez pas de lire les réponses que François a eu (et continuera d'avoir) la gentillesse d'adresser à tous et ce, jusqu'à mon retour définitif sur ce blog ...

 

     Merci à vous de poursuivre la lecture de son récit ; merci à lui d'accepter de jouer le jeu et de pallier mes absences estivales ...

 

Richard 

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12 août 2011 5 12 /08 /août /2011 23:00

 

      Nous sommes donc dans le minibus qui se rend au terrain de décollage. Curieusement, c'est assez silencieux. Est-ce le sommeil qui rend la langue lourde, ou bien peut-être un fond d'appréhension devant l'inconnue du vol en ballon. Toujours est-il que c'est dans le silence que nous débarquons dans la pénombre du champ.

  

     La "tour de contrôle" algeco est éclairée où se tient le chef d'"aéroport", sans doute l'œil rivé à son anémomètre afin de donner le signal du début des opérations.

 

1-Tour-de-controle.jpg

 

 

     En attendant que soit décidée la possibilité du vol, nous voyons arriver d'autres minibus chargés de gens silencieux, eux aussi, qui se dirigent vers d'autres aires de décollage.

      Notre ballon, déjà arrimé à la nacelle, git lamentablement sur le sol comme un préservatif vide. Il repose, douillettement protégé des cailloux par un assemblage de bâches.

 

2-gonflage.jpg


      Notre responsable de groupe canalise nos envies de bouger en nous regroupant soigneusement et commence à nous indiquer que notre vol sera pris en vidéo par un caméraman et que nous pourrons acheter le DVD à l'arrivée.

      Top départ, le feu vert est donné par le chef d'aéroport !

      Alors tout va assez vite : deux gros ventilateurs sont branchés, l'ouverture du ballon est tenue béante, et l'air s'engouffre.

 

     Notre commandant de bord se munit d'une baudruche jaune gonflée d'hydrogène et la libère dans le ciel afin de juger par lui-même de l'intensité et de la direction du vent.
Nous regardons disparaître ce ballon jaune dans le ciel sombre.

      Les ventilateurs vrombissent, le ballon prend forme, d'abord une saucisse, puis une poire, et les brûleurs entrent en scène avec leur bruit caractéristique de chalumeau de couvreur.
La lueur des flammes est bien belle à voir dans l'aube naissante.

 

 

3-chauffage.jpg

 

 

      Un peu inquiétante, aussi, par sa proximité avec le bord du ballon qui semble si fragile, en toile à parachute synthétique et si inflammable.
Mais les hommes qui s'affairent autour du ballon et de sa nacelle ne semblent pas s'en inquiéter.

      Ah oui, pour ceux qui auraient pour seule image de la montgolfière celle de Jean-François Pilâtre de Rozier et de son assistant dans leur minuscule nacelle, il faut bien comprendre que là, notre nacelle, en osier, à l'ancienne, est divisée en compartiments et permet un vol de 24 passagers, peut-être plus s'ils sont moins dodus que moi ... La nacelle est reliée à un petit camion par une forte sangle destinée à empêcher l'engin de s'envoler inopinément.

 

4-verticalisation.jpg


 

     Mais pendant que je vous raconte, le ballon est devenu tout rond, bien ventru, et déjà on se prépare à embarquer.
Prudents, les passagers s'étaient munis dans leur sac d'une petite laine pour le cas où, d'une petite bouteille d'eau, d'un sandwich ... que sais-je ...

      "Allez, tout le monde à bord !"
Le groupe se précipite, et là, surprise, le gusse de la compagnie ramasse tous les sacs sans laisser à quiconque le temps de réaliser ...
"On vous les rendra à l'arrivée ne vous faites pas de souci !

Mais ... Allez, vite !!!"
Tant pis pour la petite laine !!! Heureusement que j'avais mon appareil photo autour du cou, mais mon deuxième objectif restera au sol ...

      On enjambe le bord de la nacelle en se servant des trous pratiqués dedans pour grimper, et nous nous retrouvons rapidement à bord.
     

     Les brûleurs crachent dans leur lumière infernale.

 

Mongolfiere---Bruleurs.jpg

 

"Le commandant Mohamed Anwar vous souhaite la bienvenue et vous prie de bien vouloir écouter les consignes d'atterrissage."

 

     "En fait, c'est simple, il suffit de s'accroupir pour rabaisser le ... centre de gravité, tout en se cramponnant fermement à la bordure de la nacelle.
Il y a plusieurs types d'atterrissage, le très brutal, le moins brutal, et "l'égyptian smooth landing", celui que j'essaierai de vous faire.
Mais dans tous les cas,
If I tell you landing position, you immediately do it ! OK ?"

Et chacun de répondre OK.

      Le ballon est maintenant turgescent, et on le sent prêt à s'élever. L'escouade d'assistants qui nous retiennent commence à peiner à retenir la montgolfière, et la sangle qui nous empêche de partir est tendue à se rompre.
La main du commandant est sur le mousqueton qui seul nous retient au sol.
"Takeof" dit-il dans sa radio. Les doigts serrent le mousqueton, et c'est l'envol, dans la lumière brûlante et le bruit furieux des brûleurs.

      Puis plus rien, le silence absolu ...

      C'est parti ...

 

 

10-Ballon-au-dessus-de-Luxor.jpg

 

 

      Pour qui n'a jamais vécu cette expérience, c'est délicieux de se sentir happé vers le ciel la tête au vent, dans un silence pareil. Rien de comparable avec les autres moyens de transport aérien.
Le soleil pointe à l'horizon, répandant une lumière chaude qui projette des ombres sur le sol.

 

     En dessous de nous, on voit rétrécir les autres ballons pas encore partis qui rougeoient alternativement au rythme des coups de brûleurs. C'est magnifique !


 

6--ballons-au-sol-copie-1.jpg

 


      Quant au spectacle qui s'offre à nos yeux égyptologiques, un rêve ...

 

 

      Deir el Bahari est encore plus beau dans les rayons rasants qui l'effleurent.
 

 

7--deir-el-bahari.jpg

 

 

     Le Ramesséum ...

 

5-Ramesseum.jpg

 

      Toujours aussi surprenante, aussi, cette limite verdure-désert, sans aucune transition, qui passe brutalement de l'herbe la plus verte au sol rocailleux le plus sec.

 

 

     Les colosses de Memnon ...


9--Colossaux.jpg

 

 

     L'appareil photo ne sait plus où donner de l'objectif. Au loin, les autres ballons sont partis, eux aussi, et curieusement ne suivent pas obligatoirement la même route que nous !

      En plus, on bénéficie d'un regard sur les maisons, leurs invraisemblables cours où ânes, bœufs, moutons et autres volailles prennent leur petit déjeuner.

 

 

11--cour-interieure.jpg

 

 

     Une petite famille nous fait un petit sourire. Les pauvres qui voient tous les matins les mêmes ballons chargés d'autres énergumènes qui leur font coucou de la main. Ils doivent adorer les jours de tempête où les ballons ne volent pas !!!
 
      Louxor, à contre jour, n'a pas encore fini d'éteindre ses lumières ...

 

Nuit sur Louxor -2- (François)

 

Le Nil brille de mille étincelles ...   C'est beau, non ?
 

 

     Alors je vais vous laisser rêver un peu de tout ça, et aller préparer le dîner...
Pas de révolution, hein, sinon vous n'aurez pas la suite, samedi 20 août prochain !

 

 

François :jap:

 

 

 

 

    Ici même, dans la partie "Commentaires", n'oubliez pas de lire les réponses que François a eu (et continuera d'avoir) la gentillesse d'adresser à tous et ce, jusqu'à mon retour définitif sur ce blog ...

 

     Merci à vous de poursuivre la lecture de son récit ; merci à lui d'accepter de jouer le jeu et de pallier mes absences estivales ...

 

Richard 

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5 août 2011 5 05 /08 /août /2011 23:00

 

     Dans les trucs à raconter, il y a, c'est un incontournable, l'excursion en montgolfière ...

 

Mongolfiere-dans-les-rues.jpg


     D'abord, il semble qu'il vaut mieux tâcher de passer "en direct" plutôt que par un hôtel, agent touristique ou autre pour obtenir un prix intéressant.

     Pour notre part, Jérôme nous avait conseillé la compagnie Sindbad pour son sérieux, sa compétence et tout et tout !

 
"Leur démarcheur traîne dans la galerie du Winter ou sur la corniche à proximité, tu ne peux pas le manquer."
(Au passage, merci Jérôme !!! ;-) )

     Alors que nous nous baladions avec Abdallah, je lui parle de montgolfière, et instantanément je vois son œil briller ;  s'il avait eu une moustache, elle aurait certainement commencé à friser furieusement...

"Mais Abdallah, je ne veux pas payer plus que le prix ! Nous sommes d'accord ? Donc je veux bien passer par toi pour commander le vol, mais pas de surtaxe ! Compris ?
- No problem, my friend. I know very well Mahmoud ! He is one director of Sindbad. Let me do !"

     Quelques coups de téléphone plus tard,

 

 

Abdallah

 

il me dit que tout est OK, au prix de 800 LE pour nous deux, mais qu'il faut qu'il nous accompagne chez Sindbad.

     Un coup de taxi collectif et quelques enjambées plus tard, nous voici dans le bureau de la "compagnie" Sindbad"... J'insiste sur le fait que nous voulons partir dès la première heure,

 

 

8--Louxor-dans-la-brume.jpg

 

et du Ramesséum !!! En effet, il y a quelques années, nous avions failli nous faire avoir et partir en deuxième départ, c'est à dire une fois que tous les sites intéressants avaient été déjà dépassés.

 

     Ce fut une discussion homérique au cours de laquelle mes mots en anglais semblaient venir tout seuls et où je retrouvais des termes comme escroc, bandit, voleur, expliquant au commandant "engallonné" comme un pilote de ligne que s'il arrivait à nous faire remonter le lit du vent pour nous montrer ce que nous étions venus voir, j'étais prêt à payer le double, mais que dans le cas contraire, il allait devoir nous rembourser et nous dédommager pour le temps perdu ; et que je le dirai à Zahi Hawass et au gouverneur... Je revois encore l'air catastrophé des trois touristes japonais qui devaient partir avec notre groupe, et l'air ahuri des amis avec lesquels nous étions et qui n'imaginaient pas que je puisse me montrer aussi violent !
Bref, à l'époque, nous n'avions pas fait cette excursion mais avions été remboursés rubis sur l'ongle.

     Mahmoud me rassure, cette fois, nous serons du premier départ : d'ailleurs en ce moment, il n'y a pas tellement de monde. Nous signons le contrat.
Rendez-vous téléphonique est pris pour le soir même à 18h30.

"Just one thing, don't tell your hotel you come tomorrow !"

     Pas de souci, le manager de l'hôtel ne m'est d'ailleurs pas follement sympathique.

     18h30 précises, mon "portable de Marie" sonne, et Mahmoud me confirme qu'il nous prendra au bout de la rue à 5h10 précisément, et de ne surtout pas dire à l'hôtel que nous partons avec eux.
OK...

     Un peu fébriles, nous nous levons au petit matin, descendons avec discrétion les deux étages...
Personne à la réception ! Chouette, ça nous évitera des explications vaseuses...

     Sur la pointe des pieds, nous sortons de l'hôtel ... pour nous retrouver nez à nez avec ce fichu manager, à califourchon sur une superbe moto chinoise, en grande discussion avec un de ses acolytes ...

Damned !!!

"Hello, good morning ! Where are you going ?
 

 

     Mais je lui en pose des questions, moi, à ce grand dépendeur d'andouilles ? C'est en bredouillant quelques excuses mal tortillées, et en français pour qu'il me fiche la paix, que je réponds.

     Nous avons l'air malins, à faire le pied de grue au bout de la rue ... D'autant que, pas plus bête que ça, le curieux fait vrombir son engin et nous passe devant en faisant semblant d'être très affairé.

     Ouf, cette fois, il est parti ... D'autant qu'il est cinq heures neuf et que j'aperçois le mini bus aux armes de Sindbad qui s'apprête à nous embarquer. Dès qu'il s'arrête à notre portée, nous nous engouffrons, et voyons à ce moment "M. Nefertiti Hôtel" qui, sur sa moto, déboule et nous regarde ostensiblement d'un œil assassin ...
Pour la discrétion, on repassera.
Durant le trajet, il nous dépassera encore deux fois, toujours nous scrutant de son œil noir, des fois qu'on ne l'aurait pas vu nous voir !!!

     Le minibus nous dépose près de l'embarcadère des "motor-boats" et nous montons à bord du "Zeenedeen Zeedamne" où l'on nous sert un petit déjeuner bien chaud. Durant la traversée, les autres convives que nous découvrons sont tous aussi mal réveillés que nous. Certains sont partis de leur hôtel avec une de ces boîtes carton, classiques "paniers repas" qui font le délice des gens qui sont en pension et qui ne prendront pas le petit déj. à l'hôtel. Ils en sont bien encombrés, car tout le nécessaire est à bord ... Mais disciplinés (à leur accent, ils sont nordiques!) ils avalent consciencieusement tout ce qu'ils ont à manger. L'un d'eux regrette même de n'avoir pas emporté une petite bière ...

     La traversée nocturne est brève, le thé et les gâteaux vite absorbés.
Curieux, tout de même, cette manie de circuler ou naviguer tous feux éteints !
Au débarcadère, nous sommes attendus par d'autres minibus et nous nous rendons au terrain de décollage tous phares éteints !

     Bon, le vol, ce sera pour samedi 13 août prochain !!!

 

 

François :jap:

 

 

 

 

    Ici même, dans la partie "Commentaires", n'oubliez pas de lire les réponses que François a eu (et continuera d'avoir) la gentillesse d'adresser à tous et ce, jusqu'à mon retour définitif sur ce blog ...

 

     Merci à vous de poursuivre la lecture de son récit ; merci à lui d'accepter de jouer le jeu et de pallier mes absences estivales ...

 

Richard 

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29 juillet 2011 5 29 /07 /juillet /2011 23:00

 

     Juste un petit mot en complément pour, aujourd'hui, parler encore un peu argent, puisque le sujet a été évoqué samedi dernier.

     Un bilan rapide en additionnant les entrées des différentes visites dont je vous épargnerai la liste : 1220 livres de tickets à nous deux...

 

Ticket.jpg

 


     Vous ajouterez à ça pratiquement la moitié en bakchichs, tantôt pour l'ouverture d'une porte, tantôt pour l'éclairage à l'aide d'un savant jeu de miroirs d'une scène très sombre, parfois aussi simplement pour se débarrasser d'un gardien collant, d'autres fois encore pour accéder au toit d'un temple ...
En gros, je comptais en bakchich supplémentaire le même prix que celui du ticket.

     Comme ils sont malins, bien souvent, si vous avez un ticket pour deux tombes sur un même site, une fois lâché le pourboire, apparaît un second gaffir

 

 

15.-gaffir.jpg

 

 

qui voudra vous faire visiter personnellement la deuxième tombe, et vous aurez à remettre la main à la poche ... C'est le jeu ...

     Voilà donc le coût d'une dizaine de jours de visites de tombes et de temples, auquel vous aurez bien entendu rajouté vous même le prix du taxi et du ferry-boat pour vous rendre sur la rive ouest.

     Une opportunité à ne pas manquer consiste à visiter de temples en restauration ou de chantiers  archéologiques le vendredi ... En effet, vous n'ignorez pas que le vendredi est le jour de congé des équipes de fouilles ou de restauration, si bien que c'est aussi le jour où le chat n'y est pas ... Et votre enturbanné de gardien ne manquera pas de sortir son trousseau de clefs et de vous ouvrir les salles normalement fermées, en faisant mine de ne pas vouloir être vu.

     Sachez bien que peu importent les précautions qu'il fait semblant de prendre et de vous faire prendre pour vous éviter de vous montrer : surgira forcément - et comme par enchantement - un "chef" ou soi-disant tel qui fera mine d'enguirlander votre mentor qui prendra alors bravement votre défense et demandera quelques moments supplémentaires en vous conseillant de donner quelque chose au chef pour prix de sa mansuétude.

     Un petit rab imprévu de bakchich qui, bien entendu, s'ajoutera à la largesse spontanée que vous auriez eu pour "votre" gardien ...

     Mais quel plaisir immense que d'être seul dans le temple d'Opet à Karnak

 

Karnak-ouf--une-touriste--.jpg

 

 

et de pouvoir admirer les reliefs tout frais rénovés dans leur splendeur polychrome,

 

 

Karnak-l-akh-menou.jpg

 

et de bénéficier des puissants lampadaires halogènes des restaurateurs pour faire vos photos !

     Bien sûr, vous aurez parfois l'impression de vous être fait rouler dans la farine lorsqu'on aura juste poussé un manche à balai opportunément placé en travers d'un passage pour vous faire passer "là où les autres ne vont pas"

 

 

14.-coup-de-balai-a-Luxor.jpg

 

et que vous vous retrouverez (délesté de cinq livres) sans autre obstacle sur le parcours des troupeaux de touristes lambda. La prochaine fois, vous ferez le parcours dans l'autre sens !!!

     Le plus difficile, à ce jeu, est de réussir à toujours avoir sur soi de petites coupures, car ne vous faites pas d'illusions, si vous proposez vingt livres en tendant un billet de cinquante, jamais votre interlocuteur n'a ni ne peut avoir la monnaie, et vous en serez quitte pour un pourboire non mérité ou que vous ne désiriez pas donner.

     La monnaie est le bien le plus difficile à conserver en Égypte, et même lorsque vous payez au restaurant, c'est toujours un grand souci d'avoir votre dû ...

     Bon, ça suffit pour aujourd'hui, on parlera de cuisine un autre jour !

 

François :jap:

 

 

 

    Ici même, dans la partie "Commentaires", n'oubliez pas de lire les réponses que François a eu (et continuera d'avoir) la gentillesse d'adresser à tous et ce, jusqu'à mon retour définitif sur ce blog ...

 

     Merci à vous de poursuivre la lecture de son récit ; merci à lui d'accepter de jouer le jeu et de pallier mes absences estivales ...

 

Richard 

 


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22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 23:00

 

     Un après-midi, vers 16h 30, dans le souk touristique de la ville, nous étions en tout et pour tout deux touristes pour l'ensemble de la rue : ma Catherine et moi !

 

 

Souk-Louxor--27-nov.-2010-.JPG

 

(Un tout grand merci à Marie Van Brussel pour cette photo du souk de Louxor vide de touristes, prise après la révolution ; ainsi que pour toutes celles qui illustrent le présent billet de François.)

 

 

On peut à ce propos parler des achats dans les souks : tout un poème ...

D'abord, deux "trucs" pour limiter le harcèlement :

 

1. Walk like an Egyptian !

     Marcher à grands pas, d'un air décidé et sans regarder de côté. Ça les prend par surprise... Mais il faut avouer que ce n'est pas très pratique pour faire des emplettes. De toute façon, ne nous berçons pas d'illusions, chaque marchand a dans sa boutique la totalité de ce que son voisin vend, et s'il n'avait pas ce que vous cherchez, il ira le trouver chez celui qui le possède.
 

2. Avoir en main , en permanence, 2 LE !  (*)

     Ainsi, lorsqu'on t'annonce en te montrant une écharpe en véritable polyamide "made in China" :

 

 

Souk---Foulards.jpg

 

 

"Pas cher, celle-là ! Une livre seulement ! ", tu dis OK et tu montres tes deux livres en faisant mine de les lui donner.
Désarmé et pas près de vendre à perte, le vendeur bat alors généralement en retraite.

     Et puis, bien se rappeler que, comme ils disent, tout est gratuit jusqu'à la caisse ! Et que par conséquent tu n'es jamais obligé d'acheter parce que tu es entré dans une boutique ...

     Par contre, lorsque l'on a décidé d'acheter quelque souvenir, alors là, c'est un calvaire...

     Il faut prendre une écharpe pour Tata Ginette, une pour ma sœur, une pour Gérard, et puis une pour la concierge, mais moins cher, et puis deux pour les copines de bureau, mais alors vraiment pas chères, un scarabée pour le neveu de Bernard qui a une vocation d'égyptologue, et puis j'aimerais bien me rapporter enfin un Anubis qui ne soit pas en plastique doré et multicolore, et puis ...

Ah oui, le pashmina rose de madame acheté lors de la dernière visite est tout déteint et ressemble à un mouchoir depuis qu'il est passé par erreur à la machine à 90° avec les draps. Il faut que je le remplace ...

     Donc, on rentre forcément à un moment ou à un autre dans une boutique...

 

Souk---Foulards--2----Photo--Marie.jpg


     Charité bien ordonnée commençant par soi-même, on cherche le pashmina rose. Hmmm, qu'il est beau et doux celui-là ! Coton et soie ! C'est écrit dessus ... Curieux, il n'y a pas de "made in ..." Un oubli, sans doute ?

Et là, ça commence :

"Combien ?

- C'est pas important, tu choisis tout ce que tu veux, et je te dis le prix après ...

- Oui, mais je voudrais savoir combien ça coûte ?

- On verra, choisis ce que tu veux

- Oui, mais je ne veux pas choisir sans savoir le prix !!!

- Le prix c'est pas grave on verra après ...

- Mais bon sang, si je ne sais pas le prix que ça vaut, je ne sais pas si je peux l'acheter !!!

     Et on finit par se lasser, et on choisit pour Tata Ginette et les autres ... Car inévitablement, ce sera la même chose dans la boutique d'à-côté ... Les souvenirs s'entassent ...

" - Bon, c'est tout !
- Sûr ? OK !"

     Là entre en scène l'inévitable calculatrice électronique, et d'un air appliqué, le vendeur fait de multiples opérations, toujours de façon que tu ne voies pas ce qu'il note.
Et puis il t'exhibe fièrement le résultat ...

Ouch !


     Dix sept écharpes (j'avais oublié Caroline qui risque de se vexer si elle sait que j'ai rapporté quelque chose à Sophie, et puis Alexandre et Victoria et ... et ...), six statuettes en résine (mais pas trouvé cet Anubis dont je rêve ), un sachet de "véritable safran", et une charmante paire de fioles en verre, ça fait tant que ça ???

Rien qu'à voir ta tête, il sourit ...


"That was touristic price !

For you, my friend, I give egyptian price."

     Nettement mieux, c'est vrai, mais quand même, des écharpes à ce prix là, je les trouve aux Galeries farfouillettes de ma ville ...


"Euh, qu'est-ce que tu en dis, chérie ?"
Chérie trouve que le pashmina rose qui lui manque, c'est OK ; mais pour Tata Ginette, elle ne pensait pas mettre autant et le signifie vertement : "Après tout, c'est ta tante, pas la mienne ..."

     Le vendeur tout émoustillé par la scène de ménage qu'il a suscitée mais désireux de vous garder dans la boutique :

"Mais comme tu achètes beaucoup de choses, je vais te faire un prix d'ami, my friend !"

     Nouveau prix qui s'affiche sur la calculette...

" If it is not OK, tell me your price..."

     Mais il ne sait pas que je n'y connais rien au prix des écharpes, moi, ce bougre !
Bon, je m'empare de la calculette, je baisse de 25% en me disant que j'exagère un peu, compte tenu du prix de départ. 

    

     Pour le principe, il rajoute 10 livres au prix que je suggère et là, fier comme tout, je montre à Chérie :


"- Là, ça te va ?"
 

 

     Elle acquiesce, l'œil admiratif, fière d'être venue en Égypte avec un tel négociateur...

     L'affreux a intercepté l'échange muet, et déjà se frotte les mains.

     Je fouille dans ma poche, compte et recompte mes billets, vérifie que je ne confonds pas les chiffres, et bien entendu je n'ai pas l'appoint exact ! Cette fichue "cash machine" ne délivre que des billets de cent livres et les petites coupures s'envolent en bakshish à longueur de journées.
Il me doit 80 livres de monnaie...

"- Oh, don't have change.

- Oui, mais moi je ne peux pas faire mieux ..."

Le gars sort alors de la boutique avec mes sous, et nous l'entendons héler Ali et Mustapha...

"- Tu crois que ce n'est pas trop cher ? Peut-être que finalement l'écharpe pour Tata Ginette, on n'aurait pas dû la prendre ?

- Ça ne fait rien, Chérie, on lui donnera le scarabée, et tu pourras garder son écharpe.

- Ah, si c'est comme ça, je crois que finalement ce n'est pas cher !!!"

     Le gars revient triomphant avec la monnaie !!! Et même me rend ce qu'il me doit !
Et puis il emballe tout dans un sac poubelle gris foncé et me le tend fièrement !

"My friend, choose what you want in this box ! It is cadeau four you ! Take two if you want !"

 

     Bien sûr, la fameuse box ne contient que ces horribles trucs en plastique multicolores moulés en Chine... Ah tiens, il y a un Anubis ... Bon ! Tant pis, la prochaine fois j'en trouverai un beau !!!

 

 


PS: Il est évident que les noms et prénoms ont été modifiés, et que si tout n'est pas vrai, ça aurait pu l'être !

Tata Ginette, je t'aime !

 

 

François :jap:

 

 

 

(*) Rappel : la livre égyptienne vaut 0, 1183 €.

 

 

    Ici même, dans la partie "Commentaires", n'oubliez pas de lire les réponses que François a eu (et continuera d'avoir) la gentillesse d'adresser à tous et ce, jusqu'à mon retour définitif sur ce blog ...

 

     Merci à vous de poursuivre la lecture de son récit ; merci à lui d'accepter de jouer le jeu et de pallier mes absences estivales ...

 

Richard 

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15 juillet 2011 5 15 /07 /juillet /2011 23:00

    

      Puisque, samedi dernier, j'abordai d'emblée le sujet des transports, quelques autres précisions :

Traversée du ferryboat : 1 LE  (*)  

   

Traversée en motor boat : 5 LE

 

motorboat.jpg
Taxi collectif : 50 piastres  (**)
 

     Mais là, il faut être au courant des multiples destinations et des gestes ou mots pour en indiquer une au chauffeur ou bien être accompagné par quelqu'un qui sait ... Sinon, on risque de se retrouver à un endroit où l'on ne souhaite pas se rendre !


 

Taxi-collectif.jpg

 
      On grimpe, on sort sa pièce, on tape sur l'épaule de celui qui est devant soi, qui la passe à celui qui est devant lui et ça va jusqu'au chauffeur qui renvoie la monnaie par le même biais tout en conduisant, klaxonnant et montrant aux gens qui le hèlent où il se rend avec le même code gestuel. Une véritable aventure à tenter de préférence aux heures creuses...

 

Taxi privé :

 

Taxi-prive.jpg

 

prix à négocier avant de monter dans le véhicule, en sachant que beaucoup sont climatisés, ou que c'est écrit dessus mais que si la clim fonctionne, le chauffeur est plus gourmand, estimant qu'il conduit une "limousine"...

 

     Pour la petite histoire, nous avons été à l'arrivée "démarchés" par un Abdallah souriant

 

Abdallah.jpg

 

qui nous a même donné sa carte de visite malgré nos dénégations. Comme d'habitude, dès qu'on discute, le dialogue est le suivant :

"- Hello, you need a taxi ?

- La choukrane !

- Where you come from ? English, french, germany ?

- French !

- Ça va ? Ça roule ma poule ? Besoin taxi ?

- Non merci !!!

- Pas cher, moins cher que Leclerc !

- J'ai dit non merci !!! Bass !!!

- Quel hôtel ?

- Nefertiti ! Allez, ça suffit ! Khalass !

- May-be later ?

- ... ... ...


- Tomorrow ?

- ... ... ... [avec un geste de la main disant non et gardant le visage aussi fermé que possible !]

- OK, may-be later !!!"



      Le bougre s'en va enfin.

      Le lendemain matin, nous sortons de l'hôtel pensant nous rendre tranquillement sur la West Bank. A peine avons nous parcouru dix mètres que, surgi comme le diable de sa boîte, Abdallah nous tombe dessus :

"- Hello, my friend ! You want a taxi ? You want to go West Bank ? I have my taxi there.

- La Choukrane !

- But I gave you my card. Remember ?
Do you need something ? Motor-boat, felluca ?

- Non merci !

- OK, where you go ?

- West-Bank, by my foot !

- But you need a taxi there ! I have taxi on West bank ! I can drive you to the ticket office !"

 

     Pensant le désarmer, puisque nous arrivons au ferry, nous grimpons ... Rien n'y fait, il nous emboîte le pas. Durant la traversée, il nous convainc et finalement nous acceptons son taxi. Là il empoigne son portable et commence une discussion avec son interlocuteur.

      A l'arrivée du ferry, il nous fait attendre, et finalement au bout de cinq minutes, arrive une vieille 404 break bleue et blanche, conduite par un moustachu aussi foncé de peau qu'Abdallah est clair, deux fois sa taille, avec une trogne de bon bougre auquel il ne faut pas marcher sur les pieds...


"- C'est quoi, cette histoire ? Je croyais que tu avais un taxi ?

- This is my brother, Muhammad !"
     

     Ouais, et moi, je suis ta sœur !

      Bref, c'est donc "en famille" que nous aurons le plaisir de faire nos excursions durant ces neuf journées à Louxor...

      Le prix négocié pour des "petites" journées" (en gros, de 8h 30 à 16h) sera de 80 LE, sans bakchich supplémentaire ! Compte-tenu de la période difficile, je n'ai pas voulu me montrer trop "rat", sachant que la saison a été très dure pour eux, ni en profiter pour marchander plus encore, car il aurait sans nul doute accepté...

 


      Petit aparté, ici, pour dire encore mille mercis à Marie qui m'ayant prêté un téléphone local à mon arrivée nous a permis de contacter ou d'être contactés sans soucis, et de nous sentir parfaitement sécurisés, sachant qu'à tout moment nous pouvions la joindre pour appeler au secours ou demander un renseignement ! Ça n'a l'air de rien, mais c'est très rassurant !

      Bon, pour les transports, j'ai eu la chance de faire un soir du "taxi brousse", et aussi de la moto !
La moto, je n'en menais pas large, mais c'était pour aller de chez mon marchand de chemises à une cash-machine, car il ne voulait être payé qu'en livres... Mais comme je n'avais pas payé les chemises, le gars qui m'a pris en selle m'a conduit comme une jeune mariée, ne voulant pas perdre un client avant que l'affaire soit faite !!!


      On a "juste" pris un rond point à l'envers, manqué se mettre dans une charrette de luzerne dont l'âne connaissait aussi mal le code de la route que mon chauffeur, et lorsque ma Catherine m'a vu revenir, elle était encore grise de peur !

      Prochain rendez-vous : samedi 23 juillet ...
   

 

François :jap:

 

 

NdRL :

 

(*) 100 livres égyptiennes  = 11, 18 €

 

(**) 1 livre égyptienne = 100 piastres

 

 

 

    Ici même, dans la partie "Commentaires", n'oubliez pas de lire les réponses que François a eu (et continuera d'avoir) la gentillesse d'adresser à tous et ce, jusqu'à mon retour définitif sur ce blog ...

 

     Merci à vous de poursuivre la lecture de son récit ; merci à lui d'accepter de jouer le jeu et de pallier mes absences estivales ...

 

Richard

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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 23:00

 

      Comme annoncé dernièrement, je vous invite dès ce matin et chaque samedi des deux mois d'été à découvrir la relation d'un voyage à Louxor qu'un ami niçois a effectué en mars 2011, et qu'à votre intention, amis lecteurs, j'ai pré-programmée avant de prendre congé de vous ...

 

     Immense merci à toi, François, d'avoir d'une part accepté que j'importe de "notre" forum égyptologique ces différents épisodes que tu y as récemment publiés et, d'autre part, offert tes clichés personnels à mes lecteurs - qui, par la force des choses, vont maintenant devenir les tiens -, de manière à bellement  illustrer tes propos ...

 

 

 

     Rassurez vous, je ne vais pas ici vous infliger un récit de quinze pages pour vous raconter, par le menu, l'ensemble de mon séjour à Louxor. Mais je vais tenter de vous faire partager, par petites livraisons, un peu de ce qu'il  a été, en insistant plus sur le côté pratique ou anecdotique.

     Le choix de la compagnie aérienne a été vite fait : je voulais un vol direct d'Europe à Louxor, et compte tenu de la situation, seul Thomas Cook Airlines proposait des vols qui correspondaient à mes périodes possibles de départ et de retour ; les compagnies low-cost françaises n'ayant pas repris les vols pour l'Égypte au moment de mon départ.


     J'ai même, moyennant quelques euros supplémentaires opté pour la classe premium qui donne droit à un repas dit "gastronomique" et une coupette de champagne en plus de l'ordinaire.


     Rien à dire, que du bon, sur cette compagnie. Mes contacts téléphoniques ont été d'une grande courtoisie et efficacité, l'enregistrement et le vol ont été parfaits et les hôtesses charmantes : je ne peux donc que me féliciter de ce choix.

     Partir de Bruxelles posait le problème de l'acheminement vers cette ville, mais de toutes façons, quand on habite Nice, il faut toujours se rendre ailleurs. C'est Brussels Airlines qui nous a conduits. Je n'aurai pas vraiment les mêmes éloges, encore que tout se soit passé correctement.

 

 

Nuit-Bruxelles.jpg

 

 

     L'avantage de passer par la Belgique aura été de nous permettre de retrouver notre chère N@n, de faire connaissance avec sa petite famille, et d'avoir le plaisir de partager de merveilleux moments d'amitié !
Merci ma belle pour ta gentillesse !

     Ensuite, j'avais fait le choix de ne pas réserver un hôtel de luxe, pas par souci d'économie, mais pour ne pas m'infliger le cérémonial de ces hôtels impersonnels et qui se ressemblent tous où que l'on se trouve dans le monde.


     Le Nefertiti Hôtel, 

 

Nefertiti-Hotel.jpg

 

après maintes consultations d'amis et sur le net l'a emporté, pour sa terrasse donnant sur le temple de Louxor

 

Vue-sur-le-temple.jpg

 

  et son emplacement stratégique, pas trop loin du ferry et proche des commodités de la ville.


     Un peu inquiet tout de même, je n'avais réservé que deux nuits pour pouvoir changer si besoin, mais malgré quelques couacs, nous y avons poursuivi tout notre séjour.  

   

     La chambre n'était pas très vaste, le sanitaire un peu rudimentaire mais fonctionnel, le lit double n'avait le plus souvent qu'un drap simple comme drap du dessus, mais draps et serviettes étaient changés tous les jours et la propreté était irréprochable, le personnel charmant et serviable, le petit-déjeuner correct...
 

     Sa situation aux abords du souk me faisait craindre le bruit, mais nous avons bien dormi dans l'ensemble, sauf peut-être un soir de mariage : en effet, l'hôtel surplombe à quelque distance l'échoppe du plus célèbre photographe de la cité, et à cette occasion, mariés, famille et convives, tous sur leur trente-et-un, costume de tissu bien brillant pour les hommes, foulards à paillettes pour les dames et pompons dans les cheveux des petites filles, vont se faire tirer le portrait par cet artiste.

 

     Ce petit monde est accompagné et fêté par toute la noce et sans doute même les curieux qui stationnent en double ou triple file klaxonnent à chaque nouvel arrivant, mettent la sono de la voiture à fond, commentent, chantent et applaudissent, quand ils ne font pas un tour de ville en cornant à tout rompre pour manifester leur joie...

     Voilà, pour aujourd'hui, le cadre est fixé ! La suite, samedi 16 juillet prochain ...

 

 

François :jap:

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22 avril 2011 5 22 /04 /avril /2011 23:00

 

     Il n'y a guère, souvenez-vous amis lecteurs, je m'étais arrogé le droit de reprocher à Michel Onfray d'entamer sa "Contre-Histoire de la Philosophie" en 2006, par les penseurs grecs, fussent-ils en dehors des sentiers rebattus des cours universitaires traditionnels et, partant, de ne quasiment pas évoquer les sagesses égyptiennes en tant que prémices à la philosophie antique.

 

     Si, d'une certaine manière, je persiste et signe, il m'agréerait néanmoins de vous donner à lire ce matin, avant qu'ensemble, mardi prochain, nous reprenions le chemin du Louvre et, samedi, celui des Maximes de Ptahhotep, un dernier extrait de l'ouvrage que je vous ai proposé prendant ce congé de Printemps belge, A côté du désir d'éternité. Fragments d'Égypte.

 

     Je n'écrirai jamais assez combien ce titre me plaît !!

 

    Dans sa (trop) courte relation d'un séjour qu'il fit sur les rives du Nil, publiée aux éditions Mollat en 1998, puis en Livre de poche en 2006 et qui, à l'époque, m'avait complètement échappé,  le philosophe argentanais fournit quelques précisions qui abondent dans le sens qu'ici j'ai toujours défendu à propos des liens qui peuvent exister entre les différentes pensées des anciennes civilisations méditerranéennes.

 

     Ce nonobstant, j'avoue que j'attends toujours de sa plume, en parallèle avec les études des égyptologues philologues, qu'il nous offre l'ouvrage représentant le véritable compendium de sa réflexion philosophique à propos des sagesses égyptiennes et qui, dès lors, mettrait à mal le sempiternel a priori qui veut que tout commence en Grèce ... 

 

     En attendant, rendons à Michel Onfray ce qui appartient à Michel Onfray ...


 

 

     ... A l'évidence, l'européanocentrisme dans lequel l'université élève ses sujets compte pour rien ce que pourraient être les sources et les racines de la Grèce qu'on préfère présenter comme procédant d'elle-même. Rien dans les mains, rien dans les poches, miracle grec, comme on disait, et Athènes vint. L'idée que les Grecs ont pu puiser à plus ou moins grandes brassées dans les civilisations qui les ont précédés passe pour hérétique dans les milieux universitaires européens. Rien d'égyptien ou de sumérien chez les Présocratiques ou Platon, car il faudrait, horreur pour l'inconscient collectif national, consentir aux racines africaines ou orientales de l'Europe.  (...) 

 

     Dans le repos de ma chambre, je reprenais de vieilles lectures faites à l'époque où je découvrais les philosophes de l'antiquité gréco-romaine. Avec les livres de sagesse des pharaons, je trouvais chez Ptahhotep, Kajemni, Merikaré, Iouper, Neferty ou Aménémopé une ethique qui contient intégralement les préceptes de ce qui deviendra la morale gréco-romaine puis chrétienne : l'éloge de l'équité, du juste, de la prudence, la célébration de l'humilité, de l'honnêteté, les mérites vantés de l'amabilité, de la discrétion, de la modération, la méfiance à l'endroit du sentiment et tout le système moral permettant de justifier une place pour chacun suivant l'ordre et l'idéologie en vigueur : les serviteurs au service, les maîtres au commandement.

 

     Travailler, fonder une famille et l'aimer, défendre son pays, ne pas se rebeller, consentir au réel, se soumettre à l'ordre terrestre, incarnation de l'ordre céleste, voulu par les dieux : l'art de vivre égyptien propose dès les premiers temps de l'humanité culturelle les éternelles formules de la sagesse des nations.  Il n'est pas étonnant que l'on retrouve ces principes éthiques  dans les premières heures de la pensée grecque. De la même manière, le Livre des morts avance avec une géographie infernale, une théorie de la vie après la mort, une ontologie du trépas, une métaphysique destinée à conjurer le néant, qui s'appuient sur la puissance d'un désir d'éternité recyclé dans le platonisme - qu'on songe au Phédon - et dans le christianisme. Que l'Égypte ait influencé l'Occident via la Grèce, cela semble très probable. Pour autant, (...) ce que j'entendais le jour dans la bouche des thuriféraires débitant leur savoir à destination du contingent de touristes me laissait croire qu'il y a un travail à faire sur cette question et qu'il est loin d'avoir été fait.

 

     Dehors, vue de mon balcon, dans les limbes de la nuit, Louxor scintillait comme une ville qui conserve son secret avec moins de jalousie et d'arrogance que de désinvolture et d'insouciance.


 

Nuit sur Louxor -2- (François)

 

 

      Assis sur le fauteuil, regardant les lumières vacillantes, écoutant les bruits qui se raréfiaient avec l'avancée des heures nocturnes, un cigare à la main - que je n'allumais pas, trop privé d'humidité - je pensais à l'Europe lointaine, là-bas, aux passages de Flaubert et de Rimbaud, de Nerval et de Gautier, puis à tous les voyageurs venus de France ou d'Italie qui, entre le siècle de Montaigne et celui de Montesquieu, furent plus de deux cent cinquante à écrire et raconter dans le détail leur voyage en Égypte.

 

     Plus cosmopolites alors qu'aujourd'hui, plus voyageurs, plus désireux de savoirs et d'influences étrangères, plus curieux d'étrangetés, les hommes d'hier et d'avant-hier, voire ceux d'un avant-hier plus ancien encore, n'ont pas hésité à franchir les océans, parcourir les terres, traverser de nombreux pays, aller et venir, partir et rentrer, parler, écouter, écrire, rapporter des connaissances et faire circuler les leurs, le plus loin possible et dans un infernal maelström de mots. Les moyens de transport, plus lents, laissaient le temps à l'imprégnation, à l'infusion, à la diffusion lente, mais sûre. Je songeai, en regardant la nuit changer de couleur, que dans le sang de la pensée occidentale coule sans conteste un sang africain.

 

     J'aime en Afrique le temps expérimenté comme une pure durée voluptueuse, comme une totale occasion de jubiler de son écoulement. Temps à dépenser, à brûler comme on consume une existence, en pure perte, ou pour le seul bénéfice d'un exercice hédoniste. La chaleur, la lumière, le soleil me sont des auxiliaires précieux pour pratiquer ce temps en direct. Le corps s'aligne sur les rythmes de la journée : zénith et nadir, aurore et crépuscule, jour et nuit, matinée et soirée, la chair se plie aux cadences naturelles, aux crues et aux décrues du Nil. L'Afrique vit toujours confusément dans l'ombre et le souvenir de l'animisme, du polythéisme et du panthéisme. Le climat commande et dispose de tout autour de lui, il exerce un empire total et décide de manière intégrale.

 

     Aux heures plus fraîches du petit matin, je sortais dans la rue. Etrangement, le peu de sommeil que j'avais eu n'entraînait aucune fatigue, comme si la chaleur cuisait, asséchait, brûlait mon âme sans que paraisse le moindre fléchissement de l'énergie. Le jour avec des images, la nuit avec des lectures et des songes, il me semblait que la vie s'écoulait selon un ordre voulu par la nature, aucunement choisi par moi. Et tout cela me convenait, comme si le moi, le je, l'individualité occidentale, l'égotisme cédaient le pas, dilués dans le temps fluide qui sévit là-bas, contemporain des divinités humaines aux têtes animales. 

 

 

 

 

Michel Onfray, A côté du désir d'éternité. Fragments d'Égypte, Livre de Poche, Collection Biblio Essais n° 4399, Paris, Librairie Générale Française, 2006, pp. 35 et 40-5.

 

 

(Immense merci à un ami niçois de m'avoir sans hésitation aucune offert, pour illustrer le dernier billet de cette courte série, la superbe prise de vue de Louxor qu'il y a réalisée le mois dernier.)

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