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21 novembre 2009 6 21 /11 /novembre /2009 00:00

     Dans le deuxième volet de ce qui constituera une trilogie consacrée à Josefov, le quartier juif qui se déploie de part et d'autre de Parizska, l'Avenue de Paris, depuis la Place de la Vieille Ville de Staré Mesto jusqu'au méandre de la Vltava, la rivière qui traverse toute la ville, je vous avais invité, ami lecteur, à me suivre dans le classique circuit des synagogues.

     Aujourd'hui, j'aimerais vous convier à une déambulation dans un endroit extrêmement particulier, coincé d'ailleurs entre la Salle des Cérémonies et les synagogues Klausen et Pinkas évoquées samedi dernier : le vieux cimetière juif, aménagé là dans le courant de la première moitié du XVème siècle.




     Surabondamment exploité, cet espace constitua, trois siècles durant, l'ultime rendez-vous de tous les Juifs de Prague : des milliers et des milliers de stèles se sont en effet accumulées depuis qu'en 1439, la tombe du rabbin et poète religieux Avigdor Kara y fut creusée et jusqu'en 1787, date de la toute dernière inhumation.

     L'exiguïté du lieu contraignit à plusieurs reprises les autorités à recouvrir de terre certaines parties du cimetière de manière à récupérer de la place. Selon les historiens,
quelque 12 000 tombes seraient recensées, mais il est incontestable qu'il y a bien plus d'inhumés sur la douzaine de niveaux ainsi superposés les uns sur les autres.

     Rassurez-vous, ami lecteur, aucun cataclysme naturel, aucune profanation humaine ne sont à l'origine de cet amoncellement pour le moins cahotique : mais c'
est précisément  la superposition des couches de sépultures et l'obligation, très souvent, de relever les pierres les plus anciennes qui donnent à cette Troie tchèque un aspect absolument unique.


     Les évoquer toutes serait évidemment fastidieux, voire complètement impossible. Nonobstant, le long du mur ouest, un monument funéraire parmi d'autres attire immanquablement les touristes les plus avertis : il s'agit de la tombe de Rabbi Löw.




     Décédé en 1609, le rabbin Juda Liva ben Betsalel fut apparemment un des grands érudits de son temps : théologien philosophe, astronome, fondateur d'une école talmudique et grand pédagogue, il est par ailleurs réputé pour avoir créé le Golem. Les pouvoirs surnaturels prêtés à
Rabbi Löw seraient en fait à l'origine de la création de cet être artificiel qu'il aurait modelé avec l'argile prélevée dans la Vltava et auquel il donnait vie en déposant dans sa bouche une petite pierre sur laquelle était gravée une formule magique rédigée en hébreu.

     Je vous fais grâce des différentes variantes du corps même de la légende pour arriver tout de suite à sa fin : le Golem devient fou et son Pygmalion se voit contraint de le cacher. Ce sera dans les combles de la synagogue Vieille-Nouvelle où, de nos jours encore, il y résiderait ...

     L'histoire de cet humanoïde, vous vous en doutez, inspira les Lettres  - (on doit ainsi à un ancien prix Nobel de littérature, l'écrivain yiddish Isaac Bashevis Singer,
une version moderne de la légende) -, le théâtre, l'opéra, mais aussi le cinéma,  de Walt Disney à Quentin Tarentino, sans oublier, il faut bien évoluer avec son temps, des jeux vidéos pour enfants (?), notamment dans la série des "Pokemon" !

     Mais revenons au vieux cimetière juif, si vous le voulez bien, aux historiens de la judaïté et plus spécifiquement aux épigraphistes qui s'y sont intéressés. Les pierres tombales, en effet, présentent là cette particularité, en plus d'évidemment indiquer le nom du défunt et la date de sa mort, de fournir celle de son enterrement, ainsi que le nom de son père. Elles sont en outre gravées de symboles en relation avec la famille, la profession, voire le statut social de la personne décédée : ce seront une paire de ciseaux pour les tailleurs, un couteau pour les bouchers, des mains bénissant pour la famille Cohen, un ours pour les Braun, un poisson pour les Fisher ... ou un lion au sommet du monument funéraire de Rabbi Löw.



     De plus, il s'avère que les stèles attribuées à des femmes sont plus intimement détaillées encore :  par exemple, si un personnage féminin seul figure sur la pierre, cela signifie que la défunte était vierge; et si sa main gauche est levée, qu'elle était fiancée ...

     Un dernier point, caractéristique, avant de quitter définitivement ce cimetière et Josefov par la même occasion :  j'avais remarqué que sur beaucoup de pierres tombales ainsi que dans les interstices de certains monuments funéraires étaient soit déposés des petits cailloux, soit insérés des morceaux de papier. Jeux d'enfants ? Parcours fléché à l'usage de modernes "Petit Poucet" ?




     Assurément pas ! Renseignements pris, le dépôt de petites pierres correspondrait, pour le défunt, à une marque de respect de la part des visiteurs qui viennent se recueillir sur sa tombe; et les papiers pliés renfermeraient un voeu.

     Autres lieux, autres moeurs ...
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commentaires

C
C'était encore une très intéressante promenade chez les disparus. Pour le Golem, j'aurais pensé à Meyrink - mais je ne sais pas si le livre est encore disponible.
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R
<br /> <br />      "Enquête" menée : l'ouvrage de Meyrink, publié en collection de poche chez Garnier Flammarion est toujours disponible pour moins de 10 €<br /> chez Amazon.<br /> <br /> <br /> Ou, sur le Net, gratuitement téléchargeable ici<br /> :<br /> <br /> <br /> http://beq.ebooksgratuits.com/classiques/Meyrink-Golem.pdf<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Je suis particulièrement sensible à la symbolique que tu évoques quant aux métiers des défunts ou à la situation, si l'on peut dire, des femmes enterrées là. Sais-tu si les cimetières juifs<br /> actuels, qu'ils soient à Prague ou ailleurs, comportent encore de telles indications ? Je n'en ai jamais visité et cela m'intrigue beaucoup...<br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> C'était mon "premier Prague", mes premières synagogues et mon premier (et seul jusqu'à présent) cimetière juif visités : je ne puis donc te répondre en ayant<br /> personnellement vérifié quoi que ce soit dans d'autres lieux semblables.<br /> Ceci étant, si j'en crois le site suivant  :<br /> <br /> http://catholique-nanterre.cef.fr/faq/obseques_interreligieux_juif_video_image.htm#CARACTÉRISTIQUES%20CIMETIÈRES%20JUIFS <br /> qui me paraît crédible, très complet et qui corrobore parfaitement les quelques "maigres" indications que j'ai<br /> avancées dans mon article grâce au petit guide de poche que nous avions emporté avec nous, ce que j'ai expliqué constitue une coutume attachée aux cimetières israélites en général.<br /> <br /> C'est ce que semble aussi expliquer cet autre site, dont la première partie fait allusion à des travaux de recherches généalogiques à partir des cimetières juifs de Rosenwiller, près de<br /> Strasbourg, de Lunéville et d'autres en Moselle. <br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Richard, merci pour cette superbe balade à Prague !<br /> De samedi en samedi, j'ai découvert certains lieux non vus lors de mon trop bref séjour... et j'en ai revu d'autres avec beaucoup de plaisir.<br /> <br /> A propos du Golem, il a aussi inspiré Oleffe et Granson pour la première aventure de Carland Cross, héros de BD.<br /> Et la seconde aventure de ce héros s'intitule "Le dossier Carnavon"...<br /> Comme quoi, de Prague à l'Egypte, nous sommes plusieurs à voyager sur les mêmes chemins ;-)<br /> <br /> <br />
Répondre
R
<br /> <br />      Je suis heureux chère N@n, que ces quelques pérégrinations pragoises te rappellent de bons souvenirs et te donnent le regret d'un trop court<br /> séjour : j'ose ainsi penser que, à ma modeste mesure, je pourrais contribuer à ce qu'un jour tu envisages - comme nous escomptons le faire, mon épouse et moi -, d'y retourner.<br /> <br />      Pour notre part, nous aimerions voir la ville sous la neige, éventuellement lors du marché de Noël que l'on dit superbe : cela entraînerait aussi une visite de quelques<br /> musées - que nous avons délibérément boudés tellement le temps nous fut clément en août dernier ; et que l'on ne peut matériellement tout visiter en une semaine tellement Prague est riche en<br /> découvertes !<br /> <br />      Tu l'auras compris, ce nouveau séjour dans la capitale tchèque serait aussi prétexte à déambuler dans Naprstek Museum où sont notamment exposées les collections d'objets<br /> égyptiens - beaucoup provenant de Deir el-Medineh - légués par de grands égyptologues tchécoslovaques dont le moindre ne fut pas Jaroslav Cerny. Mais peut-être que toi, tu y es allée ?<br /> <br />      Ceci étant, il est dans mes intentions, la visite virtuelle de Prague ici terminée, de doucement entraîner mes lecteurs vers ces grands archéologues et chercheurs qui ont tant<br /> apporté, scientifiquement parlant, à "notre" discipline : les quelques premiers samedis de 2010 s'annoncent donc sous la riche étoile de l'égyptologie tchèque !   <br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Passer la porte d’un cimetière inconnu, ne fût-ce qu’un court instant, est toujours un moment étrange. S’y attarder devient intéressant. Découvrir celui de Prague, sous ta plume, est<br /> passionnant.<br /> <br /> Je suis interpellé par tes quelques phrases à propos de ces petits papiers insérés dans les interstices des pierres tombales. En fait, ils répondent au joli nom de « Tzeteln » (un mot que je<br /> connais très bien car il est fréquemment employé dans les dialectes du Tyrol autrichien : son origine est sans doute à rechercher dans la communauté juive qui comptait - rien qu’à Vienne - 200 000<br /> membres dans les années trente, avant son extermination).<br /> <br /> J’ai rangé il y a quelques semaines dans un dossier « photos à dessiner » une image étonnante de tels Tzeteln, glissés par centaines dans les creux du Kotel (le Mur des Lamentations de Jérusalem) :<br /> on y transcrit une requête, une prière (pour la guérison d’un malade, la recherche d’une âme sœur ou d’un soutien pour surmonter une difficulté personnelle, etc.). Une telle démarche peut se faire<br /> ailleurs sur la terre, dans un cimetière par exemple, mais déposée au Kotel, la prière suit le chemin le plus court pour être entendue à l’oreille de Dieu : Sa présence y est effectivement située<br /> avec certitude, selon les Juifs, et Elle ne la quittera jamais.<br /> <br /> <br />
Répondre
R
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />       Grand merci à toi pour ce très intéressant commentaire : n'étant absolument pas connaisseur de la culture et des traditions<br /> juives,  - ce que j'ai découvert dans Josefov représente déjà  pour moi un grand pas en avant -, tes précisions viennent parfaitement en contrepoint de cet article pour y apporter<br /> la note lexicologique qui ne peut que me plaire ...<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />

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