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9 mai 2016 1 09 /05 /mai /2016 23:02

 

 

 

     Ma promenade a duré six heures. Je suis entré, en revenant à mon auberge, dans une cour délabrée, aux murs de laquelle sont appliquées des pierres sépulcrales chargées d’inscriptions mutilées. J’ai copié quelques-unes de ces inscriptions.

(...)

Que peut-il y avoir de plus vain ? Je lis sur une pierre les regrets qu’un vivant donnait à un mort ; ce vivant est mort à son tour, et après deux mille ans je viens, moi barbare des Gaules, parmi les ruines de Rome, étudier ces épitaphes dans une retraite abandonnée, moi indifférent à celui qui pleura comme à celui qui fut pleuré, moi qui demain m’éloignerai pour jamais de ces lieux, et qui disparaîtrai bientôt de la terre.

 

 

 

 

François-René de CHATEAUBRIAND

Voyage en Italie

11 décembre 1803

 

Paris, Éditions Payot et rivages Poche, 2015

pp. 52-3

 

 

 

 

  

     Alors que je vous ai expliqué précédemment, amis visiteurs, que grâce aux relevés des membres de l'expédition de l'égyptologue prussien Carl Richard Lepsius en 1843 dans la nécropole d'Abousir, nous savons que moult scènes peintes de la cour hypostyle du mastaba de Fetekti ressortissaient au domaine de la vie quotidienne, comme par exemple, ci- après, celle évoquant les bovins

 

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fetekti3c.jpg

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fetekti3c.jpg

 

 

ou cette autre, dédiée notamment à la viticulture, 

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fetekti1.jpg

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fetekti1.jpg

 

 

c'est, comme je vous l'avais promis au terme de notre dernier rendez-vous, sur les différentes scènes de marché que nous donnent à voir deux des faces du pilier central de cette cour d'entrée que je voudrais aujourd'hui définitivement clôturer notre visite de cette sépulture.

(©  https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fetekti2.jpg)

(© https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fetekti2.jpg)

    

     Ou plutôt, que donnaient à voir car ce fut une des déconvenues des égyptologues tchécoslovaques qui redécouvrirent le mastaba en 1991, après un siècle et demi d'oubli complet, que de constater que bon nombre des peintures reproduites dans les Denkmäler aus Aegypten und Aethiopien, le magistral ouvrage de Lepsius, n'existaient plus : les pluies torrentielles qui chaque année s'engouffraient dans ce vallon avaient irrémédiablement détruit l'oeuvre des "scribes des contours" antiques.

 

     Il faudra donc vous contenter de la planche 96 ci-dessus extraite du tome II de la somme du savant prussien pour ensemble déambuler sur ce marché égyptien.

 

     Les différentes activités figurées ici, je l'ai précisé la semaine dernière, se déploient sur trois registres horizontaux se subdivisant chacun en deux évocations distinctes : bien que celles du niveau supérieur étaient déjà en partie effacées en 1843,

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 6. LA TOMBE DE FETEKTI : LES DIFFÉRENTES PARTIES DE LA SCÈNE DE MARCHÉ

 

vous distinguez ici à gauche, - dans la réalité, sur la face ouest du pilier -, un homme debout qui vraisemblablement tend une pièce de tissu à un autre qui se trouve devant lui, un genou posé sur le sol.

 

     Je souligne vraisemblablement dans la mesure où les commentateurs ne sont pas tous d'accord avec cette vision des choses ; pour ma part, j'ai opté pour l'interprétation de l'égyptologue tchèque Miroslav Barta, qui me paraît être, dans son analyse de l'ensemble de ces scènes, celui qui prend le mieux en considération les textes hiéroglyphiques qui les accompagnent ... quand bien évidemment ils ont été préservés.

 

   Selon lui, seuls deux exemples proposant semblable transaction d'un produit textile, seraient actuellement connus. S'interrogeant sur la raison pour laquelle l'un d'eux se trouve précisément dans ce mastaba-ci, le Profeseur Barta rappelle que Fetekti dirigeait un atelier de fabrication textile au service de la Cour et que cette pièce de tissu pourrait constituer une récompense qui lui aurait été accordée.

 

     Pour la petite histoire, j'ai en revanche lu dans un ouvrage qu'ici l'homme debout présenterait plutôt une planche à son vis--à-vis ! Mais comme aucune légende hiéroglyphique permettant de préciser le geste n'a été conservée au-dessus de ce fragment peint, le débat reste pour vous ouvert, quant à votre propre interprétation ...

 

     Ceci posé, si M. Barta est dans le vrai, cela incline à penser, dans un premier temps, qu'il ne s'agirait alors nullement d'une scène de marché ; ensuite, que nous aurions là avec le personnage agenouillé un "portrait" du défunt lui-même.

 

 

     Au registre médian, nettement moins endommagé,

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 6. LA TOMBE DE FETEKTI : LES DIFFÉRENTES PARTIES DE LA SCÈNE DE MARCHÉ

 

la scène de droite, - en réalité, sur la face sud du pilier -, relate un échange entre deux hommes mêmement vêtus d'un pagne, celui de gauche, debout, tenant des sandales dans une main, propose toutefois de l'autre un collier de perles à celui assis devant son panier de gâteaux : ayant déjà agrippé le bijou qui semblerait l'intéresser, ce dernier tend une de ses pâtisseries.

 

     Les textes hiéroglyphiques apparents qui encadrent le début de l'échange fournissent l'une ou l'autre précision : ainsi apprenons-nous que l'homme debout se prénomme Iounek mais surtout restituent les propos de chacun : Vois, mon gâteau est suave, dit l'un ; Vois, mes sandales sont solides, rétorque l'autre.

 

     La scène de gauche, - comprenez : sur la face ouest du pilier -, vous donne quant à elle à comprendre deux transactions qui se déroulent en même temps : tout en éviscérant un des poissons de son panier, l'homme assis discute avec une jeune femme à robe longue et cheveux courts portant un coffret sur l'épaule.

     Vous souvenez-vous de la similitude avec le relief existant sur une des parois de la "Chaussée d'Ounas" que je vous avais montré lors de notre précédente rencontre ?

 

     Trop de hiéroglyphes ont disparu sur la droite pour que nous puissions encore reconstituer les dialogues : la dame offre-t-elle le contenu de son fardeau ? Sont-ils en train de négocier le prix des poissons alors qu'elle n'a rien à proposer en échange ?

     Ici aussi, les avis divergent chez les exégètes ...

 

     Tout proche, une autre femme, à cheveux longs cette fois, essaie, selon les inscriptions, de troquer deux bols nemset, contre un vase mesekhet. Faut-il comprendre, par l'attitude de l'homme assis qui maintient son récipient sur le sol alors que la chalande lui tend les siens, que la proposition ne lui paraît pas recevable, partant, que l'échange sera difficile ?

 

 

     Au registre inférieur, incontestablement la partie la moins détériorée de l'ensemble de ces scènes de marché,

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 5. LA TOMBE DE FETEKTI : PRÉMICES À LA SCÈNE DE MARCHÉ

 

la scène de droite, - en réalité, sur la face sud du pilier -, relate un échange entre deux hommes mêmement vêtus d'un pagne : celui de gauche, debout, tenant des sandales dans une main, propose toutefois de l'autre un collier de perles à celui assis devant son panier de gâteaux : ayant déjà agrippé le bijou qui semblerait l'intéresser, il présente une de ses pâtisseries.

 

     Les textes hiéroglyphiques apparents qui encadrent le début de l'échange fournissent à la fois l'une ou l'autre précision - ainsi apprenons-nous que l'homme debout se prénomme Iounek -, mais surtout restituent les propos de chacun : Vois, mon gâteau est suave, dit l'un ; Vois, mes sandales sont solides, rétorque l'autre.

 

     La scène de gauche, - comprenez : sur la face ouest du pilier -, quant à elle, nous donne à comprendre deux transactions qui se déroulent en même temps : tout en éviscérant un des poissons de son panier, l'homme assis discute avec une jeune femme à robe longue et cheveux courts portant un caisson sur l'épaule. Trop de hiéroglyphes ont disparu sur la droite pour que nous puissions encore reconstituer les dialogues : la dame offre-t-elle le contenu de son fardeau ? Sont-ils en train de négocier le prix des poissons alors qu'elle n'a rien à proposer en échange ?

     Ici aussi, les avis divergent chez les commentateurs ...

 

     Tout proche, une autre dame, à cheveux longs cette fois, essaie, selon les inscriptions, de troquer deux bols nemset, contre un vase mesekhet. Faut-il comprendre, par l'attitude de l'homme assis qui maintient son récipient sur le sol alors que la chalande lui tend les siens, que la proposition ne lui paraît pas recevable, partant, que l'échange sera difficile ?

 

 

     Au registre inférieur, incontestablement la partie la moins détériorée de l'ensemble de ces scènes peintes,

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 5. LA TOMBE DE FETEKTI : PRÉMICES À LA SCÈNE DE MARCHÉ

 

vous voyez, à droite, - c'est-à-dire sur la face sud du pilier -, un producteur installé avec son imposant panier d'osier apparemment rempli de légumes dont on peut distinguer, du côté des deux hommes qui s'approchent, la partie supérieure de jeunes oignons : le premier des acheteurs potentiels, celui qui porte un sac en bandoulière, se présente avec un collier à  échanger, tandis que le second tient en mains deux types distincts d'éventails (ou de chasse-mouches).

 

     Vois cette parure, vois ce beau bijou, vois ces éventails, précisent les textes.

     Laisse-moi voir, répond le paysan en s'emparant du collier, et donne-moi ton prix.

 

 

     A gauche de cette scène, - sur la face ouest du pilier, donc -, deux autres, comme au registre médian, se déroulent en parallèle : la première, plus difficile à analyser parce qu'abîmée au niveau d'une grande partie de la légende hiéroglyphique, nous montre deux hommes dont un seul tient quelque chose dans chacune de ses mains : peut-être des hameçons dans la droite et un papyrus qu'il brandit dans la gauche? 

 

     Tout à côté, une jeune femme en robe longue, cheveux courts et caisson sur l'épaule - serait-ce la même qu'au registre médian ? -,  dont le nom, Minmeret, est cette fois inscrit juste devant les jambes, discute avec un autre poissonnier assis près de son éventaire. Il semblerait, d'après la portion de texte traduisible, qu'elle juge le prix demandé excessif et en appellerait à un certain Ibi, superviseur du marché, afin qu'il tranche leur différend.

 

     Quoiqu'il en soit exactement des analyses que l'on peut - ou ne peut exactement -  déterminer, il n'en demeure pas moins que ces quelques "prises de vues" d'un marché égyptien antique réalisées par un ou plusieurs artistes de l'Ancien Empire, et que Lepsius a eu la bonne idée d'enregistrer dans ses dessins,  restituent parfaitement une ambiance, une réalité sociale qu'en Égypte comme ailleurs nous pouvons encore en partie retrouver à notre époque ...

 

     J'ai même eu, un instant, l'impression d'entendre une voix chaude qui me fredonnait :

 

     J'ai hâte au point du jour de trouver sur mes pas ce monde émerveillé qui rit et qui s'interpelle le matin au marché :

     Voici pour cent francs du thym de la garrigue, un peu de safran et un kilo de figues.
     Voulez-vous, pas vrai, un beau plateau de pêches ou bien d'abricots ?
     Voici l'estragon et la belle échalote, le joli poisson de la Marie-Charlotte.
     Voulez-vous, pas vrai, un bouquet de lavande ou bien quelques oeillets ? ...

 

 

 

     Pas vous ??

 

 

 

(Allam : 2008, 133-4 ; Barta : 2001, 75-123 ; ID. : 2005 ³Menu : 2008, 129 ; Montet : 1925, 319-26 ; Peters-Destéract : 2005, 109)

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 6. LA TOMBE DE FETEKTI : LES DIFFÉRENTES PARTIES DE LA SCÈNE DE MARCHÉ
 
vous voyez, à droite, - c'est-à-dire sur la face sud du pilier -, un producteur installé avec son imposant panier d'osier apparemment rempli de légumes dont on peut distinguer, du côté des deux hommes qui s'approchent, la partie supérieure de jeunes oignons : le premier des acheteurs potentiels, celui qui porte un sac en bandoulière, se présente avec un collier à  échanger, tandis que le second tient en mains deux types distincts d'éventails (ou de chasse-mouches).

 

     Vois cette parure, vois ce beau bijou, vois ces éventails, précisent les textes.

     Laisse-moi voir, répond le paysan en s'emparant du collier, et donne-moi ton prix.

 

 

     A gauche de cette scène, - sur la face ouest du pilier, donc -, deux autres, comme au registre médian, se déroulent en parallèle : la première, plus difficile à analyser parce qu'abîmée au niveau d'une grande partie de l'inscription hiéroglyphique, nous montre deux hommes dont un seul tient quelque chose dans chacune de ses mains : peut-être des hameçons dans la droite et un papyrus qu'il brandit dans la gauche ? 

 

     Tout à côté, une jeune femme en robe longue, cheveux courts et caisson sur l'épaule - serait-ce la même qu'au registre médian ? -,  dont le nom, Minmeret, est cette fois inscrit juste devant les jambes, discute avec un autre poissonnier assis près de son éventaire. Il semblerait, d'après la portion de signes traduisibles, qu'elle juge le prix demandé excessif et en appellerait à un certain Ibi, superviseur du marché, afin qu'il tranche leur différend.

 

     Quoi qu'il en soit exactement des analyses que l'on peut - ou ne peut exactement -  déterminer, il n'en demeure pas moins que ces quelques "prises de vues" d'un marché égyptien antique réalisées par un ou plusieurs artistes de l'Ancien Empire, et que ceux de l'expédition Lepsius ont eu la bonne idée de reprendre dans leurs dessins, restituent parfaitement une ambiance, une réalité sociale qu'en Égypte comme ailleurs nous pouvons encore en partie comprendre à notre époque ...

 

     J'ai même eu, un instant, l'impression d'entendre une voix chaude, fredonnant :

 

     J'ai hâte au point du jour de trouver sur mes pas ce monde émerveillé qui rit et qui s'interpelle le matin au marché :

     Voici pour cent francs du thym de la garrigue, un peu de safran et un kilo de figues.
     Voulez-vous, pas vrai, un beau plateau de pêches ou bien d'abricots ?
     Voici l'estragon et la belle échalote, le joli poisson de la Marie-Charlotte.
     Voulez-vous, pas vrai, un bouquet de lavande ou bien quelques oeillets ? ...

 

 

 

     Et vous, amis visiteurs ??

 

 

 

(Allam : 2008, 133-4 ; Barta : 2001, 75-123 ; ID. : 2005 ³Menu : 2008, 129 ; Montet : 1925, 319-26 ; Peters-Destéract : 2005, 109)

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 23:02

 

 

 Ruines ! ma famille !

 

 

Charles BAUDELAIRE

 

Les Fleurs du Mal,

Tableaux parisiens, 108,

 

Les petites vieilles, IV

 

  dans Oeuvres complètes 

Paris, Seuil

p. 98 de mon édition de 1968

 

 

 

 

     Ceux qui, parmi vous amis visiteurs, ont connu cette belle opportunité d'arpenter la nécropole de Saqqarah, se souviennent plus que très probablement de ce que leur guide a présenté sous l'appellation de "Chaussée du complexe funéraire du roi Ounas", - cet Ounas, souvenez-vous qui, le premier, fit graver ce qu'il est maintenant convenu de nommer "Textes des Pyramides" dans sa "Demeure d'éternité" ; cet Ounas qui aussi, j'aime à le rappeler, au sein d'une pléiade de hauts fonctionnaires s'adjoignit les services d'un certain Metchetchi.

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 5. LA TOMBE DE FETEKTI : PRÉMICES À LA SCÈNE DE MARCHÉ

     

      Cette allée pavée, - la mieux préservée de toutes celles de l'époque -, comportait un programme iconographique constitué de tableaux polychromes gravés en léger relief sur un parcours formant vraisemblablement tunnel de quelque 700 mètres de long et 6,70 de large, depuis le temple bas, au bord du Nil, prévu pour accueillir le cortège funèbre royal, jusqu'au temple haut, là où s'effectuaient certains rituels dont celui de l' "Ouverture de la bouche", simulacre de rendre fonction à quelques-uns des sens primordiaux du défunt, - vue, ouïe et parole -, avant l'inhumation définitive à l'intérieur de sa pyramide.

 

    Vous aurez remarqué, je présume, cet évident interstice entre les imposantes dalles du toit : sur toute la longueur, il constituait en réalité l'ingénieuse réponse apportée par les architectes antiques de ce long et sombre couloir aux fins d'y pourvoir un éclairage naturel.  

 

 

     Sauf à exciper de l'indéniable proximité des deux nécropoles, quelle raison invoquer pour vous octroyer semblable digression introductive, seriez-vous en droit de me demander, alors que, depuis un certain temps, vous nous entretenez uniquement de celle d'Abousir ? 

 

     Quand nous avons ensemble, mardi dernier, pénétré dans le mastaba de Fetekti, je vous avais expliqué, amis visiteurs, que l'endroit avait fort heureusement déjà fait l'objet d'une étude réalisée au XIXème siècle par l'égyptologue prussien Carl Richard Lepsius, notamment à propos des murs de la cour intérieure qu'il avait excavée et des peintures ressortissant au domaine de ce qu'il est habituellement convenu d'appeler "scènes de la vie quotidienne" qu'il y avait découvertes et relevées.

 

     Parmi elles, une célèbre évocation d'un marché de plein air auquel, comme promis en nous quittant, j'escompte déjà aujourd'hui consacrer en partie notre rendez-vous, avant d'être plus prolixe encore lors de celui de la semaine prochaine.

 

     Réalisée sur un lavis bleu-gris clair recouvrant une épaisse couche de plâtre de boue jaune-brun mélangée à des fibres végétales appliquée sur le pilier central de la cour d'entrée, elle se distribue en trois registres superposés, à partir d'approximativement un mètre de hauteur par rapport au niveau du sol et seulement sur deux de ses quatre faces.

     Fort heureusement pour nous, ces scènes de marché figuraient parmi les parties les mieux conservées des parties peintes d'origine encore admirées par Lepsius lors de ses fouilles de 1843 en Abousir. 

 

     Le dessin ci-après, extrait de ses Denkmäler ..., vous les propose toutes rassemblées et séparées par un simple trait vertical : considérez qu'à gauche de cette ligne médiane, vous dénombrez les trois scènes de la face ouest du pilier central de la cour hypostyle du mastaba de Fetekti et qu'à droite, celles de la face sud de ce même pilier. 

 

(©  https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fetekti2.jpg)

(© https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fetekti2.jpg)

 

     Célèbre, indiquai-je à l'instant à propos de cette figuration d'une marché dans la mesure où la présence de semblable manifestation populaire dans un contexte funéraire se révèle en définitive particulièrement peu fréquente et, à tout le moins à l'Ancien Empire, se résume à deux  tombes exhumées à Abousir : celle de Ptahshepses, que j'avais évoquée avec vous le 16 février dernier et dans laquelle, si j'en crois le texte hiéroglyphique qui l'accompagne, on peut voir un homme troquant vraisemblablement un pain contre des oignons ; et bien évidemment dans celle de Fetekti sur laquelle nous nous concentrerons ce matin.

     Mais aussi à quelques-unes situées à Saqqarah, dont - et voici ma réponse à votre questionnement initial concernant le bien-fondé de mon introduction -, deux blocs de calcaire disposés côte à côte sur la troisième assise de la paroi nord de la Chaussée d'Ounas évoquée d'emblée tout à l'heure, à quelque 230 mètres de son aboutissement, ainsi que l'un ou l'autre fragment épars mis au jour sur le site. 

 
L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 5. LA TOMBE DE FETEKTI : PRÉMICES À LA SCÈNE DE MARCHÉ

 

 

     Le premier de ces blocs relatant diverses transactions commerciales vous donne à voir, à droite, un homme assis sur un siège cubique invitant à considérer des poissons amoncelés dans une corbeille semi-circulaire posée entre lui et un personnage debout qui porte un petit coffret à corniche. 

    Rien n'indique son contenu.

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 5. LA TOMBE DE FETEKTI : PRÉMICES À LA SCÈNE DE MARCHÉ

 

 

     Le second bloc montre, à gauche, un homme installé sur un coussin qui dispose à ses pieds lui aussi des poissons mais séchés, cette fois. 

 

     (Immense merci à Yopi, - pseudonyme d'une couple de Parisiens avec lesquels j'avais sympathisé lors d'un colloque consacré à Sésostris III, au Palais des Beaux-Arts de Lille à l'automne 2014, - de m'avoir autorisé à publier ici pour vous leurs clichés.) 

    Hormis ces deux scènes chez Ounas, quelques figurations de marché se retrouvent également dans des sépultures non-royales, notamment celles de Kagemni, avec des personnages proposant onguents et parfums quand d'autres échangent différents types de vases ; de Tepemankh dont un fragment représentant là aussi l'étal d'un poissonnier est d'ailleurs exposé au Département des Antiquités égyptiennes des Musées royaux d'Art et d'Histoire, à Bruxelles ; d'Ankhmahor, par ailleurs connu pour une scène de circoncision ; des deux frères, Niankhkhnoum et Khnoumhotep et, bien sûr, dans le mastaba de Ti que je vous ai si souvent conseillé de virtuellement visiter grâce à l'excellent site d'OsirisNet.

 

     Vous aurez évidemment remarqué les deux verbes que j'ai employés pour définir ces relations commerciales : troquer et échanger. Il faut en effet savoir qu'à cette époque lointaine, c'est par ce moyen que dans toute société s'obtenaient les marchandises convoitées : l'un pouvait exhiber une paire de sandales qu'il avait confectionnées contre quelques légumes cultivés dans le jardin d'un autre ; ou une villageoise marchander quelque ustensile de cuisine fabriqué par son époux contre un bijou, un vêtement ...

 

     Parallèlement à ces scènes peintes, la lecture d'une abondante documentation papyrologique confirme parfaitement que les produits d'utilité courante ou autres que l'on désirait se procurer pouvaient être obtenus grâce à l'un quelconque objet que l'on possédait en plusieurs exemplaires, voire dans certains cas, dont on acceptait de se priver. Et vraisemblablement, comme à l'occasion de nos actuelles brocantes dominicales belges, il était avéré que le superflu de l'un constituait souvent le nécessaire d'un autre. 

 

     Un point me semble en outre intéressant à épingler : que ce soit dans certains textes de transactions ou sur les représentations pariétales d'un tombeau et même au niveau des légendes hiéroglyphiques afférentes, rien, pratiquement jamais, ne nous renseigne sur le qui est qui ?, sur le qui fait quoi ? ; rien ne vient en fait différencier un vendeur d'un acheteur.

    Ce qui corrobore qu'en de semblables marchés de campagne ou citadins se pratiquaient des activités commerciales sur base du simple troc entre participants.

 

     Le souci de vérité historique m'oblige à toutefois ajouter que même s'il fallut attendre les rapports marchands plus larges, notamment à l'Époque tardive avec les Perses et les Grecs, pour voir apparaître une véritable monnaie frappée à l'effigie d'un souverain ou d'un tout autre symbole, les Égyptiens utilisèrent, et ce dès l'Ancien Empire, des mesures de denrées quotidiennes - les céréales ou l'huile, par exemple,-, en guise de système d'évaluation.

 

     Et même, vous vous en doutez probablement beaucoup moins, des unités pondérales : en effet, un petit anneau d'argent appelé shâti dans les textes, d'environ 7,5 grammes servit ainsi d'unité monétaire pendant au moins deux millénaires ; secondé qu'il fut également par le deben, un "poids" d'approximativement 90 grammes, et qui correspondait donc à 12 shâtis.

 

 

 

     Ne pensez-vous pas, amis visiteurs, toutes ces prémices établies, qu'il serait bientôt temps de revenir sur le marché dont Fetekti avait souhaité une évocation picturale sur un des piliers de la cour d'entrée de son mastaba ?

 

    C'est ce qu'avec vous, la semaine prochaine, mardi 10 mai, je me propose d'entreprendre ...

 

 

 

 

 

(Allam : 2008, 133-4 ; Barta : 2001, 75-123 ; ID. : 2005 ³; Labrousse/Moussa : 2002, 334 + Fig. 36 ;/  Menu : 2008, 129 ; Montet : 1925, 319-26 ; Peters-Destéract : 2005, 109)

 

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25 avril 2016 1 25 /04 /avril /2016 23:02

 

 

 Charme profond, magique, dont nous grise

Dans le présent le passé restauré !

 

 

Charles Baudelaire

Un fantôme

 

Les Fleurs du Mal, 41, II,

Le Parfum

 

  Oeuvres complètes, Paris, Seuil

p. 64 de mon édition de 1968

 

 

 

     C'est au bord du puits funéraire du mastaba de Kaaper dans lequel, malheureusement, nous n'avons pu descendre pour des raisons de sécurité évidentes que, vous et moi amis visiteurs, nous nous sommes quittés la semaine dernière, sans évidemment avoir l'intention d'abandonner la nécropole d'Abousir qui tant encore doit nous apprendre. 

 

     Je  ne sais plus si, depuis que nous y déambulons, j'ai déjà saisi l'opportunité d'évoquer pour vous Carl Richard Lepsius (1810-1884) ? 

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 4. LA TOMBE DE FETEKTI : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

 

     Vous n'ignorez probablement pas que c'est grâce à ce savant prussien, - "fondateur de la science égyptologique allemande", ainsi que l'indique Dimitri Laboury dans son ouvrage dédié à Akhénaton (voir référence infrapaginale), que nous devons la division de l'histoire égyptienne en trois grandes périodes auxquelles il a donné les noms de Ancien Empire, Moyen Empire et Nouvel Empire.

 

    Mais ce que vous savez peut-être un peu moins, c'est que, mandé par Frédéric Guillaume IV de Prusse, il dirigea, à l'instar de Champollion pour la France, une expédition de quelque trois années en terres d'Égypte et de Nubie qui lui permettra, entre autres découvertes majeures, après avoir notamment exploré quelques jours le site d'Amarna, de considérablement affiner le regard que l'égyptologie naissante du XIXème siècle portait sur la personnalité d'Amenhotep IV-Akhénaton.

 

    Mais si j'évoque Lepsius ce matin, c'est bien évidemment pour une tout autre raison : commençant pratiquement son périple par la Basse-Égypte et la nécropole memphite, il en vint très rapidement à s'intéresser au site d'Abousir.

 

     Grâce à une phénoménale provende de documents, dessins et prises de notes, minutieusement colligés par les membres de sa mission, il publiera, entre 1849 et 1859, sa célébrissime série de douze immenses volumes comportant près d'un millier de planches, librement téléchargeables sur le Net : les Denkmäler aus Aegypten und Aethiopien.

   

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 4. LA TOMBE DE FETEKTI : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

 

     La tombe qui, aujourd'hui et les deux prochaines semaines, retiendra notre attention, celle de Fetekti, - emplacement n° 16  sur le plan ci-après -, fut, comme celle de Kaaper, l'objet des soins de l'équipe des égyptologues tchécoslovaques sous la direction du Professeur Verner dès 1991. C'est à Miroslav Barta qu'à nouveau nous devons, notamment dans la publication consacrée au cimetière sud que j'ai déjà mentionnée, les résultats complets de cette nouvelle fouille. 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 4. LA TOMBE DE FETEKTI : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

    Nouvelle fouille, certes, mais absolument pas nouvelle découverte : située quelque peu plus au nord que l'ensemble des autres sépultures, sur la pente d'un vallon descendant vers le Nil, celle de Fetekti (ou Fetekta, selon certains égyptologues étrangers), vraisemblablement prêtre à Abousir à la fin de la Vème dynastie, fut donc, comme je viens de vous l'indiquer, mise au jour en 1843 par les membres de l'équipe de Lepsius, à tout le moins, son entrée et sa cour intérieure à colonnes.

    

     Après les premières fouilles du milieu du XIXème siècle, l'emplacement même de cette "Maison d'éternité"  fut complètement oublié pendant un siècle et demi jusqu'à ce que, en 1991, les archéologues tchécoslovaques en redécouvrent donc le chemin et s'y intéressent à nouveau.

 

     Cette nouvelle investigation permit de constater que le mastaba réalisé en briques de boue avait été agencé exactement de la même manière que d'autres dans les environs immédiats, à savoir : espace intérieur à ciel ouvert que j'évoquais à l'instant, jadis magnifiquement décoré, et chapelle funéraire, - ici en fait, un étroit corridor -, destinée au culte que famille et amis du défunt lui rendaient périodiquement ; pièce dans laquelle les fouilleurs mirent au jour des peintures pariétales inédites qui venaient dès lors accroître l'ancien corpus déjà connu grâce à Lepsius.

 

     Ils relevèrent également l'existence, sur le mur ouest de la chapelle, de deux fausses-portes symbolisant, je l'ai déjà maintes fois souligné, le passage entre le monde des morts et celui des vivants .

 

     (Si vous ne l'avez déjà fait voici deux semaines, je vous invite à peut-être relire l'article de la rubrique "Décodage de l'image égyptienne" du 21 octobre 2008 que j'avais précisément consacré à ce type de monument.)

 

    En outre, à l'ouest de la chapelle, ils exhumèrent l'entrée de deux puits au bas desquels, à environ 10 mètres de profondeur, ils aboutirent dans deux chambres sépulcrales : incontestablement, le mastaba de Fetekti constituait un tombeau commun. Et ce que laissait supposer la présence des deux fausses-portes fut avéré par celle des deux chambres mortuaires.

 

     L'étude des panneaux permit de déterminer que la stèle fausse-porte située au sud était prévue pour le culte de Fetekti, officiellement propriétaire des lieux, tandis que celle au nord appartenait à un mystérieux Mety dont il n'a pas encore été possible de définir la personnalité, son nom n'étant attesté nulle part ailleurs, ni la relation existant entre les deux hommes.

 

     En revanche, non seulement des inscriptions dans sa tombe, mais aussi notamment des archives le concernant retrouvées dans le temple de Neferirkarê-Kakaï, - auxquelles, souvenez-vous, lors de cet ancien rendez-vous, j'avais déjà fait allusion -, nous fournissent quelques détails sur la  carrière professionnelle de Fetekti : prêtre, serviteur du dieu, il appert qu'il aurait eu pour tâche de prendre soin d'une partie de l'inventaire de ce temple funéraire à la mort du souverain ; ce qui, dans la hiérarchie des fonctionnaires palatiaux, représente un rang relativement élevé.

 

      A cela, pour tenter d'être complet, il me faut ajouter que certains titres laissent supposer qu'il avait également pour fonction de diriger les ateliers des tisserands royaux, c'est-à-dire ceux qui confectionnaient des vêtements de haute qualité pour le souverain et sa famille.  

 

     Une analyse anthropologique des restes humains retrouvés dans la chambre principale a toutefois déterminé qu'il serait décédé entre 30 et 40 ans. Dispersé tout autour de ce que fut le corps du défunt : son viatique pour l'au-delà se résumait à quelques tessons de poterie, vraisemblablement des ustensiles de vaisselle.

 

     Ce qui permet d'augurer que cette sépulture fut comme tant d'autres la proie de pillards mais aussi, malheureusement, celle des conditions climatiques  : très vite en effet, les fouilleurs tchécoslovaques se rendirent compte que là où se trouvait le tombeau, à cause des eaux accumulées lors des pluies torrentielles que subissait annuellement le plateau désertique, un ruissellement vers le bas de la Vallée du Nil avait considérablement entamé le monument et, en premier lieu, la décoration de la cour d'entrée et de ses piliers.

 

     Constatant l'irrémédiable disparition de certaines des peintures que Lepsius avait tant admirées, et heureusement reproduites, les égyptologues n'eurent d'autre choix que se reporter à cette unique source de documentation alors connue, ses Denkmäler aus Aegypten und Aethiopien car le savant allemand avait relevé l'ensemble du programme figuratif de cette cour, ressortissant au domaine de ce qu'il est habituellement convenu d'appeler "scènes de la vie quotidienne", notamment l'assemblage et le transport du matériel dont se devait de disposer tout défunt ; la travail de la vigne et la manière dont le vin était produit ; un atelier de menuiserie ; la traditionnelle et si symbolique chasse au gibier sauvage dans le désert, etc. 

 

     Et parmi elles, j'épinglerai plus particulièrement, parce que relativement peu fréquente dans un contexte funéraire, anciennement sur plusieurs registres des faces sud et ouest du pilier central de la cour hypostyle, une très intéressante représentation d'un marché populaire de plein air où visiblement se côtoyaient artisans, paysans et pêcheurs : c'est notamment vers elle que j'escompte vous emmener mardi 3 mai prochain, amis visiteurs, si d'aventure persiste en vous l'envie de découvrir plus avant la tombe de Fetekti en ma compagnie ...

 

 

 

(Barta : 2001, 55-141; ID. : 2005 ³ ; Laboury : 2010, 21)

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 3. LA TOMBE DE FETEKTI : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

 

 

 

 

     C'est au bord du puits funéraire du mastaba de Kaaper dans lequel, malheureusement, nous n'avons pas pu descendre pour des raisons de sécurité évidentes que, vous et moi amis lecteurs, nous nous sommes quittés  samedi dernier, sans toutefois oublier de nous donner rendez-vous ce matin en vue de poursuivre nos allées et venues archéologico-touristiques dans cette partie du cimetière de l'Ancien Empire situé à l'extrémité de la nécropole d'Abousir.

 

Abousir sud - Plan

 

 

     La tombe qui, aujourd'hui, retiendra notre attention, - emplacement n° 2 sur le plan ci-dessus -, fut, comme la précédente, l'objet des soins de l'équipe des égyptologues tchèques sous la direction du Professeur Verner dès 1991. C'est à Miroslav Barta qu'à nouveau nous devons, notamment dans la publication consacrée au cimetière sud que j'ai précédemment mentionnée, les résultats complets de cette nouvelle fouille. 

 

      Nouvelle fouille, certes, mais absolument pas nouvelle découverte !

 

     Située quelque peu plus au nord de l'ensemble des autres tombes, sur la pente d'un vallon descendant vers le Nil, celle de Fetekti (ou Fetekta, selon certains égyptologues étrangers), vraisemblablement prêtre à Abousir à la fin de la Vème dynastie, fut en effet mise au jour, au milieu du XIXème siècle déjà, par l'égyptologue allemand Karl RichardLepsius (1810-1884), lors d'une expédition pour le compte de Frédéric IV de Prusse ; à tout le moins, l'entrée et sa cour intérieure à colonnes.

    

     Après ce début de fouilles menées par l'équipe de Lepsius, l'emplacement même de la tombe fut  complètement oublié pendant un siècle et demi jusqu'à ce que, en 1991 donc, les archéologues tchèques en redécouvrent le chemin et s'y intéressent à nouveau.

 

     Cette nouvelle investigation permit de constater que le mastaba réalisé en briques de boue avait été agencé exactement de la même manière que d'autres dans les environs immédiats, à savoir : l'espace intérieur à ciel ouvert que j'évoquais à l'instant, jadis magnifiquement décoré, et la traditionnelle chapelle - ici en fait, un étroit corridor - destinée au culte funéraire que la famille et les amis du défunt lui rendaient périodiquement, dans laquelle ils mirent au jour des peintures pariétales inédites qui venaient donc accroître le corpus déjà connu grâce à Lepsius.

 

     Les Tchèques relevèrent également l'existence, sur le mur ouest de la chapelle, de deux fausses-portes permettant le passage entre le monde des morts et celui des vivants .

(Si vous ne l'avez déjà fait la semaine dernière, je vous invite à peut-être relire l'article de la rubrique "Décodage de l'image égyptienne" du 21 octobre 2008 que j'avais précisément consacré à la stèle fausse-porte.)

 

    En outre, à l'ouest de la chapelle, ils exhumèrent l'entrée de deux puits au bas desquels, à environ 10 mètres de profondeur, ils aboutirent dans deux chambres sépulcrales : incontestablement, le mastaba de Fetekti constituait un tombeau commun. Et ce que donc laissait supposer la présence des deux fausses-portes fut confirmé par celle des deux chambres funéraires.

 

     L'étude des panneaux permit de déterminer que la stèle-porte située au sud était prévue pour le culte de Fetekti, officiellement propriétaire des lieux, tandis que celle au nord appartenait à un mystérieux Meti dont il n'a pas encore été possible de définir la personnalité ni la relation qui existait entre les deux hommes.

 

     En revanche, non seulement des inscriptions dans sa tombe, mais aussi notamment des archives le concernant retrouvées dans le temple de Neferirkarê-Kakaï, - (qu'ici j'avais déjà mentionnées) -, nous fournissent quelques détails sur la  carrière professionnelle de Fetekti : prêtre, serviteur du dieu, il appert qu'il aurait eu pour tâche de prendre soin d'une partie de l'inventaire de ce temple funéraire à la mort du souverain ; ce qui, dans la hiérarchie des fonctionnaires palatiaux, représente un rang relativement élevé.

 

      A cela, il me faut ajouter, pour être complet, que certains titres laissent supposer qu'il avait également pour fonction de diriger les ateliers des tisserands royaux, c'est-à-dire ceux qui confectionnaient des vêtements de haute qualité pour le souverain et les siens. Si j'osais une comparaison quelque peu anachronique, j'indiquerais que Fetekti était en quelque sorte à son époque, le  Edouard Vermeulen, Fournisseur breveté de la Cour de Belgique ...

 

 

     Une analyse anthropologique des restes humains retrouvés dans la chambre principale a toutefois déterminé qu'il serait décédé entre 30 et 40 ans. Dispersé tout autour de ce que fut le corps du défunt : son viatique pour l'au-delà se résumant à quelques tessons de poterie, vraisemblablement des ustensiles de vaisselle.

Il semblerait donc que cette tombe fut comme tant d'autres la proie des pillards.

    

     Mais aussi, malheureusement, celle du temps ou, plus spécifiquement, des conditions climatiques  : très vite en effet, les fouilleurs se rendirent compte que là où se trouvait le tombeau, à cause des eaux accumulées lors des pluies torrentielles que subissait annuellement le plateau désertique, un ruissellement vers le bas de la Vallée du Nil avait considérablement entamé le monument et, en premier lieu, la décoration de la cour d'entrée et de ses piliers.

 

     Constatant l'irrémédiable disparition de certaines des peintures que Lepsius avait tant admirées, et reproduites, les égyptologues n'avaient plus d'autre choix que celui de se reporter aux documents du XIXème siècle.

 

     En effet, dans une magistrale étude en douze volumes sur l'ensemble des nécropoles de la région memphite, publiés entre 1849 et 1859, et de nos jours librement téléchargeablessur le Net,  les Denkmäler aus Aegypten und Aethiopien,

 

Lepsius---Volumes-des-Denkmaler-copie-1.jpg

 

 

le savant allemand, à propos de la sépulture de Fetekti, avait relevé l'ensemble des peintures de cette cour,  ressortissant au domaine de ce qu'il est habituellement convenu d'appeler "scènes de la vie quotidienne" : notamment l'assemblage et le transport du matériel dont se devait de disposer tout défunt ; la travail de la vigne et la manière dont le vin était produit ; un atelier de menuiserie ; la traditionnelle et si symbolique chasse au gibier sauvage dans le désert, etc. 

 

     Et parmi elles, j'épinglerai plus particulièrement, parce que relativement peu fréquente dans un contexte funéraire, anciennement sur plusieurs registres des faces sud et ouest d'un pilier de la cour ouverte, une très intéressante figuration d'un marché populaire de plein air où visiblement se côtoyaient artisans, paysans et pêcheurs : c'est elle que j'escompte vous présenter samedi prochain, amis lecteurs, si d'aventure persiste en vous  l'envie de visiter plus avant le tombeau de Fetekti en ma compagnie ...

 

 

 

(Barta : 2005 ³ )

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 3. LA TOMBE DE FETEKTI : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

 

 

 

     C'est au bord du puits funéraire du mastaba de Kaaper dans lequel, malheureusement, nous n'avons pas pu descendre pour des raisons de sécurité évidentes que, vous et moi amis lecteurs, nous nous sommes quittés  samedi dernier, sans toutefois oublier de nous donner rendez-vous ce matin en vue de poursuivre nos allées et venues archéologico-touristiques dans cette partie du cimetière de l'Ancien Empire situé à l'extrémité de la nécropole d'Abousir.

 

Abousir sud - Plan

 

 

     La tombe qui, aujourd'hui, retiendra notre attention, - emplacement n° 2 sur le plan ci-dessus -, fut, comme la précédente, l'objet des soins de l'équipe des égyptologues tchèques sous la direction du Professeur Verner dès 1991. C'est à Miroslav Barta qu'à nouveau nous devons, notamment dans la publication consacrée au cimetière sud que j'ai précédemment mentionnée, les résultats complets de cette nouvelle fouille. 

 

      Nouvelle fouille, certes, mais absolument pas nouvelle découverte !

 

     Située quelque peu plus au nord de l'ensemble des autres tombes, sur la pente d'un vallon descendant vers le Nil, celle de Fetekti (ou Fetekta, selon certains égyptologues étrangers), vraisemblablement prêtre à Abousir à la fin de la Vème dynastie, fut en effet mise au jour, au milieu du XIXème siècle déjà, par l'égyptologue allemand Karl RichardLepsius (1810-1884), lors d'une expédition pour le compte de Frédéric IV de Prusse ; à tout le moins, l'entrée et sa cour intérieure à colonnes.

    

     Après ce début de fouilles menées par l'équipe de Lepsius, l'emplacement même de la tombe fut  complètement oublié pendant un siècle et demi jusqu'à ce que, en 1991 donc, les archéologues tchèques en redécouvrent le chemin et s'y intéressent à nouveau.

 

     Cette nouvelle investigation permit de constater que le mastaba réalisé en briques de boue avait été agencé exactement de la même manière que d'autres dans les environs immédiats, à savoir : l'espace intérieur à ciel ouvert que j'évoquais à l'instant, jadis magnifiquement décoré, et la traditionnelle chapelle - ici en fait, un étroit corridor - destinée au culte funéraire que la famille et les amis du défunt lui rendaient périodiquement, dans laquelle ils mirent au jour des peintures pariétales inédites qui venaient donc accroître le corpus déjà connu grâce à Lepsius.

 

     Les Tchèques relevèrent également l'existence, sur le mur ouest de la chapelle, de deux fausses-portes permettant le passage entre le monde des morts et celui des vivants .

(Si vous ne l'avez déjà fait la semaine dernière, je vous invite à peut-être relire l'article de la rubrique "Décodage de l'image égyptienne" du 21 octobre 2008 que j'avais précisément consacré à la stèle fausse-porte.)

 

    En outre, à l'ouest de la chapelle, ils exhumèrent l'entrée de deux puits au bas desquels, à environ 10 mètres de profondeur, ils aboutirent dans deux chambres sépulcrales : incontestablement, le mastaba de Fetekti constituait un tombeau commun. Et ce que donc laissait supposer la présence des deux fausses-portes fut confirmé par celle des deux chambres funéraires.

 

     L'étude des panneaux permit de déterminer que la stèle-porte située au sud était prévue pour le culte de Fetekti, officiellement propriétaire des lieux, tandis que celle au nord appartenait à un mystérieux Meti dont il n'a pas encore été possible de définir la personnalité ni la relation qui existait entre les deux hommes.

 

     En revanche, non seulement des inscriptions dans sa tombe, mais aussi notamment des archives le concernant retrouvées dans le temple de Neferirkarê-Kakaï, - (qu'ici j'avais déjà mentionnées) -, nous fournissent quelques détails sur la  carrière professionnelle de Fetekti : prêtre, serviteur du dieu, il appert qu'il aurait eu pour tâche de prendre soin d'une partie de l'inventaire de ce temple funéraire à la mort du souverain ; ce qui, dans la hiérarchie des fonctionnaires palatiaux, représente un rang relativement élevé.

 

      A cela, il me faut ajouter, pour être complet, que certains titres laissent supposer qu'il avait également pour fonction de diriger les ateliers des tisserands royaux, c'est-à-dire ceux qui confectionnaient des vêtements de haute qualité pour le souverain et les siens. Si j'osais une comparaison quelque peu anachronique, j'indiquerais que Fetekti était en quelque sorte à son époque, le  Edouard Vermeulen, Fournisseur breveté de la Cour de Belgique ...

 

 

     Une analyse anthropologique des restes humains retrouvés dans la chambre principale a toutefois déterminé qu'il serait décédé entre 30 et 40 ans. Dispersé tout autour de ce que fut le corps du défunt : son viatique pour l'au-delà se résumant à quelques tessons de poterie, vraisemblablement des ustensiles de vaisselle.

Il semblerait donc que cette tombe fut comme tant d'autres la proie des pillards.

    

     Mais aussi, malheureusement, celle du temps ou, plus spécifiquement, des conditions climatiques  : très vite en effet, les fouilleurs se rendirent compte que là où se trouvait le tombeau, à cause des eaux accumulées lors des pluies torrentielles que subissait annuellement le plateau désertique, un ruissellement vers le bas de la Vallée du Nil avait considérablement entamé le monument et, en premier lieu, la décoration de la cour d'entrée et de ses piliers.

 

     Constatant l'irrémédiable disparition de certaines des peintures que Lepsius avait tant admirées, et reproduites, les égyptologues n'avaient plus d'autre choix que celui de se reporter aux documents du XIXème siècle.

 

     En effet, dans une magistrale étude en douze volumes sur l'ensemble des nécropoles de la région memphite, publiés entre 1849 et 1859, et de nos jours librement téléchargeablessur le Net,  les Denkmäler aus Aegypten und Aethiopien,

 

Lepsius---Volumes-des-Denkmaler-copie-1.jpg

 

 

le savant allemand, à propos de la sépulture de Fetekti, avait relevé l'ensemble des peintures de cette cour,  ressortissant au domaine de ce qu'il est habituellement convenu d'appeler "scènes de la vie quotidienne" : notamment l'assemblage et le transport du matériel dont se devait de disposer tout défunt ; la travail de la vigne et la manière dont le vin était produit ; un atelier de menuiserie ; la traditionnelle et si symbolique chasse au gibier sauvage dans le désert, etc. 

 

     Et parmi elles, j'épinglerai plus particulièrement, parce que relativement peu fréquente dans un contexte funéraire, anciennement sur plusieurs registres des faces sud et ouest d'un pilier de la cour ouverte, une très intéressante figuration d'un marché populaire de plein air où visiblement se côtoyaient artisans, paysans et pêcheurs : c'est elle que j'escompte vous présenter samedi prochain, amis lecteurs, si d'aventure persiste en vous  l'envie de visiter plus avant le tombeau de Fetekti en ma compagnie ...

 

 

 

(Barta : 2005 ³ )

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18 avril 2016 1 18 /04 /avril /2016 23:02

 

     Offrande que donne le roi et (que donne) Anubis qui préside à la chapelle divine et à la nécropole : qu'il soit enterré dans la nécropole en tant que détenteur de privilèges, qu'il atteigne une très belle vieillesse auprès du grand dieu et que l'on invoque pour lui (des offrandes consistant en) pain, bière, viande, volaille (...)

 

 

 

 

     Avant d'avoir peut-être provoqué votre déconvenue la semaine dernière, amis visiteurs, en vous annonçant que je renonçais à descendre avec vous dans la chambre sépulcrale de Kaaper, tout au fond du puits non consolidé situé dans le coin sud-ouest de son mastaba, quelque 24 mètres plus bas que le niveau de la chapelle cultuelle que, par musées successifs, nous avons partiellement commencé à visiter, je vous avais soumis une question à laquelle je m'étais promis de revenir ce matin, si vous étiez à mes côtés et à ceux de l'égyptologue tchèque Miroslav Barta pour poursuivre notre enquête : Qui était ce Kaaper qu'il ne nous fallait pas confondre avec un autre, plus "célèbre" en réalité car souvent désigné sous l'appellation de Cheikh el-Beled et dont vous connaissez évidemment la rondouillarde statue en bois de sycomore mise au jour par Auguste Mariette au XIXème siècle, exposée aujourd'hui au Musée du Caire ?

 

 

     Pour maintenant y répondre plus en détails, nous allons derechef nous pencher sur la documentation épigraphique subsistant dans certains musées étrangers et provenant de sa chapelle funéraire dans laquelle nous continuerons donc à déambuler de conserve.

 

 

     Reprenant l'enquête au tout début des années '90, au fil des différentes saisons de fouilles, les égyptologues tchécoslovaques s'ingénièrent à procéder à l'anastylose du mur ouest de la chapelle funéraire, comprenez à une reconstitution de cette partie de la pièce en utilisant les matériaux éparpillés retrouvés in situ et, cela va soi, en respectant drastiquement les méthodes architecturales d'origine ; seule l'éventualité d'une consolidation de sauvetage nécessiterait l'apport d'éléments nouveaux. 

 

     C'est dans ce mur qu'avait initialement été encastrée la stèle fausse-porte par laquelle, je le rappelle à nouveau rapidement, un défunt avait l'opportunité de passer du monde des morts à celui des vivants aux fins de venir recueillir les produits alimentaires en principe régulièrement déposés sur la table d'offrandes par la famille ou les amis qui se devaient d'assurer sa subsistance éternelle. 

 

     Thématique récurrente, le panneau central de cette fausse-porte figurait le défunt assis devant une table débordant de victuailles. Ce relief, vous vous en doutez, ne se trouve pas plus que d'autres évoqués la semaine dernière dans le mastaba de Kaaper, mais fait désormais partie de la collection de l'Institute of Arts Museum, de Detroit, dans le Michigan, sous le numéro d'inventaire 57.58.

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 3. KAAPER ?  VOUS AVEZ DIT KAAPER  ?

     Selon les conceptions funéraires déjà en vigueur à cette époque, un linteau devait surmonter ce tableau. En 1991, les égyptologues tchèques ne purent qu'également constater sa disparition.

     Mais quelle ne fut pas leur surprise, trois ans plus tard, quand une équipe de savants écossais effectuant une prospection géophysique de surface en vue d'établir une nouvelle carte de ce secteur de la nécropole (Saqqara Survey Project 1990-1998) découvrit le linteau manquant qui gisait dans le sable à quelques centaines de mètres au sud de la tombe : à une période malaisée à déterminer, probablement fut-il abandonné là par des pillards, - encore eux ! -, à coup sûr dérangés dans leurs "occupations", partant, espérant bien plus tard pouvoir venir le récupérer.

    Actuellement, il fait partie des collections des Musées nationaux d'Écosse (Glasgow).

    D'autres fragments représentant Kaaper, son épouse et leur fils, jadis à droite de la fausse-porte sont désormais eux aussi exposés hors d'Égypte, au Nelson-Atkins Museum of Art de Kansas City. (Nelson Fund 46-33).

 

 

         Entre autres informations identitaires, que nous révèlent ces différents documents lithiques ?

 

     Que ce Kaaper qui nous occupe pour l'instant vécut au début de la Vème dynastie. 

 

     Que cet important fonctionnaire aulique remplit diverses fonctions et fut honoré de plusieurs titres dont certains extrêmement rares, voire uniquement dévolus à sa personne ; et dont certains autres constituaient en principe l'apanage des seuls membres de la famille royale !

 

     Épinglons, voulez-vous, quelques-uns d'entre eux. 

Ainsi de gardien de troupeaux de bovidés, il devint scribe des terres de pâturages du bétail tacheté, comprenez les bovins avec taches noires et blanches. De cette première appellation citée, amis visiteurs, il appert qu'il fut le seul à se prévaloir durant tout l'Ancien Empire. 

 

     Il fut aussi scribe, puis inspecteur des scribes du département des documents royaux ; ainsi que scribe de l'armée royale casernée dans plusieurs forteresses des zones frontalières, de l'Est comme de l'Ouest.

 

     Il fut également nommé Grand des Dix de Haute-Égypte : ce qui signifie qu'il avait en charge la surveillance de tous les travaux du roi engagés dans les différents nomes de cette partie du pays, ainsi que le contrôle de la main d'oeuvre masculine. Parallèlement, il supervisait l'administration des greniers et de la trésorerie, auréolé du titre d'inspecteur du département des provisions.  

 

    J'ajouterai pour terminer cette liste non-exhaustive que quand certains étaient à mettre en relation avec le domaine juridique, d'autres parmi ses titres étaient associés à plusieurs dignités accordées aux plus hauts officiels de l'État, notamment celles du vizir en personne, .

 

 

     Aux fins de mettre un terme à l'énumération des titres et fonctions de Kaaper, permettez-moi maintenant, amis visiteurs, d'à nouveau attirer votre attention sur un autre linteau, imposant, qui surmontait celui-là la porte d'entrée de sa chapelle funéraire. Ce monument d'importance, quelque trois mètres, pour seulement 22,5 centimètres de hauteur et de 3,5 à 5 cm de profondeur, acquis par la Fondation Bodmer à l'antiquaire d'origine grecque Nicolas Koutoulakis en décembre 1969, nous l'avions déjà admiré en mars 2013 : il fait actuellement partie des Aegyptiaca de la renommée Fondation Martin Bodmer, - Bibliotheca Bodmeriana -, à Cologny, près de Genève.

 

     J'ai la chance de virtuellement connaître une Genevoise passionnée d'égyptologie, - (grand merci à toi, qui te reconnaîtras, chère C. -, ) qui, voici trois ans, m' "offrit" les photos qu'elle avait prises de ce relief, dont quelques-unes illustreront maintenant mon propos.     

KAAPER 01. Offrande que donne le roi et Anubis
L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 3. KAAPER ?  VOUS AVEZ DIT KAAPER  ?

 

     Présentant, remarquez-le, de superbes et fins hiéroglyphes gravés en léger relief par un lapicide vraisemblablement de grand talent, le texte commence par ce que je nommerais la traditionnelle formule d'offrandes, propos invocatoires sur lesquels je ne m'attarderai plus aujoud'hui, les ayant déjà précédemment expliqués, mais dont j'ai néanmoins tenu ce matin, en guise d'exergue, à vous proposer la traduction. 

 

    En revanche, je souhaiterais revenir sur la fin de l'inscription de cette architrave parce qu'elle fait état d'une dernière et particulière fonction attribuée à Kaaper.

 

    En effet, entre le titre de gérant de la propriété royale

 

 

Kaaper-10.-le-chambellan-royal.jpg

 

 

 

 

et celui de magistrat et administrateur

 

 

 

Kaaper-12.-Magistrat-et-administrateur.jpg

 

 

qui précède son nom en tant que propriétaire de la tombe, KAAPER, 

 

 

Kaaper-13.-Kaaper.jpg

 

 

l'artiste a intercalé celui, rare, de prêtre de Heqet (hem netjer Heqet, comme le prononcent les égyptologues).

 

 

Kaaper-11.-Pretre-Heqet.jpg

 

 

 

 

     À son endroit, il me siérait, pour terminer notre entetien de ce matin, d'introduire quelques considérations. 

 

      Dans la langue égyptienne, Heqet constituait un nom théophore : celui d'une déesse présentant l'aspect soit d'une femme à tête de grenouille, soit tout simplement, comme ici, de la grenouille elle-même.

 

 

11-bis.-Heqet---Grenouille.jpg

 

 

     Souvenez-vous de celles, réalisées en différents matériaux, que nous avions rencontrées en juin 2008 dans la vitrine 2 de la salle 3 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre. Je vous avais alors déjà précisé que le petit batracien possédait une valeur sémantique bien définie dans la mesure où, parce qu’il était issu des eaux - donc éventuellement des eaux primordiales de la mythologie -, il fut dès l’époque archaïque lié à l’apparition de la vie. Donc à la procréation.

 

     Symbole de forces vivifiantes, dispensatrice de vie, Heqet fut associée aux défunts dont elle permettait la régénération, la reviviscence dans l'Au-delà. Raison pour laquelle, dans la vitrine 3 de la même salle 3, vous en aviez jadis admiré une, adorablement bleue, 

 

 

Grenouille---Louvre-E-26092.jpg

 

négligemment posée à l'extrémité d'une branche de potamot ; et cela, sur un fragment de calcaire peint (E 26092) représentant une scène de pêche dans les marais, environnement dont vous ne pouvez décemment plus ignorer maintenant toute la symbolique en rapport avec la renaissance des trépassés.

 

     N'oublions pas aussi que, du têtard à l'âge adulte, la grenouille subit d'importantes transformations, d'où sa présence tout à fait appropriée aux côtés des morts pour leur "annoncer" leur métamorphose à venir dans le royaume d'Osiris.

 

     Pour conserver le même esprit, la même symbolique, j'ajouterai qu'elle fut aussi assimilée à la déesse accoucheuse, parèdre de Khnoum, le dieu potier qui modèle l’enfant divin sur son tour : c’est donc elle qui était censée donner le souffle de vie en tendant le signe "ankh" en direction du visage du petit être que Khnoum créait.

 

     Elle  était également réputée participer à l'avènement du monde, ainsi qu'à l'arrivée de la tant attendue crue du Nil : elle avait donc partie liée avec certaines des fêtes agraires énoncées sur notre linteau, dont celle du Nouvel An, vers le 19 juillet, quand tout à la fois fleuve, soleil et défunts reprennent vie.  

 

 

     Rare, indiquai-je à l'instant, à propos du titre de prêtre de Heqet, parce qu'il ne fut porté qu'à l'Ancien Empire par à peine une petite quinzaine de personnages, dont "notre" Kaaper, tous en relation étroite avec la nécropole d'Abousir, - probablement grâce à son lac dans lequel les grenouilles s'ébattaient à l'envi -, et qu'il ne fut plus attesté par la suite, d'où sa particularité sur laquelle je souhaitais attirer aujourd'hui votre attention.  

 

         

 

 

(Barta M. : 1999, 107-16 ; ID. : 2001, 143-91 ; Gabolde M. : 1988, 13-20 ; Maspero : 1912, 365-9 ; Servajean : 1999, 259-63 ; Vuilleumier/Chappaz : 2002, 71-5)

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11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 23:02

 

 

     Le dernier mardi avant le congé de Printemps, - ce funeste 22 mars de bien triste mémoire pour la Belgique mais aussi, à court ou à long terme, pour tous les citoyens de ce monde mis en grand péril par les folies meurtrières perpétrées depuis un quart de siècle au coeur même des pays musulmans par G. W. Bush et ses affidés européens auto-proclamés sauveurs de l'humanité chrétienne ... en mal de pétrole ; opinion personnelle en forme de coup de poing sur le i de ingérence - ; ce mardi-là, donc, au terme d'une rapide évocation des quelques découvertes qui se sont succédé durant l'ultime décennie du XXème siècle dans la nécropole d'Abousir, concession de fouilles accordée jadis par le gouvernement égyptien aux archéologues tchécoslovaques en guise de reconnaissance et de remerciements officiels pour la participation de leur pays, à l'aube des années 1960, au sauvetage des temples de Nubie, je vous conviais, amis visiteurs, à ce nouveau rendez-vous pour pénétrere de conserve ce matin au sein du mastaba d'un certain Kaaper.

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 2. LE TOMBEAU DE KAAPER

     (Merci à nouveau à C., une ami genevoise, d'avoir, voici plus de trois ans, eu l'amabilité de m'adresser ce cliché parmi d'autres,  - sur lesquels j'aurai l'opportunité d'abondamment revenir dès la semaine prochaine -, présentant les quatre hiéroglyphes qui, de droite à gauche, nous permettent de lire le nom de Kaaper.)

 

     Dans cette tombe, nous aurons pour guide l'égyptologue tchèque Miroslav Barta qui en a étudié toutes les composantes, puis les a publiées en anglais en 2001 dans un ouvrage relatant les recherches menées précisément entre 1991 et 1993 au cimetière sud, ainsi que les résultats obtenus tant dans les domaines de l'archéologie, de l'architecture et de la décoration que dans celui de l'étude démographique, taphonomique et pathologique des corps mis au jour.  

 

 

 

Barta - Ouvrage - Tombes d'Abousir sud

 

 

 

     

Que vous dire de ce tombeau ?

 

Que sa superstructure rectangulaire qui avait dû atteindre quelque 42 mètres de longueur pour 20 de large et très probablement 5 de hauteur, fut construite en calcaire originaire des carrières de Toura, proches du Caire actuel, sur la rive opposée du Nil.

 

Que sa façade fut initialement décorée de portraits du défunt.
 

Que sa chapelle en forme de L située dans la partie sud-est du complexe funéraire contenait les vestiges d'une fausse-porte devant laquelle une table d'offrandes en granit rouge avait été scellée dans le sol. 

 

Que le traditionnel serdab destiné à abriter une statue de défunt était lui aussi bien présent.

     

     Ces quelques détails doivent à l'évidence vous rappeler le mastaba d'Akhethetep qu'ensemble, à l'automne 2008, nous avions admiré dans la salle 4 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.

 

     Si tel n'était pas le cas et si, d'aventure, vous désiriez quelques explications supplémentaires à son propos, mais surtout sur ce que l'on nomme stèle fausse-portetable d'offrandes ou serdab que je viens de simplement citer pour Kaaper, permettez-moi de vous suggérer de (re)-trouver les quelques articles qu'alors je leur avais consacrés par un simple clic de votre part sur les différents termes ci-dessus surlignés en rouge.  

 

 

     C'est dans l'intention de sauver ce qui pouvait encore l'être que les archéologues tchécoslovaques s'intéressèrent donc à ce monument sépulcral dès 1991.

 

     Car il vous faut prendre conscience, amis visiteurs, qu'il se prévalait d'une histoire archéologique à rebondissements : vous n'ignorez évidemment pas, qu'avec parfois la complicité des gardiens de nécropoles, les voleurs n'avaient aucun scrupule, quelques jours à peine après l'inhumation, à pénétrer dans les tombeaux à la recherche des trésors qu'ils savaient y avoir été enfouis, nonobstant qu'ils avaient pourtant été aménagés de manière que leurs propriétaires fussent en droit d'espérer que jamais ils ne seraient violés, et d'ainsi pouvoir bénéficier du repos éternel pour leur vie dans l'Au-delà.

 

     Des minutes de procès célèbres, notamment à l'époque ramesside, ont en effet été retrouvées, qui mentionnent avec force détails les profanations et les dégradations qui furent commises aux "Maisons d'éternité" des plus grands, voire de hauts-fonctionnaires du royaume, susceptibles eux aussi, par leur équipement post-mortem, d'attiser de nombreuses convoitises.


    Ces pratiques perdurèrent à divers degrés d'importance, en ce comprises, ne nous voilons pas la face, les déprédations commises à l'envi par des "fouilleurs" occidentaux du XIXème siècle stipendiés par des consuls européens véreux qui accroissaient substantiellement leurs revenus en vendant à des musées du monde entier maints fragments pariétaux de temples ou d'autres constructions.


     Dans la nécropole sud d'Abousir, le mastaba de Kaaper fut de ceux-là. Même si, comme je l'ai tout à l'heure mentionné, il fut l'objet de pillages dès l'Antiquité, c'est assurément à l'époque contemporaine que son histoire connut quelques nouvelles péripéties, au point que Miroslav Barta, dans un article qu'il lui consacra en 2005 (voir référence infrapaginale), n'hésite pas à écrire que : "during the last 100 years, this monument was discovered and lost several times."

 

     "Découvert et perdu à plusieurs reprises", puisqu'en effet, il fut très tôt visité, très tôt démantelé, ce qui "expatria" moult blocs de fins reliefs en calcaire provenant de la chapelle funéraire dans de grands musées états-uniens.

    

     Le mastaba fut ensuite vraisemblablement "oublié" jusqu'à ce qu'en 1959, l'égyptologue américain Henry George Fischer (1923-2006), Conservateur en chef des Antiquités égyptiennes du Metropolitan Museum of Art de New York, le remit à l'honneur en publiant une étude dont le point de départ était constitué de photographies émanant d'archives de Saqqarah : bien que proposant notamment des clichés de murs détruits d'une chapelle indubitablement mise à mal par des pillards, Fischer parvint à en décrire quelques détails de la décoration initiale et, surtout, à en identifier son propriétaire, Kaaper, grâce à des investigations parallèles qu'il mena dans les collections égyptiennes américaines.

     

     Quoi qu'il en fut, sans plus de précision, il situa la tombe "somewhere on the Saqqara necropolis".

    Trente ans plus tard, en 1989, une équipe d'archéologues égyptiens la retrouva officiellement sur le site d'Abousir, - ce n'était jamais que la troisième fois de son histoire qu'elle "réapparaissait" ! C'est à ce moment-là seulement que l'on prit conscience de la gravité des dégâts occasionnés par les bien peu scrupuleux " visiteurs" qui s'y étaient successivement introduits.

     Ce que confirma l'expédition de l'Institut Tchécoslovaque d'Égyptologie sous la direction de Miroslav Verner, au cours d'une reconnaissance de la région en 1991 : elle en fit aussitôt le premier projet de sauvegarde
 par investigations électro-magnétiques dans cette portion du cimetière, conscients qu'étaient les membres de l'équipe que la reconstitution de l'aspect premier du décor intérieur de la tombe - emplacement n° 18, sur le plan ci-dessous -, serait un énorme défi à relever.

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 2. LE TOMBEAU DE KAAPER

 

     Et cela en fut effectivement un ! Et qui dura plusieurs années. Et qui apporta, malgré le piètre état de conservation, bien des renseignements nouveaux sur le défunt, son épouse, sa famille ...

     Et qui aussi, par la même occasion, offrit aux égyptologues la triste opportunité d'évaluer les pertes, pour le moins considérables. En effet, souvenez-vous, j'ai à l'instant mentionné les documents photographiques archivés qu'avait publiés H.G. Fischer dans son étude de 1959 : plusieurs d'entre eux permirent évidemment d'établir des comparaisons avec ce qui subsistait encore in situ.

     Ainsi, sur le mur est, à l'entrée de la chapelle funéraire, figurait jadis une scène classique dans laquelle des pêcheurs capturaient différentes sortes de poissons à l'aide d'un filet - un peu comme celle, souvenez-vous, que nous avons déjà rencontrée dans la
 vitrine 2 de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre. 

     

     Dans la chapelle funéraire de Kaaper, ce registre a aujourd'hui entièrement disparu !

 

     Certes, nous savons qu'un bloc, un seul, se trouve exposé au Metropolitan Museum de New York (MMA 58.161, 1:5), ce qui constitue déjà une espèce de consolation. Mais force est de constater qu'il ne nous donne à voir qu'une infime partie de ce que dut être la scène originelle.


     Les autres blocs ? Ils ne figurent dans aucun inventaire de collections muséales. Et Miroslav Barta d'avancer l'hypothèse, tout à fait plausible évidemment, qu'ils seraient désormais la propriété d'un riche collectionneur privé qui se garderait bien d'en faire état.

     Espérons qu'un jour, suite au décès de ce "propriétaire" peut-être, ils réapparaîtront sur le marché souvent frauduleux de l'Art ... 



     La minutie des travaux de restauration de l'équipe tchécoslovaque permit de constater, avec un véritable soulagement, que toute la décoration pariétale de la chapelle de culte n'avait pas été systématiquement arrachée : ainsi sur le même mur est, la classique scène qu'il est convenu d'appeler le "repas funéraire", - Kaaper et Tjenteti, son épouse à ses côtés, sont assis devant une table garnie de pains et d'autres offrandes alimentaires -, n'a fort heureusement pas intéressé les voleurs

     Ce tableau constitue le seul élément de décoration de la chapelle funéraire qui soit resté en place pratiquement intact ; pratiquement parce que de graves problèmes de salpêtre ne cessent  depuis d'en accentuer la détérioration.

 

     Ceci posé, déplorons que d'autres scènes pariétales de la chapelle ont disparu : ainsi, sur le mur nord, les égyptologues auraient dû pouvoir rencontrer le défunt que son épouse enlaçait au niveau des épaules, même si, déjà, et les photos d'archives le prouvent, leurs deux visages avaient été jadis détachés de l'ensemble.


    Au-dessus de leurs têtes, une inscription hiéroglyphique très intéressante. Malgré qu'elle soit elle aussi fortement endommagée, il fut possible d'en reconstituer une partie et d'ainsi se rendre compte qu'il s'agissait d'un extrait s'apparentant à cette incontournable "Déclaration d'innocence", connue aussi sous l'appellation de "Confession négative" que, lors de notre rendez-vous du 21 février 2009, j'avais déjà, souvenez-vous, dans un contexte plus général eu l'opportunité de vous en expliquer fondements et teneur.

 

     Ici, Kaaper s'adressant à ceux des siens attendus pour régulièrement venir entretenir son culte funéraire, désire les convaincre qu'il a toujours été respectueux des normes éthiques en vigueur, partant, qu'il mérite amplement et leurs offrandes et leurs prières de manière à pouvoir être assuré d'une vie éternelle des plus heureuses :


    " J'ai construit ce tombeau justifié devant le dieu. J'ai construit ce tombeau avec mes biens propres (...)
Je n'ai jamais dit quoi que ce soit de mal contre quiconque. Je n'ai jamais rien volé à personne (...)
Celui qui aurait l'intention de perturber cette tombe serait jugé par le grand dieu, seigneur du jugement dernier (...)

Et de "signer" : le fonctionnaire royal, Kaaper.

 

 

     Mais qui donc fut ce Kaaper si "dispersé" - , qu'homonymie aidant d'aucuns sur le Net persistent à confondre avec le "Cheik-el-Beled" dont la célèbre statue en bois exposée au Musée du Caire fut mise au jour par Auguste Mariette au XIXème siècle ?

 

     C'est grâce à d'autres documents heureusement retrouvés qu'il me siérait, mardi 19 avril prochain, amis visiteurs, de faire en votre compagnie plus ample connaissance avec Kaaper ...
 

   

(Barta : 2005 2 ; Fischer : 1959, 233-72 ; Verner : 1993, 84-105)

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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 00:02

 

 

     Les tombes royales et privées sont de loin les monuments archéologiques les mieux préservés de l'Ancienne Égypte. Il en existe des centaines et des centaines de type différents - les principaux étant les mastabas, les tombes rupestres, les "shaft" et les fosses. 

(...)

     Nous pouvons utiliser les tombes individuelles pour reconstruire la société d'une période donnée, caractériser la royauté, les structures sociales, la religion, les mécanismes de l'administration centrale, la mobilité des individus et des groupes, et bien d'autres éléments encore.

 

 

 

Miroslav  BARTA

Les tombes non-royales d'Abousir

 

Égypte, Afrique & Orient 77,

Les mastabas de l'Ancien Empire,

Montségur, Centre d'égyptologie, 2015,

pp. 15-6.

 

 

 

 

     Quand nous nous sommes quittés, la semaine dernière, amis visiteurs, je vous proposais de commencer d'envisager aujourd'hui avec vous ce que l'ultime décennie du XXème siècle avait réservé aux archéologues de l'Institut tchèque d'égyptologie (I.T.E.) qui, depuis le début des années soixante, explorent avec le succès que vous commencez à mieux connaître la nécropole d'Abousir, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest du Caire actuel.

 

     Sous la direction de Miroslav Verner, nous l'avons vu, de nombreux complexes funéraires furent ainsi mis au jour. Les découvertes, fort heureusement, ne se tarirent nullement puisque, même après avoir quitté la direction de l'I.T.E., le Professeur Verner assumant celle de la Concession pour la Prospection d'Abousir, poursuivit ses travaux patronnant et accompagnant de nouveaux collègues : je n'en citerai que deux qui, relativement jeunes encore à l'époque, se révélèrent par la suite, vous le constaterez au fil des prochains mois, de brillants fouilleurs :  

    

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

 

Ladislav BARES, ci-dessus

 

et Miroslav BARTA, ci-dessous.

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

 

     Dès 1991, les missions archéologiques tchèques vont se diriger plus encore vers le sud du site pour en explorer les ultimes confins, à environ un kilomètre de la nécropole royale d'origine ; et ce, après avoir pris soin d'effectuer des sondages préalables dans cette zone bien circonscrite.

    Permettez-moi d'emblée une petite précision : en Professeur d'Histoire, mais pas uniquement pour cette raison, j'ai pris l'initiative de relater
 dans un ordre purement chronologique 
les découvertes qui se sont là succédé. Car en fait, ayant avec vous tout récemment quitté la tombe-puits d'Oudjahorresnet, il m'eût fallu, animé de la logique de terrain la plus élémentaire, envisager de vous emmener vers celles qui lui étaient proches dans ce cimetière saïto-perse, mais qui ne furent mises au jour que dans les années qui suivirent.

    J'ai en réalité plutôt préféré épouser le cheminement des égyptologues - même si, dans un premier temps, leurs raisons premières m'échappèrent en partie -, et donc momentanément choisi de quitter le cimetière ouest pour les accompagner dans celui de son extrémité sud.

    Le dessin cartographique ci-après, 
extrait de l'ouvrage "Abusir - Realm of Osiris", de Miroslav Verner (voir référence infrapaginale), qu'il est possible d'agrandir par un simple clic, devrait faciliter vos déplacements parmi les sépultures que nous allons bientôt découvrir : il s'agit de celles numérotées de 14 à 18.

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

 

     Mais pour l'heure, ce qu'il importe de bien maîtriser, amis visiteurs, c'est l'aspect chronologique des lieux et, plus précisément, les différentes dynasties égyptiennes. Car si, avec ses pyramides effondrées et ses mastabas de hauts dignitaires, le secteur nord de la nécropole date pour une grande part de la Vème dynastie de l'Ancien Empire, la tombe-puits d'Oudjahorresnet, souvenez-vous, avait quant à elle été creusée quelque 1700 ans plus tard, soit à la XXVIème dynastie, à l'époque tardive donc, pour emprunter à Jean Yoyotte cette dénomination nettement moins dépréciative que le sempiternel Basse Époque que, pourtant, l'on rencontre encore très souvent dans les ouvrages de référence ...

(Mais ceci est une autre histoire !)

    Et maintenant, nouveau retour en arrière, là-bas, tout au sud du site, je vous  invite à renouer avec l'histoire des fonctionnaires palatiaux de l'Ancien Empire.

    Aussi, et afin que toutes ces allées et venues dans le temps et le sable du désert ne vous essoufflent démesurément, je vous propose aujourd'hui plutôt que déjà nous pencher au-dessus de nouvelles tombes de simplement les évoquer de manière très générale, en guise de mise en appétit pour les prochaines visites auxquelles, après le congé de Printemps, je vous convierai.

    Profitez donc de ces quelques moments de répit car, - et je vous l'annonce solennellement -, ce n'est pas en vacances que je vous emmènerai ces prochains mois : il ne s'agira nullement de vous prélasser au soleil d'une agréable croisière sur le Nil avec soirée dansante déguisés en Néfertiti, mesdames ou en Toutankhamon, messieurs.

     Non ! Ce seront plus certainement des godillots qu'il vous faudra chausser et des jeans endosser : nous allons à nouveau descendre, à la suite des archéologues tchèques, dans le sous-sol de la nécropole, en explorant avec eux ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le cimetière des fonctionnaires de rang inférieur d'Abousir Sud.

    Certes, d'aucuns m'opposeront très vite qu'il ne s'agit point là d'une vraie découverte ; que plusieurs  des tombeaux que je compte prochainement vous faire visiter furent, au XIXème siècle déjà, l'objet de fouilles, notamment entreprises par l'expédition pour compte de la Prusse de l'égyptologue allemand Karl Richard 
Lepsius, (1810-1884) qui, de 1842 à 1845, sillonna précisément toute cette région des domaines funéraires de Guizeh, Saqqarah, Abousir ou autres aux fins d'en effectuer un relevé topographique d'importance cardinale pour l'égyptologie.


    Bien évidemment, je ne puis qu'entériner cette connaissance pointue qui est vôtre en la matière. Je préciserai simplement que si nos amis tchèques ont cru bon, là et alors, d'y consacrer un temps certain, c'était parce qu'ils jugèrent urgent d'y effectuer ce qu'ils nomment une "fouille de sauvetage" dans la mesure où la structure même de ces monuments se trouvait grandement - et irrémédiablement - menacée par d'avides pilleurs de sépultures.

    Parmi ces antiques "maisons d'éternité", je relève, sans prétention d'exhaustivité aucune, les mastabas en partie déjà connus de Kaaper, un fonctionnaire de très haut rang, et de Fetekti, un prêtre d'un temple royal, tous deux
 ayant vécu à la Vème dynastie, ; et ceux, nouvellement  mis au jour, de Qar, un vizir de la VIème dynastie et des membres de la famille d'un certain Hetepi, prêtre également, mais à la IVème dynastie ...

 

     Toutes ces fouilles, toutes ces découvertes  - ou redécouvertes, c'est selon -  menées par de jeunes collègues sous la direction attentive de Miroslav Verner s'étageront donc sur les dix dernières années du précédent siècle : à partir de 1990-91 pour ce qui concerne Kaaper, Fetekti et les tombes près de celle de Hetepi ; de 1993 pour Itehy, fonctionnaire du début de la IVème dynastie - ce qui correspondrait donc à la plus ancienne du site -, et de 1995 pour les sépultures des vizirs Qar et Isesiseneb ...

 

     Sans oublier - et là, il nous faudra revenir près de la tombe-puits d'Oudjahorresnet, dans le cimetière saïto-perse - celle également explorée à partir de 1995 d'un autre très important personnage de cette époque : Iufaa.

 

     Voilà donc, très rapidement exposé, ce qui vous attend, amis visiteurs, après les deux semaines des vacances scolaires de Printemps que l'Enseignement belge et ÉgyptoMusée vous offrent.

 

    Lmardi 12 avril prochain, pour être tout à fait précis, ce sera dans la première d'entre elles, celle de Kaaper, que je vous inviterai à descendre en compagnie des égyptologues tchèques.

 

 

    Excellent congé pascal à toutes et à tous. Profitez-en bien  ...

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : III. LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

 

 

... mais attention aux crises de foie !

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE 

 

 

 

BARTA MiroslavThe Cemetery of Lower-Ranking Officials at Abusir South, Prague, site de l'I.T.E

 

VERNER Miroslav, Abusir - Realm of Osiris, Cairo/New York, The American University in Cairo Press, 2002, p. 43.

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15 mars 2016 2 15 /03 /mars /2016 00:02

 

     Bien que de nombreuses découvertes de natures diverses aient été faites dans le passé à Abousir par différentes missions archéologiques, il y avait lieu d'espérer en faire d'autres sur ce site, car, jusqu'à ces dernières années, de vastes secteurs de la nécropole restaient à explorer, comme celui qui s'étend au sud-ouest du groupe des pyramides d'Abousir.

 

 

 

Miroslav  VERNER

La tombe d'Oudjahorresnet et le cimetière saïto-perse d'Abousir

 

Le Caire, B.I.F.A.O 89, 1989,

pp. 283-90, + planches XXXVI à XXXIX.

 

 

 

 

     En 1989, aux confins sud-ouest de la concession d'Abousir accordée à la Tchécoslovaquie par le gouvernement égyptien pour la remercier d'avoir, au début des années soixante, participé au sauvetage des temples de Nubie, l'égyptologue Miroslav Verner, à la tête des fouilles menées là depuis plusieurs décennies par l'I.T.E., Institut tchécoslovaque d'égyptologie, découvre donc le puits d'accès à une tombe, - vraisemblablement la première à avoir été creusée dans cette partie excentrée du site -, qui se révélera être celle d'un homme hors du commun : médecin général de Haute et Basse-Égypte, Commandant de la Marine royale, Chancelier des rois perses Cambyse et Darius Ier en tant que souverains sur le trône égyptien et porteur de maints autres titres probablement plus honorifiques que réellement effectifs, Oudjahorresnet que, mardi dernier, nous avons, vous et moi, amis visiteurs, quelque peu appris à mieux connaître.

 

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : II. L'INSTITUT ET LES FOUILLES D' ABOUSIR - 5. MIROSLAV VERNER ET OUDJAHORRESNET (Seconde partie)

     Sur le plan ci-dessus extrait de la page 43 de l'ouvrage "Abusir - Realm of Osiris", de M.Verner (voir référence infrapaginale, 2002) et que vous pouvez agrandir en cliquant dessus, l'emplacement de cette tombe porte le numéro 13.  

 

     Mes précédentes interventions à propos des découvertes en Abousir, souvenez-vous, ont permis d'insister sur le fait que cette vaste nécropole fut essentiellement, à tout le moins dans sa partie nord, celle de certains monarques de la Vème dynastie dont la plupart des pyramides ne sont plus actuellement que monceaux de ruines ; ainsi que de hauts fonctionnaires gravitant dans l'entourage royal, aux mastabas parfois impressionnants : c'était évidemment du temps où le pouvoir résidait à Memphis, capitale de l'Ancien Empire. 

 

     J'ai ainsi plus spécifiquement attiré votre attention, le 16 février, sur le mastaba de Ptahshepses (emplacement 5 sur le dessin cartographique ci-dessus), ainsi que, le 23 février dernier, sur la "Pyramide inachevée" de Rêneferef (ou Neferefrê ; emplacement 9). 

 

     Quand, bien après Memphis, Thèbes devint elle aussi capitale d'empire, les nécropoles de Saqqarah, Abousir et de toute cette région furent délaissées au profit de la montagne thébaine, avec ses célèbres vallées des Rois, des Reines et des Nobles celant en leur sein nombre d'hypogées presque toujours richement décorés.

 

     Il fallut attendre ce que les égyptologues appellent la Basse Epoque, et plus spécifiquement les XXVIème et XXVIIème dynasties, à partir d'approximativement 664 avant notre ère, pour que, les vicissitudes de l'Histoire aidant, le site d'Abousir recouvrât une nouvelle aura, grâce à un petit cimetière situé un peu plus au sud-ouest des pyramides royales d'Ancien Empire et caractérisé par des tombes-puits, - ce que la littérature égyptologique anglophone nomme "Shaft Tombs"- , remises à l'honneur en ces temps saïto-perses : ce sont ci-dessus les emplacements numérotés de 13 à 18.

 

     Remises à l'honneur puisque, vous ne l'ignorez probablement pas, c'est déjà tout au fond d'un semblable aménagement souterrain d'une trentaine de mètres sous le niveau du désert qu'entre autres, le premier souverain égyptien à se faire construire une pyramide, Djoser, à la IIIème dynastie, fut inhumé.

 

     Même si, aux yeux de certains savants, de semblables puits furent longtemps compris comme des réponses à des impératifs essentiellement pratiques, - recevoir par exemple les eaux torrentielles qui, parfois, se déversaient dans la Vallée des Rois -, l'on sait actuellement, après les travaux pertinents de l'égyptologue allemand Friedrich Abitz au niveau des inscriptions qu'on y a retrouvées, que ces descenderies ressortissent au domaine des mythes osiriens : dans la tombe de Ramsès II, par exemple, les textes considèrent très clairement le puits comme une métaphore du tombeau d'Osiris, c'est-à-dire l'emplacement où s'opère la transformation de Pharaon en Osiris, partant, comme un lieu de résurrection.

 

     Et le Professeur Abitz d'amplifier son propos en ajoutant que semblable cavité matérialisant l'endroit où le souverain prenait un nouveau départ vers sa vie dans l'Au-delà, pouvait être considérée comme étant "la matrice où, environné d'eau, l'enfant s'apprête à naître".  

 

     Ce fut donc une de ces tombes-puits, au demeurant en fort mauvais état, qui, lors de la mission de fouilles de 1988-89, retint plus particulièrement l'attention de Miroslav Verner et de son équipe.

 

 

Oudjahorresnet---Entree-tombe-puits.jpg

 

 

 

     L'exploration ce tombeau, le plus à l'ouest du cimetière saïto-perse, étant à présent terminée ; les résultats ayant fait l'objet d'une monographie publiée en 1999 par Ladislav Bares, un des égyptologues tchèques travaillant sous la direction du Professeur Verner, ainsi que d'un article qu'il signa en novembre 2005 sur le site de l'I.T.E., 

 

 

Oudjahorresnet---Monographie-de-L.-Bares.jpg

 

 

nous savons que cette galerie centrale de quelque 17 mètres de profondeur pour approximativement 5, 50 m de côté, remplie de sable très fin quand elle fut mise au jour, faisait en réalité partie, comme vous le montre le tout premier cliché monochrome ci-avant, d'une superstructure constituée d'un mur d'enceinte en calcaire blanc, ainsi que l'étaient également les blocs de la chambre funéraire proprement dite : en fait, tout simplement un matériau que les ouvriers avaient trouvé sur place.

 

     Si l'ensemble du complexe funéraire comprenait des puits périphériques, c'est au fond du principal que fut découvert le caveau, dont une des particularités résidait dans la présence de  trois ouvertures de forme conique pratiquées dans le plafond et encore obstruées par des poteries de terre cuite rouge manifestement destinées à retenir le sable fin comblant l'espace immédiatement au-dessus :

 

 

Oudjahorresnet---Plafond-tombe.jpg

 

 

ce détail nous permet de comprendre que, les funérailles d'Oudjahorresnet à peine terminées, il avait suffi de casser un morceau de ces céramiques de manière à permettre au sable entassé d'entièrement combler, en un certain laps de temps, la chambre funéraire elle-même ; et ainsi, en principe enfouis à jamais, les cercueils gigognes de ce haut dignitaire, n'eussent jamais dû être découverts ; ni profanés. 

 

     Sur le sol de la chambre sépulcrale avait été déposé un  imposant sarcophage rectangulaire, en calcaire blanc lui aussi, de 5,10 m de long, 2,90 de large et 3,20 m de hauteur, couvercle d'1,10 m d'épaisseur compris. L'ensemble était de finition relativement sommaire et seule une ligne de hiéroglyphes courait sur tout le pourtour du coffre : grossièrement gravés, ils fournissaient tout à la fois les formules religieuses classiques,  mais surtout, "détail" extrêmement important, les nom et titres du défunt. 

 

     À l'intérieur, M. Verner découvrit donc un second cercueil, anthropomorphe celui-là, et en basalte.

 

 

Oudjahorresnet---Sarcophage-anthropomorphe.jpg

 

 

     Soigneusement lissé, il était recouvert d'inscriptions conformes aux us funéraires du temps : textes religieux, figuration des divinités protectrices, à nouveau le nom et les différents titres d'Oudjahorresnet, ainsi que ceux de ses parents.

 

     L'imbrication de ces deux éléments aux fins de protéger la momie au maximum n'était évidemment pas le fruit du hasard ni du seul état social du défunt puisque vous n'ignorez plus, amis visiteurs, que placé au plus profond d'un tombeau, tout sarcophage symbolisait le Noun, l'océan primordial d'où, aux temps premiers, sortit toute vie, - (voir à ce sujet mon article du 23 mars 2010, ainsi que le judicieux commentaire d'Alain et ma réponse afférente).

     L'introduction dans un sarcophage extérieur d'un cercueil contenant le corps proprement dit figure métaphoriquement l'immersion nécessaire à toute résurrection. 

 

     Mal gré qu'ils en aient, il ne fut pas long à Miroslav Verner et à ses hommes pour remarquer que des pillards s'étaient introduits dans le tombeau d'Oudjahorresnet : en effet, avaient été réparées et reconstruites déjà dans l'Antiquité les dalles massives du plafond d'un corridor horizontal permettant d'accéder à la chambre funéraire par où, vraisemblablement, étaient passés ces premiers voleurs ; mais surtout, il était patent qu'ils s'étaient attaqués aux deux sarcophages de pierre : un trou d'approximativement 40 x 28 cm endommageait en effet la partie inférieure du second d'entre eux, pourtant bien plus dur que le simple calcaire du premier. Espace qui, toutefois, n'était absolument pas suffisant pour permettre d'en retirer la momie !

 

     Bien qu'encore scellée, la bière était désespérément vide ...  

 

     Et là, Miroslav Verner prend conscience de ce que d'autres détails des fouilles viendront par la suite corroborer : la tombe-puits d'Oudjahorresnet pose bien plus de questions que, véritablement, elle n'en résout !

 

     Elle ne contint manifestement jamais de corps. Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Point de trace non plus des traditionnels vases-canopes, - ou de débris suggérant leur présence originelle -, abritant les viscères d'un éventuel défunt. Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Ce tombeau ne serait donc qu'un cénotaphe ? Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Autre singularité : si les parois du caveau présentent des extraits des Textes des Pyramides qui, bien que fort abîmés, viennent néanmoins compléter et accréditer les connaissances des égyptologues à propos de l'utilisation de semblables inscriptions à la Basse Époque, 

 

 

Oudjahorresnet---Hieroglyphes-peints-mur-ouest.jpg

 

 

ces hiéroglyphes sont simplement peints et non gravés en relief comme le voudrait la tradition. Cette décoration pariétale ne  fut donc jamais achevée.

Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Nonobstant que, dans la chambre funéraire, la découverte de fragments de céramique datant des époques romaine, copte et même arabe prouve qu'elle fut, au moins jusqu'au Xème siècle de notre ère, l'objet d'indésirables intrusions, la quantité d'artefacts encore présents mis au jour par la mission tchécoslovaque fut véritablement dérisoire : 5 statuettes funéraires (des oushebtis) de "faïence" verdâtre au nom d'Oudjahorresnet ; deux plaquettes en "faïence", vraisemblablement de petites tables d'offrandes votives supportant de minuscules vases ; enfin quelques fragments de ce que les égyptologues nomment des briques magiques : généralement au nombre de quatre, en fonction des points cardinaux, ces petits blocs en argile crue gravée ou peinte d'une inscription magique et d'une amulette protectrice étaient, selon le chapitre 151 A du Livre pour sortir au jour destinés, parce que placés dans une alcôve creusée dans chaque paroi de la  pièce, à protéger la demeure d'éternité d'un défunt.

 

     Ces quelques rares vestiges constituaient-ils ce qui avait été préservé de l'équipement funéraire d'Oudjahorresnet ou ce viatique avait-il été initialement réduit à son plus strict minimum ? Pour quelle(s) raison(s) ?

 

      En outre, alors que ses fonctions le liaient indubitablement à la ville de Saïs, capitale dynastique sise dans le Delta occidental, Oudjahorresnet se fit inhumer à l'autre extrémité du pays : une tombe-puits, à Abousir et, en outre, complètement isolée des complexes funéraires déjà existants sur le site.

Pour quelle(s) raison(s) ?

 

     Et après lui, nous le verrons bientôt, d'autres hauts fonctionnaires de cette époque plébiscitèrent ce même petit cimetière.

Pour quelle(s) raison(s) ?

 

 

     Que de questions animaient encore l'esprit de Miroslav Verner au moment où il allait bientôt quitter ses fonctions à la tête de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie, mais pas la nécropole sur laquelle, à partir de 1991, il dirigerait officiellement les recherches en tant que Directeur de la Concession pour la Prospection d'Abousir.

 

     Me croirez-vous, amis visiteurs, si je vous confie que mardi prochain, 22 mars, avant que ne débutent les deux semaines de vacances de Printemps accordées à l'Enseignement belge et à ÉgyptoMusée, j'escompte bien l'accompagner pour avoir une idée de ce que le site d'Abousir a réservé à la dernière décennie du précédent siècle comme nouvelles surprises archéologiques ?

 

     Vous serez des nôtres, j'espère ...

 

 

 

 

(Abitz : 1974, passim ; Bares : 1999, passim ; Bresciani : 1995, 102 ; Desroches Noblecourt : 1963, 245 sqq ; Régen : 2010, 23 ; Vandersleyen : 1975, 151-7 ; Verner : 1989, 283-90  + planches XXXVI-XXXIX ; ID. : 2002, 43)

 

 

 

 

Précisions.

Même si en positionnant la flèche de votre souris sur chacune des photos monochromes de ma présente intervention, vous pourrez en lire l'origine, je tiens à signaler avant de nous quitter ce matin qu'elles proviennent de l'article que Miroslav Verner a publié dans le BIFAO 89 (référence supra sur laquelle il vous suffit de cliquer pour être redirigés vers ma bibliographie complète) et que dans un courriel avec lui échangé à l'automne 2010, il m'avait autorisé à reproduire dans mon article d'alors.

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8 mars 2016 2 08 /03 /mars /2016 00:01

     

     C'est dans ce contexte purement égyptien qu'il convient de comprendre l'attitude des classes dominantes égyptiennes face à la conquête perse (puis face à la conquête macédonienne).

     À partir du moment où leurs intérêts et privilèges n'étaient pas remis en cause, elles étaient toute prêtes à reconnaître un conquérant qui acceptait de se laisser pharaoniser. À cet égard les déclarations d'Udjahorresne sont claires. Il salue en Cambyse un pharaon qui vient rétablir l'ordre sur ses bases traditionnelles (bases non seulement idéologiques mais sociales).

(...)

     En d'autres termes, à ses yeux, un pharaon d'origine étrangère mais se conformant au modèle traditionnel était aussi et même plus acceptable qu'un pharaon d'origine égyptienne exerçant son pouvoir en contradiction avec les règles de la "bonne royauté".

     Ce qui veut dire aussi qu'en se ralliant au nouveau maître, les Égyptiens de l'aristocratie n'entendent nullement adhérer aux valeurs et au mode de vie perses.

 

 

 

 

Pierre  BRIANT

Ethno-classe dominante et populations soumises 

dans l'empire achéménide : le cas de l'Égypte

 

dans A. KURTH, H. SANCISI-WEERDENBURG, (éds.)

Method and History

Leiden, Achaemenid History III, 1988

pp. 158-9

 

 

     La campagne de fouilles 1988-1989 bat son plein !

     Aux confins sud-ouest du site d'Abousir, comme il est de tradition de nommer en français l'antique Per Usir des Égyptiens, - traduisons par "Royaume d'Osiris" -, que les Grecs appelèrent Busiris et devenu Abusir en arabe contemporain, l'égyptologue Miroslav Verner ignore encore qu'il va découvrir une nouvelle tombe : celle d'un homme hors du commun.

 

 

 

Oudjahorrresne---Museo-Gregoriano-Vatican---Rome--copie-1.jpg

 

 

     (À nouveau, immense merci à Sébastien Quercy, - Sebi ou Neithsabes -, pour l'autorisation qu'il m'accorda la semaine dernière d'utiliser à ma meilleure convenance certaines des photographies qu'il a déposées sur le Net, dont celles d'Oudjahorresnet dans cet article.)

 

 

 

     Reportons-nous, voulez-vous, au Ier millénaire avant notre ère, au VIème siècle et plus précisément encore en 525.

 

     Cambyse, roi de Perse, de la dynastie des Achéménides, dans le droit fil d'une politique d'expansion au Proche-Orient que son père, Cyrus le Grand, avait préalablement initiée, - conquête des royaumes mède en 550, lydien en 546 et néo-babylonien en 539 -, à l'aide d'une flotte de guerre qu'il venait de se faire construire aux fins de plus aisément contrer les défenses égyptiennes, rallie Memphis, s'empare manu militari du pharaon Psammétique III, souverain originaire de la ville de Saïs, capitale dynastique, dans le Delta occidental, mais aussi de son fils et de quelques hauts dignitaires de la cour : la XXVIème dynastie, dite saïte, laisse ainsi la place à celle qu'après Manéthon de Sebennytos, les égyptologues ont pris coutume d'appeler "perse".

 

     A propos de Cambyse et de Darius, son successeur ; à propos des Perses achéménides un temps à la tête de l'Égypte donc, vous me permettrez, amis visiteurs, dans le cadre de ce quatrième article consacré aux fouilles de Miroslav Verner en Abousir, de ne point trop m'étendre sinon peut-être pour préciser - et ce ne sera nullement la première fois lors de nos rencontres -, qu'il faut envisager avec une certaine circonspection les propos avancés par l'écrivain grec Hérodote, notamment dans le livre III de ses "Histoires". Comme bien d'autres et d'aussi célèbres après lui, - je pense notamment à Diodore de Sicile -, l'historien d'Halicarnasse n'est pas exempt d'une certaine vision propagandiste des événements qu'il relate : il ne vous faut pas perdre de vue que dans ce cas d'espèce, après les Perses, ce furent les Grecs qui  régnèrent sur l'Égypte, et il n'est malheureusement rien de plus humain que de dénigrer un prédécesseur, Cambyse ici en l'occurrence, quand, par des allégations franchement apologétiques, l'on souhaite mieux mettre en valeur les actions de l'un des siens, à savoir : Alexandre le Grand.

 

     Plutôt que grecs donc, ce seraient des documents uniquement égyptiens que je convoquerais si je devais longuement définir cette période de l'histoire du pays au milieu du dernier millénaire avant notre ère. 

 

     Ce pourrait, par exemple, être l'une ou l'autre des stèles datant précisément de cette première domination perse mises au jour par l'égyptologue français Auguste Mariette au XIXème siècle dans le Serapeum de Memphis ; stèles qu'il vous serait loisible de découvrir si d'aventure vous décidiez de vous rendre en la salle 19 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre dans lequel, souvenez-vous, j'ai chaque mardi plus de sept années durant pris tellement de plaisir à vous emmener.

 

 

 

Steles-Serapeum-Memphis---Salle-19.JPG

 

 

 

     En effet, plusieurs d'entre celles rédigées tout à la fois en hiéroglyphes et en démotique proviennent de l'époque des rois achéménides : documentation multi-culturelle d'une richesse inouïe concernant ces temps de "soumission", elles constituent un véritable miroir de la diversité ethnique d'une époque où le pays était dans les faits dirigé par un satrape résidant à Memphis, sous la férule évidemment du souverain perse en personne, auto-proclamé pharaon. Les fonctionnaires de cette Égypte devenue administrativement, avec les autres provinces africaines, sixième satrapie, mais aussi les militaires et bien d'autres personnages occupant des postes décisionnels, représentaient quasiment autant de nationalités différentes qu'existaient de provinces de l'Empire perse : administratifs perses, mèdes, babyloniens, juifs - notamment ceux de la célèbre colonie d'Éléphantine -, araméens, syriens, phéniciens, tous avaient adopté l'araméen comme langue et écriture communes.

 

     Quant aux fonctionnaires égyptiens, eux aussi embrigadés dans cette acculturation forcée, puisque la structure globale du pays était restée semblable à celle des dynasties pharaoniques précédentes, c'est grâce à l'écriture démotique donc qu'ils correspondaient avec leurs collègues. Bref, aussi bizarre que cela puisse actuellement nous paraître, tout ce petit monde de l'intelligentsia saïto-perse sembla fort bien se comprendre malgré la multiplicité des origines linguistiques en présence.

 

     Mais LE document qu'incontestablement je plébisciterais sans hésitation aucune si, de la domination achéménide dans l'ancienne Kemet je voulais aujourd'hui plus particulièrement vous entretenir, serait, vous vous en doutez certainement, celui qui chapeaute cet article.

 

     Je vous accorde que "chapeauter" n'est peut-être pas le verbe idoine quand il s'agit d'une statue ... acéphale ! Mais bon ...

     Je puis en tout cas vous assurer qu'en guise de référence historique, elle comporte un véritable spicilège de renseignements de premier choix.

 

     Enlevé d'Égypte par l'empereur Hadrien au 2ème siècle de notre ère, ce monument naophore, comprenez : qui porte ("phoros" en grec) un naos, c'est-à-dire une epèce de petit tabernacle contenant la figuration d'un dieu, - ici Osiris Hemag qui, après la déesse Neith, fut la deuxième divinité révérée à Saïs -, en basalte vert très foncé de 96 cm de hauteur, décora un temps les jardins de sa villa de Tivoli, l'ancienne Tibur, à quelque trente kilomètres de Rome, avant de se retrouver à présent exposée dans la première salle du Musée grégorien du Vatican, sous le numéro d'inventaire 22690.

 

     Elle figure un personnage hors du commun : le haut dignitaire saïte Oudjahorresnet, bardé de titres divers dont celui de médecin attitré du "Grand Roi" Darius Ier.

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : II. L'INSTITUT ET LES FOUILLES D' ABOUSIR - 4. MIROSLAV VERNER ET OUDJAHORRESNET (Première partie)

 

 

     Sa particularité, vous l'aurez constaté d'emblée, outre bien sûr le fait qu'elle est étêtée, réside dans la profusion des inscriptions hiéroglyphiques dont elle est presque entièrement recouverte.

 

     Il faut savoir, pour la petite histoire, que c'est à l'égyptologue et philologue français Emmanuel de Rougé (1811-1872) que nous devons, en 1851, le premier déchiffrement des textes ici gravés.    

 

     Un autre égyptologue français, Georges Posener (1906-1988) publiera, en 1936, LA traduction que semblable document méritait, qu'il accompagna de commentaires philologiques et historiques faisant de cet ouvrage, toujours à l'heure actuelle, une référence incontournable sur le sujet.

 

 

     Ceci posé, il m'importe d'insister sur le fait que bien que se présentant sous un aspect éminemment flatteur - "J'ai été un (homme) honoré de tous ses maîtres" ou "J'ai défendu le faible contre le puissant", peut-on lire à différents endroits du corps, car c'était l'usage et la destination obvies de ce type de monument voué à offrir à son propriétaire une certaine aura sociale, et donc constituant plus l'expression d'un poncif littéraire qu'une stricte réalité de terrain -, Oudjahorresnet nous fournit incontestablement des renseignements de première main quant à la perception historique à avoir de la première domination perse en Égypte.

 

     De première main ? Sans conteste, oui. Et c'est bien là ce qui, dans le chef de certains historiens, pose problème. Des termes équivoques, et à mon sens inappropriés, lui furent attribués par d'aucuns : je pense notamment à "traître" ou à ce plus insidieux encore "collaborateur", pour ne pas écrire "collabo", cette apocope si grosse de la connotation négative que nous lui connaissons depuis la Deuxième Guerre mondiale.

 

     Certes, déjà plus que très bien introduit en cour à l'époque du pharaon Psammétique III, ce haut dignitaire de l'Administration de l'État, n'eut apparemment aucun mal à accueillir le conquérant étranger, l'Achéménide Cambyse, en tant que nouveau pharaon qu'il servit de son mieux.

 

     Qu'Oujahorresnet servit de son mieux dans la mesure où humainement et économiquement parlant, il ne tenait pas à se départir des prérogatives privilégiées qui furent siennes sous l'ancien régime.

     Qu'Oudjahorresnet servit de son mieux dans la mesure où ses relations avec le nouveau pouvoir en place lui permettaient, si pas de traiter de pair à compagnon avec le roi, d'à tout le moins d'user d'influence pour le bien de sa ville : je pense notamment au fait que Cambyse, comme tout pharaon qui se respecte, n'hésita pas à honorer la déesse locale et à lui faire régulièrement offrandes.

 

      Je fis en sorte que Sa Majesté connût la grandeur de Saïs : c'est la résidence de la grande Neith, la mère qui a donné naissance à Rê, peut-on lire sur un des côtés de sa statue.

 

     Je pense aussi au fait qu'il obtint que fût dégagé des domaines de Neith, le téménos, l'aire sacrée sur  laquelle, d'autorité, dans un premier temps, les soldats perses avaient établi leurs baraquements.

 

     Je me suis plaint auprès de la Majesté du roi de Haute et Basse-Égypte Cambyse au sujet de tous les étrangers qui s'étaient installés dans le temple de Neith, pour qu'ils soient chassés de là, afin que le temple de Neith soit dans toute sa splendeur comme il en était auparavant, poursuit le texte, sous le bras gauche.

 

     (Il faut en effet savoir, qu'à l'opposé des églises chrétiennes, le temple égyptien qui constituait également la demeure de la divinité, n'admettait que très peu de personnes en son sein : hormis la population à l'occasion de quelques manifestations religieuses, et encore n'excédant pas les limites d'une certaine aire géographique autorisée, mais aussi un personnel civil engagé pour l'entretien quotidien, aucune personne étrangère à la classe sacerdotale n'était autorisée à entrer dans l'espace sacré, comprenez : à le profaner. 

     Seuls donc, Pharaon et les desservants du culte, pour autant qu'ils se fussent préalablement purifiés, pouvaient y pénétrer.)   

 

     Qu'Oudjahorresnet servit de son mieux au point d'être invité par le roi à lui libeller un protocole officiel : souvenez-vous, il s'agit de la titulature complète avec ses cinq noms attribuée à celui qui occupe le trône d'Horus pour gouverner l'Égypte : ce qui témoigne de la confiance que le roi perse lui  prodiguait. Et qui nous indique, a contrario, et quoi qu'en écrivît Hérodote, que Cambyse - mais il en fut de même de Darius Ier, son successeur et d'autres à la tête de cette satrapie -, malgré certaines exactions à mettre à son actif, s'ingéniât avec une habileté consommée à se fondre dans les traditions ancestrales égyptiennes ; à épouser l'idéologie religieuse du pays qu'il venait de soumettre ; à, d'une certaine manière, faire en sorte que l'ensemble des dignitaires et des hauts fonctionnaires auliques pour lesquels incontestablement Oudjahorresnet était un parangon, ne se sentent pas outre mesure considérés comme de serviles administratifs soumis.

 

     Oudjahorresnet un "collabo" ??  Faut-il vraiment ne pas avoir compris ce que ce dignitaire égyptien fit graver sur sa statue pour encore entériner semblable contresens !

 

 

 

     Nous sommes en pleine campagne de fouilles 1988-1989, je l'ai souligné à l'entame de notre rendez-vous, aux confins sud-ouest du site d'Abousir.

     Miroslav Verner s'apprête à  découvrir une nouvelle tombe : celle d'Oudjahorresnet, cet homme hors du commun, aux multiples et prestigieuses fontions dans l'entourage royal égyptien puis perse que nous venons d'apprendre à mieux connaître.

 

     Et,  insigne honneur, l'égyptologue tchécoslovaque nous invite mardi prochain 15 mars à le rejoindre sur son chantier de fouilles ...

 

    Vous m'y accompagnerez, j'espère ?

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE 

 

 

(Bresciani : 1995, 97-108 ; Briant : 1988, 2-6 ; ID. : 1998, 137-73 ; Grimal : 1988, 443 ; Hérodote : 1964, 218-86 ; Legrain : 1906, 54 ; Posener : 1936, passim ; Serrano Delgado : 2004, 31-52 ; Thiers : 1995, 493-516

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1 mars 2016 2 01 /03 /mars /2016 00:02

 

     Baigné dans une sorte de mystique nationale, l'Égyptien demeura pendant des millénaires sensible aux manifestations susceptibles de lui paraître ressortissant du surnaturel, donc à l'inexplicable. Aussi le moyen de se prémunir par la magie contre l'impalpable, l'inattendu, le déséquilibre, paraît avoir été son souci permanent.  

(...)

     En imitant la nature, l'homme a inventé la magie, c'est-à-dire : l'art d'accomplir ce qui n'a pas lieu dans le cours des événements naturels. Les premiers vecteurs de cette magie opératoire utilisés de façon permanente furent les images, d'où, par la suite, l'influence fondamentale des pratiques magiques sur l'élaboration des créations picturales et plastiques.

     En fait, ces dernières n'exprimèrent vraiment jamais l'art pour l'art, mais constituèrent impérativement des supports magiques pour assurer, par sympathie, dans les temples, les tombeaux et les demeures, la perpétuité du culte et de l'offrande, la sécurité du pays, l'harmonieux déroulement d'un cycle, le rempart contre le danger ou l'anéantissement.

(...) 

     Certains furent alors tentés d'utiliser de telles armes pour acquérir ce qu'ils n'avaient pu posséder, - se concilier un amour repoussé, par exemple -, ou encore nuire à la personne enviée, voire abhorrée, et même la supprimer, fût-elle royale.

 

 

 

 

Christiane  DESROCHES NOBLECOURT

Présentation

 

dans Yvan  KOENIG

Magie et magiciens dans l'Égypte ancienne

Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 1994

pp. 10-1

 

 

 

     La semaine dernière, souvenez-vous amis visiteurs, c'est à la suite de l'égyptologue Miroslav Verner que nous pénétrâmes, vous et moi, dans la "maison d'éternité" de Rêneferef, souverain de la Vème dynastie, à l'Ancien Empire, en définitive relativement peu connu avant que les missions tchécoslovaques de fouilles qui se sont succédé dans la nécropole d'Abousir lors de la seconde moitié du XXème siècle mettent au jour sa trace archéologique.

 

    Conscient des différentes lectures possibles de son nom retenues par les égyptologues - Râneferef ou Neferefrâ ?, Rêneferef ou Neferefrê ? Rênefer ? -, et sans entrer dans de pointues considérations sémantiques qui alourdiraient mon présent propos, j'indique simplement que j'ai évidemment opté pour celle proposée par Miroslav Verner, - Rêneferef, donc -, puisque c'est finalement à son travail que dans mes articles actuels je rends hommage. 

 

      Suivons-le derechef sur ce site que, par ses fouilles, il rendit à la science égyptologique et qu'il est maintenant convenu d'appeler la "Pyramide Inachevée" dans la mesure où le règne de Rêneferef ne durant vraisemblablement pas plus de deux ou trois ans, la construction initialement prévue pour être sa prestigieuse sépulture fut, le temps pressant, très habilement réduite à un simple mastaba.

(Vue des ruines du temple funéraire et de la "pyramide inachevée" de Rêneferef)

(Vue des ruines du temple funéraire et de la "pyramide inachevée" de Rêneferef)

     (Merci à Sébastien Quercy - Sébi ou Neithsabes - de m'avoir amicalement autorisé à exporter une nouvelle fois ici une de ses photos d'Abousir.)

 

 

     Le 26 janvier 2010, dans une intervention consacrée à la philosophie de la nature du pouvoir pharaonique et de sa pratique, j'avais eu l'occasion d'attirer votre attention sur les puissances malfaisantes, hostiles, qu'aux yeux des Égyptiens représentaient, entre autres, les pays étrangers. Ce qui autorisa certains monarques à investir ces États de manière à préventivement protéger leur territoire du "chaos" toujours menaçant et susceptible de grandement en perturber l'ordre que Maât symbolisait et que chaque souverain se devait de soutenir.


     Toutefois, d'autres pratiques que le conflit armé, magico-religieuses celles-là, furent également employées : elles consistaient à détruire rituellement les ennemis soit en immolant des animaux précisément censés les incarner, puisque préalablement marqués d'un sceau les figurant en tant que captifs, ce qui permettait d'allègrement contourner le "tabou du sang versé" ; soit en gravant, peignant ou fabriquant en ronde-bosse des prisonniers, les mains liées derrière le dos, véritables métaphores de ces forces du mal momentanément capturées et donc vaincues que, sous forme de statuettes, l'on pouvait pour la circonstance partiellement briser, brûler ou tout simplement enfouir dans le sol ; soit aussi en écrivant, en hiératique le plus souvent, des textes dits d'exécration ou de proscription, sur différents supports : des vases, par exemple, comme certains à Berlin ou, plus souvent encore, sur le corps même des statuettes en question.

 


     Nombreux furent aussi, sur les monuments égyptiens dès les premières dynasties déjà, les bas-reliefs proposant ce type de scène avec captifs aux fins d'exorciser semblable menace extérieure mais aussi, très probablement, de mettre en évidence la sujétion au roi tout puissant, réelle ou souhaitée, des pays frontaliers.

    
 Ce thème de l'anéantissement des ennemis ou, à tout le moins, de leur empêchement de nuire, les égyptologues le rencontrèrent donc par le biais de statues et statuettes déclinées sous tous formats et tous matériaux. Ainsi, à la IIIème dynastie, dès l'entrée de l'enceinte du  domaine funéraire de Djoser, à Saqqarah, des groupes d'hommes ainsi ligotés, en shiste et en granite, matérialisaient dans la pierre la suprématie royale sur les peuples avoisinants : il semblerait d'ailleurs que ce soient là, chez Djoser précisément, les plus anciennes statues 
actuellement mises au jour évoquant ce sujet .

 

     Certaines représentations destinées à ces rites d'envoûtement, rappelant qu'ennemis, fauteurs de troubles, voire criminels, furent dès le début de l'histoire égyptienne, associés au dangereux serpent cosmique Apopis (ou Apophis, selon certains égyptologues), précisent en plus du nom des individus concernés, celui du dangereux ophidien en personne : ainsi tout être susceptible d'engendrer le désordre lui était-il assimilé. On n'est jamais suffisamment protégé !  

   
     De la Vème dynastie, on connaît, datant de l'époque de Niouserrê, de grandes représentations d'ennemis ainsi entravés. Il en est de même, à la dynastie suivante, sous les règnes de Pépi Ier et de Pépi II : furent en effet exhumés 8 têtes et de 
nombreux débris de calcaire permettant de partiellement reconstituer une quinzaine de corps.



Prisonnier-agenouille--face----MMA.jpg 

 

 

Prisonnier-agenouille--dos----MMA.jpg 

 

 

 

 

     (Exposées au Metropolitan Museum of Art de New York, ces statues de près de 90 cm de hauteur ont été arbitrairement reconstituées à partir des fragments enfouis : rien ne prouve en réalité que ces têtes-là appartiennent bien à ces corps-là.

 

 

 

 

 

 

     (Clichés extraits de la page 364 de mon catalogue de l'exposition consacrée à L'Art égyptien au temps des pyramides, que j'avais visitée en 1999, au Grand Palais, à Paris.)


     Tous ces hommes affichaient la même position : agenouillés et assis sur leurs talons, les orteils s'appuyant sur le socle de la statue (sur le sol, donc, suivant une des conventions de l'art égyptien), arborant une musculature que la pierre rendait remarquablement, ils se tenaient ainsi le buste droit, légèrement projeté vers l'avant, poings rageusement serrés le long du corps, apparemment fiers malgré leur état de vaincus que prouvaient les bras ligotés dans le dos, "prêts à recevoir le coup mortel de la massue royale", comme l'écrivit, avec une légère pointe d'emphase l'égyptologue belge Jean Capart dans l'avant-propos qu'il rédigea pour "Princes et pays d'Asie et de Nubie", ouvrage de son collègue français Georges Posener, incontestable spécialiste de l'étude des rites d'envoûtement. (Bruxelles, F.E.R.E., 1940, p.5) 

 

     Nonobstant ces grands exemples lithiques, c'est plus spécifiquement sur des figurines, neuf en tout, - comme les "Neuf Arcs" symbolisant les ennemis traditionnels de l'Égypte, étrangers qui lui sont hostiles -, que je voudrais aujourd'hui porter l'éclairage.

 

     D'environ 15 à 30 centimètres de haut, en bois, - matériau par définition putrescible, donc rarement choisi par les artistes pour ce type d'artefact -, Miroslav Verner, donc, les découvrit brisées, pour la plupart d'entre elles, sur le sol de la salle aux vingt colonnes lotiformes en bois du temple funéraire de Rêneferef, lors de sa campagne de fouilles de 1984. 

     M'est-il besoin de préciser qu'elles constituèrent indubitablement un nouvel apport d'importance à une connaissance plus aiguë des rites égyptiens de l'Ancien Empire en matière de pratiques d'envoûtement ?

 

 

Abousir---Statuettes-de-prisonniers.jpg

 

(Photo de trois de ces statuettes réalisée d'après la planche 8, p. 152, de la Revue d'Égyptologie n° 36. Voir ma référence infrapaginale : 1985 3 ) 

 

     Dans cet ensemble de neuf personnages ainsi entravés, l'égyptologue tchécoslovaque reconnut sans peine des Asiatiques, des Noirs et un Libyen. Il vous faut en effet savoir, amis visiteurs, que si, traditionnellement, la littérature égyptologique, par facilité, emploie la dénomination de Peuples du Sud et Peuples du Nord, pour caractériser ces prisonniers, les Égyptiens avaient quant à eux, dès l'origine, réparti leurs ennemis étrangers en trois groupes distincts : les Nubiens au sud, les Asiatiques au nord-est et les Libyens à l'ouest.


     Le fait que, dans pratiquement tous les cas, et quelle que fût l'époque, statues ou statuettes furent exhumées brisées a fortement intrigué les archéologues et, conséquemment, donné naissance à bien des controverses : pour certains, la mutilation était intentionnelle et procédait d'un autre rite magico-religieux perpétré par des prêtres qui, dans les temples, voulaient ainsi commémorer la victoire de la Maât sur celle d'Isefet, la victoire du Bien sur celle du Mal ; pour d'autres, ces outrages résultaient, à des époques plus tardives, de la volonté d'exorciser la peur que ces pièces suscitaient encore ; d'aucuns, enfin, avancent l'argument du simple accident, voire de dégradations dues au temps, excipant de l'indubitable constatation que beaucoup de "trésors" de l'art égyptien sont arrivés jusqu'à nous en parfois bien piètre état.

     Ceci posé, toutes ces représentations de prisonniers agenouillés et ligotés font partie d'un corpus dans lequel se côtoient tout aussi bien des exemplaires anépigraphes que d'autres portant des textes de proscription à connotation magique avérée, comprenant souvent l'énumération  nominale des souverains étrangers, celle des différentes contrées qu'ils gouvernaient et les projets malveillants qu'ils fomentaient contre l'Égypte ; sans oublier évidemment des allusions directes au serpent Apopis que j'évoquais tout à l'heure.

 

    Un dernier point que je me dois de vous signaler dans le vain espoir d'éventuellement tutoyer l'exhaustivité, c'est que, historiquement parlant, ces listes onomastiques de princes asiatiques, nubiens ou libyens, indirectement, renseignent sur l'histoire officielle de tous ces pays ou régions cités.

   

     À l'intention de ceux d'entre vous que le sujet intéresserait, j'ajouterai qu'en vous rendant en la salle 
18 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre entièrement dévolue aux dieux et à la magie, vous rencontrerez, dans la deuxième des grandes vitrines centrales, quelques-unes de ces figurines dites d'exécration (E 16492 à E 16501) et d'envoûtement (E 27204 - E 27209 et E 27691).

 

     Enfin, pour une approche tout autre d'un de ces rites car frappée au coin d'un humour particulier et empreinte d'intéressants questionnements, permettez-moi de vous conseiller la lecture de cet article d'un excellent blogueur récemment découvert :

 

http://www.louvreravioli.fr/2016/02/26/magie-rose/

   
     En 1991, après avoir dix-sept années consécutivement assumé la direction de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie, le Professeur Verner quitta son poste pour devenir Directeur des fouilles d'Abousir.

     Toutefois, une ultime découverte lors de sa dernière campagne retiendra encore notre attention. Raison pour laquelle je n'hésite pas à vous proposer - si l'aventure archéologique en ma compagnie vous agrée -, de nouvelles rencontres les semaines à venir, toujours sur le même site de cette nécropole que vous et moi commençons à présent à mieux connaître, légèrement plus au sud mais sans déjà nous rendre à l'extrémité de cette concession accordée voici un demi-siècle par le gouvernement égyptien à la Tchécoslovaquie d'alors.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

(Arnold : 1999, 65 ; Koenig : 1994, 29 ; ID. : 2001, 300-1 ; Lauer/Leclant : 1969, 55-62 ; Malek/Baines : 1981, 140-1 et 152-3 ; Onderka & alii : 2008, passim ; Posener : 1940, 5 ; et id. : 1987, 1-6 ; Verner : 1978, 155-9 ; ID. : 1985 (1), 267-80 ; ID. : 1985 (2), 281-4 ; ID. : 1985 (3), 145-52)

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23 février 2016 2 23 /02 /février /2016 00:01

 

     ... J'avoue pourtant qu'au premier aspect des Pyramides, je n'ai senti que de l'admiration. Je sais que la philosophie peut gémir ou sourire en songeant que le plus grand monument sorti de la main des hommes est un tombeau ; mais pourquoi ne voir dans la pyramide de Chéops qu'un amas de pierres et un squelette ? Ce n'est point par le sentiment de son néant que l'homme a élevé un tel sépulcre, c'est par l'instinct de son immortalité : ce sépulcre n'est point la borne qui annonce la fin d'une carrière d'un jour, c'est la borne qui marque l'entrée d'une vie sans terme ; c'est une espèce de porte éternelle bâtie sur les confins de l'éternité.

(...)

    On voudrait aujourd'hui que tous les monuments eussent une utilité physique, et l'on ne songe pas qu'il y a pour les peuples une utilité morale d'un ordre fort supérieur, vers laquelle tendaient les législations de l'antiquité.

     La vue d'un tombeau n'apprend-elle donc rien ? Si elle renseigne quelque chose, pourquoi se plaindre qu'un roi ait voulu rendre la leçon perpétuelle ?

 

 

 

François-René de CHATEAUBRIAND

Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris

 

Sixième partie : Voyage d' Égypte

(Extrait)

 

Gallica - Document électronique

 

     Ah ! Chateaubriand ! Le belle langue que voilà ! Il serait plus que souhaitable de lire ou relire ce grand littérateur.

Pour moult raisons.

Celle-ci, en particulier : aux fins de mettre à mal cette "manie" qui me hérisse à chaque fois - et elles sont nombreuses ! -, que j'entends sur les chaînes de télévision françaises où elle fait florès, - même chez François Busnel à La Grande Librairie, le jeudi soir -, maint intervenant oublier que le substantif "espèce" est du genre féminin ! Partant, qu'il n'a nulle raison, à l'instar d'un adjectif, de s'accorder avec le nom qui l'accompagne en guise de complément !

     En ces temps de réapparition de vieilles réformes émergeant d'un quart de siècle d'endormissement, quel masssacre pour notre belle langue commune qui n'a mérité "ni cet excès d'honneur ni cette indignité", que d'entendre, parmi d'autres exemples : "J'ai fait un espèce de rêve ...", atroce accord si régulièrement infligé à ce pauvre terme qui n'en peut vraiment mais !!

 

     Pardonnez-moi cette espèce de coup de sang, amis visiteurs, un parmi tant d'autres, - j'aurai probablement l'opportunité d'y revenir -, et reprenons nos déambulations au sein de l'égyptologie tchécoslovaque qui nous y invite depuis quelques semaines aux côtés de Miroslav VERNER.

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : II. L'INSTITUT ET LES FOUILLES D' ABOUSIR - 2. MIROSLAV VERNER ET RÊNEFEREF (Première Partie)

     Il est parfois malaisé quand, sur un chantier de fouilles, s'enchaînent, des années durant, tant d'importantes découvertes, de déterminer celle qui restera la plus cardinale au regard de l'Histoire, concluais-je la semaine dernière, avant de prendre congé de vous.

     En définitive, est-il bien nécessaire de poser semblable jugement hiérarchique ?


     J'avais aussi, souvenez-vous, évoqué lors de ce rendez-vous hebdomadaire, le début des recherches menées à Abousir, à une petite trentaine de kilomètres au sud-ouest du Caire actuel,

 
 
Abousir-3.jpg
 


site archéologique d'importance qu'avait reçu cette république d'Europe centrale en guise de remerciement pour avoir, dans les années soixante, activement apporté son concours à la grande épopée du sauvetage des monuments de Nubie menacés de disparaître sous les eaux du deuxième barrage d'Assouan.

     J'avais épinglé, parmi d'autres trouvailles, celle de l'imposant mastaba de Ptahshepses, beau-fils de Niouserrê, un des souverains de la Vème dynastie, ainsi que celle des archives exhumées au niveau du complexe funéraire du roi Rêneferef ; documentation administrative aussi importante que celle de Neferirkarê-Kakaï, un autre monarque de la même époque, qui avait été mise au jour à l'aube du XXème siècle par la
 Deutsche Orient-Gesellschaft, sous la direction de Ludwig Borchardt, et étudiée bien plus tard par l'égyptologue française Madame Paule Posener-Kriéger.

     En 1974 et jusqu'à 1991, Miroslav Verner prit
 donc 
la direction de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie - qui deviendra "tchèque" à partir de 1993 ! -, et, par la même occasion, celle des missions archéologiques annuelles à Abousir.

 

     Si d'inestimables découvertes se succèdent à un rythme soutenu, - je pense notamment aux pyramides de Néferirkarê-Kakaï et de son épouse la reine Khentkaous II grâce à l'utilisation nouvelle pour l'époque d'une technologie de pointe basée sur des méthodes géophysiques ;

 
 
Pyramides_Neferirkare_Khentkaous_II.jpg
 
 

mais aussi à des mastabas de nobles, dont celui de Khékéretnebty, fille du roi Djedkarê-Isési ainsi que de hauts fonctionnaires palatiaux tels le scribe Idu et son épouse Khenitet -, c'est plus précisément vers le complexe funéraire de Rêneferef, ce souverain au départ fort peu connu, que j'aimerais aujourd'hui vous emmener de manière à mettre en exergue l'apport capital des travaux qu'entreprit Miroslav Verner dans ce domaine qu'il est maintenant convenu d'appeler dans le milieu égyptologique, la "Pyramide Inachevée" : en effet, le règne de Rêneferef ne durant vraisemblablement pas plus de deux ans, la construction entamée fut très vite muée en mastaba pur et simple, comme l'attestent ci-dessous et la photographie de Kamil Vodera et la reconstitution virtuelle qui a été réalisée de cet ensemble, sur la photo que, comme la précédente d'ailleurs, j'ai exportée du site d'un certain Sebi (Neithsabes).

 
 

Vestiges complexe funéraire de Neferefrê
Restitution-complexe-funeraire-Reneferef-copie-1.jpg
 
 


     Alors que, lors des fouilles de Borchardt auxquelles je faisais ci-avant allusion, pratiquement aucun vestige de la ronde-bosse royale n'avait été exhumé dans les différents domaines funéraires des souverains de la Vème dynastie à Abousir, la mission tchécoslovaque mit au jour en  octobre et novembre 1984, précisément sur ce site de la "Pyramide Inachevée" de Rêneferef, exactement dans la partie sud-ouest de son "temple de millions d'années", une douzaine de fragments, en pierre et en bois, de statues dont six, fait exceptionnel, représentaient le monarque en personne.

 


Reneferef---Statue.jpg
        


     L'intéressant des recherches entreprises dans cette section du temple réside aussi dans l'exhumation d'une grande salle à colonnes en bois, jadis vingt, se terminant par une botte de lotus à 6 tiges : dans la mesure où ce furent dans des pièces qui lui étaient contiguës qu'il retrouva les débris des statues, Verner pensa qu'il était plus que vraisemblable que cette salle constituât l'espace privilégié dans lequel s'effectuèrent rites et cérémonies religieuses afférents au temple.

     En outre, c'est également de cette aire que provenaient quelques statuettes à destination bien particulière ...

 

     Que je vous invite à découvrir le mardi 1er mars prochain. 


 
 
 
 

BIBLIOGRAPHIE

 

Arnold : 1999, 65 ; Koenig : 1994, 29 et 2001, 300-1 ; Lauer/Leclant : 1969, 55-62 ; Malek/Baines : 1981, 140-1 et 152-3 ; Onderka & alii : 2008, passim ; Posener : 1940, 5 ; et id. : 1987, 1-6 ; Verner : 1978, 155-9 ; 1985 (1), 267-80 ; 1985 (2), 281-4 et 1985 (3), 145-52)

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