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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 00:00

 

     Au Louvre-Lens, les portes de la superbe exposition "Des animaux et des pharaons - Le règne animal dans l'Égypte ancienne" se sont hier définitivement closes. J'ai essayé, amis d'ÉgyptoMusée, d'en rendre compte à ma manière - car, malheureusement, point ne l'ai visitée -, en vous proposant un florilège d'anciens articles qui mettaient en valeur certaines des pièces provenant du Louvre.

 

     Je fus loin d'être exhaustif , vous vous en doutez et mon regret subsiste de ne pas avoir eu le temps d'en proposer plus encore à votre admiration, malgré le fait que j'aie résolu d'enfreindre ma sempiternelle habitude de ne vous fixer qu'un rendez-vous hebdomadaire, le mardi, et aie opté pour un rythme accéléré, avec un article tous les deux jours.

 

     Mais tant qu'à déroger, j'ai décidé ce matin de ME faire plaisir et, j'espère, VOUS procurer le même sentiment en vous offrant d'admirer un dernier monument qui - avis personnel, vous m'en direz par la suite ce que vous en pensez -, valait bien le déplacement vers Lens et méritera, si d'aventure l'Espagne, avant janvier 2016, vous tente, - Barcelone ou Madrid, à dire vrai ! -, ou si, l'année prochaine, vous décidez de vous rendre au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, que vous lui consacriez une attention particulière : il s'agit d'une peinture pariétale de toute beauté, bien en évidence sur la paroi du fond de la vitrine 2 de la salle 5.    

 

Salle 5 - Vitrine 2

 

     En 2010, je lui avais déjà consacré trois de nos rendez-vous qui m'avaient permis, le 23 février, d'évoquer la personnalité ainsi que le parcours professionnel de son inventeur, le Nantais Frédéric Cailliaud ; le 2 mars, de retracer les raisons de sa présence au Louvre ; et, le 9 mars, d'avoir quelque peu tenté d'instruire le "procès", toujours d'actualité, du pillage des vestiges d'anciennes civilisations au profit de grandes institutions muséales à travers le monde, voire de richissimes collectionneurs.

     Constituant originellement le centre d'une scène de chasse et de pêche dans les marais nilotiques, ce fragment de peinture pariétale sur limon stuqué, d'une longueur de 74, 5 cm pour 43 cm de haut, fut en 1822 détaché de la partie inférieure du mur du fond de la chapelle funéraire de l'hypogée 
d'un certain Néferhotep, "Directeur du Grenier" sous les règnes de Thoutmosis III et de son fils Amenhotep II. Située à Dra Abou el-Naga, au nord-est de la nécropole thébaine, cette tombe, je le souligne au passage, a malheureusement aujourd'hui totalement disparu sous les sables dans la mesure où, à l'époque, pas une seule indication n'avait été retenue quant à sa situation géographique précise.



E 13 101
 


     De sorte qu'avant que l'on redécouvre la sépulture de Neferhotep, il ne subsiste plus à nos regards admiratifs que cette représentation d'un fourré de papyrus aux ombelles vertes dessinées en éventail qui se détachent magnifiquement sur un fond pâle, alternant celles toujours en bouton avec celles qui s'ouvrent en corolles et celles, dans la partie supérieure, tellement épanouies que leurs extrémités semblent se toucher en une sorte de demi-cercle continu.

    Il eût été regrettable, vous en conviendrez, que cette scène dans laquelle, entourés de canards sauvages, hérons, et même une huppe, s'ébattent de frêles papillons ; dans laquelle aussi, sans trop se préoccuper de l'environnement piaillant, une oiselle couve paisiblement ses petits à venir ;



Couvee-E-13101.jpg

 

dans laquelle, enfin, un héron contemple sa compagne en train de nourrir sereinement leur progéniture ;
 


Heron-nourricier-E-13101.jpg


il eût été regrettable enfin, convenez-en, que cette scène disparût à jamais (?) enfouie sous les sables avec toutes les autres qui devaient vraisemblablement constituer la richesse de la "maison d'éternité" de ce haut-fonctionnaire palatial.

     Avant de vous ouvrir le chemin vers une compréhension quelque peu approfondie, il me siérait de d'abord vous donner à lire la description qu'en 1826, dans un élan relativement poétique, Cailliaud fit aux pages 292-3 du troisième tome de son Voyage à Méroé ..., de la paroi qu'il avait reproduite dans ses carnets. Le passage que j'ai délibérément choisi concerne bien évidemment le seul fourré de papyrus que nous avons ici devant nous, retiré du contexte de l'ensemble de la scène de chasse et de pêche dont il faisait manifestement partie.

     Un petit hypogée dont l'entrée venait d'être découverte, m'offrit divers sujets curieux peints à fresque 
et d'une belle conservation. J'y remarquai des scènes de chasse, de pêche, de vendange, des groupes de musiciens. J'en dessinai une partie, m'attachant toujours à prendre les sujets complets (voy. vol. II, pl. LXXV, fig. 1). Une grosse touffe de tiges de lotus, d'un dessin très-correct, sort de l'eau : elle est couverte d'oies et d'autres oiseaux aquatiques. Le peintre s'est plu à représenter ces oiseaux, les uns dans le nid et couvant leurs oeufs, d'autres donnant la becquée à leurs petits déjà éclos : des caméléons et un petit quadrupède s'approchent de ces nids ; mais leurs mères attentives accourent et les écartent à coups de bec. Au-dessus voltigent des papillons (...)



      Permettez-moi, amis visiteurs, - pour d'emblée apporter de très légers correctifs qui, certes, ne grèvent en rien les propos de Frédéric Cailliaud -, de simplement préciser qu'il ne s'agit nullement ici de lotus, mais d'un bosquet de papyrus ; que caméléons et quadrupède auxquels il fait allusion sont en réalité, respectivement, des ichneumons et une genette que, par parenthèse, la décoration de l'époque représente quasiment toujours associés dans semblable environnement palustre ; et, enfin, d'insister une fois de plus sur l'acception du terme "fresque", d'origine italienne (a fresco = dans le frais) et qui, stricto sensu, constitue un procédé totalement inconnu des Égyptiens puisqu'il n'apparut que bien plus tard en Italie.

     Les zones marécageuses telles que celle-ci, même si, suite à l'industrialisation du pays, elles ont de nos jours complètement disparu, constituaient à l'Antiquité un riche biotope présent non seulement de chaque côté du Nil, mais surtout dans la région du lac Fayoum, en Moyenne-Egypte, à l'ouest du fleuve et davantage encore dans le Delta, au nord du pays.

     Mais que représentaient-elles exactement aux yeux des Egyptiens ? Et, surtout, pour quelles raisons les inclure avec autant de récurrence dans la décoration des tombeaux dès l'aube de la civilisation pharaonique et jusqu'à ce véritable acmé de l'esthétisme atteint au Nouvel Empire, et plus particulièrement encore, je l'ai si souvent souligné, à l'époque du troisième souverain Amenhotep, dans tant de sublimes hypogées comme ceux de Nakht (TT 52), de Menna (TT 69), de Rekhmirê (TT 100), de Nebamon (TT ?), d'Ouserhat (TT 56) ... et bien d'autres encore ?

     C'est avec cette importante question qui, inévitablement, nous conduira  droit à envisager les symboles mythologico-religieux que véhicule 
ce topos iconographique de l'art funéraire présent dès les premiers instants de la civilisation pharaonique que sont ces végétaux nilotiques bruissant de vie, que je souhaiterais terminer notre présent entretien.

 


E 13 101


     Nous nous trouvons donc ici, je le rappelle, dans l'environnement très spécifique des zones palustres égyptiennes. Il faut d'emblée comprendre que, dans la mythologie liée à la création du monde, les marécages symbolisaient l'image sublimée des origines, le Noun, cette eau préexistante grosse de toutes les formes de vie futures, en ce compris le démiurge lui-même. À partir de cette masse liquide primordiale et inorganisée serait née la civilisation : de ce véritable athanor purent sourdre absolument tous les éléments de la création.

     Ces marais grouillaient tout à la fois d'animaux dangereux et malfaisants - l'hippopotame mâle et le crocodile en étant les deux principaux acteurs, comme nous l'avons vu samedi 7 mars dernier,
 mais aussi d'autres, parfaitement inoffensifs : dans les premiers, les Égyptiens voulurent voir la métaphore patente des puissances négatives originelles, d'où la nécéssité obvie de les éliminer qu'illustre à souhait les scènes de chasse et de pêche très souvent représentées de part et d'autre de ce fourré de papyrus.
 
     Mais, vous vous en doutez amis visiteurs, si vous me  lisez régulièrement, cette végétation luxuriante ne constituait pas qu'un simple élément esthétique des chapelles funéraires - l'art égyptien n'eut d'ailleurs jamais de finalité purement et gratuitement décorative - : non, elle matérialisait en fait un monde en devenir dans lequel s'affrontaient de multiples forces.

     Il vous faut en outre savoir - la présence de semblables fourrés de papyrus dans une tombe n'étant évidemment pas le fruit d'une dilection toute personnelle d'un artiste plus particulièrement porté à dessiner végétaux et animaux aquatiques -, que c'est précisément dans cet espace-là que tout défunt, désirant s'assurer une survie idéale, se portera protagoniste de sa renaissance, se voudra le seul à régler son propre devenir post-mortem.

     De sorte qu'il est absolument nécessaire à notre compréhension de maintenant considérer le sujet de ce fragment de peinture non plus en tant qu'élément esseulé, mais comme s'intégrant dans un ensemble pariétal précis. En effet, si parfois ces plantes servirent de toile de fond aux scènes cynégétiques, elles furent bien plus souvent comme ici représentées au centre même d'une composition antithétique dans laquelle étaient affrontées la scène de chasse au bâton de jet et celle de pêche au harpon.

Cailliaud - Tombe Néferhotep-1


     L'on pourrait presque comparer ce haut fourré végétal à un miroir sans tain de chaque côté duquel s'animerait la même image du défunt, occupé à une tâche toutefois physiquement différente mais - et c'est sur ce point que je voudrais insister -, symboliquement identique :  se donner les moyens de garantir sa propre régénération, espérée, attendue, nécessaire ...

     Il vous faut aussi être conscients que ces immenses bouquets de papyrus, même s'ils étaient susceptibles de se développer en plusieurs endroits des rives du Nil, faisaient essentiellement référence aux zones les plus  marécageuses du Delta qui, sur le plan métaphorique à nouveau, évoquaient les régions chtoniennes, - entendez par là le monde souterrain -, par définition privées de lumière solaire et dans lesquelles immédiatement après son trépas se mouvait tout impétrant à une vie future ; privées de luminosité donc, et surtout balisées d'obstacles à obligatoirement écarter.  

     Mais ces plantes à l'ombelle constituée d'une profusion de souples fibres verdâtres représentaient également une sorte d'allégorie de la fraîcheur, de la verdeur physique, partant, de la jeunesse éternelle ; cette jeunesse précisément recherchée par le défunt. De sorte que, conséquemment, leur présence dans cette scène ne pouvait qu'inévitablement, par la magie de l'image, assurer au propriétaire de la tombe son propre devenir dans l'Au-delà.
   
     J'observe et j'aime assez d'ailleurs qu'au sein de la langue française, ces deux termes, - image et magie -, forment une parfaite anagramme : hasard lexicographique heureux, ils constituent comme un crédo, une sorte de carte de visite de l'art égyptien pour lequel une représentation n'est pas une fin en soi mais un moyen, qu'il soit d'initiation, d'envoûtement, de défense, voire de guérison ...

     Ainsi ne devons-nous jamais perdre de vue que l'image égyptienne est utilitaire : incorporant tout être à la hiérarchie cosmique, elle se veut donc instrument de survie.
    

     Mais revenons un dernier instant à notre végétation palustre : v
ous imaginez bien, amis visiteurs, que telle qu'ici stylisée, si remarquablement arrondie en son sommet, jamais elle ne se présentait dans la Nature : les tiges, aussi figées, aussi statiques, tellement droites, tellement bien rangées côte à côte, ne pouvaient qu'être agitées par le vent. Et se balançant, se frottant immanquablement les unes contre les autres, elles développaient un certain bruissement qui, semble-t-il, suggérait les sons émis par un sistre, l'instrument de musique que traditionnellement jouait la déesse Hathor, - dont, soit dit en passant, le fourré de papyrus métaphorise le royaume ; Hathor, symbole de charme, de grâce et de séduction féminine, partant, personnification de l'Amour, cet amour absolument nécessaire à tout défunt pour accomplir son obligatoire régénération d'après trépas.


     La connotation sexuelle est donc ici flagrante ... comme est l'est, j'ai déjà aussi eu l'opportunité de le souligner, dans les scènes de chasse et de pêche !

 

    D'où la récurrence de semblables représentatoins dans les tombes des membres égyptiens des classes sociales privilégiées. 
 

 
 
 

    Chers amis visiteurs : ceci constituait, vous l'aurez compris, l'ultime article dédié à l'exposition du Louvre-Lens, avant de rentrer, mardi 17 mars prochain, au Département des Antiquités égyptiennes du Louvre parisien.

 

    M'y accompagnerez-vous ?

     Impatiemment, peut-être, vous l'attendiez, l'espériez, le guettiez, le trouviez long à venir ...

     Aujourd'hui, il est me semble-t-il temps d'envisager de répondre partiellement à votre attente : après trois interventions préalables qui m'ont permis, le 23 février dernier, d'évoquer la personnalité ainsi que le parcours professionnel de Frédéric Cailliaud ; le 2 mars, de retracer l'origine de la présence dans cette salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre d'une superbe peinture pariétale ; et, mardi dernier, d'avoir quelque peu tenté d'instruire le "procès", toujours d'actualité, du pillage des anciennes civilisations au profit de grandes institutions muséales à travers le monde, voire de
 richissimes collectionneurs, le voici enfin, toujours bien en évidence sur la paroi du fond de la vitrine 2 devant laquelle nous devisons vous et moi, amis lecteurs, depuis quelques semaines.

Salle 5 - Vitrine 2

     Constituant originellement le centre d'une scène de chasse et de pêche dans les marais nilotiques, ce fragment de peinture sur limon stuqué, d'une longueur de 74, 5 cm pour 43 cm de haut, fut détaché, souvenez-vous, en 1822, sinon personnellement, à tout le moins par quelqu'un exécutant l'ordre de Frédéric Cailliaud, de  la partie inférieure du mur du fond de la chapelle funéraire de l'hypogée situé à Dra Abou el-Naga, au nord-est de la nécropole thébaine, d'un certain Néferhotep, "Directeur du Grenier" sous les règnes de Thoutmosis III et de son fils Amenhotep II. Tombe qui, je le souligne derechef, a malheureusement aujourd'hui totalement disparu sous les sables dans la mesure où, à l'époque, pas une seule indication n'avait été notée quant à sa situation géographique précise.

E 13 101

    Et notre fourré aux ombelles vertes dessinées en éventail, magnifiquement mises en évidence grâce au fond pâle sur lequel elles se détachent, alternant celles qui sont en bouton avec celles qui s'ouvrent en corolles et celles, dans la partie supérieure, tellement épanouies que leurs extrémités semblent se toucher en une sorte de demi-cercle continu, en fit partie, pour notre actuel plus grand bonheur esthétique ... au-delà du geste répréhensible, évidemment.

    Il eût été regrettable, vous en conviendrez, que cette scène dans laquelle,  entourés de canards sauvages, hérons, et même une huppe, s'ébattent de frêles papillons ; dans laquelle aussi sans trop se préoccuper de l'environnement piaillant, une oiselle couve paisiblement ses petits à venir ;

Couvee-E-13101.jpg


dans laquelle, enfin, un héron contemple son congénère en train de nourrir sereinement leur progéniture,

Heron-nourricier-E-13101.jpg
que cette scène, donc, disparût à jamais enfouie sous les sables avec toutes les autres qui devaient vraisemblablement constituer la richesse de la "maison d'éternité" de ce haut-fonctionnaire palatial.


     Oserais-je, dans ce cas bien précis, regretter que Frédéric Caillaud n'en détachât point davantage ?

     Non, assurément pas ! Car, en archéologie, tout est toujours possible : ainsi il ne serait nullement impensable que
 le tombeau de Neferhotep soit un jour ou l'autre remis au jour ... à l'instar de la tombe que le général Horemheb, non encore pharaonisé, se fit aménager dans le cimetière du Nouvel Empire, à Saqqarah, pillée au XIXème siècle de manière à approvisionner en superbes fragments les musées de Leyde, de Francfort-am-Main, de Bologne, mais aussi le British Museum et le Louvre ; abandonnée ensuite, réensablée, oubliée pour en définitive être "redécouverte" par  une expédition conjointe de l'Egypt Exploration Society (Grande-Bretagne) et du Musée National des Antiquités de Leyde (Pays-Bas), sous la houlette de Geoffrey T. Martin, de l'University College de Londres vers 1975 ;
ou de celle
 d'un certain Amenhotep, haut fonctionnaire sous Thoumosis III, dans la nécropole thébaine, à Cheikh Abd el-Gourna, il y a de cela un an maintenant, par  une équipe  du Centre de Recherches archéologiques (CReA) de l'Université libre de Bruxelles (U.L.B.) avec, à sa tête, l'archéologue belge Laurent Bavay : là aussi, le temps avait réensablé le monument mis au jour en 1882 par l'égyptologue suédois Karl Pieh.

     Attendons donc ... Et peut-être que bientôt, notre patience sera enfin récompensée !

     Mais pour l'heure, comme promis, considérons avec admiration le fragment du Louvre pour lequel j
'ai jugé bon, dans un premier temps et avant de vous donner les clés pour une compréhension quelque peu approfondie, de vous proposer la lecture de la description qu'en 1826, dans un élan relativement poétique, fit Cailliaud aux pages 292-3 du troisième tome de son Voyage à Méroé ..., de la paroi qu'il avait reproduite dans ses carnets. Le passage que j'ai délibérément choisi concerne bien évidemment le seul fourré de papyrus que nous avons ici devant nous, retiré du contexte de l'ensemble de la scène de chasse et de pêche sur laquelle je ne manquerai pas de vous entretenir ... dès ce prochain mardi.


     Un petit hypogée dont l'entrée venait d'être découverte, m'offrit divers sujets curieux peints à fresque et d'une belle conservation. J'y remarquai des scènes de chasse, de pêche, de vendange, des groupes de musiciens. J'en dessinai une partie, m'attachant toujours à prendre les sujets complets (voy. vol. II, pl. LXXV, fig. 1). Une grosse touffe de tiges de lotus, d'un dessin très-correct, sort de l'eau : elle est couverte d'oies et d'autres oiseaux aquatiques. Le peintre s'est plu à représenter ces oiseaux, les uns dans le nid et couvant leurs oeufs, d'autres donnant la becquée à leurs petits déjà éclos : des caméléons et un petit quadrupède s'approchent de ces nids ; mais leurs mères attentives accourent et les écartent à coups de bec. Au-dessus voltigent des papillons (...)


      Permettez-moi, amis lecteurs, - et pour d'emblée apporter un très léger correctif qui, certes, ne grève en rien les propos de Frédéric Cailliaud -, de simplement préciser qu'il ne s'agit nullement ici de lotus, mais d'un bosquet de papyrus ; et que caméléons et quadrupède auxquels il fait allusion sont en réalité, d'après mes sources, respectivement, des ichneumons et une genette que, par parenthèses, la décoration de l'époque représente quasiment toujours associés dans semblable environnement palustre.

     Les zones marécageuses, vous vous en doutez, même si, suite à l'industrialisation du pays, elles ont  de nos jours complètement disparu, constituaient à l'Antiquité un riche biotope présent non seulement de chaque côté du Nil, mais surtout dans la région du lac Fayoum, en Moyenne-Egypte, à l'ouest du fleuve et davantage encore dans le Delta, au nord du pays.

     Mais que représentaient-elles exactement aux yeux des Egyptiens ? Et, surtout, pour quelles raisons les inclure avec autant de récurrences dans la décoration des tombeaux dès l'aube de la civilisation pharaonique et jusqu'à ce véritable acmé de l'esthétisme atteint au Nouvel Empire, et plus particulièrement encore, je l'ai si souvent souligné, à l'époque du troisième souverain Amenhotep, dans tant de sublimes hypogées comme ceux de Nakht (TT 52), de Menna (TT 69), de Rekhmirê (TT 100), de Nebamon (TT ?), d'Ouserhat (TT 56) ... et d'autres et d'autres qu'il serait fastidieux d'énumérer ?

     C'est à cette importante question qui, inévitablement, nous conduira  droit à envisager les symboles mythologico-religieux que véhiculent ces représentations que je tenterai de répondre, mardi prochain, amis lecteurs, si d'aventure vous conservez le désir de me suivre dans l'humidité moite des fourrés de papyrus nilotiques.

     Chaussez vos bottes ... 
 


(Keimer : 1940, 49-50 ; Germond : 2001, 98-100 ; Ziegler : 1982, 352)
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commentaires

C
Cette fresque m'a fait rêver à bien des choses : tout d'abord à une Egypte "verte" et luxuriante, puis à ce Frédéric Cailliaud parti si loin découvrir des merveilles, et condamné aujourd'hui à Nantes à errer dans la petite rue étroite et bordée de murs, entre jardin et cimetière, qui porte son nom.
Répondre
R
A-t-il, comme Barbara, une statue dans la ville ?<br /> Ceci posé, il offrit certaines des pièces qu'il ramena d'Égypte au musée Dobrée.<br /> Certes, il est en réfection je pense, mais avant, y faisait-on honneur à sa donation ?<br /> Vos propos, Carole, me semblent très durs à l'égard le la ville le concernant ...<br /> Y a-t-il une raison à cet "ostracisme" du souvenir ?
C
C'est une merveille de beauté! Même si le but n'était pas l'esthétique décorative mais l'utilitaire, l'un n'empêchant pas l'autre, bien au contraire, ces deux fonctions réunies rendent cette peinture pariétale parfaite.<br /> <br /> Je note la référence: Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, paroi du fond de la vitrine 2 de la salle 5 pour une future visite à Paris.<br /> <br /> Tu as parfaitement bien rendu compte de l'expo, à tel point qu'on jurerait que tu y étais!
Répondre
R
Merci Christiana pour ces propos d'extrême gentillesse.<br /> <br /> Mais je n'ai fait qu'exhumer d'anciennes interventions publiées sur mon blog, - soit intégralement, soit en les amendant -, et dédiées à certaines des pièces du Louvre que je savais exposées à Lens. <br /> Rien de plus ...<br /> <br /> Ce n'est pas vraiment grand mérite !

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