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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 00:03

 

   

  ... J'aimais mieux porter ma vue au dehors et admirer, du haut du château, le vaste tableau que présentaient au loin le Nil, les campagnes, le désert et les Pyramides. Nous avions l'air de toucher à ces dernières, quoique nous en fussions éloignés de quatre lieues. À l'oeil nu, je voyais parfaitement les assises des pierres et la tête du sphinx qui sortait du sable ; avec une lunette je comptais les gradins des angles de la grande Pyramide et je distinguais les yeux, la bouche et les oreilles du sphinx, tant ces masses sont prodigieuses.

 

 

François-René de CHATEAUBRIAND

Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris

 

Sixième partie : Voyage d' Égypte

 

Gallica - Document électronique

  

  

     Plus personne parmi vous n'ignore, je présume, amis visiteurs,  qu'à l'Ancien Empire, dès la  IVème dynastie, les premiers souverains égyptiens à se faire ériger une pyramide en guise de "maison d'éternité" choisirent le plateau de Guizeh, en Basse-Égypte, devenu avec le temps passage obligé pour des millions de touristes qui visitèrent le pays. À quelques kilomètres plus au sud : Saqqarah, indépendamment de la  première pyramide à degrés de Djoser, à la IIIème dynastie, l'ancêtre avéré de toutes les autres, n'en compte pas moins d'une quinzaine, notamment pour les derniers souverains de la Vème dynastie, Isési et Ounas, ainsi que ceux de la VIème, Téti, Pépi Ier, Mérenrê et Pépi II.

 

     Dois-je une fois encore rappeler que c'est précisément  à Ounas que l'on doit la présence, pour la toute première fois, de textes destinés à permettre d'obtenir l'éternité - communément appelés Textes des Pyramides -, sur les parois des appartements funéraires royaux ? Et d'insister sur le fait que tous ces immenses tombeaux qui ont précédé celui d'Ounas étaient  donc absolument anépigraphes ...

    

    Ce que d'aucuns savent peut-être un peu moins, c'est que, les trois plus célèbres mises à part, celles de Chéops, de Chéphren et de Mykérinos, des dizaines et des dizaines d'autres virent le jour, plus au sud encore pour la majorité d'entre elles et ce, jusqu'à la XIIème dynastie du Moyen Empire : pendant un bon millénaire donc, rois et souvent épouses, recoururent à ce mode d'ensevelissement avant de préférer, au Nouvel Empire, les profondeurs de la montagne thébaine - dont la forme, par parenthèses, avait bizarrement un aspect plus ou moins pyramidal -, pour y faire aménager des hypogées, plus discrets, partant, moins susceptibles d'être pillés, donc leur permettant de définitivement reposer en paix ; à tout le moins, l'espéraient-ils.  

 

     Certains d'entre vous me citeront probablement aussi, avec raison, les pyramides de Dachour, de Licht, ou de Meidoum ... même si, pour la plupart, ne subsiste plus comme probants vestiges qu'un amoncellement de débris.

 

     Pour ma part, et comme vous vous y attendez si vous m'avez accompagné jusqu'avant le congé de Carnaval, j'apporterai une autre pierre à cet édifice - qui n'a rien, quant à lui, de pyramidal ! -, en citant le site d'Abousir, entre Guizeh, au nord et Saqqarah, au sud où l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie reçut, en remerciement de sa participation au sauvetage des temples de Nubie, au début des années soixante, une vaste et importante concession de fouilles. 

 

Abousir-5-copie-2.jpg

 

 

      Abousir ? Oui, vous en avez récemment entendu parler : c'est là qu'une équipe d'archéologues de l'Institut Tchèque d'Égyptologie dirigée par Miroslav Barta, - dont je vous entretiendrai dans les semaines à venir -,  a mis au jour, proche d'un mastaba, les vestiges d'un bateau de 18 mèttres de long vieux de quatre millénaires et demi.

 

(https://www.rtbf.be/info/monde/detail_egypte-les-restes-d-un-bateau-de-4-500-ans-decouverts-pres-de-pyramides?id=9202000)

 

     Mais pour l'heure, revenons voulez-vous, à l'époque précédant la direction de Miroslav Barta sur les fouilles du site d'Abousir ...

 
 

    Ouserkaf mis à part, cinq de ses huit successeurs à la tête de la Vème dynastie : Sahourê, Néferirkarê-Kakaï, Rêneferef, Shepseskarê et Niouserrê choisirent Abousir comme lieu d'inhumation, permettant par la même occasion à certains de leurs hauts fonctionnaires d'y prévoir leur propre mastaba.

 

     L'on suppose que la préférence, par ces souverains, d'un endroit situé à une petite trentaine de kilomètres au sud-ouest de Memphis, serait consécutive au fait qu'Ouserkaf, leur ancêtre direct qui, bien que faisant ériger son propre tombeau à Saqqarah, proche de celui de Djoser, choisit Abousir pour y édifier son temple solaire. Ce qui eut pour conséquence de déplacer le centre de gravité du royaume vers cette partie septentrionale de la capitale d'alors, en la transformant en nécropole à l'usage de certains dynastes de la fin de l'Ancien Empire.

 

     Certes, l'endroit n'attendit pas les égyptologues tchécoslovaques pour être fouillé et étudié : ainsi, des clandestins à l'extrême fin du XIXème siècle déjà, puis le grand égyptologue allemand Ludwig Borchardt à la tête de la Deutsche Orient-Gesellschaft, en 1907, mirent au jour, dans le temple funéraire du pharaon Neferirkarê-Kakaï, un important corpus de papyri dont certains fragments ont entre autres abouti au Musée du Louvre, et qu'étudia et publia en 1976 Madame Paule Posener-Kriéger ; publication que, jeune égyptologue, elle dédia notamment à la mémoire de Jaroslav Cerny que j'ai pour vous récemment évoqué



Ouvrage-Posener.jpg


 

 

     Comme j'avais déjà eu l'opportunité de l'expliquer en septembre 2009, cette collection de rouleaux d'archives concernait la vie quotidienne du temple, d'où son immense importance : des tableaux de service définissant les tâches à accomplir par les différents membres de son personnel côtoyaient des inventaires de biens ; des comptes afférents aux offrandes alimentaires destinées à nourrir la statue du dieu s'accompagnaient de l'énoncé des noms de ceux qui les avaient acheminées ; des listes de pièces livrées étaient assorties de notices décrivant leur état, etc.

     Toute cette comptabilité qui fut ainsi tenue deux cents ans durant par une pléiade de scribes méticuleux représentait incontestablement à l'époque de son étude par Paule Posener le lot de documents archivés le plus imposant, le plus détaillé, partant, le plus intéressant jamais retrouvé pour l'Ancien Empire.

     Mais un égyptologue tchécoslovaque vint qui, dès 1980, eut l'heur de mettre au jour les vestiges d'un autre temple funéraire, en briques crues, et donc considérablement ruiné : celui de  Rêneferef, le fils aîné de Néferirkarê-Kakaï,



Vestiges-complexe-funeraire-de-Rêneferef.jpg

 


des magasins duquel il exhuma, en 1982, des empreintes de sceaux en terre crue, des fragments de plaquettes de faïence, ainsi que des papyri, ensemble bien plus riche encore dans la mesure où il nous permet à présent, non seulement d'affiner nos connaissances de la gestion des domaines royaux à la Vème dynastie, mais surtout, grâce aux autres découvertes réalisées jusqu'en 1986, de mieux appréhender le règne de ce pharaon en définitive peu connu.

     Miroslav Verner - car c'est bien de lui qu'il s'agit : j'avais en effet mentionné, le mardi 2 février dernier, rappelez-vous amis visiteurs, son accession à la direction de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie, après le décès de Zbynek Zaba -, fouillait régulièrement à Abousir, tant au nord qu'au sud du site.

 

 
Verner-Miroslav.jpg
 
 

     Avant lui, dès le début des années soixante, les missions tchécoslovaques qui s'y étaient succédé avaient déjà contribué à l'exploration du plus imposant complexe funéraire privé de l'Ancien Empire (56 x 42 mètres), le mastaba de Ptahshepses, l'époux d'une fille du roi Niouserrê,



Abousir Mastaba Ptahshepses


ainsi qu'à son anastylose.

 

Ptahshepses---Entree-du-mastaba.jpg

 


     Il appert que les agrandissements successifs que Ptahshepses imprima dans son tombeau soient le reflet de son prestigieux parcours social : cumulant tout à la fois les fonctions de vizir, de grand prêtre de Memphis et d'Inspecteur général des travaux du roi, il s'était initialement prévu un mastaba qui ne devait se composer que des traditionnelles salles inhérentes à son inhumation et à son culte funéraire ; c'est à tout le moins ce que les différentes saisons de fouilles des archéologues tchécoslovaques révélèrent.

     Or, après la construction initiale, le haut fonctionnaire palatial commanda deux agrandissements qui, étude faite, n'eurent d'autre fonction que celle d'asseoir sa notoriété en empruntant des caractéristiques architecturales aux monuments royaux, pas moins !, qu'apparemment, vu sa position - gendre du souverain, je le rappelle ! -, il connaissait à la perfection.

     Des magasins ; un autel destiné à recevoir les offrandes au centre d'une immense cour  entourée de 20 piliers ; une chapelle à trois niches hautes pour abriter ses statues, grandeur nature, auxquelles un petit nombre de marches permettaient d'accéder et servant manifestement d'important lieu de culte ; deux salles d'offrandes, dont une réservée à son épouse furent entre autres ainsi ajoutés au mastaba originel. 

     L'ensemble était précédé d'un portique, ainsi que le montre le cliché ci-dessus de Kamil Vodera, que soutenaient deux colonnes en calcaire symbolisant un bouquet de plusieurs tiges de lotus. Les monarques antérieurs, quant à eux, s'ils plébiscitèrent également ce type de colonnes, choisirent plutôt le bois pour les faire réaliser. Et après Ptahshepses, plus personne ne souhaita semblables supports lotiformes en pierre pour ce type de soutènement.

     En outre, dans une des salles nouvelles, il fit également aménager un escalier permettant d'accéder au toit, comme dans certains temples précédant les pyramides royales .

     Miroslav Verner jaugeant les fragments mis au jour estima que les différentes salles de ce tombeau, décorées de bas-reliefs peints dont certains furent retrouvés in situ, servirent à abriter une quarantaine de statues du défunt de tailles et de matériaux différents.

     Mais quelle ne fut pas la surprise des membres de la mission tchécoslovaque quand ils prirent conscience que la couverture du caveau funéraire de Ptahshepses se révélait parfaitement semblable à celle des pyramides des rois de la Vème dynastie : quatre paires d'énormes monolithes de calcaire étaient en effet empilés en chevron.



     Il est en définitive difficile quand, sur un chantier de fouilles, s'enchaînent comme ici, pendant des années, tant d'importantes découvertes, de déterminer celle qui restera la plus prépondérante aux yeux de l'Histoire. Et les archéologues de l'Institut tchécoslovaque, à la  tête duquel officia Miroslav Verner dix-sept années durant, sont là pour avérer mon propos, eux qui permirent à l'égyptologie d'effectuer de grands pas dans ses différents axes d'études : qu'ils ressortissent au domaine de l'architecture funéraire, à celui, plus théorique, de la chronologie des rois de la Vème dynastie ou à celui de certains rites de proscription ...


     C'est pour envisager la suite des travaux de ces missions tchécoslovaques, ainsi que leurs résultats, que je vous invite à me rejoindre, amis visiteurs, sur le site d'Abousir, le mardi 23 février prochain.



(Grimal : 1988, 92-5 ; Janosi : 1999, 60-3 ;  Malek/Baines : 1981, 140-1 et 152-3 ; 
Onderka & alii : 2008, passim; Posener-Kriéger : 1976, passim ; Verner : 1978, 155-9 ; 1985 (1), 267-80 ; 1985 (2), 281-4 et 1985 (3), 145-52)

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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 00:02

          Enfin, je me fais un agréable devoir de remercier ici l'Académicien F. Lexa qui m'a encouragé au cours de cette tâche difficile et qui a renoncé, en ma faveur, à continuer son étude des Maximes de Ptahhotep, commencée en 1928. Je remercie également le professeur J. Cerny, Fellow of British Academy, d'avoir bien voulu mettre à ma disposition une partie considérable de sa bibliothèque qui se trouvait encore à Prague jusqu'en novembre 1947 ...

 

Zbynek  ZABA

Les Maximes de Ptahhotep

Avant-propos

 

Éditions de l'Académie tchécoslovaque des sciences

Prague, 1956, p. 12  

 

 

     Citées avec reconnaissance par Zbynek Zaba dans l'exergue qui entame le présent article extrait de l'avant-propos de sa traduction des célèbres Maximes de Ptahhotep, deux figures emblématiques, nous l'avons vu amis visiteurs, Frantisek LEXA et Jaroslav CERNY, ont donc, dans la première moitié du XXème siècle, offert leurs lettres de noblesse à l'égyptologie tchécoslovaque.

     La création d'une institution officielle dépendant entièrement de la Faculté des Lettres et des Arts de l'Université Charles IV, partiellement impulsée par Lexa en 1958 déjà,  assoira dans les meilleures conditions le développement des études sur le terrain.

     Avec le recul, quelque soixante ans après sa mise en chantier au sein même de l'Alma Mater pragoise, nous comprenons que cet Institut Tchèque d'Égyptologie (
I.T.E.) fut le véritable élément déclencheur, mais aussi fédérateur de tout ce que cette république centrale brassait et brassera comme grands savants en la matière.

     Un homme, que l'on peut en réalité considérer comme la troisième et dernière personnalité du "triumvirat" des fondateurs de cette science en ce pays succède à Frantisek Lexa, décédé deux ans à peine après la naissance de "son" Institut : il s'agit de Zbynek Zaba.

   

 

 

Cerny--Jaroslav--et-Zaba--Zbynek--copie-1.jpg


(Zaba, à droite, s'entretenant avec son collègue Cerny, sous le portrait du "Maître", Frantisek Lexa.)


 

      C'est en 1938 que le jeune Tchécoslovaque Zbynek Zaba, né en 1917, entreprend des études d'égyptologie : il assiste bien évidemment aux séminaires des professeurs Lexa et Cerny à l'Université Charles de Prague. Immédiatement à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il devient l'assistant de Lexa et obtient, en 1954, le poste de Professeur associé dans le prestigieux établissement.

     Si, dans un premier temps, nous lui devons des articles essentiellement consacrés à l'orientation astronomique des pyramides de l'Ancien Empire, mais aussi, je l'ai souligné ci-avant, une grande étude en français sur les Maximes de Ptahhotep, avec traduction et commentaires, certes considérée de nos jours comme quelque peu obsolète mais qui constitua néanmoins tout un temps l'ouvrage de référence de cet important recueil de sagesses égyptiennes, c'est surtout grâce à sa direction de l'Institut qu'il sera internationalement connu. En effet, en 1958, il participe avec Frantisek Lexa à la création de cet important organisme à la tête duquel il se retrouve donc deux ans plus tard, suite au décès de Lexa.

 

     Lui incombe alors la tâche, - Cerny oeuvrant le plus souvent à l'étranger comme nous l'avons constaté la semaine dernière -, de mener de front de multiples activités : l'enseignement universitaire, - il est désormais le seul Professeur d'égyptologie nommé à Prague -, la direction de l'I.T.E. et ses propres recherches sur le terrain.

 

 

 
 
Zbynek-ZABA.jpg

 

 

     Il vous faut savoir que dès 1956 déjà, les professeurs Lexa et Zaba firent partie d'une délégation officielle se rendant en Egypte aux fins de préparer les fondements d'un accord culturel de grande envergure entre les deux pays : de ces contacts naîtra entre autres le prestigieux Institut tchécoslovaque d'égyptologie créé conjointement à Prague, en octobre 1958 et au Caire, en mai de l'année suivante.  


     Et tout naturellement, fort des excellentes relations scientifiques mais aussi  diplomatiques entre les deux Etats, l'Institut prendra activement part, au début des années soixante, au plus colossal  projet de sauvetage de monuments que notre monde ait jamais connu : celui, patronné par l'Unesco, des temples de Nubie menacés de total ensevelissement suite à la la construction du Haut-Barrage d'Assouan.
      
     Si, parmi les pays "généreux donateurs", certains reçurent du gouvernement égyptien l'un ou l'autre bâtiment d'exception - je pense entre autres au temple de Debod, originaire de Basse-Nubie, qu'à défaut d'avoir peut-être déjà admiré à Madrid,
 
dans les Jardins de l'Ouest, vous pourrez sur ce site virtuellement découvrir ; ou à celui de Dendour, érigé par l'empereur romain Auguste en tant que pharaon, maintenant au Metropolitan Museum de New York -, la Tchécoslovaquie, quant à elle, se vit octroyer du gouvernement égyptien, en guise de remerciements donc, une des plus grandes concessions de fouilles jamais accordée à des archéologues étrangers : le site d'Abousir, à une petite trentaine de kilomètres au sud-ouest du Caire, avec notamment sa nécropole des souverains de la VIème dynastie.

 

 

 
Abousir---Pyramides--2-.jpg


(Photo de Milan Zemina que j'ai extraite du catalogue cité infra.)


 


     En 1970 et 1971, décèdent respectivement Jaroslav Cerny et Zbynek Zaba.

     Dix-sept années durant, un jeune égyptologue, né en 1941 à Brno, 
Miroslav Verner, - j'aurai sous peu l'opportunité de l'évoquer -, en prend alors en mains les rênes, conjointement à celles de l'égyptologie tchèque. 

 

     Sous sa direction, les fouilles réalisées à Abousir, déjà pourtant très prometteuses, vont offrir au monde savant de nouveaux et inestimables "trésors".


     C'est, amis visiteurs, sur ce terrain archéologique et notamment en sa compagnie que je vous invite à m'acompagner dès après la semaine de congé qu'offre l'Enseignement belge - partant, votre serviteur - aux fins de dignement célébrer les festivités du Carnaval.

 

     Je vous donne donc rendez-vous le mardi 16 février prochain pour faire connaissance avec le site d'Abousir et Miroslav Verner ...  

 

 

 

Remarque.

 

     M'est-il besoin de rappeler qu'à l'instar des deux précédents articles dédiés aux précurseurs de l'égyptologie tchèque, les trois clichés de ma présente intervention proviennent du catalogue de l'exposition Objevovani zeme na Nilu ("Discovering the land on the Nile"), qui s'est tenue au Narodni Museum, à Prague, en 2008 et que, d'autorité, je me suis permis de reproduire et d'insérer ici ?

 

 

 

(Onderka & alii : 2008, passim Vernus : 2001, 63)

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26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 00:02

 

 

     Le mardi 28 mai [1833], la leçon d'histoire à laquelle je devais assister à onze heures n'ayant pas lieu, je me trouvai libre de parcourir ou plutôt de revoir la ville que j'avais déjà vue et revue en allant et venant.

 

    Je ne sais pourquoi je m'étais figuré que Prague était niché dans un trou de montagnes qui portaient leur ombre noire sur un tapon de maisons chaudronnées : Prague est une cité riante où pyramident vingt-cinq à trente tours et clochers élégants ; son architecture rappelle une ville de la Renaissance.

(...)

 

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE - I. LES GRANDS PRÉCURSEURS : 2. JAROSLAV CERNY

 

    La vue dont on jouit depuis les fenêtres du château est agréable : d'un côté on aperçoit les vergers d'un frais vallon, à pente verte, enclos des murs dentelés de la ville, qui descendent jusqu'à la Moldau, à peu près comme les murs de Rome descendent du Vatican au Tibre ; de l'autre côté, on découvre la ville traversée par la rivière, laquelle rivière s'embellit d'une île plantée  en amont et embrasse une île en aval, en quittant le faubourg du Nord. 

 

 

 

 

François-René de CHATEAUBRIAND

Mémoires d'Outre-Tombe

 

Tome IV, Livre trente-huitième, chapitre 10,

Lausanne, Éditions Rencontre, 1968,

p. 358

 

 

 

     Dans mon intervention de mardi dernier, la première d'une série de rééditions consacrées à l'égyptologie tchèque, je vous avais conviés, souvenez-vous, amis visiteurs, à effectuer un bout de chemin en compagnie de Frantisek LEXA et d'ainsi assister à la naissance de cette nouvelle discipline qui, à l'aube du XXème siècle, cherchait sa place dans le parcours universitaire pragois.


     Ne nous laissons toutefois pas abuser par la métaphore basique que d'aucuns pourraient filer en évoquant en la circonstance les premiers balbutiements : il ne s'agit nullement de tâtonnements dans le chef de file de la science qui s'ébroue alors aux bords de la Vltava. Tout de suite, je l'ai indiqué, le Professeur Lexa positionna ses travaux à hauteur de la lexicographie et de la sémantique en étudiant la langue des anciens habitants des rives du Nil par le biais du démotique, avant de confier à ses Étudiants, mais aussi bientôt à bon nombre de ses compatriotes, un imposant ensemble de clefs leur permettant d'entrebâiller toutes les portes au-delà desquelles ils allaient pouvoir croiser les aspects essentiels de la civilisation égyptienne.

     Grandes et importantes prémices de l'égyptologie donc, avec ce précurseur, mais point encore de recherches matérielles, point de fouilles ; point d'archéologie stricto sensu.



     Enfin un disciple vint, et le premier en République tchécoslovaque, qui allait très vite offrir à son pays ses véritables lettres de noblesse en la matière : Jaroslav CERNY.

 

 

Cerny--Jaroslav--et-Zaba--Zbynek--copie-1.jpg


(Cerny, à gauche, s'entretenant avec Zbinek Zaba, son collègue,

sous le portrait du "Maître", Frantisek Lexa.)

 

***

 


     Pilsen (Plzen), au sud-ouest de Prague.

 


     061.-Nove-Mesto---Bar-Place-Venceslas--07-08-2009-.jpg




     Si certains connaisseurs associent ce toponyme aux usines de fabrication automobile "Skoda", il est d'évidence que la majorité de mes visiteurs belges y humeront plutôt les enivrants effluves de la brasserie "Pilsner Urquell" et de sa "Pils", auto-proclamée boisson nationale tchèque et savourée, ici en bords de Meuse, à l'instar de la "Stella" ou de  la "Jupiler".




    

 


     Dans cette petite ville de ce qui était encore, pour une vingtaine d'années seulement, l'empire austro-hongrois, naquit, le 22 août 1898, Jaroslav Cerny. Comme tous ceux qui bénéficiaient des dispositions leur permettant de faire partie de l'élite intellectuelle de l'époque, le jeune homme entreprit, entre 1917 et 1922, des études à la Faculté des Lettres de l'Université Charles, à Prague ; et eut l'heur d'assister aux conférences égyptologiques dispensées par Frantisek Lexa.

     A partir de 1925, celui qui aurait pu se contenter d'être l'épigone du "Maître", décide de se confronter au terrain : il choisit Deir el-Médineh ! 

 

L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE - I. LES GRANDS PRÉCURSEURS : 2. JAROSLAV CERNY

      Là, il rejoint Bernard Bruyère, de vingt ans son aîné, rencontré au Musée égyptien de Turin où tous deux procédaient à diverses recherches.

Bruyère a besoin d'un épigraphiste ; Cerny n'hésite pas : il sera son homme !

 

     Pa-démi, "La Ville", comme l'appelaient les Égyptiens, n'est plus que ruines ensablées d'un village créé ex-nihilo sous le règne de Thoutmosis Ier, un des premiers souverains du Nouvel Empire, en vue d'héberger artistes, artisans et ouvriers qui concouraient à rendre agréable la "maison d'éternité" des monarques inhumés dans la Vallée des Rois.


     Près d'un demi-millénaire durant, des hommes engagés pour creuser et décorer les hypogées royaux et princiers, résideront avec leur famille dans ces quelque septante maisons aujourd'hui mises au jour par les égyptologues qui se sont succédé sur le site depuis qu'en 1917, l'I.F.A.O., Institut français d'Archéologie orientale, en obtint la concession.

     Un lustre plus tard, en 1922, Bernard Bruyère prend pour trente ans la direction des excavations. Sans quasiment discontinuer, il dégage systématiquement les habitations, les tombes et tous les  alentours. La provende se révèle ainsi sans égale pour ce qui concerne la connaissance de la vie quotidienne des ouvriers en un temps et en un lieu déterminés.

     Aux confins du village, sur les flancs de Gournet Mouraï, d
ans les tombes du cimetière de l'Est datant des règnes de la reine  Hatchepsout et de Thoutmosis III, Bruyère exhuma un matériel funéraire de tout premier ordre : chaises, tabourets, lits, nattes, paniers divers, vaisselle, ustensiles de cuisine, outils agricoles, objets de toilettes et même des vêtements ...
Qui n'étaient pas factices. Qui présentaient des traces d'usure. Qui avaient donc servi. Qui  avaient été maniés, utilisés, portés par ces femmes et ces hommes.
Et qui leur avaient permis de travailler, de vivre ...

     Dans la nécropole de l'Ouest, sur l'autre versant, au pied de la montagne thébaine, ce furent approximativement soixante tombes décorées, superbes pour certaines d'entre elles, qu'il mit au jour. Beaucoup dataient du règne de Ramsès II.

     Mais, vous étonnerez-vous à l'énumération de tous ces trésors, pourquoi diantre l'I.F.A.O. et Bruyère désiraient-ils tant s'adjoindre les services d'un épigraphiste ?

    Simplement parce que dès le départ, les deux égyptologues avaient exhumé et engrangé de nombreux ostraca, 
de nombreux papyri, de nombreux fragments brisés de vases inscrits, des oushebtis également : tous portaient des inscriptions en écriture hiératique, cursive dérivée des signes hiéroglyphiques. Et Bruyère souhaitait qu'ils fussent traduits.


     Ce fut donc Cerny, qui avait intégré l'équipe depuis 1925, qui s'y attela : des milliers et de milliers de documents semblables, parfois réduits à de minuscules fragments, attendaient ses compétences.

     De sorte qu'il n'est point incongru de ma part d'avancer que sa vie professionnelle, ce savant slave la consacra entièrement, d'une manière ou d'une autre, à Deir el-Médineh, à la "Communauté des Artisans de la Tombe", comme il est souvent indiqué dans la littérature égyptologique : que ce soit aux excavations du village proprement dit ou au dépouillement épigraphique de ce qui avait été retrouvé qu'en excellent disciple de Lexa il mena de front en publiant des études visant à faire connaître l'histoire sociale et économique du lieu, plus spécifiquement à l'époque ramesside dont, mieux que quiconque, il excellait dans la pratique de la langue vernaculaire, ce néo-égyptien essentiellement utilisé dans les textes purement littéraires.

 

 

Cerny---Ouvrage-IFAO.jpg
       


     Ainsi narrée, la  vie de Jaroslav Cerny pourrait ressembler à cette rivière tranquille de son pays natal qu'est la Vltava. En vérité, il n'en fut rien : en 1929, il accepte, tout comme Lexa avant lui, d'entrer en tant que "Privatdozent" à l'Université Charles IV alors que depuis l'année précédente, il avait été mandé par le Musée égyptien du Caire pour mettre sur pied la publication d'un catalogue des ostraca hiératiques présents dans ses collections : il n'apposera le point final à cette publication qu'en 1933.

     A Prague, il enseigna jusqu'à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, puis se retrouva promu par le gouvernement de la République tchécoslovaque en exil 
attaché d'Ambassade au Caire, avant de rallier celle de Londres, en 1943.


     Parallèlement à ses fonctions diplomatiques, il se pencha avec fougue nouvelle sur la lexicographie de la langue copte.

     Le conflit international terminé, il revint un temps donner des conférences d'égyptologie à l'Université Charles : Frantisek Lexa, toujours en activité, à cette époque, suggère complaisamment que son confrère devrait lui aussi être admis Professeur dans la discipline.
     S'ensuit un refus catégorique dans le chef du ministre de l'Education arguant avec beaucoup de mauvaise foi que des cours aussi peu importants que ceux ressortissant à l'égyptologie (?!) ne nécessitaient pas la nomination officielle, c'est-à-dire rémunérée, d'un deuxième impétrant.

     Exit Jaroslav Cerny que, dès 1946, s'empresse et se félicite d'appeler l'University College de Londres au titre de Professeur, avant qu'il prenne en charge, à partir de 1951 et jusqu'en 1965, la chaire d'égyptologie de la prestigieuse Université d'Oxford : parcours royal, parcours de rêve, s'il en est, pour tout Enseignant passionné et de très haut niveau ...

     Ceci posé, et la boucle semble ainsi bouclée, la juste reconnaissance de son incontestable intelligence lui arrive enfin de sa propre patrie : en 1965, il retrouve le chemin de la Faculté des Lettres et des Arts de Prague en acceptant de devenir membre honoraire de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie créé, rappelez-vous, par son mentor, Frantisek Lexa en personne.

     Mais subitement, le 29 mai 1970 - il n'a pas encore 72 ans - , Cerny  meurt à Oxford.

  
Cerny---Bibliotheque-copie-1.jpg


      Certes, il ne connut pas la satisfaction de voir publié son Dictionnaire étymologique copte par les presses de la Cambridge University ; mais comme souvent dans la discipline scientifique, ceux des travaux épigraphiques en cours que sa disparition inopinée laissait inachevés ont pu être, grâce notamment à ses notes et archives personnelles conservées au Griffith Institut d'Oxford, complétés et édités au sein de l'I.F.A.O., notamment par un autre très grand philologue, de nationalité française pour sa part, qu'il avait aussi connu à Deir el-Médineh : son ami Georges Posener.
    
     Il est indéniable que l'oeuvre de Jaroslav Cerny confine à l'immense : des volumes du Catalogue des ostraca hiératiques non littéraires de Deir el-Médineh à ceux des papyri rédigés dans la même cursive, en passant par les Late ramesside letters que publia déjà, en 1939 à Bruxelles, la Fondation égyptologique Reine Elisabeth (F.E.R.E.), par les Hieratic inscriptions from the tomb of Tut'ankhamun et par les Graffiti de la montagne thébaine et de la nécropole, ce grand savant aura oeuvré pour que les études égyptologiques 
qui, jamais, ne pourront en oublier l'irréfragable empreinte, soient marquées au coin de l'excellenc.


 

     Grand merci à Marie qui, de Medinet Habou où elle vit, m'a adressé et offert d'inclure ici son cliché de Pa-démi ; ce "village" si cher à Jaroslav Cerny.
 
    Comme à l'issue de mon intervention de la semaine dernière, je tiens derechef à préciser que j'ai, pour le présent article, photographié une série de portraits des grands savants de ce pays à partir du catalogue de l'exposition Objevovani zeme na Nilu ("Discovering the land of the Nile"), célébrant le demi-siècle d'existence de l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie.) 



(Cerny : 1931, 221 et 1978 : Pl. 15 a ; Onderka & alii : 2008, passim)

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19 janvier 2016 2 19 /01 /janvier /2016 00:02

 

     Je gravis des rues silencieuses, sombres, sans réverbères, jusqu'au pied de la haute colline que couronne l'immense château des rois de Bohême. 
(...)
L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE  - I. LES GRANDS PRÉCURSEURS : 1. FRANTISEK LEXA

    Il y avait là quelque chose de la solitude, du site et de la grandeur du Vatican, ou du temple de Jérusalem vu de la vallée de Josaphat. On n'entendait que le retentissement de mes pas et de ceux de mon guide ; j'étais obligé de m'arrêter par intervalles sur les plateformes des pavés échelonnés, tant la pente était rapide.

     À mesure que je montais, je découvrais la ville au-dessous. Les enchaînements de l'histoire, le sort des hommes, la destruction des empires, les desseins de la Providence, se présentaient à ma mémoire en s'identifiant aux souvenirs de ma propre destinée ; après avoir exploré des ruines mortes, j'étais appelé au spectacle des ruines vivantes. 

 
 
 
 

François-René de CHATEAUBRIAND

Mémoires d'Outre-Tombe

 

Tome IV, Livre trente-huitième, chapitre 1,

Lausanne, Éditions Rencontre, 1968,

p. 328

 
 
 
 
     Quand en septembre dernier, je pris la décision - difficile mais nécessaire à mes yeux - de ne plus systématiquement rédiger un nouvel article chaque semaine vous permettant de découvrir à mes côtés le Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre et de plutôt choisir de rééditer certaines de mes anciennes contributions, j'avais évoqué l'opportunité de vous donner à (re)lire, amis visiteurs, celles qui, en 2010, portèrent l'éclairage sur des fouilles entreprises par des savants parfois peu connus du grand public, même égyptophile. Mes plus anciens et fidèles lecteurs auront évidemment compris que je fais ici allusion à l'école tchèque d'égyptologie qu'il me plairait, maintenant que j'ai ouvert des fenêtres de mon blog sur Facebook, d'à nouveau mettre à l'honneur.
 
     C'est donc des bords de la Vltava, cette rivière, - plus traditionnellement appelée "Moldau" -, qui entre autres traverse la superbe ville de Prague, jusqu'aux rives du Nil que je souhaite maintenant, et pour quelques mois durant, vous emmener.
 
     Mais il m'a plu, avant d'entreprendre ensemble ce long périple au sein de l'égyptologie tchèque, de l'introduire avec quelques lignes écrites par Chateaubriand lors de son séjour en Bohême. Simplement pour me permettre de rappeler, - petite piqûre historique -, que dans ce gigantesque château de Prague auquel il fait ici allusion, - (570 mètres de long et 130 de large en moyenne) -, où il fut maintes fois invité à se rendre, c'est son propre souverain, le vieux roi de France Charles X en exil suite à son abdication après la Révolution de juillet 1830 qu'il rencontra ; Charles X, ainsi que je vous l'avais expliqué dans cette ancienne intervention, souvenez-vous, qui, au début de son règne, tant fit pour Champollion et le développement de l'égyptologie au Musée du Louvre ... 
 
 
     Nonobstant une agréable pointe de chauvinisme que nous serions en droit d'exciper en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie et même en ma petite Belgique, il faut aussi se féliciter de la présence sur le sol égyptien d'équipes d'archéologues provenant des pays scandinaves et de l'Europe de l'Est, notamment de l'ex-Tchécoslovaquie.
     
    À l'instar d'autres en Europe, le passé archéologique de ce pays contribua magnifiquement à rédiger d'importants chapitres de la récente mais déjà grande histoire de l'égyptologie. Après Champollion, les chercheurs tchécoslovaques ont sans conteste permis une avancée non négligeable dans les études égyptologiques, qu'elles soient de terrain ou ressortissant  plus spécifiquement au domaine de l'épigraphie ; et cela, comme nous l'allons voir, dès l'aube du XXème siècle.


     Si en 2008, l'Institut tchèque d'égyptologie célébra son cinquantième anniversaire, cela ne signifie nullement qu'il n'y avait qu'un demi-siècle que le pays s'intéressait à l'Égypte. Dès après la Campagne de Bonaparte, le vent d'égyptomanie qui souffla sur bien des Etats européens atteignit également la Bohême : de nombreux nobles s'offrirent le "Voyage en Orient" et ramenèrent en effet moult objets qui constituèrent le point de départ de collections particulières, de "cabinets de curiosités", comme on avait parfois coutume de les définir à l'époque.
      
     Mais c'est un mathématicien de formation, féru toutefois de philologie, qui, bien avant de visiter la terre des pharaons, joua véritablement le rôle cardinal, à un point tel qu'il est de nos jours unanimement considéré comme le fondateur de l'égyptologie tchécoslovaque : Frantisek LEXA.
 

 
 
Frantisek-Lexa-copie-1.jpg



      Né en 1876 à Pardubice, en Bohême occidentale, il décide d'aborder l'étude de la langue égyptienne par le biais du démotique qui, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer, constituait une écriture de communications courantes employée par les scribes à partir du milieu du VIIème siècle avant notre ère, hormis dans les textes religieux : c'était en fait l'abrégé d'une autre écriture cursive, le hiératique qui, pour sa part, dérivait directement des hiéroglyphes.

     En 1895, F. Lexa sort diplômé de l'Université Charles de Prague, prestigieux établissement fondé en 1348 sous les auspices de 
Charles IV, alors à la tête du Saint Empire romain germanique.

     
L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE  - I. LES GRANDS PRÉCURSEURS : 1. FRANTISEK LEXA

 

     En 1905, il se hasarde à publier en tchèque les premières traductions de textes égyptiens anciens. Mais ce ne fut qu'au lendemain de la Première Guerre mondiale que commença véritalement son prestigieux parcours : en 1919, il rejoint la Faculté des Lettres de l'Université Charles, d'abord en tant que "Chargé de cours" (Privatdozent), c'est-à-dire enseignant à titre privé - non rémunéré par le gouvernement, donc -, dans son cas : Maître de conférences en égyptologie ; puis, trois ans plus tard, il poursuit son enseignement paré du titre de Professeur extraordinaire dans la même discipline.

     Reconnaissance suprême, en 1925, l'Université crée spécifiquement pour lui une chaire d'égyptologie dont il sera, près de trente années durant, le titulaire.

     Les sources tchèques que j'ai compulsées aiment à épingler le fait que Frantisek Lexa reçut en 1952 - il est alors âgé de 76 ans - le Prix national de Première classe, ce qui semble correspondre à la plus grande distinction que le gouvernement de la République d'alors décernait aux scientifiques nationaux de très haut niveau.
                    
     J'ajouterai pour ma part, si vous me permettez ce petit coquerico, qu'il fut également correspondant de notre Fondation Égyptologique Reine Elisabeth (F.E.R.E.) fondée, souvenez-vous amis visiteurs, par  le grand égyptologue belge Jean 
Capart immédiatement après avoir visité la tombe de Toutânkhamon en compagnie d'Elisabeth de Bavière, épouse de notre roi Albert Ier.

     Dans son pays, avec d'autres savants, Lexa entreprit de mettre sur pied l'importante revue orientaliste "Archiv Orientalni".

     Philologue dans l'âme plutôt qu'archéologue de terrain, il se distingua essentiellement par la rédaction d'ouvrages consacrés à la langue égyptienne :  je retiendrai de très pertinentes études sur les textes sapientiaux,  mais surtout, oeuvre de toute une vie, une imposante "Grammaire démotique", en 7 volumes, parue de 1938 à 1950.
                                         
     Certes, les thèses avancées dans ses travaux philologiques précurseurs furent parfois considérées comme très originales, pour ne pas écrire "révolutionnaires". Souvent, des confrontations de points de vue animèrent le petit cercle des philologues de son temps. Il n'en demeure pas moins qu'à l'heure actuelle, force m'est de constater qu'aussi hasardeuses qu'apparurent à l'époque ses hypothèses, à bon nombre d'entre elles, la majorité des grammaires font maintenant la part plus que belle.  

      Les différentes publications que nous lui devons, de très haute teneur et en anglais, unanimement célébrées par la communauté savante internationale, voisinent avec des ouvrages de vulgarisation, en sa langue maternelle cette fois, sur la religion, la morale et la littérature égyptiennes aux fins d'initier ses compatriotes aux moeurs des anciens habitants des rives du Nil.
     Projet éminemment louable s'il en est, nationalement parlant, mais resté grandement dommageable pour le savoir universel dans la mesure où, de nos jours encore, cette documentation de première main, brillante, brassant un éventail considérable de connaissances, n'a toujours pas trouvé son traducteur, fût-il anglophone ou francophone. Il s'agit là, dans le chef de bien des égyptologues patentés, et au-delà des expressions convenues et exagérément laudatives qu'on lit le plus souvent après un décès,
 d'un carence certaine, d'un véritable dénuement pour la science.

     Enfin, et ce n'est évidemment pas un de ses moindres apports, ce savant ne compta  jamais ses efforts pour former quelques disciples ayant embrassé non seulement la carrière d'égyptologue, mais celle aussi, non moins ardue, de philologue de la langue et des écritures égyptiennes : qu'il me soit permis d'au moins citer Michel Malinine, égyptologue et démotisant français d'origine moscovite à qui l'on doit, entre autres, quelques-unes des traductions de papyri du Louvre que j'ai eu, voici un an déjà, l'opportunité d'évoquer ici avec vous ; et bien évidemment Jaroslav Cerny, son compatriote, dont j'aurai plaisir à vous entretenir mardi prochain ...
    
     E
n 1958, - il avait alors 82 ans -, point d'orgue à tous ses travaux, à toute sa carrière de chercheur et d'enseignant, Frantisek Lexa créa, à la Faculté des Lettres et des Arts de l'Université Charles de Prague, l'Institut tchécoslovaque d'égyptologie que je citai tout à l'heure : c'est cet anniversaire, mais surtout la volonté d'établir un bilan de cinquante années de fouilles en terres pharaoniques que, sous l'égide du Narodni Muzeum (Muséum National), commémora en 2008 la grande exposition pragoise : Objevovani zeme na Nilu ("Discovering the land of the Nile") .


 

     D'un point de vue déontologique, je m'en voudrais de vous quitter, amis visiteurs, sans avoir souligné que c'est précisément au catalogue de cette exposition, acquis lors d'un séjour à Prague en 2009, que j'ai pris la liberté d'emprunter le portrait de Frantisek Lexa qui illustre le présent article.
 
 
 
 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
 
 

DAWSON Warren R./ UPHILL Eric P.Who was who in Egyptology, 2ème édition, Londres, Egypt Exploration Society, 1970, p. 177.

 

 

ONDERKA Pavel & alii, Objevovani zeme na Nilu ("Discovering the land on the Nile"), Prague, Narodni Museum, 2008, p. 15.

 

 

VAN DE WALLE Baudouin, Frantisek Lexa : Nécrologie, CdE 35, n° 69-70, Bruxelles, F.E.R.E, 1960, pp. 193-5.

 

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