Nul doute donc que la puissance d'évocation des dieux de l'Égypte ancienne, qui ont atteint la force de mythes éternels, ne perdure encore longtemps, quelles que soient les métamorphoses que beaucoup leur font journellement subir.
Jean-Marcel HUMBERT
Par Horus demeure ! ou l'éternelle fascination des dieux égyptiens
dans QUERTINMONT Arnaud
Dieux, génies et démons en Égypte ancienne,
Paris, Somogy Éditions d'Art / Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, 2016
p. 12
Après avoir longuement évoqué, la semaine dernière, la première partie de l'exposition De Stargate TM aux Ccomics. Les dieux égyptiens dans la culture geek (1975-2015) que proposent ce semestre jusqu'au 20 novembre au rez-de-chaussée du Musée royal de Mariemont, à Morlanwemz, en province de Hainaut belge, Bertrand Fédérinov, Conservateur du fonds ancien de la Réserve précieuse et Responsable de la bibliothèque documentaire et Arnaud Quertinmont, Conservateur du Département Égypte/Proche-Orient,
je voudrais ce matin, amis visiteurs, poursuivre nos déambulations en vous faisant découvrir la seconde partie, plus spécifiquement dédiée à la bande dessinée et aux jeux, ayant bien évidemment certains membres du Panthéon égyptien en guise de fil conducteur.
Au rez-de-chaussée du Musée, elle est concentrée dans la salle qui jouxte la Réserve précieuse que j'eus l'heur de personnellement découvrir l'année dernière.
Ce n'est point inutilement coqueriquer que souligner le grand déploiement que connut au XXème siècle la bande dessinée belge : je pense bien évidemment, entre autres artistes, à Frankin et à ses "Fantasio" et "Spirou" (1946) ; à Morris et à son "Lucky Luke" (1947) ; à Peyo et à ses "Schtroumpfs" (1958).
Sans en être les seuls Belges, les deux premiers d'entre eux furent même distingués au point de recevoir le "Grand Prix de la ville d'Angoulême" à son festival international annuel de la BD ; le dernier prix en date, en janvier 2016, ayant également été attribué à un compatriote, le créateur de "Jeremiah", Hermann Huppen, originaire de Bévercé, près de Malmedy, en province de Liège.
Dans notre pays, il est de tradition d'admettre que la bande dessinée acquiert véritablement ses lettres de noblesse à partir de 1929, avec les albums de Hergé et son "Tintin", portant également l'éclairage sur quelques personnages devenus emblématiques comme le Capitaine Haddock et ses succulents jurons, les Dupont et Dupond professant de mêmes mots, persuadés qu'ils sont d'ainsi toujours en dire plus, le Professeur Tournesol, inventeur invétéré atteint d'une surdité suscitant le cocasse, ainsi que l'inénarable, époustouflante et emperlousée Bianca Castafiore incapable de s'empêcher jamais d'interpréter devant son miroir l'extase que lui procure sa beauté ; sans oublier Milou, l'inséparable fox-terrier blanc qui, quelles que soient les circonstances, d'office trottine aux basques, - ou, plutôt, à la culotte de golf -, de Tintin.
Le patrimoine graphique belge se devait évidemment d'affûter ses crayons pour convoquer l'Égypte ancienne et ses dieux au sein même de sa production : ce fut chose faite avec les deux tomes dus au Bruxellois Edgar P. Jacobs, parus respectivement en 1954 et 1955 : "Le Mystère de la Grande Pyramide".
Sacrifiant inévitablement à un manichéisme récurrent dans ce genre de littérature, Jacobs créa un couple de héros, Sir Francis Blake et le Professeur Philip Mortimer, confrontés au colonel Olrik, parangon du "méchant". Les uns recherchent une chambre secrète - eh oui, déjà !! - prétendument celée au coeur de la pyramide de Chéops qui contiendrait la tombe et le trésor d'Akhenaton ; l'autre, Olrik, tentant bien évidemment de déjouer les plans des enquêteurs.
Dans le premier des deux tomes, "Le papyrus de Manéthon", apparaît également le Docteur Grossgrabenstein, égyptologue allemand qui fouille sur le plateau de Guizeh, personnage haut en couleur, partiellement inspiré, j'eus déjà l'opportunité de vous l'indiquer dans cet ancien article, par le Professeur Jean Capart, "père" et sommité de l'égyptologie belge.
Vous vous doutez bien, amis visiteurs, que l'exposition de Mariemont ne pouvait passer sous silence ces incontournables de la bande dessinée "égyptisante" de notre pays.
Concomitamment, elle fait la part plus que belle à ce qu'il est convenu d'appeler les "Comics", terme anglais pour mêmement définir le 9ème art aux États-Unis.
À la fin des années '30, après les incontournables héros que sont "Superman" et "Batman", - qu'il ne faut plus présenter, je pense -, apparaissent timidement outre Atlantique quelques livres sacrifiant également à l'Égypte en tant que théâtre de leur intrigue.
Toutefois, l'exploitation plus intense des divinités intrinsèques aux mythes égyptiens en corrélation étroite avec les dieux astronautes que j'évoquai la semaine dernière n'interviendra en définitive dans la bande dessinée d'Outre-Atlantique qu'à partir des années '60, pour encore de nos jours donner naissance à de nouveaux ouvrages, The Book of the dead (1999), réinterprétation du mythe osirien que Plutarque a magistralement décrit dans son De Iside et Osiride, que j'avais déjà mentionné dans ce vieil article
ou The Mighty Thor (2012) par exemple, dont rendent compte, conjointement à d'autres documents exposés dans les vitrines, les vingt encadrements alignés sur le mur de la salle.
Je m'en voudrais, amis visiteurs, avant de terminer notre tour d'horizon de cette exposition tout à fait exceptionnelle, - vers laquelle, j'espère, je vous aurai donné envie de vous précipiter avant le 20 novembre prochain -, de ne point attirer votre attention sur la perspective ludique bien présente dans la culture geek mise ici à l'honneur : les jeux vidéo, les jeux de rôle ou plus simplement de plateau.
Peut-être se peut-il que certains parmi vous, ou que vos enfants, voire vos petits-enfants, s'adonnent à ces "joutes" grâce à votre ordinateur, comme par exemple Lara Croft et le temple d'Osiris, ou grâce à divers petits écrans plus manipulables sur les genoux.
Peut-être aussi, d'autres, - ou les mêmes -, préfèrent-ils les jeux de société que l'on pratique volontiers en famille ou entre amis, tel cet exemplaire de Kemet ici exposé, - Kemet (ou Kemi), terme que l'on traduit habituellement par "Terre noire", était le nom donné par les Égyptiens de l'Antiquité à leur pays : partie de stratégie dans laquelle les joueurs s'affrontent sur une carte représentant le territoire égyptien en sollicitant les dieux aux seules fins de complètement le dominer.
Si, en parcourant l'exposition de Mariemont puis, en consultant l'album édité à son occasion, j'appris déjà beaucoup, c'est aussi en conversant avec un Petit Prince de 8 ans et demi que je pus accroître mes connaissances, notamment mon vocabulaire "technologique" à propos de consoles de jeux, de WII, de DS, - qui, comme j'aurais naïvement pu le croire, n'a strictement rien à voir avec une quelconque déesse égyptienne !! -, de PS VITA et d'autres PSP aux acronymes aussi ésotériques à mon entendement qu'ils sont exotériques au sien et que je puis maintenant considérer que tous ces sigles me sont devenus, si pas familiers, à tout le moins partiellement compréhensibles.