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15 janvier 2013 2 15 /01 /janvier /2013 00:00

 

      Rencontrer cet homme aura été un grand bonheur.

Le suivre aurait été mauvais, ne jamais l'abandonner sera bien.

 


 

Albert  CAMUS

Carnets II,

Janvier 1942-mars 1951,


Paris,Gallimard, 1964,

p. 277

 

 

 

 

     Il n'est nullement rare, au hasard de la consultation d'un annuaire téléphonique, de croiser une personne qui porte exactement les mêmes nom et prénom que soi : ainsi pour prendre un exemple très simple, je connais personnellement un autre Richard Lejeune habitant de surcroît dans un périmètre très proche, alors que nous n'avons ensemble absolument aucun lien de parenté, tout au plus une certaine dilection à choisir des premiers crus de Bourgogne à toute autre ambroisie.

 

     Conscients que de semblables cas d'homonymie existaient déjà dans l'Égypte antique, vous ne serez nullement étonnés, amis visiteurs, de croiser, lors d'une lecture au coin du feu ou d'une déambulation dans un musée, deux personnages ayant vécu pratiquement à la même époque, ayant connu une carrière tout à fait distincte et arborant le même patronyme, qu'ils soient ou non issus d'une même lignée.

 

     Pour ce qui concerne Metchetchi que jamais j'espère vous n'oublierez, que jamais vous n'abandonnerez - donnant ainsi plein crédit à l'incipit choisi pour vous ce matin et reprenant une assertion d'Albert Camus évoquant Jean Grenier, ce Professeur de philosophie qui tant lui apprit, comme tant nous apprit notre Égyptien -, je puis préciser tout de go qu'en ce Département des Antiquités du Musée du Louvre où, avec bonheur, nous nous retrouvons ce matin après les vacances d'hiver, vous ne rencontrerez personne portant ce nom.

 

     En revanche, vous ne devrez pas être surpris de lire à plusieurs reprises celui d'un certain Tepemânkh : à l'étage, dans la Galerie d'étude n° 2 de la salle 22 dédiée à l'Ancien Empire et, ici, dans la vitrine 5 enchâssée dans un haut mur préfabriqué qui sépare en deux la présente salle 5.   

 

 

Salle-5---Vitrines-9-et-5.jpg 

 

      Souvenez-vous, l'autre pan renferme la vitrine 2

 


Vitrines 2 - 3 et 4-copie-1

 

 

dans laquelle, le 16 mars 2010, nous avions notamment découvert, parmi des ustensiles de chasse et de pêche, un superbe bas-relief polychrome rapporté au XIXème siècle par le Nantais Frédéric Cailliaud et auquel, les semaines qui suivirent, j'avais consacré quelques-unes de nos rencontres.

 

     Au passage, n'hésitez pas à subrepticement jeter un coup d'oeil attendri sur la paroi du fond, à quelques-uns des fragments du mastaba de Metchetchi ...

Ce Metchetchi qui avait lui aussi souhaité, à l'instar de Tepemânkh et de bien d'autres défunts de ces époques lointaines, que figurât dans son mastaba ce que les égyptologues sont convenus d'appeler le "menu" ou la "pancarte".

 

     C'est précisément de ce type de scène que je voudrais vous entretenir les prochains mardis, certains lecteurs perspicaces se sont déjà complu à m'en toucher un mot. Mais pour l'heure, j'aimerais avec vous envisager de faire connaissance avec notre nouveau mentor aux fins de les replacer, lui et son bloc de calcaire, dans leur contexte historique.

 

     Si un des deux fragments concernant un Tepemânkh exposés dans la Galerie d'étude n° 2 de la salle 22 que je mentionnai à l'instant provient du mastaba D 11 mis au jour à Saqqarah par l'égyptologue français Auguste Mariette, l'autre, E 11161, sur lequel il est représenté assis en compagnie de son épouse Aoutib, prêtresse d'Hathor, bienheureuse, qu'il aime,


 

 

01.-Tepemankh-et-Aoutib---Louvre-E-11161--Cliche--SAS-.JPG

 

 

ainsi que celui ici devant nous, E 25408,

 

 

E 25408 - C. Larrieu

 

 

appartiennent à un autre Tepemânkh ayant quant à lui vécu à la fin de la Vème dynastie et au tout début de la VIème et dont la sépulture, D 20, fut exhumée par l'égyptologue allemand Georg Steindorff, dans le cimetière ouest de Guizeh entre 1903 et 1907.

 

     Professionnellement parlant, cet homme exerça les mêmes activités que Metchetchi, c'est à tout le moins ce qu'indiquent les quelques hiéroglyphes gravés devant sa table d'offrandes :

 

 

Tepemankh---Fonction-et-nom--C.-Larrieu-.jpg

 

 

à partir de la deuxième des quatre petites colonnes encore partiellement lisibles, en commençant par la droite, nous apprenons en effet qu'il fut Directeur du bureau des Khentyou-she du Palais : entendez qu'il dirigea ceux des fonctionnaires palatins qui avaient en charge la protection du roi, sa toilette, sa garde-robe, ses loisirs musicaux, l'approvisionnement de ses repas et, surtout, qui effectuaient un certain nombre de tâches administratives, comme par exemple celles de gardien du sceau du palais et de chef des documents relatifs au domaine royal.


      Les trois derniers hiéroglyphes (une tête, une chouette et le signe de vie), à l'extrême gauche, énoncent son patronyme : Tep-em-ânkh.


   

     Cela posé, si vous vous référez aux six colonnes du texte également gravé en léger bas-relief au-dessus du fragment (E 11161) que j'ai cité voici un instant, 


 

03.-E-11161---Six-colonnes-de-hieroglyphes---Cliche--SAS.jpg

 

 

vous constaterez que ce même Tepemânkh était aussi un Aimé du roi, Prêtre-pur du roi et Directeur des autorisations royales pour les deux carrières (appartenant au Palais).

 

     Les deux monuments lithiques mentionnent en outre que ce couple, - nous aurons l'occasion d'y revenir le mois prochain -, eut notamment quatre fils : Qaptah, Khénouka, Kaenitef, chanteur du Palais et Tepemânkh, le puîné, dont il est précisé qu'il faisait partie du personnel des Khentyou-she du Palais dirigé par son père. 


 

 

     Sur chacun de ces blocs de calcaire, que ce soit en présence de leurs parents comme sur E 11161 de la salle 22 ou de Tepemânkh seul sur E 25408 au centre de la vitrine 5, les quatre fils participent au rituel funéraire stipulant qu'ils se doivent d'apporter des offrandes au(x) défunt(s), scène que vous connaissez désormais mais qui, sur le second d'entre eux, présente la particularité de proposer, gravée en bas-relief - et non plus peinte comme chez Metchetchi -, la nomenclature du menu qui comporte les nombreuses victuailles dont il est nécessaire aux yeux des Égyptiens de l'époque de disposer dans sa seconde vie.

Éternellement ...

 

     C'est précisément à la découverte de sa longue liste d' "agapes" que Tepemânkh nous convie, amis visiteurs, ici même en salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, les mardis 22 et 29 janvier : il sera notre amphitryon, nous serons ses commensaux. 

 

 

 

(Ziegler : 1990, 253-61)

 

 

(Immense merci à vous, SAS, conceptrice du blog Louvreboîte, d'avoir accepté cette fois encore de vous rendre à la Salle 22 de l'étage ci-dessus pour effectuer à ma demande trois des clichés du fragment E 11161 de Tepemânkh et de sa famille ici proposés.) 

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commentaires

A
Très bon post comme d’habitude. Poursuivez comme cela c’est un grand plaisir de vous lire.
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R
Merci à vous pour ces propos laudatifs.<br /> Puis-je me permettre deux questions : <br /> 1. Qui êtes-vous exactement ?<br /> 2. Et pourquoi m'adresser en mai 2015 des encouragements après sur un article de janvier 2013 ?
C
Je me réjouis de commencer l'année en compagnie de ce personnage. C'est une nouvelle aventure dont les détails seront, à n'en pas douter, passionnants.<br /> J'aime remonter le temps et je ne peux m'empêcher de songer à ces personnes qui ont vécu il y a si longtemps. Seraient-elles ravies de constater que nous étudions différents aspects de leur<br /> existence? J'aime à le penser.<br /> <br /> Préparons-nous donc à festoyer!<br /> <br /> Excellente journée<br /> <br /> Cendrine
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R
<br /> <br />      Tepemânkh semble avoir lui aussi beaucoup à nous dire, Cendrine. Mais Metchetchi, ne l'oublions jamais, est passé avant lui qui a déjà<br /> grandement débroussaillé le terrain !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />      De sorte que nos rencontres avec son épigone n'auront certes pas la même ampleur dans le temps mais, à tout le moins je l'espère,<br /> pourront-elles permettre à bon nombre de visiteurs de découvrir d'autres aspects de cette inépuisable civilisation des rives du Nil antique.  <br /> <br /> <br /> <br />
J
c'est tout à fait vrai..... très bonne journée:ici beaucoup de neige sur tous les massifs<br /> A bientôt<br /> JA
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R
<br /> <br />      Merci. Bonne journée également, Jocelyne.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />      La neige chez nous aussi, partout dans nos rues ...<br /> <br /> <br /> <br />
J
impatiente donc de connaitre les nombreuses victuailles du menu.....on aura surement des surprises....<br /> a bientôt,<br /> JA
Répondre
R
<br /> <br />       Je comprends votre impatience, Jocelyne : tout le monde aime les surprises ! Mais tout dépendra de ce que ce terme évoque pour chacun<br /> de nous ...<br /> <br /> <br /> <br />
C
Bien sûr, faites comme chez vous :-)
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R
<br /> <br />      Parfait. Merci.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Il est bien agréable de rencontrer ici le nom de "notre" Frédéric Cailliaud de Nantes. Il faudra qu'un jour je vous envoie sa "photo" - celle de son buste du Muséum plus exactement - que j'ai dans<br /> mes archives.<br /> Bonne soirée à vous.
Répondre
R
<br /> <br />      Je crois me souvenir que nous avions déjà vous et moi, à l'époque de la parution de ces articles ou peu après, je ne sais plus, échangé<br /> quelques propos au sujet de Cailliaud, non ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />      Merci d'effectivement penser à me faire parvenir un cliché de son buste ... A votre meilleure convenance.<br /> <br /> <br /> <br />
C
J'ai reçu une notification par mail et j'ai cliqué dessus, croyant que cela se rapportait à votre dernier article. Toujours sans lire, j'ai vu mon commentaire et la date, je ne comprenais plus mais<br /> tout est de ma faute, je suis trop distraite!
Répondre
R
<br /> <br />      Non, ce n'est certainement pas de votre faute, Christiana : cette notification émanant d'Overblog constitue encore une "erreur" de sa part -<br /> un "bug" comme il est de bon ton de dire de nos jours ! - : puisque je n'ai rien ajouté à ce premier article de jadis à propos de Metchetchi, il n'y avait à prévenir aucun lecteur de quoi que ce<br /> soit de neuf le concernant.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />      En revanche - hasard ?, coïncidence ?, relation de cause à effet ? - Cendrine, une de mes lectrices, avait décidé peu de temps avant vous<br /> dans la même journée de reprendre, intervention par intervention, la lecture des "aventures" de ce fonctionnaire aulique et avait d'ailleurs déposé un commentaire sur chacune des deux premières<br /> d'entre elles.<br /> <br /> <br /> Bizarre ...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />      Me permettez-vous d'effacer vos deux commentaires de cet après-midi-là chez Metchetchi ?<br /> <br /> <br /> <br />
C
Moi aussi je connais personnellement une autre Christiane Moreau. Je l'ai connue à une exposition que je faisais en ce temps là. Elle avait vu SON nom dans le journal et était venue faire ma<br /> connaissance par curiosité. Elle m'a d'ailleurs acheté un tableau signé de son nom. Depuis on est devenues amies mais j'ai repris mon vrai prénom ChristianA pour me distinguer d'elle.<br /> <br /> Je suis prête pour la découverte de la longue liste d' "agapes" de Tepemânkh et de son menu en bas-relief sur les blocs de calcaire. J'espère ne pas le confondre avec son homonyme. Les noms sont<br /> déjà très difficiles pour ma mémoire mais si ils sont doubles, alors j'ai peur de m'emmêler les pinceaux...Ou plutôt les burins puisqu'il s'agit de menu gravé et non peint!
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R
<br /> <br />      J'essaierai, promis, de faire en sorte que mes lecteurs et vous ne vous emmêliez pas les burins, Christiana. Et même si j'ai ce mardi évoqué<br /> les deux Tepemânkh présents au Département des Antiquités égyptiennes du Louvre, je me contenterai de braquer l'éclairage sur un seul d'entre eux, celui auquel les quatre fils viennent apporter<br /> les offrandes funéraires alimentaires. Le seul, d'ailleurs, pour lequel j'ai proposé le cliché des deux blocs de calcaire différents détenus par le musée.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />      En revanche, c'est moi qui m'emmêle quelque peu les claviers et ne comprends pas bien les deux commentaires que vous avez dépôsés hier sur<br /> le tout premier article que j'avais jadis consacré à Metchetchi ...<br /> <br /> <br /> <br />
E
Bonjour Richard,<br /> ravi de débuter cette nouvelle année avec ce nouveau personnage qui je l'espère va nous en apprendre beaucoup!<br /> Comme les amis de la felouque, j'ai faim et soif d'apprendre avec toi!<br /> vivement le vif du sujet!<br /> <br /> fidèlement!<br /> <br /> etienne.
Répondre
R
<br /> <br />      Le hasard a effectivement voulu, Etienne, que pour commencer 2013, un nouveau personnage nous accueille en cette salle 5 dans laquelle<br /> Metchetchi a fort longtemps monopolisé notre attention.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />      J'espère qu'il aura lui aussi la faculté d'intéresser quelque peu tous ceux qui lui rendront visite ... <br /> <br /> <br /> <br />

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