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12 décembre 2017 2 12 /12 /décembre /2017 01:00

 

     Il n'y a pas de nature, il n'y a pas de culture, il y a le monde. On l'améliore par l'art, dont les gestes sont parfois un fragment. "

 

 

 

Charles  DANTZIG

Le Traité des gestes

Paris, Grasset, 2017

 

repris de Adrien GOETZ

Gestes du Louvre, gestes de tous

dans Grande Galerie. Le Journal du Louvre n° 42

Paris, 2017, p. 29

 

 

 

 

 

     Voilà : il a pris l'avion ! Il s'en est allé au devant d'une nouvelle et exaltante aventure : quitter les quais de Seine en jetant un regard discret sur la coupole de l'Académie française sous laquelle Jean d'Ormesson, le dernier grand thuriféraire de notre si belle langue, ne siégera plus ; passer "D'un Louvre à l'autre" et rejoindre un temps, exactement du 21 décembre prochain jusqu'au 7 avril 2018, une autre coupole, étoilée, spectaculaire, de 180 mètres de diamètre recouvrant les cinquante-cinq bâtiments de cette nouvellement inaugurée médina de la Culture, à Abu Dhabi, où il escompte bien se donner à connaître, lui le haut fonctionnaire aulique remarqué par Psammétique II, souverain de la XXVIème dynastie égyptienne, en  représentant son pays à la première exposition temporaire qui y est organisée, tout à côté qu'il sera d'un Moaï kavakava de l'Île de Pâques qui, pour sa part, a aussi quitté un musée parisien, celui du quai Branly, et avec lequel il essaiera vraisemblablement de converser ...  

 

     Maintenant seul avec vous, amis visiteurs, dans la salle 2 du Département des Antiquités égyptiennes après que Nakht-Hor-Heb, - car c'est bien de lui qu'il s'agit à nouveau, vous l'aurez reconnu, qui, plusieurs semaines durant, nous a expliqué qui il fut et ce qu'il fut -, s'est envolé vers des cieux bien plus bleus, je souhaiterais, avant de nous diriger de conserve vers la salle 3 en janvier prochain, répondre, lors des deux derniers rendez-vous que j'ai programmés en cette fin d'année, à certaines questions qui me furent posées durant la semaine écoulée et, notamment, évoquer la notion si importante en Égypte antique de "formule d'offrande".

 

     La sienne, il nous l'a précisé, mettant très fortement l'accent sur ses titres et qualités, se déployait à même les faces du socle qui l'accueillit, agenouillé, hiératique, les mains posées à plat sur les cuisses, geste "fragment de l'art", retenu par les Égyptiens de l'époque pour symboliser la prière,

 

D'après Louvre A 94 - © Ch. Décamps

D'après Louvre A 94 - © Ch. Décamps

 

pour manifester le respect, la déférence d'un particulier vis-à-vis d'un roi et de la, - ou des -, divinité(s) qu'il sollicite, aux fins d'assurer son éternité dans l'Au-delà grâce précisément à ce type d'incantation.

 

      Profitant de l'opportunité qui m'est donnée par la concision des formulations lues sur ses différents monuments, j'aimerais proposer à tous mes visiteurs de Facebook d'en découvrir ce matin une autre, bien plus prolixe celle-là, - ceux des fidèles lecteurs de mon blog s'en souviendront certainement -, ayant été gravée sur un linteau de la porte de la chapelle funéraire d'un certain Kaâper, pas le plus que célèbre Cheik el-Beled du Musée du Caire, mais un homonyme, celui dont nous avions entrevu la partie supérieure de la tombe à Abousir, en mai 2010 ; celui dont plusieurs reliefs issus de pillages avaient été achetés par divers musées dans le monde et dont l'un d'entre eux fait actuellement partie des Aegyptiaca qui assoient durablement la richesse et la renommée de la Fondation Martin Bodmer - Bibliotheca Bodmeriana - à Cologny, près de Genève.

 

     J'ai la chance et le plaisir de virtuellement connaître plusieurs personnes passionnées d'égyptologie qui ont visité ce Musée, notamment Corinne , une "voisine" liégeoise qui m'a permis de lui emprunter ce cliché de l'intégralité du monument réalisé avec le recul nécessaire de manière qu'il nous apparaisse sur toute la longueur de ses quelque trois mètres, - pour seulement 22,5 centimètres de hauteur et de 3,5 à 5 cm de profondeur ;

 

 

Linteau-de-Kaaper--Cliche---Bastet-.JPG

 

   

et, bien évidemment, mon amie genevoise qui m'a offert tous les autres clichés qu'elle a pris de ce relief et qui émailleront notre présent rendez-vous, ainsi que celui de la semaine prochaine, l'ultime avant de prendre congé de vous et de 2017.

 

(Grand merci à toi aussi, qui te reconnaîtras.)

 

 

 

 

     Offrande que donne le roi et (que donne) Anubis qui préside à la chapelle divine et à la nécropole : qu'il soit enterré dans la nécropole en tant que détenteur de privilèges, qu'il atteigne une très belle vieillesse auprès du grand dieu et que l'on invoque pour lui (des offrandes consistant en) pain, bière, viande, volaille (lors de) la fête de Thot, le premier de l'an, le nouvel an, la sortie de Min, la fête du feu, le premier du mois, chaque fête, chaque jour, (pour) le chambellan royal, le prêtre d'Heqet, le magistrat et administrateur, Kaâper.

  

     Voici donc, traduite par les égyptologues suisses Sandrine Vuilleumier et Jean-Luc Chappaz référencés dans ma bibliographie infrapaginale, l'intégralité de la formule d'offrande de Kaâper dont, parallèlement aux explications que je vous donnerai aujourd'hui, je vous invite à d'ores et déjà admirer dans l'incipit par lequel nous allons commencer le soin apporté par le lapicide à la graver en léger relief de beaux et fins hiéroglyphes 

 

     En guise de simple introduction, permettez-moi de préciser que ce Kaâper fut lui aussi, quelque deux mille ans avant Nakht-Hor-Heb, un important fonctionnaire royal auréolé de nombreux titres tels que, notamment, scribe des terres de pâturage du bétail tacheté ; scribe, puis inspecteur des scribes du département des documents royaux se rapportant à l'armée de plusieurs forteresses des zones frontalières ; surveillant de tous les travaux du roi, puis architecte en chef responsable des bâtiments royaux sur tout le territoire égyptien ...

 

     Mais qu'est-ce donc qu'une "formule d'offrande" ??

 

     Il s'agit d'un texte invocatoire qui, dès l'Ancien Empire, comporta cinq éléments se déclinant dans un ordre bien défini : l'en-tête, invariable (Offrande que donne le roi) ; le nom de l'un ou l'autre dieu, essentiellement à connotation funéraire ; le verbe d'action, lui aussi immuable (donner) ; l'énoncé d'une succession de produits alimentaires et se terminant par le prénom du défunt auquel cette "prière" s'adressait, souvent assorti de ses titres et qualités, parfois de l'une ou l'autre spécification d'ordre généalogique.

 

     Pour diverses raisons politiques et/ou religieuses, le texte un temps figé, évolua suivant les époques, tant au niveau de la forme, -  quelques graphies nouvelles apparurent -, que du fond : aux denrées de base, pain, bière, viande, volaille, vinrent s'en ajouter d'autres comme le vin ou le lait, différents biens comme des tissus ou des ustensiles de vaisselle mais aussi, parfois, l'un ou l'autre souhait personnel du défunt.

 

     Abordons à présent, voulez-vous, le linteau si élégamment gravé du mastaba de Kaâper que vous lirez, comme de tradition, en partant de la droite et en vous dirigeant vers la gauche ; et voyons si, in fine, le texte respecte la formulation classique que je viens de brièvement vous définir.

 

 

     Offrande que donne le roi et (que donne) Anubis

 

 KAAPER 01. Offrande que donne le roi et Anubis

 

 


     Avec "Htp di nsw.t" - prononcez "hétep di nésout" -, Offrande que donne le roi, nous sommes donc bien en présence de l'incipit obligé de cette formulation. Les deux premiers hiéroglyphes, le roseau des marais (1) et la galette de pain en dessous (2), symbolisent le roi de Haute-Égypte : ensemble, ils se traduisent littéralement par : "Celui qui appartient au roseau", dans la mesure où cette plante figure l’emblème du sud du pays, comprenez : la Haute-Égypte.

     Le troisième signe, un pain sur une natte concrétise le concept de l'offrande ; et le quatrième, le triangle, correspond à une des formes conjuguées du verbe "donner".

 

     En toute logique, respectant ma numérotation, au lieu de "Offrande que donne le roi" que je viens de vous dire,  je devrais donc traduire cette suite de pictogrammes par :  " Le roi (1-2 offrande (3 donne (4) ", ce qui, convenez-en ne respecte guère notre langue française mais respecterait mieux la langue égyptienne car la première place qu'occupent ici les hiéroglyphes symbolisant le roi constitue ce que les égyptologues sont convenus d’appeler soit une métathèse de respect, soit une antéposition honorifique, c'est-à-dire une inversion sémantique par rapport à la logique de manière à mettre la personne royale en exergue, de manière à porter sur elle l'éclairage, avant n'importe quelle autre indication.

 

     Quant au cinquième élément dessin gravé, ce superbe chacal assis, il concrétise le fait qu'aux premiers temps - à tout le moins au début de la Vème dynastie -, ces souhaits étaient subordonnés aux consentements conjoints du souverain, "patron" séculier de la nécropole et d'un dieu, Anubis ici en l'occurrence, divinité protectrice de cette même nécropole qui, comme l'indique la suite du texte sur le linteau : 

 

préside à la chapelle divine et à la nécropole.

 

 

Kaaper-02.-qui-preside-a-la-chapelle-divine-et-a-la-nec.jpg

 

 

     Parfois, ce seront d'autres divinités à connotation funéraire, Osiris, ou Ptah, ou Min ..., voire l'une ou l'autre ensemble, qui seront également convoquées par le défunt.

 

     Roi et dieu(x) accordaient donc de conserve plusieurs avantages aux privilégiés à récompenser, dont pourvoir à son alimentation n'était évidemment pas le moindre. 

 

     Par la suite, la formule se modifia dans la mesure où le roi, initiateur des offrandes, faisait oblation au dieu, devenu ainsi bénéficiaire premier, pour qu'il les rétrocède à un défunt, "allocataire" final : Offrande que donne le roi à Anubis, pourriez-vous lire dans ce cas.

 

     Les nombreuses variantes rencontrées au cours des temps dans le libellé des formules d'offrandes, notamment aux XIIème et XIIIème dynasties (Moyen Empire/Deuxième Période Intermédiaire) - sur lesquelles il serait fastidieux et trop pointu d'insister aujourd'hui -, constituent d'évidence, vous l'aurez compris amis visiteurs, autant de critères stylistiques permettant aux égyptologues de dater avec une certaine précision le monument sur lequel elles figurent.

 

     Avant de poursuivre, qu'il me soit également permis un nouvel excursus pour simplement mentionner, sans là aussi entrer dans de trop lourdes considérations lexicologiques, que certains égyptologues contemporains ont choisi de ne plus entériner la traduction classique de leurs pairs, Offrande que donne le roi, et de voir en ces termes des sens grammaticaux différents - verbe ou substantif ? ; formule descriptive ou optative ? Ils préfèrent alors traduire par Daigne le roi accorder une offrande à ... ou Puisse le roi ... ou  Veuille le roi ... ou encore Qu'il (le roi) daigne accorder ...

 

     Mais tout ceci, que je ne fais que citer par simple souci d'exhaustivité, mériterait évidemment d'être développé au sein d'un vrai cours d'apprentissage de la langue égyptienne, ce que mon modeste blog n'a nullement la prétention d'être ...

 

 

     L'incipit terminé, l'invocation proprement dite peut commencer avec d'abord le vœu que Kaâper soit enterré dans la nécropole en tant que détenteur de privilèges.

 

 

Kaaper-03.-qu-il-soit-enterre-dans-la-necropole-en-tant-q.jpg

 

 

     Ensuite, qu'il atteigne une très belle vieillesse auprès du grand dieu.

 

 

Kaaper-04.-qu-il-atteigne-une-tres-belle-vieillesse-aupre.jpg

 

 

     Comment ne pas songer, en lisant semblables souhaits, à ce passage que nous avons jadis rencontré dans les Maximes de Ptahhotep, précédant immédiatement le colophon :

 

J'ai obtenu cent dix ans de vie,

que m'a accordés le roi,

(...) pour avoir pratiqué la maât pour le roi,

jusqu'à la place de la vénération (comprenez : le tombeau).

 

 

 

     Sur le linteau de Kaâper vont ensuite être énumérées les offrandes alimentaires proprement dites : c'est, si vous y consentez, amis visiteurs, ce que nous découvrirons ensemble mardi prochain, 19 décembre, avant que je vous octroie le congé scolaire de fin d'année auquel, très probablement, vous aspirez grandement ...

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

BARTA  Windfried, Aufbau und Bedeutung der altägyptischen Opferformel, Glückstadt, ÄgForsch 24, 1968, passim

 

 

MASPERO  Gaston, La table d'offrandes des tombeaux égyptiens, Études de mythologie et d'archéologie égyptiennes, Tome 6, Paris, Leroux, 1912, pp. 365-9.

 

 

 

SAINTE FARE GARNOT  Jean, Religions de l'Égypte, dans École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, Annuaire 1948-1949, pp. 35-8.

(Site "Persée")

 

 

 

VUILLEUMIER Sandrine, CHAPPAZ Jean-Luc, Une offrande que donne le roi, dans "Sortir au jour" - Les aegyptiaca de la Fondation Martin Bodmer, Genève, Édition Fondation Martin Bodmer Cologny et Société d'égyptologie Genève, 2002, pp. 71-5.

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5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 01:00

 

     "Je sais ma pudeur et c'est d'un doigt prudent, d'un seul doigt, que je viens ici tapoter trois ou quatre notes sur le piano de mon adolescence.  (...)

     Je sais trop, en effet, quelle complaisance à soi - malgré soi ? - fait souvent dériver l'esquif des souvenirs vers des mers aux vagues complices qui vous portent où votre gré, menteur, veut aller. Je me méfie des autobiographies, des aveux écrivains, des enfances débitées en chapitres impeccables (...), des mémoires fonctionnant avec une précision de bottin téléphonique, des souvenirs emboîtés en puzzle par des mains d'adulte et coloriés en trompe-l’œil et trompe-sincérité selon de nostalgiques humeurs, je me méfie de cela."

 

 

 

Jean  CAU

Croquis de mémoire

 

Paris, Julliard, 1985

p. 69

 

 

 

     Heureux, très heureux, de vous retrouver ici, amis d'ÉgyptoMusée, et vous aussi Richard, dans cet espace vide voici un instant encore de la salle 2 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre où, désespérément resté seul après notre bien agréable rendez-vous de la semaine dernière, je me suis beaucoup interrogé sur l'éventualité de vous recevoir tous à nouveau et, surtout, sur votre envie ou pas d'accepter mon invitation à m'écouter derechef évoquer mon passé ...

 

     Tout de go, je vous rassure : dans le droit fil des propos de Jean Cau, deux lustres secrétaire de Jean-Paul Sartre -, que M. Lejeune m'a conseillé de vous rappeler ce matin en guise de préalable, je ne révélerai rien me concernant qui ne soit prouvé grâce à  ce que vous trouverez gravé à même mon effigie par l'artiste mandé pour m'immortaliser.

 

     Ceci posé, tout ce qui est écrit, tout ce que l'on peut lire sur un socle de statue ou un mur de tombe respecte-t-il toujours la vérité historique ? Est-ce parce que vous l'avez lu sur la pierre que cela correspond à la stricte réalité et que vous deviez tout croire, tout prendre au pied de la lettre ... fût-elle hiéroglyphe ? 

 

     Voilà bien une question cruciale qui, à mon sens, doit encore de vos jours et dans votre monde rester d'actualité, non ?

Mais bon, revenons au mien, de monde. 

 

     Si vous avez pris mes propos de la semaine dernière en bonne considération et bien observé le socle sur lequel je suis agenouillé, vous devez avoir retenu que le texte gravé en creux qui le parcourt rend compte de deux formules d'offrande qui, comme de tradition, sont destinées à m'assurer, à tout le moins à mon "Ka" comme on disait alors, comprenez : à ma force vitale, à ma potentialité de vie, le meilleur pour mon éternité post-mortem.

 

     En fait, chacune des deux phrases partant de dessous mes genoux et se poursuivant de façon symétrique, l'une vers la droite, l'autre vers la gauche, commence par indiquer que mon souverain, - je vous précise qu'il s'agissait de Psammétique II -, fait offrande au dieu Thot aux fins qu'il m'accorde "toute chose bonne, pure et succulente dont vit un dieu", et se termine, à l'arrière du socle, je vous l'ai expliqué lors de notre précédent rendez-vous, par mon prénom.

 

    Mais entre ce début de texte et sa fin, que croyez-vous y trouver ? Tout simplement, mes titres, mes fonctions ; en d'autres mots : mes attributions à la Cour. 

 

     Qui fus-je ?

     Non par suffisance ou vanité mais parce que je ne suis pas peu fier de mon ascension sociale, permettez-moi de vous répondre que d'un côté est indiqué que je fus Comte-Gouverneur, Ami unique du roi, Administrateur du Palais, habilité à donner des instructions aux courtisans mais aussi Prêtre-lecteur

 

     Vous comprendrez aisément que cette dernière fonction me tient particulièrement à cœur puisqu'elle entérine le fait que, dans cette société où si peu étaient à même de lire et d'écrire, avait été remarquée, appréciée et mise à profit ma dilection pour notre langue.

 

     Me croirez-vous si je vous confie qu'aujourd'hui, à ne plus m'en être servi depuis tant de siècles, à ne plus l'avoir entendue dans mon entourage, ici, au Louvre, j'en ai oublié jusqu'à la prononciation, j'en ai oublié la belle musicalité ?

 

 

     Consubstantiellement aux différents postes et appellations qui m'avaient été conférés dans mon âge d'homme et que je viens d'énoncer pour vous, la seconde formule, gravée sur les faces opposées du socle, en épingle plusieurs autres : j'étais en effet aussi considéré comme Compagnon de Sa Majesté ; j'étais aussi chargé de la couronne lors de l'habillement du roi : votre Louis XIV se serait-il inspiré tant de siècles plus tard de notre cérémonial d'alors ? 

 

     Ne vous laissez surtout pas abuser par ces titres parfois déroutant en votre vingt-et-unième siècle et que, par souci de modestie, croyez-le bien, je n'ai pas tous listés : en définitive, je ne fus jamais, et ce  parmi tant d'autres, notamment ces Ti, Ptahhotep et autres Akhethetep de l'Ancien Empire que vous connaissez probablement bien mieux que moi, qu'un haut-fonctionnaire aulique, embrassant de nombreuses responsabilités, tant civiles que sacerdotales ; pour me résumer, je ne fus qu'un Administrateur du Palais, tout à la fois initié à ses arcanes, mais aussi aux rituels des temples, ainsi qu'aux formules secrètes des magiciens. 

 

     Ce rang dans la hiérarchie sociale et cette belle carrière qui furent miens se concrétisèrent par divers monuments réalisés à mon nom : rappelez-vous, plusieurs statues et un sarcophage, disséminés maintenant dans différents musées, de Rome à Copenhague, de Londres à Paris.

 

     Je viens d'évoquer cet Ancien Empire aussi éloigné pour moi dans le temps que je le suis actuellement de vous : vous devez savoir qu'à la fin de cette époque-là déjà, soit aux Vème et VIème dynastiesla réduction des commandes proprement royales permit à bon nombre d'artistes de travailler pour les chapelles funéraires des courtisans et des dignitaires du royaume tels que moi, que le roi honorait fréquemment du don d'une tombe et/ou d'une statue. 

 

     En outre, à l'époque suivante, au Moyen Empire, donc, les souverains autorisèrent l'érection de petites chapelles privées au sein des espaces publics de certains temples. De sorte que, grâce à cette haute faveur régalienne, je pus me glorifier, parmi d'autres notables, de posséder plusieurs statues à mon effigie dans la cour même de divers temples et d'ainsi bénéficier de la protection royale ; statues actuellement dispersées dans d'autres établissements que le Louvre où je vis désespérément seul ...

 

     Permettez-moi d'ouvrir une petite parenthèse. J'ai à l'instant mentionné les "espaces publics" de certains temples. Vous ne pouvez évidemment ignorer qu'à la différence de tous vos lieux de culte modernes, l'intérieur d'un temple égyptien n'était à l'époque nullement accessible au public, mais en principe strictement réservé au monarque, responsable suprême de la dévotion à rendre aux dieux. En principe car, n'ayant évidemment aucune propension à l'ubiquité, le souverain ne pouvait officier en même temps dans tous les sanctuaires du pays. Dès lors, une théorie de prêtres rendaient à sa place les hommages prévus chaque jour à la statue du dieu que le temple recelait, et honorait.

 

 

     Il ne vous aura certes pas échappé que, parmi mes prérogatives d'Administrateur du Palais de Psammétique II, j'aie tout à l'heure précisé que j'étais aussi initié aux "formules secrètes des magiciens". Or, avanceront les plus perspicaces d'entre vous, je n'ai rien insinué à ce sujet qui soit gravé sur les quatre faces du socle. Aurais-je oublié ma promesse initiale de ne faire mention que de ce que la pierre nous apprenait ?

 

     Que nenni, mes amis !

 

     M'autorisant à prolonger mon plaisir à vous avoir nombreux ici attentifs devant moi, j'ai  conservé pour la bonne bouche un important "détail" lithique que vous auriez remarqué de prime abord en me contournant si les Conservateurs du Département ne m'avaient malencontreusement pas installé aussi près de l'imposante paroi de pierre grise posée derrière moi : pour me tenir aussi hiératiquement droit sur mes talons, sachez que je suis appuyé contre une pierre qui fait corps avec moi. C'est ce que, de profil vous distinguez à peine et que les égyptologues qualifient de pilier dorsal.

 

 

Louvre A 94 - © Ch. Décamps

Louvre A 94 - © Ch. Décamps

 

     Pour la petite histoire de la ronde-bosse égyptienne, j'ajouterai que c'est précisément à l'Ancien Empire auquel je faisais voici quelques minutes allusion, exactement à la Vème dynastie, qu'apparut pour la première fois semblable appui dorsal : c'était sur une représentation statuaire du roi Niouserrê, retrouvée à Karnak, qu'actuellement se partagent les Musées du Caire et de Rochester, dans l'État de New York.

 

     Si j'en crois l'égyptologue anglais Cyril Aldred (1914-1991), cet élément de pierre trouverait vraisemblablement sa raison d'être originelle dans la nécessité de consolider les effigies en calcaire qui, sous leur poids, risquaient de se briser au niveau des chevilles. Raison pour laquelle il fut, dans un premier temps, essentiellement ajouté aux statues en pied.
     Mais très vite, cet élément fit partie intégrante du monument lui-même et prit ainsi une importance certaine et non négligeable dans la mesure où il fournissait un emplacement  supplémentaire aux artistes pour graver un certain nombre d'indications concernant le dignitaire statufié.

     Quelque deux mille ans après Niouserrê, ce fut également le cas pour ce qui me concerne. 

 

     Si vous pouviez le voir de face, en entier pour admirer les deux colonnes parallèles de hiéroglyphes magnifiquement incisés en creux, que vous apprendrait mon pilier dorsal que déjà vous ne sachiez ? 

     Il vous préciserait que je fus également Porte-parole de la ville de Pé ; également Préposé aux secrets de la Maison-du-Matin, - comprenez du vestiaire royal - ; également Directeur des scribes et enfin, à propos de l'initiation à la magie que j'ai citée tout à l'heure, Administrateur en chef des supérieurs des forces magiques dans la Maison-de-vie, - comprenez dans la bibliothèque du temple de Saïs, ville d'où mon souverain était originaire.

 

     Enfin, et j'ai gardé le plus personnel pour la fin car cette annotation me touche énormément : après la dernière mention de mon prénom, Nakt-Hor-Heb,

NAKHT-HOR-HEB  : EN MES TITRES ET QUALITÉS
NAKHT-HOR-HEB  : EN MES TITRES ET QUALITÉS
NAKHT-HOR-HEB  : EN MES TITRES ET QUALITÉS

 

aux deux tiers de la seconde colonne, j'ai absolument souhaité que figurât la formule mentionnant le nom de ma mère : je fus mis au monde par Ta(y)es-Nakht.

 

     Simple femme du peuple ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

ALDRED  Cyril, L'art égyptien, Paris, Thames & Hudson, 1989. 

 



ANDREU  G./RUTSCHOWSCAYA  M.-H ./ZIEGLER  Ch., L’Égypte ancienne au Louvre, Paris, France Loisirs, 1997, pp. 185-6.
 

 

 

CALMETTES  Marie-Astrid, Statue de Nakhthorheb, Archéologia n° 341, Dijon, Editions Faton, 1998, p. 41.

 

 

 

PERDU  Olivier, Statue de Nakht-hor-heb, dans Les statues privées de la fin de l'Égypte pharaonique (1069 av. J.-C - 395 apr. J.-C.), Tome I - Hommes, Paris, Musée du Louvre/Éditions Khéops, 2012, pp. 272-81

 

 

 

ZIEGLER  ChristianeLouvre : Les Antiquités égyptiennes I, (Guide du visiteur), Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1997 ², p. 18.

 

EAD.Les plaisirs d'une collection, Archéologia n° 341 "L'Égypte au Louvre ", Dijon, Éditions Faton, 1998, p. 24.

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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 01:00

 

 

     La nature forme des êtres vivants mais quelconques, l'artiste forme des êtres morts mais dotés de signification, la nature crée des êtres véritables, l'artiste des êtres d'apparence. Dans le cas d’œuvres de la nature, le spectateur doit apporter lui-même la signification, le sentiment, les pensées, l'effet et l'action sur l'âme ; dans le cas de l'œuvre d'art,il veut et doit trouver déjà tout cela dans l'œuvre. Une imitation parfaite de la nature n'est possible dans aucun sens, l'artiste est appelé uniquement à représenter la surface d'une apparence. L'extérieur, la totalité vivante qui parle à toutes nos forces spirituelles et sensibles, qui suscite notre désir, qui élève notre esprit et dont la possession nous rend heureux, qui est pleine de vie, vigoureuse, parfaitement formée et belle - c'est vers tout cela que l'artiste doit tendre.

 

 

 

 

Johann Wolfgang von GOETHE

L'Essai sur la peinture de Diderot

 

dans Écrits sur l'Art 

Paris, GF Flammarion n° 893, 1996 

pp. 194-5

 

 

 

D'après © Rama - Wikimedia (Fichier Nakhthorheb en train de prier A94 mg 8642.jpg)

D'après © Rama - Wikimedia (Fichier Nakhthorheb en train de prier A94 mg 8642.jpg)

 

 

     "Longtemps, je me suis couché de bonne heure," a écrit l'un de vos plus grands littérateurs à qui j'emprunte cet incipit, non pas que mes yeux se fermassent aussi vite que les siens, non pas que j'aie conscience de m'assoupir en me disant : "Je m'endors", mais parce que je n'ai rien d'autre à faire dans ce sombre absolu qui m'assaille tout à coup, chaque soir, bien après que les derniers visiteurs, - si toutefois il y eut des premiers ! -, m'ont délaissé.

 

     Rien d'autre à faire que soliloquer, et m'interroger : qui suis-je ? Ou, tout aussi grande question existentielle : que suis-je ?  

 

     Enfin Richard Lejeune vint, et, le premier en Belgique, - ou presque -, sembla s'intéresser à moi, envisageant même d'inviter ici, en salle 2 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, ses amis aux fins que je leur parle de moi.

     Et parler de moi, il n'y a que cela qui m'intéresse ...

 

 

     Je m'appelle Nakhthorheb.

 

     Oh !, j'en suis conscient : c'est pour vous difficile à prononcer, à écrire, à comprendre aussi, peu habitués que vous êtes à semblables consonances et à un prénom tripartite car, oui, en réalité, il s'écrit Nakht-Hor-Heb.

 

     Ici, au Louvre, par facilité je présume, l'on me nomme A 94. Admettez que cela ressemble plus à un glacial matricule qu'à une harmonieuse appellation ... que je ne puis contrôler ! A 94 me semble si disgracieux, ingrat, rébarbatif ! Fort peu avenant, reconnaissons-le, pour engager un éventuel dialogue. Aussi, entre nous, soyons simples, appelez-moi l'Orant. 

 

     Non seulement, du strict point de vue de la sonorité, cette dénomination s'accommodera mieux avec votre langue, elle vous paraîtra plus familière mais en outre, elle correspondra parfaitement à l'une de mes activités. 

 

     Richard Lejeune, dans son ÉgyptoMusée, vous en a rapidement touché un mot la semaine dernière. Mais j'escompte plus tard étoffer ses propos, quand je m'efforcerai de vous expliquer mes attributions à la Cour du souverain qui alors gouvernait mon pays ; de vous expliquer le "que fus-je ?"

 

     Mais avant, commençons voulez-vous par le "qui fus-je ?" 

 

     À vous dont le prénom n'a pas vraiment de signification sauf peut-être de faire référence à un personnage célébré, devenu le plus souvent saint d'un calendrier, martyrologe ou ménologe ; à vous qui, plus que très probablement, ignorez et l'origine et la vie du personnage emblématique auquel vos parents, pour diverses raisons personnelles, ont jugé bon de vous associer par ce prénom, alors que votre nom de famille, lui, s'inscrit de plain-pied au sein d'un processus étymologique qui s'imposa dès la fin de l'époque romaine, puis au Moyen Âge en fonction de l'aspect, du métier ou de l'endroit où vécut le premier qui alors le porta de manière, dans chaque village, à le distinguer de tous les autres Jean, ou Pierre ou Marie auxquels l'évolution galopante de la démographie avaient donné naissance ; à vous, j'aimerais préciser que mon prénom, comme tant d'autres en Égypte ancienne d'ailleurs, est véritablement significatif, véritablement porteur de sens : ainsi, "nakht" se réfère-t-il à la force, à la puissance, raison pour laquelle dans le corpus hiéroglyphique est-il représenté soit par un homme armé d'un bâton qu'il tient des deux mains avec lequel il est manifestement prêt à frapper, signe A 24 de la liste de Gardiner

STATUE A 94 - APPROCHE ONOMASTIQUE

 

soit par un avant-bras dont la main tient également un bâton, signe D 40 ; 

STATUE A 94 - APPROCHE ONOMASTIQUE

 

"Hor", pour sa part, représenté par un faucon, constitue l'idéogramme du dieu Horus, portant la référence G 5, dans la même liste ;

STATUE A 94 - APPROCHE ONOMASTIQUE

 

et enfin "heb", s'apparentant à la notion de festivité, figuré par l'idéogramme O 23 censé représenter la salle des fêtes de "jubilé royal".

STATUE A 94 - APPROCHE ONOMASTIQUE

 

 

     Ces trois hiéroglyphes ici placés verticalement mais horizontalement gravés l'un à côté de l'autre à même la partie postérieure de la base sur laquelle je suis agenouillé qui, parce que malencontreusement installée trop près de la dalle grise derrière moi, n'est visible par aucun d'entre vous, ces trois pictogrammes donc proposent évidemment mon prénom, Nakht-hor-heb, (A 24, G 5 et O 23),

 

STATUE A 94 - APPROCHE ONOMASTIQUE
STATUE A 94 - APPROCHE ONOMASTIQUE
STATUE A 94 - APPROCHE ONOMASTIQUE

pour terminer la première formule d'offrandes que j'y ai fait inscrire par un lapicide de mes amis ; inscription qui, en partant de dessous mon genou gauche se lit de gauche à droite en commençant par "Offrande que donne le roi à Thot", ainsi que l'a parfaitement traduit une de mes lectrices sur sa page FB le 21 novembre dernier. (Bravo Barbara !)

 

     Remarquez qu'à l'avant, parce que j'ai souhaité qu'une seconde formule semblable tout en n'étant pas exactement identique, se déploie une autre invocation de manière symétrique de manière à doublement assurer mon avenir dans l'Au-delà, en commençant sous mon genou droit cette fois et se lisant de droite vers la gauche :

 

Gros plan des inscriptions de la face antérieure du socle de Nakhthorheb que je me suis autorisé à réaliser à partir d'une photo que m'a offerte Madame Chris Subrosa.

Gros plan des inscriptions de la face antérieure du socle de Nakhthorheb que je me suis autorisé à réaliser à partir d'une photo que m'a offerte Madame Chris Subrosa.

 

elle aussi se clôture par mon prénom, toujours aussi invisible à l'arrière. Mais là, les signes hiéroglyphiques de l'homme armé et du faucon placés dans l'autre sens évidemment ; celui de la salle des fêtes (O 23), pour sa part, fait office de dernier idéogramme pour chacune des deux phrases.

     En un mot comme en cent, O 23,

 

STATUE A 94 - APPROCHE ONOMASTIQUE

n'est gravé qu'une seule fois exactement au centre de la face postérieure du socle, mettant ainsi fin à mon "petit" nom, qu'il soit lu en venant de la droite ou de la gauche.

 

     Sur les textes qu'il me seyait de voir incisés en creux sur ce monument à ma gloire, - oui, oui, à ma gloire !, vous m'avez bien entendu -, je vous entretiendrai prochainement, amis d'ÉgyptoMusée, estimant que notre présent rendez-vous, plus ardu que d'habitude avec Richard Lejeune, devrait suffire pour rassasier votre appétence matinale ... 

 

 

    À tout bientôt, mardi 5 décembre prochain ? 

 

     N'oubliez pas : en salle 2, quasiment vide, si peu attrayante, - mis à part moi, bien évidemment ! -, au-dessus de l'escalier venant de la Crypte du Sphinx ...

 

 

 

 

 

     

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

PERDU  Olivier, Statue de Nakht-hor-heb, dans  Les statues privées de la fin de l'Égypte pharaonique (1069 av. J.-C - 395 apr. J.-C.), Tome I - Hommes, Paris, Musée du Louvre/Éditions Khéops, 2012, pp. 272-81

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21 novembre 2017 2 21 /11 /novembre /2017 01:00

 

 

     À force de croire que l'on a déjà vu ce que l'on regarde, on finit par regarder pour la première fois des objets qui, jusqu'ici, nous semblaient familiers. Du déjà-vu, on s'élève à l'étonnement. D'un présent épaissi par son propre souvenir, on en vient à la matière fine de l'ordinaire métamorphosé en inédit.

 

 

Raphaël  ENTHOVEN

Lectures de Proust

 

Paris, Librairie Arthème Fayard, 2011, p. 31

 

 

 

 

      Comme sur l'obélisque du Cap Blanc-Nez, au récent congé d'Automne, 

 

UN ORANT - CONSIDÉRATIONS LIMINALES

 

ou comme sur toute la Côte d'Opale,

UN ORANT - CONSIDÉRATIONS LIMINALES

 

les feux se sont doucement éteints, amis visiteurs, sur les monuments qu'ensemble nous avons découverts ces dernières semaines dans la Crypte du Sphinx, première des trente salles du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.

 

UN ORANT - CONSIDÉRATIONS LIMINALES

 

     Il est grandement temps, à présent, d'emprunter l'escalier de gauche, aux fins de poursuivre nos déambulations. 

 

(© René Lefébure - httpwww.blog-crm.frexposes-etudiantsle-commerce-virtuel)

(© René Lefébure - httpwww.blog-crm.frexposes-etudiantsle-commerce-virtuel)

 

    Mais bizarre impression d'entrée, alors que des dernières marches gravies nous distinguons déjà celui qui nous attend, là-bas, agenouillé devant une immense dalle de marbre gris, l'endroit semble vide ... hormis un grand panneau explicatif   

 

(© Chris Subrosa)

(© Chris Subrosa)

 

dont m'échappe la raison de la présence en cet endroit, puisqu'il concerne la chapelle du mastaba d'Akhethetep exposée plus avant, en salle 4.

 

 

     Au point de départ de la nouvelle redistribution des antiquités égyptiennes inaugurée en décembre 1997 par le président de la République Jacques Chirac, cette salle 2, alors définie en tant qu'espace d'accueil et d'informations proposait, le long de la rampe d'escalier, une librairie consacrée essentiellement aux ouvrages et guides de la section égyptienne, déclinés en diverses langues.

 

 

Salle 2 (Louvre - Photo E. Revault)  

    
     
Il y a deux ans, la dernière fois que j'y accédai, les livres avaient disparu et bureau et présentoirs démontés étaient entassés pêle-mêle, vraisemblablement voués à être emportés ailleurs ...

 

     Quant à l'homme agenouillé, Nakhthorheb, il n'a pas bougé depuis 20 ans ... du moins pourriez-vous le supposer !

     Mais en réalité, au printemps 2012, j'eus l'opportunité de le croiser, lui, lui et encore lui, au Boulevard Haussmann, non pas flânant aux Galeries Lafayette mais devisant dans un des salons du Musée Jacquemart-André où, initiative de l'égyptologue français Olivier Perdu, Commissaire de l'exposition,

UN ORANT - CONSIDÉRATIONS LIMINALES

 

il était réuni à deux autres de ses effigies, toujours dans la même position, l'une venant du British Museum de Londres, l'autre, de chez les Rothschild.       

 

UN ORANT - CONSIDÉRATIONS LIMINALES

 

     Si ces trois statues datent  du milieu de la XXVIème dynastie, soit entre 664 et 525 avant notre ère, époque que les égyptologues ont coutume de caractériser par le terme "saïte", faisant ainsi référence à la ville de Saïs, dans le Delta occidental, dont étaient originaires les dynastes régnant sur le pays, celle du British Museum fut retrouvée dans le temple d'Osiris, à Saïs, celle de la collection privée de la famille Rothschild dans le temple d'Amon, à Xoïs et celle du Louvre qui nous intéressera plus particulièrement, dans celui de Thot, à Hermopolis-Baqlieh, villes importantes dans l'histoire de l'Égypte qui, toutes trois, se situèrent dans le Delta du Nil et qui, toutes trois aussi, sous le règne de Psammétique II, accueillirent dans leur sanctuaire une figuration de cet homme dont l'indéniable similitude laisse supposer qu'elles durent plus que très certainement avoir été façonnées, si pas par le même artiste, à tout le moins au sein d'un même atelier.

 

     Ce type statuaire figurant un particulier agenouillé, - ici, au Louvre, Nakhthorheb, désigné par le numéro d'inventaire A 94,  

     

Nakhthorheb - Louvre A 94 - © C. Décamps.

Nakhthorheb - Louvre A 94 - © C. Décamps.

 

la taille ceinte d'un simple pagne, la tête couverte d'une perruque en bourse, le torse viril, superbement modelé, - avez-vous notamment pris attention à ces détails du creux de la fourchette sternale à la base du cou et des clavicules en V bien marquées ; mais aussi, si vous examinez l'élégance de la silhouette de profil, le traitement minutieux du bas des jambes ? -, le port général droit et fier, les mains posées sur le côté externe du bas de ses cuisses inclinées, ce type de statuaire donc excède à peine, selon Olivier Perdu, la cinquantaine d'exemplaires. Provenant essentiellement de l'époque saïte, ces statues rendent compte d'une attitude bien précise : celle d'un homme en adoration devant une divinité, d'un homme priant son dieu, d'un orant, pour le dire d'un mot.

 

Nakhthorheb - Louvre A 94 - © C. Décamps.

Nakhthorheb - Louvre A 94 - © C. Décamps.

 

     Socle compris, l'oeuvre atteint une hauteur de 148,5 centimètres pour une largeur de 54 cm aux épaules et une profondeur de 66,2 cm dans la partie supérieure et 70,3 au niveau de la base ; base aux coins antérieurs arrondis qui, pour sa part, mesure entre 25,5 et 26,2 cm de haut.

 

     L’œil aiguisé qui est vôtre, amis visiteurs, aura évidemment remarqué que, certes en bon état général de conservation, cette magnifique ronde-bosse est malheureusement affectée par l'une ou l'autre dégradation :  

Nakhthorheb - Louvre A 94 - © Chris Subrosa.

Nakhthorheb - Louvre A 94 - © Chris Subrosa.

 

un nez cassé, le lobe de l'oreille droite et la partie centrale d'une bouche qui dut être souriante endommagés, l'auriculaire gauche partiellement arraché, sans oublier les arêtes du socle souffrant de quelques épaufrures.

 

     Un seul "défaut", si d'aventure je devais absolument épingler un point critiquable dans le chef de l'artiste qui réalisa cette oeuvre : le rendu pas vraiment réussi à mes yeux des genoux qu'il a bizarrement présentés à face plane et carrée ; mal dégrossis en quelque sorte ! 

   

     Mais qui donc fut ce Nakhthorheb, pour qu'à son nom les archéologues aient mis au jour, non seulement les trois statues en grès silicifié que vous avez admirées ce matin, triplement mises à l'honneur au Musée Jacquemart-André mais également deux autres en pierre noire, et enfin un sarcophage, le tout disséminé dans les musées du monde entier, de Rome à Copenhague, Stockholm et Londres, en passant bien évidemment par le Louvre ?

     Ici, à Paris, tristement seul, presque délaissé, abandonné et, à mon sens, nullement à la place qu'il souhaiterait, il patiente dans la deuxième salle du circuit thématique du Département des Antiquités égyptiennes espérant que sur lui, très bientôt, je porte enfin l'éclairage de manière que les nombreux touristes qu'il voit déboucher de l'escalier venant de la Crypte du Sphinx lui accordent enfin un regard bienveillant avant de continuer, certains presque au pas de charge, vers les salles suivantes ...

 

     "J'ai quand même beaucoup de choses à leur apprendre, non ?", me susurre-t-il à l'oreille, persuadé qu'il me sent du bien-fondé de sa remarque, indubitablement frappée au coin du regret, voire d'une franche incompréhension ... 

 

     Et si, mardi 28 novembre prochain, nous lui faisions tous la surprise de venir lui  prêter notre oreille attentive ?   

 

 

     (Immense merci à Madame Chris Subrosa qui a eu l'amabilité la semaine dernière de m'adresser quelques clichés réalisés à ma demande dans la salle 2 du Département des Antiquités égyptiennes lors de sa toute récente visite au Musée du Louvre ; notamment le dernier ci-dessus.) 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

PERDU  Olivier, Statues agenouillées de Nakhthorheb, dans Le Crépuscule des pharaons, Chefs d'oeuvre des dernières dynasties égyptiennes, Catalogue de l'exposition au Musée Jacquemart-André, Paris, Bruxelles, Éditions Fonds Mercator, 2012, pp. 48-9.

 

PERDU  Olivier, Statue de Nakht-hor-heb, dans  Les statues privées de la fin de l'Égypte pharaonique (1069 av. J.-C - 395 apr. J.-C.), Tome I - Hommes, Paris, Musée du Louvre/Éditions Khéops, 2012, pp. 272-81

 

 

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14 novembre 2017 2 14 /11 /novembre /2017 01:00
DEUX BAS-RELIEFS - 4. APPROCHE  ESTHÉTIQUE

 

     "L'oeuvre de Lewis Carroll a tout pour plaire au lecteur actuel : des livres pour enfants, de préférence pour petites filles ; des mots splendides insolites, ésotériques ; des grilles, des codes et décodages ; des dessins et photos ; un contenu psychanalytique profond, un formalisme logique et linguistique exemplaires. Et par delà le plaisir actuel quelque chose d'autre, un jeu du sens et du non-sens, un chaos cosmos."

 

 

Gilles  DELEUZE

De Lewis Carroll aux stoïciens

dans Logique du sens

Avant-propos

Paris, Éditions de Minuit, 1969

p. 7

 

 

 

 

     J'ignore si ces premières lignes du philosophe français Gilles Deleuze (1925-1995) dans l'avant-propos de "Logique du sens", ouvrage dans lequel il développe une série de paradoxes antiques et modernes aux fins de tenter de déterminer et d'approfondir le statut du sens et du non-sens, vinrent à l'esprit de Louis Djalaï, artiste à l'imagination exubérante, à la culture cinématographique intarissable, jardinier en chef de la ville de Boulogne-sur-mer, "jardiniste", comme il fut défini lors du discours d'inauguration de son onzième "Jardin éphémère", en juin dernier, sur la petite place Godefroid de Bouillon, devant l'Hôtel de Ville, en plébiscitant cette année une thématique au 7ème Art dédiée, - "Boulogne fait son cinéma" -, 

    

DEUX BAS-RELIEFS - 4. APPROCHE  ESTHÉTIQUE

et en choisissant d'illustrer dans un environnement végétal, quatre films distincts : "Mon Oncle", de Jacques Tati, "Shining", de Stanley Kubrick, "Edward aux mains d'argent", de Tim Burton et, du même Burton, "Alice au pays des merveilles", ainsi que vous le suggéra le premier cliché de notre rendez-vous de ce matin. 

 

     Quoi qu'il en soit, amis visiteurs, cette introduction de Deleuze, pour ce qui me concerne, mais aussi la satisfaction de décoder les scènes distribuées à l'intérieur des quatre parterres différents de cette nouvelle création de Djalaï, tout récemment admirée, où s'offraient à mes yeux de grand enfant et de petit cinéphile, le lapin blanc au gilet bleu et sa montre gousset, le célèbre jeu de cartes, les champignons magiques ou encore les tables bellement dressées pour le goûter d'Alice, mais aussi, dans d'autres parterres voisins, la reconstitution de la villa Arpel, tout droit sortie du film de Tati, ou les "Jumelles", de celui de Kubrick et d'autres et d'autres détails d'importance d'Edward aux mains d'argent s'inscrivent idéalement dans la ligne intimée depuis sa création voici bientôt dix ans à mon blog pour les œuvres du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, à Paris, que je prends tant de plaisir à vous proposer de mieux connaître, de mieux comprendre, d'être à même d'en décrypter le sens.

 

     Sans prétendre me substituer à Humpty Dumpty dialoguant avec Alice sur le sens des mots dans "De l'autre côté du miroir", affirmant péremptoirement que "Quand j'emploie un motil signifie ce que je veux qu'il signifie, ni plus ni moins" ; puis, après objection de la petite fille qui se demande si l'on peut attribuer n'importe quel sens à un mot, en lui rétorquant : "La question est de savoir qui est le maître, et c'est tout", je vous annonce qu'après avoir, lors de nos derniers rendez-vous du 24 octobre et du 7 novembre, attiré votre attention sur deux conventions de l’art égyptien en matière d’écriture hiéroglyphique, j'ai décidé aujourd'hui, pour notre ultime conversation dans la Crypte du Sphinx, d'évoquer pour vous les sens techniques à pourvoir, dans cet espace et ce temps donnés, au syntagme nominal "relief" en me penchant sur les blocs gravés de Ramsès II qui y sont exposés,     

Stèle de Ramsès II B 18 (© SAS)

Stèle de Ramsès II B 18 (© SAS)

 

 

 

Relief B 19 - Louvre - © Christian Décamps

Relief B 19 - Louvre - © Christian Décamps

mais aussi, sur la Stèle du Songe de Thoutmosis III,

 

 

Reproduction de la "Stèle du Songe", exposée au Musée rosicrucien de San José, en Californie -  © Captmondo (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ReproductionOfDreamSteleOfThutmoseIV_RosicrucianEgyptianMuseum.png)

Reproduction de la "Stèle du Songe", exposée au Musée rosicrucien de San José, en Californie - © Captmondo (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ReproductionOfDreamSteleOfThutmoseIV_RosicrucianEgyptianMuseum.png)

 

trois monuments qu'a exhumés au début du XIXème siècle d'entre les pattes du Sphinx de Gizeh, souvenez-vous, le Gênois Giovanni Battista Caviglia. 

 

     Dans un premier temps, il m'agréerait d'insister sur un point d’importance capitale à mes yeux : la sculpture, les reliefs, la peinture n’étaient employés chez les Anciens, en Égypte comme d’ailleurs dans d'autres civilisations antiques, qu'en tant qu'éléments d’architecture ; l'architecture qui, précisément constitua l’art par excellence : dominant tous les autres, elle les contenait tous. Et si d'aventure, sculptures, gravures ou peintures venaient à compléter un monument, elles épousaient ses formes, - ou, telle la ronde-bosse, s’en détachaient -, mais, toujours, en tant qu’accompagnatrices de premier plan, voire en tant que partie intégrante du bâtiment.

 

     Quant à la peinture, elle fut pour sa part un complément primordial, indispensable même puisque, vous ne pouvez l'ignorer, tous les monuments, toutes les statues étaient jadis peints. Et le touriste que vous êtes peut-être a certainement dû remarquer, dans l’un quelconque endroit bien protégé du soleil de l'un ou l'autre temple, des traces patentes de couleurs, comme ici, sur cette photo qu'a aimablement accepté de me prêter mon ami Alain Guilleux. (Merci à toi, Alain)

Chapiteau campaniforme d'une colonne de la salle hypostyle du Ramesseum - (© Alain Guilleux)

Chapiteau campaniforme d'une colonne de la salle hypostyle du Ramesseum - (© Alain Guilleux)

 

     En tant que partie intégrante du monument, vous disais-je à l'instant, avec évidemment encore à l'esprit les deux reliefs ramessides et le thoutmoside.


     Autorisez-moi un préalable : il n’existe pas, dans le vocabulaire égyptien antique, de termes pour désigner l’artiste, l’artisan. Il était symptomatiquement appelé "scribe des contours". Ce qui démontre à nouveau l’étroite imbrication existant entre l’art et l’écriture : il apparaît en effet que ce scribe était tout à la fois celui qui effectuait une première esquisse, - comme aux temps les plus anciens étaient dessinés les hiéroglyphes avant qu’ils soient incisés dans la pierre par la suite - ; celui qui gravait et enfin qui peignait.

 

 

     Concernant les reliefs qui nous occupent aujourd'hui, avec un peu d’attention, vous aurez probablement très rapidement remarqué que sur B 18 et B 19, scènes et hiéroglyphes, étroitement mêlés se profilent en léger relief, tout le champ du registre étant rabattu à plat autour de l’image, ainsi que l'indique l'égyptologue français Pierre Lacau (1873-1963).

(Voir référence infrapaginale)    

     Ils ressortent donc légèrement par rapport au fond : il s’agit là d’un exemple de ce que l’on nomme bas-relief.

 

     En revanche, sur la Stèle du Songe, le roi et le sphinx dans le cintre, ainsi que le texte en dessous, sont seuls entaillés dans la pierre, le reste autour n'étant en rien entamé. Il s'agit là de ce qu'il est convenu d'appeler une gravure en creux.

 

     Grâce à ces trois monuments, vous êtes donc en présence de deux techniques esthétiques bien distinctes définissant la gravure monumentale égyptienne : le relief et le creux.

 

 

     S'opposant en quelque sorte au bas-relief pour lequel l'artiste a pris soin d'évider son bloc de pierre initial de manière qu'en ressorte nettement la figuration qu'il désire mettre en évidence grâce à cette légère saillie, le relief dans le creux consiste à retirer du champ, sur à peine quelques petits centimètres d'épaisseur, les formes qui figureront la scène.

 

     Un procédé relevant du même esprit, se prêtant d'ailleurs à intimes combinaisons avec le précédent, consiste à creuser un sillon tout autour de la forme que l'on désire, et qui se situe alors sur le même plan que le bloc de pierre proprement dit ; ce qui donne un dessin qui n'est finalement qu'une silhouette cernée par des traits creux plus ou moins larges.

 

     Il faut savoir que bas-relief et relief en creux, caractéristiques du décor que l’on peut tout aussi bien admirer sur une pièce de dimensions "normales" que sur l’immense surface murale d'un temple ou d'une chapelle royale, ont coexisté depuis au moins la fin de l’Ancien Empire jusqu’aux ultimes soubresauts de l’histoire du pays, toutes périodes artistiques confondues.

 

     Ces deux procédés de taille, - et là résidera la finalité de notre présent entretien, ne ressortissent jamais au hasard, ne furent jamais appliqués selon le bon vouloir de l'artiste : ils furent véritablement, délibérément réfléchis, raisonnés : in situ, la gravure en relief intervint en général pour les représentations réalisées à l'intérieur des bâtiments, tandis que la gravure en creux, pour celles de l'extérieur.

 

    Dès l'Ancien Empire, une raison toute simple à l’évidence motiva le scribe des contours à choisir l'une plutôt que l'autre, une raison en fait inhérente à l’environnement auquel l’oeuvre était destinée : une gravure en creux exposée en plein air, donc aux rayons d'un soleil dont l’intense éclat favorise jeux d’ombre et de lumière, apparaissait avec bien plus de netteté qu’un relief de faible épaisseur. D'autant plus que l'incision pouvait entamer la pierre jusqu’à 2, 5 cm de profondeur.

 

     Tout au contraire, un bas-relief, à l'intérieur d'un bâtiment dans lequel la clarté est pratiquement inexistante, à  tout le moins considérablement réduite, se détachait de manière plus évidente que le creux.

 

     Ces déterminations naturelles amenèrent les graveurs à élever le procédé en convention : c’est ainsi que la présence d'un relief en creux dans un temple, par exemple, signifie que la scène doit être considérée comme se déroulant au dehors ; et inversement, l’emploi de la technique du bas-relief impose que l’on comprenne que les événements figurés se passent au dedans. Et il n’est absolument pas rare que pour un même monument, vous retrouviez mêlés les deux types de gravure : ce qui lui confère une lecture d’autant plus pointue.

 

     En outre, et ceci n'est nullement négligeable, quand d'aventure un fragment sans origine connue est exposé dans un musée ou "miraculeusement" retrouvé sur le marché de l'art, l'on peut, grâce à ces conventions connues, déterminer avec plus ou moins de certitude, et selon le type de scène, si l'oeuvre provient de l'extérieur ou de l'intérieur d'un bâtiment ; ce qui permet assurément de faire avancer les déductions quant à sa provenance.

 

     Tout ceci vous prouve une nouvelle fois que l’artiste égyptien fut toujours préoccupé de donner à son oeuvre une signification déterminée, simplement parce qu’il croyait au pouvoir de l’image.

 

     Et "nos" trois reliefs, dans tout cela ?


     Parce que gravée en creux, il est certain que la Stèle du Songe de Thoutmosis IV a bien été réalisée pour figurer dans cette petite chapelle à ciel ouvert lovée entre les pattes du grand Sphinx de Gizeh ; alors que manifestement, et parce qu’ils affichent un léger relief, les deux blocs de Ramsès II, pourtant placés au même endroit, avaient à l’origine indiscutablement été prévus pour figurer à l’intérieur d’une construction architecturale.

     Mais laquelle ?  
Il est presque assuré que la recherche archéologique ne nous l’apprendra jamais.


     À moins que ... Obélix, là-dessus, ait à nouveau sa petite idée ...

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

BAUD  Marcelle, Le caractère du dessin en Égypte ancienne, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien-Maisonneuve, 1978, pp. 18-29.

 

 

DELEUZE  GillesDe Lewis Carroll aux stoïciens, dans Logique du sens, Avant-propos, Paris, Éditions de Minuit, 1969, pp. 7 ; 28-9 ; 

 

 

LACAU  Pierre, Le tableau central de la stèle-porte égyptienne, RdE 19, Paris, Klincksieck, 1967, 39-40.

 

 

 

 

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7 novembre 2017 2 07 /11 /novembre /2017 01:00

 

     À peine avais-je quitté le parking gratuit, - première stupéfaction -, dans lequel était garée la voiture, à peine m'étais-je dirigé vers le petit square arboré qui le jouxtait, que je la remarquai, - deuxième stupéfaction.

 

DEUX BAS-RELIEFS - 3. APPROCHE  PHILOLOGIQUE

 

     Il est certes de nombreux moyens de transport, à notre époque ; de nombreux types de véhicules, aussi. Mais je ne m'attendais nullement à trouver cette embarcation amarrée aux pieds des remparts de la vieille ville de Boulogne-sur-mer.

 

     Tout de suite, évidemment, je la reconnus !

 

     Qui avait osé ? Qui avait eu suffisamment d'aura, suffisamment de charisme pour traiter Chéops de pair à compagnon, lui le deuxième souverain de la IVème dynastie égyptienne, au point de lui emprunter sa barque solaire ? Qui avait ainsi à son bord eu la folie de quitter l'Égypte pour braver les eaux méditerranéennes et atlantiques aux fins de venir s'installer dans cette ville des Hauts-de-France ?

 

     Par une voix chaude semblant tombée du ciel, - troisième stupéfaction -, je fus tout à coup interpellé : "Vous ici, Richard" ?

     Surpris, je me retournai tout de go et LE vis !         

 

DEUX BAS-RELIEFS - 3. APPROCHE  PHILOLOGIQUE

 

     Hiératique, théâtral presque, juché au sommet d'une pyramide tronquée dont il semblait constituer l'humain pyramidion, coiffé de ce tarbouche que portera lui aussi avec belle élégance au siècle suivant son collègue français Étienne Drioton, la main droite fraternellement posée sur une tête d'Isis qu'il a peut-être eu l'heur, un jour, d'exhumer des sables qu'il fouilla avec tant d'alacrité, et de patience aussi, Auguste MARIETTE  

 

DEUX BAS-RELIEFS - 3. APPROCHE  PHILOLOGIQUE

 

 

me regardait, minuscule à ses pieds, - aux sens propre et figuré -, mais impétueux laudateur de ses travaux de fouilles et des rapports qu'il en rédigea.

 

     Si je ne remarquai pas tout de suite les deux sphinx qui flanquaient le monument du haut duquel il m'apostropha, je compris néanmoins très vite leur rapport avec les propos qu'il me tint :

 

     "Voici une quinzaine de jours, Richard, ce fut une intervention proposée aux visiteurs de votre blog et que d'incultes censeurs  de Facebook, d'autorité, et pour une raison que je n'ai toujours pas comprise, couvrirent de leur imbécile opprobre, qui retint particulièrement mon attention. Vous y offriez un moyen très simple pour permettre à ceux qui s'intéresseraient à l'écriture hiéroglyphique égyptienne de déterminer le sens de lecture de ses petits pictogrammes.

 

     Vous n'ignorez point, ce me semble, - votre métier, jadis, a dû vous en convaincre -, que toute règle, qu'elle soit  grammaticale ou autre, souffre d'exceptions. Pourquoi dès lors ne pas évoquer celle qui concerne, notamment, les deux bas-reliefs de Ramsès II de la Crypte du Louvre constituant le sujet de vos articles actuels ? "

 

     C'est ce moment-là que choisit mon épouse qui, indubitablement, n'avait point entendu les propos que m'avait adressés le grand égyptologue français, s'impatientant du temps que je passais à rester coi devant lui, pour m'inviter à l'accompagner vers la porte d'entrée de la vieille ville que nous souhaitions visiter ...     

 

 

 

DEUX BAS-RELIEFS - 3. APPROCHE  PHILOLOGIQUE

 

 

***

 

     Avant de quitter l'antre du Sphinx devant lequel nous devisons vous et moi depuis un certain temps déjà, amis visiteurs, espérant par là avoir quelque peu réussi à ce qu'il ne soit plus pour vous un granit entouré d'une vague épouvante assoupi dans le fond d'un Sahara brumeux, un vieux sphinx ignoré d'un monde insoucieux, oublié sur la carte, et dont l'humeur farouche ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche ; avant de tout naturellement poursuivre notre chemin vers la salle 2 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, j'ai cru intéressant, après avoir été personnellement "sollicité", ainsi que je viens de vous le conter -, de plutôt poursuivre le cheminement de ma pensée aux fins d’introduire aujourd'hui et vraisemblablement la semaine prochaine, quelques considérations particulières à propos de l’art égyptien, et ce, toujours en étroite corrélation avec les deux bas-reliefs ramessides et la Stèle du Songe thoutmoside évoqués ici même les 17 et 24 octobre derniers.  

 

    Tentons, voulez-vous, de décoder les figurations de ces trois monuments car, pour l'Égypte ancienne, vous n'ignorez plus que c'est à l'image que revint le privilège éducatif de véhiculer les différents messages émanant du pouvoir politique et religieux puisqu'il est avéré que peu de gens de ce temps-là furent à même de lire et d'écrire : dans les ouvrages spécialisés, il est d'usage aujourd'hui d'estimer à guère plus de 1 % de la population ceux qui en étaient capables.

 

     Permettez-moi, dans un tout premier temps, de rapidement rappeler ce que je vous ai expliqué voici deux semaines, à savoir que pour déterminer le sens de lecture d’un texte, il vous faut repérer la direction vers laquelle est tournée la tête de tout être vivant : si un dieu, un humain ou un animal a le visage ou le bec dirigé vers la gauche, comme sur le bas-relief B 19 le sont ceux qui sont gravés dans les colonnes au-dessus du sphinx,

 

 

Relief B 19 - Louvre - © Christian Décamps

Relief B 19 - Louvre - © Christian Décamps

 

 

 

vous commencerez par lire en partant de la gauche et en progressant, ici de haut en bas, vers la droite. Et bien évidemment, si les têtes ou les personnages sont tournés vers la droite, comme le roi l'est sur ce même monument, vous lirez de droite à gauche.
 

     Et c’est d’ailleurs cette règle, la lecture de droite à gauche, que l’on retrouve le plus fréquemment adoptée, en toute logique, quand il s’agit d’un texte rédigé sur papyrus, et par respect d’une tradition codifiée quand il s’agit d’un relief : c’est ce que les égyptologues nomment la "direction dominante".

 

     En toute logique, viens-je de vous dire ; je m'explique.

 

     D'évidence, vous avez déjà admiré le célèbre scribe E 3023 qui nous attend dans la vitrine 10 de la salle 22, au premier étage de l'aile Sully.    

DEUX BAS-RELIEFS - 3. APPROCHE  PHILOLOGIQUE

 

 

     Lui, comme ses nombreux confrères tels qu'ils sont représentés dans la statuaire égyptienne, maintient de la main gauche, à plat sur son pagne tendu, le papyrus sur lequel il écrira en commençant tout naturellement au bord supérieur droit de la partie dégagée de de son rouleau. Au fur et à mesure qu’il rédigera, il le déroulera de plus en plus de manière à poursuivre son texte vers la gauche.

     S’écrivant donc de droite à gauche, les signes de la phrase, tournés vers le début de la page, se lisent tout logiquement aussi de droite à gauche.

 

     C’est cette direction dominante qui sera, dans les monuments isolés, réservée aux dieux : ceux-ci regarderont vers la droite et tout personnage lui faisant face, le souverain par exemple, obligatoirement vers la gauche.

     Il en sera de même des hiéroglyphes qui accompagneront ces scènes.

     Mais, 
m'objecterez-vous, en regardant le bas-relief  B 19 de la crypte, c'est ici le sphinx, le dieu Harmachis, qui est tourné vers la gauche, et non le roi !!!

 

     En revanche, poursuivrez-vous en pensant stigmatiser une "erreur" dans mon chef, sur B 18, le dieu regarde vers la droite et le souverain vers la gauche !

 

 

Relief B 18 - Louvre  © Christian Décamps

Relief B 18 - Louvre © Christian Décamps

 

 

     Réfléchissez ! J’ai bien précisé tout à l'heure, que cette règle énoncée concernait les monuments isolés. Or, souvenez-vous qu'ici, dans le cas qui nous occupe, les bas-reliefs de Ramsès II formaient une paire que Giovanni Battista Caviglia découvrit entre les pattes du sphinx de Gizeh : ils se répondaient donc l’un l’autre.  

 

   Comprenez ainsi que la codification de la "direction dominante" souffre au moins une exception, celle sur laquelle Auguste Mariette m'enjoignit la semaine dernière d'attirer votre attention : quand le relief d’une paire, ou d’une suite, est situé à droite dans un temple, ou une chapelle funéraire, le dieu regarde vers la gauche, et donc le roi dans le sens inverse.

     À présent, au fait de tous ces renseignements, il vous est aisé, amis visiteurs, de déterminer l’emplacement qui était le leur quand ces reliefs furent mis au jour par Caviglia : B 18 se trouvait à gauche en entrant dans le petit sanctuaire, et B 19, à droite.

 

     Notez, pour définitivement clore notre présent entretien, que les conservateurs du Louvre qui ont choisi de les exposer dans la Crypte ont respecté leur position initiale entre les pattes du Sphinx, à Gizeh, dans la mesure où, installés ici contre les parois latérales, B 18 est présenté à gauche et B 19 à droite.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

BAUDELAIRE  CharlesSpleen : J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans, dans Les Fleurs du Mal, dans Oeuvres complètes, Paris, Seuil, p. 85 de mon édition de 1968.

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24 octobre 2017 2 24 /10 /octobre /2017 06:34

 

     Parce qu'il est jugé "indésirable" par FB, mon article de ce matin consacré aux deux bas-reliefs de Ramsès II de la Crypte du Musée du Louvre 

 

(http://egyptomusee.over-blog.com/2017/10/deux-bas-reliefs-2.approche-egyptologique.html)

 

été retiré de ma page FB. 

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24 octobre 2017 2 24 /10 /octobre /2017 00:00

 

     Ils étaient annoncés, amis visiteurs, les voici, l'un contre le mur de gauche, avant de vous diriger vraiment vers le Sphinx logé dans la Crypte qui lui est désormais dévolue au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, dont vous atteindrez la deuxième salle, celle-ci étant la première, en empruntant l'escalier de gauche ; l'autre, sur le mur latéral opposé, juste avant de monter, si l'envie vous en prend, par l'escalier de droite vers les salles du Département des Antiquités grecques.

 

     Approchons-nous, voulez-vous, de ces deux imposants bas-reliefs en calcaire jadis peints, bien protégés derrière leur vitre respective, que je vous ai, la semaine dernière, promis d'aujourd'hui découvrir ensemble.    

 

DEUX BAS-RELIEFS -  2. APPROCHE  ÉGYPTOLOGIQUE

 

     Exhumés dans le premier quart du 19ème siècle par Battista Caviglia, malgré que trop souvent, ils ne font l'objet d'aucune attention soutenue de la part des touristes, ces monuments préparent à mon sens notre mémoire égyptologique à mieux comprendre le colosse hybride, - mi-homme, mi-lion -, qui trône ici devant vous, à propos duquel, depuis un certain temps déjà, je vous entretiens.

 

     Il est donc grand temps maintenant, à B 18

 

Relief B 18 - Louvre  © Christian Décamps

Relief B 18 - Louvre © Christian Décamps

 

 

et à B 19,

 

Relief B 19 - Louvre - © Christian Décamps

Relief B 19 - Louvre - © Christian Décamps

 

de consacrer notre présent rendez-vous hebdomadaire.

     Mais, d'emblée, je souhaiterais aussi rappeler que, lors de ses fouilles au niveau du Sphinx de Gizeh, Cavaglia avait tout d'abord mis au jour ce qu'il est convenu de nommer la "Stèle du Songe".

 

Reproduction de la "Stèle du Songe", exposée au Musée rosicrucien de San José, en Californie -  © Captmondo (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ReproductionOfDreamSteleOfThutmoseIV_RosicrucianEgyptianMuseum.png)

Reproduction de la "Stèle du Songe", exposée au Musée rosicrucien de San José, en Californie - © Captmondo (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ReproductionOfDreamSteleOfThutmoseIV_RosicrucianEgyptianMuseum.png)

 

 

     Souvenez-vous du site que je vous ai montré tout dernièrement : une petite chapelle sise entre les pattes du gigantesque Sphinx dont le mur du fond était constitué de cette importante stèle de la dix-huitième dynastie puisqu'elle date du règne de Thoutmosis IV, toujours en place actuellement, et ceux de côté, par chacun des reliefs désormais dans la Crypte du Louvre, provenant pour leur part de la dix-neuvième dynastie puisqu'ils furent réalisés à l'époque de Ramsès II.

 

     Si vous prenez la peine de comparer le cintre de la Stèle du Songe et chacun de ces deux blocs de calcaire qui, jadis, l'encadraient, un peu comme aujourd'hui ils coudoient le Sphinx A 23, vous remarquerez aisément l'incontestable similitude : manifestement, Ramsès II a voulu reproduire et le geste et l'iconographie du souverain thoutmoside, la différence résidant simplement au niveau de l'offrande puisque c'est d'encens seul qu'il s'agit chez Ramsès II, d'encens et d'un liquide offert en libation, eau ou vin dans une aiguière, chez Thoutmosis IV.

 

     Ainsi, qu'il soit figuré sur la droite ou la gauche, le souverain debout devant la divinité solaire couchée s'apprête à l'apaiser et à éventuellement évacuer des forces malfaisantes, démoniaques. Pour ce faire, il avance un encensoir de quelque cinquante centimètres, - la valeur d'une coudée égyptienne ! -, en forme d'avant-bras, - ce que les égyptologiques nomment "Bras d'Horus" -, présentant une tête de faucon à une de ses extrémités, figuration évidente d'Horus, et un petit bol rempli de charbon brûlant, à l'extrémité opposée. Entre les deux, un autre récipient contient des boules de cet encens que les Égyptiens rapportaient des contrées du Sud, notamment de Nubie.

     Pour la fumigation proprement dite, Pharaon déposait quelques graines d'encens sur les braises incandescentes de cette longue et particulière "cuillère à offrandes".

 

     Et, selon le principe bien connu théorisé voici bientôt un siècle par Marcel Mauss, ce don du roi appelait en retour un contre-don de la part du dieu qu'il honorait, Hor-em-Akhet, Horus dans l'Horizon, ici, en l'occurrence, dans l'espoir d'être à son tour assuré de sa protection toute divine, voire de jouir de différents biens matériels.     

   
     Certes, les inscriptions hiéroglyphiques en colonnes ou celles ceintes du cartouche royal sont évidemment distinctes sur les trois monuments, mais il n'en demeure pas moins que certaines d'entre elles y sont tout naturellement communes dans la mesure où elles désignent un même sphinx : celui de Gizeh ; le "Père de tous les Sphinx", comme le définit judicieusement l'égyptologue belge Eugène Warmenbol.

     Veuillez ainsi noter, - sans toutefois que j'entre dans de substantielles considérations philologiques -, qu'au-dessus de leur tête sont à chaque fois inscrits les trois mêmes signes hiéroglyphiques, (détériorés sur B 18, complets sur B 19) : de 
haut en bas, un oiseau, une sorte de U horizontal et enfin un cercle engoncé dans un rectangle.



- Le premier hiéroglyphe

figure le faucon Horus; et se lit "Hor".



- Le deuxième, une côte

   constitue notre préposition "dans"; et se lit "èm".

- Le dernier


 représente le soleil entre deux collines ; et se lit "Akhet".

  
   Le tout, Hor-em-Akhet signifiant, en translittération, "
Horus dans l'Horizon", Horus de l'Horizon" ou encore "Horus à l'Horizon", suivant les traductions les plus courantes ; Hor-em-Akhet que les Grecs de l'Antiquité rendirent par "Harmachis", patronyme donné par les Anciens au géant gardien du plateau de Gizeh.

     Ces trois seuls signes hiéroglyphiques, placés en cet endroit précis, constituent donc, à l'instar des phylactères des bandes dessinées, une sorte de document l'identifiant de manière incontestable. 

     Quant aux nom et prénom du souverain, ils figurent dans les cartouches gravés au-dessus de lui.

     Pour ce qui concerne la notion de cartouche, ainsi que la titulature royale avec les différentes appellations attribuées aux souverains, ayez la patience, amis visiteurs, d'attendre la fin du congé d'Automne pour que le mardi qui suit, je vous explique ce dont il s'agit ...



     Un dernier point, si vous m'accordez encore quelques instants, en fait un moyen simple, non pas pour vous enseigner directement la signification des hiéroglyphes mais pour vous indiquer d'abord le sens de votre futur apprentissage de lecture, qui n'est pas uniquement de droite à gauche, comme on le croit trop souvent : il faut toujours considérer la direction vers laquelle une tête d'humain ou d'animal est tournée et commencer à interpréter les pictogrammes en partant de ce visage et en poursuivant vers ce qui se trouve en dessous, s'ils se présentent en colonnes, ou derrière s'ils s'alignent sur un même plan horizontal.

 

     Ainsi, dans le cas qui nous occupe ce matin, vous aurez évidemment remarqué que les hiéroglyphes gravés en colonnes au-dessus des scènes ne se présentent pas uniformément dans le même sens, mais sont orientés parfois dans un sens, parfois dans un autre, en fonction du personnage qu'ils définissent, qu'ils caractérisent.

     Prenez par exemple, pour mieux comprendre mon propos, le monument B 19, plus "lisible" car moins endommagé dans sa partie supérieure : couché à droite, le Sphinx regarde vers la gauche. Au-dessus de sa tête, la transcription de son nom commence par la représentation du faucon Horus, lui aussi tourné vers la gauche.


     En revanche, dans la petite colonne qui lui fait face, un hibou est représenté la tête dirigée vers la droite : il figure en fait dans la première des colonnes précédant les cartouches de Ramsès II dont tout le corps est également tourné vers la droite.

     Qu'en déduire ?  Que les quatre colonnes de textes visibles sur B 19, au-dessus du corps du Sphinx, se lisent de gauche à droite et que celles qui leur font face se rapportent à Ramsès et donc se lisent de droite à gauche.

     Vous aurez aussi constaté, je présume, que si tous ces hiéroglyphes sont gravés côte à côte, un espace vide, moins large qu'une colonne, sépare celles dont le texte se réfère au Sphinx de celles se rapportant à Pharaon. Il est donc aisé, même pour qui ignore la langue et les écritures égyptiennes, de différencier les propos des uns et des autres.


     Terminons voulez-vous en indiquant ce que nous apprennent  les quatre petites colonnes surmontant le Sphinx : il s'agit d'un ensemble de formules, classiques au demeurant, destinées à maintenir la pérennité du pays, garantie par le souverain en tant que seul détenteur du pouvoir d'exercer le culte. Et comme je vous l'ai expliqué voici quelques instants, Ramsès II, en faisant offrande à Harmachis, attend ainsi en échange que ce dernier lui accorde quelques bienfaits. 

 

     De gauche à droite, donc, en empruntant la traduction de l'égyptologue français Christophe Barbotin, vous pouvez lire  :

Colonne 1 : Horus-dans-l'Horizon
Colonne 2 : qu'il daigne accorder toute vie,
Colonne 3 : 
toute pérennité, tout pouvoir, toute santé,
Colonne 4 :
 toute allégresse comme Rê, chaque jour.


 


     "Vie, santé et joie", notez-vous parfois aussi sur les cartes de vœux que vous envoyez au moment du Nouvel An ...

 

     ***

 

     Mais avant cela, dès à présent, permettez-moi de vous souhaiter un excellent congé d'Automne et de vous proposer de nous retrouver ici même le mardi 7 novembre prochain.   
 

 
 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
 
 
BARBOTIN  Christophe, La voix des hiéroglyphes, Paris, Editions Khéops, 2005, p. 29.
 
 

CAUVILLE  Sylvie, L'offrande aux dieux dans le temple égyptien, Leuven, Peeters, 2011, pp. 36-8.

 

WARMENBOL  Eugène, Sphinx. Les gardiens de l'Égypte, dans Catalogue de l'exposition éponyme, Bruxelles, ING Belgique et Fonds Mercator, 2006, p. 13 

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17 octobre 2017 2 17 /10 /octobre /2017 00:00

 

 

     La Crypte du Sphinx à notre horizon ?

 

     Encore ?, s'exclameront vraisemblablement ceux parmi vous, amis visiteurs qui, voici quelques semaines maintenant, n'eurent les yeux de Chimène que pour le colosse hybride trônant en son  centre.

 

Louvre - Crypte du Spinx et escalier menant au Département des Antiquités égyptiennes (© René Lefébure - httpwww.blog-crm.frexposes-etudiantsle-commerce-virtuel)

Louvre - Crypte du Spinx et escalier menant au Département des Antiquités égyptiennes (© René Lefébure - httpwww.blog-crm.frexposes-etudiantsle-commerce-virtuel)

 

     Après ces parenthèses historico-archéologiques nous expliquant, l'une les prémices de la création du Département des Antiquités égyptiennes du Louvre, une autre, l'origine de ses collections et une dernière attirant notre attention sur l'élaboration des cartels portant les numéros de la plupart des pièces exposées, indiqués au sein des inventaires qui se sont succédé avec le temps, n'étions-nous pas en droit d'enfin gravir l'imposant escalier de gauche nous permettant au plus vite d'accéder aux autres "trésors" égyptiens que nous avons hâte de découvrir ? 

 

     Certes, oui, répondrais-je à ceux qui exprimeraient véhémentement leur déception, voire leur irritation. Mais ce serait sans prendre en compte mon bon plaisir d'appliquer une consigne que vous ne devriez plus ignorer, tant je vous rebats les oreilles depuis bientôt dix ans : apprenons à regarder et pas simplement à voir, en condescendant un œil vite lancé vers un ailleurs.

 

     Examinez attentivement, voulez-vous, le cliché très particulier que je vous propose pour  entamer notre présente rencontre : n'y a-t-il pas là quelque chose qui vous aurait précédemment échappé ? Quelque chose devant lequel, obnubilé par l'indiscutable majesté du Sphinx, vous êtes passés sans même accorder la moindre once de sollicitude.

 

     "Bon sang, mais c'est bien sûr !"

 

     Tout à l'entrée, les dernières marches gravies, contre les murs latéraux, avant le Sphinx, donc, 

 

DEUX BAS-RELIEFS -  1. APPROCHE  ARCHÉOLOGIQUE

 

à gauche comme à droite, posés sur un socle chacun derrière une solide protection de verre, deux bas-reliefs de plus ou moins 150 cm de long et 110 de haut, en calcaire originellement polychrome, seraient en droit de solliciter votre intérêt.

 

     Cette paire de monuments faisant tous deux état d'une scène dans laquelle Ramsès II offre de l'encens au dieu Harmachis, "Horus de l'Horizon", en fait une des formes du dieu solaire sous l'aspect d'un sphinx, entra au Louvre au sein de l'achat des quelque 4 000 antiques dont, rappelez-vous, le consul général britannique au Caire, Henry Salt, cherchait à se dessaisir ; pièces amplement admirées à Livourne par Champollion et qu'en définitive, en partie grâce à lui, le roi Charles X avait consenti d'acquérir en 1826.

     

      D'où cette crypte qui leur fut un jour dévolue par un Conservateur qui eut la bonne l'idée de rassembler ce qui se ressemblait.

 

 

     Mais avant que de conserve, la semaine prochaine, nous nous en approchions pour les examiner aux fins d'en décrypter le sens, j'aimerais simplement aujourd'hui vous narrer l'histoire de leur découverte.

 

     Reportons-nous exactement deux siècles en arrière. Nous sommes en 1817 : au service du consul Henry Salt que vous venez de croiser, nous trouvons l'ex-capitaine Giovanni Battista Caviglia (1770-1845), Génois passionné d'archéologie, qui fouille sur le plateau de Gizeh, notamment au niveau du Sphinx, toujours partiellement ensablé à cette époque, ainsi que l'a immortalisé un dessin de Dominique-Vivant Denon qui, je le rappelle incidemment, accompagna Bonaparte en Égypte.

 

Sphinx ensablé - Dessin de Denon (© https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sphinx_de_Gizeh_par_Dominique_Vivant_Denon.jpg)

Sphinx ensablé - Dessin de Denon (© https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sphinx_de_Gizeh_par_Dominique_Vivant_Denon.jpg)



     En effet, et depuis la fin de l'Antiquité, son corps, comme le reste du site d'ailleurs, avait été, au fil des siècles, de plus en plus enseveli sous les sables avec lesquels s'ébrouaient les vents du désert.

 

     La fin de l'Antiquité ?

 

     En fait, très exactement depuis que furent éradiqués les cultes locaux jugés païens par l'empereur romain Théodose qui, au IVème siècle de notre ère, imposa le christianisme à l'ensemble de son empire, dont l'Égypte, depuis la mort de Cléopâtre VII, faisait partie intégrante.

     Bien évidemment, le côté positif de cette particularité climatique fut que le monument taillé dans le roc demeura intact jusqu'à ce que les archéologues du XIXème siècle mirent sur pied les premières campagnes de fouilles et ce, contrairement aux pyramides elles-mêmes qui, dans une certaine mesure, - je devrais plutôt dire "démesure", - servirent de carrières pour la construction, dès le VIIème siècle, de bon nombre des premières habitations cairotes.     


     Pour en terminer avec "Abu'l Hol", "Le Père la Terreur", - ainsi que le nomment les Arabes -, permettez-moi d'encore préciser un point important de manière à mettre un terme à diverses légendes ou allégations, - de celles que rapportent certains guides fort peu scrupuleux de respecter la vérité historique - : non, le nez cassé du sphinx ne fut pas le résultat d'un acte haineux perpétré par les Mamelouks qui gouvernaient le pays au XIVème siècle ; pas plus que celui de coups de canon qu'auraient tirés sur l'énigmatique tête les soldats de Bonaparte quatre siècles plus tard ; et encore moins celui de son escalade par ce cher Obélix qui souhaitait ainsi bénéficier de la vue "panoramix" sur le plateau de Gizeh !

 

     L'étude complète du monument publiée en 1991, dans sa thèse de doctorat, par l'égyptologue nord-américain Mark Lehner prouve en réalité que le visage présente des traces très nettes de destruction par outils à une époque qui se situerait entre les IIIème et Xème siècles de notre ère : toutefois, leur origine demeure nébuleuse. 
 


    Après ce petit excursus, retrouvons Caviglia entreprenant de dégager l'imposant monument en creusant une première tranchée, profonde d'une vingtaine de mètres, qui l'amena jusqu'à l'épaule nord. Puis, de là, il descendit jusqu'au rocher matérialisant le sol sur lequel il repose : pour la première fois depuis des millénaires, une partie du corps proprement dit était ainsi remise au jour.

     Le Gênois poursuivit ses investigations, déblaya les pattes antérieures qui dissimulaient entre elles un petit sanctuaire à ciel ouvert dont le mur du fond était constitué d'un imposant bloc de granite rose de 3, 61 mètres de hauteur, - demeuré in situ -, et que les égyptologues nomment "Stèle du Songe" parce qu'y est gravé un texte dans lequel Thoutmosis IV, alors qu'il n'était encore que prince d'un rang relativement éloigné dans l'ordre de succession au trône, évoquait un rêve qu'il aurait fait un jour qu'il se serait reposé à cet endroit, après une chasse dans le désert, - texte évidemment de circonstance destiné à légitimer son accession à la puissance suprême - : le dieu Horemakhet, (Harmachis, selon les Grecs), lui aurait ainsi promis la gouvernance du pays s'il parvenait à l'extirper de sa gangue de sable.

     

© Chanel Wheeler (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Great_Sphinx_with_Stelae.jpg)

© Chanel Wheeler (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Great_Sphinx_with_Stelae.jpg)



     Plus intéressant pour mes futurs propos : contre les pattes de l'animal lithique, Caviglia remarqua, posés chacun sur un muret de manière à former les côtés latéraux du petit sanctuaire, les deux bas-reliefs désormais exposés ici à l'entrée de la crypte du Louvre ... et auxquels il me siérait d'accorder une attention toute spéciale mardi 24 octobre prochain, juste avant de vous offrir de bienvenues vacances scolaires belges, dites de Toussaint.

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 


FIECHTER  Jean-Jacques, La moisson des dieux. Constitution des grandes collections égyptiennes (1815-1830), Paris, Julliard, 1994, passim. 

 

 

ZIVIE-COCHE  Christiane, Sphinx ! le Père la Terreur, Paris, Editions Noêsis, 1997, passim. 

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10 octobre 2017 2 10 /10 /octobre /2017 00:00
 LE DÉPARTEMENT DES ANTIQUITÉS ÉGYPTIENNES DU MUSÉE DU LOUVRE : 3.    E  -  N  -  AF  ... et quelques autres

 

 

     Parfaitement conscient, amis visiteurs, que le rendez-vous que je vous propose aujourd'hui ne passionnera probablement pas la majorité d'entre vous, j'ai néanmoins jugé qu'il pourrait intéresser l'un ou l'autre, ne fût-ce que pour donner l'impression, dans un salon, s'il en subsiste encore de semblables à celui de Madame Verdurin, quai de Conti, de briller des mêmes feux que ceux de la cour Napoléon ci-dessus,  quand d'aventure la conversation, un tantinet pointue, porterait sur le Louvre, juste en face, le Pont des Arts franchi ; ou, pour les plus jeunes d'entre vous, quand vous souhaiteriez déconcerter une petite amie qui s'imaginerait que Neymar et le Paris Saint-Germain constituent le sujet de votre future thèse de doctorat ...

 

 

 LE DÉPARTEMENT DES ANTIQUITÉS ÉGYPTIENNES DU MUSÉE DU LOUVRE : 3.    E  -  N  -  AF  ... et quelques autres

 

     Mon propos, vous l'aurez compris d'emblée en prenant connaissance et du titre et du document ci-dessus, concernera les numéros d'inventaires indiqués sur les cartels accompagnant presque toujours les objets exposés au Département des Antiquités égyptiennes.

     

     Nul besoin, je présume, de lourdement insister sur le fait que la lettre E à l'entame d'un très grand nombre d'entre eux maintenant ne peut que renvoyer au nom "Égypte" ; ce qui est également le cas dans nos Musées royaux d'Art et d'Histoire, au Cinquantenaire, à Bruxelles, tout en précisant qu'il ne s'agit nullement d'une constante universelle.

 

     Au Louvre, plusieurs types de numérotation furent mis sur pied au fil du temps qui,  ainsi que vous l'a prouvé mon cliché, se trouvent encore actuellement en vigueur ... jusqu'à ce que, peut-être, un jour futur, un recollement décidera d'officiellement appliquer une nomenclature généralisée à l'ensemble des objets d'origine égyptienne avec ce E en guise de lettre cardinale. Ceci posé, cela constituerait vraisemblablement un fastidieux travail que seul allégerait l'appoint de cette informatique qui nous réserve très probablement d'insoupçonnées et infinies possibilités dans les décennies futures.

 

     Mais avant de nous projeter au sein de cet avenir aussi hypothétique que prometteur, accordons, voulez-vous, un regard sur l'évolution chronologique de ces inventaires, car il y en eut plusieurs, le pluriel n'étant évidemment ici pas fortuit ! 

   

     Le tout premier d'entre eux fut élaboré et appliqué de l'accession au pouvoir de l'Empereur Napoléon III, en décembre 1852, et jusqu'en février 1857 : il comprit 5 451 numéros précédés d'un N, pour "Napoléon", évidemment, et non pour "Numéro" comme quelques fois je l'ai entendu péremptoirement asséner par l'un ou l'autre visiteur autour de moi. 

     Nonobstant, et participant du même recensement, vous ne manquerez pas d'aussi rencontrer les lettres I ou Inv. (pour "Inventaire", bien sûr) : le balbutiement, - ou les raisons d'administrativement déjà compliquer le travail des futurs chercheurs -, était né !  

 

     Car, en outre, et vraisemblablement pour apporter une précision supplémentaire, à la même époque, il fut décidé de classer les artefacts égyptiens par catégories, auxquelles une lettre distincte fut attribuée, ainsi : la lettre A désigna les statues ; B, les bas-reliefs ; C, les stèles et D les sarcophages, tables d'offrandes et autres objets divers.

 

    Mais au fil des années, devant la forte augmentation des pièces présentes au Musée, ce système fut aboli.

 

     De sorte qu'à partir de mars 1857, comme je l'ai ci-avant mentionné, l'inventaire avec un E en guise de lettre de référence fut mis sur pied : actuellement toujours d'application, il répertorie les objets de E 1 à E x milliers, suivant leur ordre d'arrivée dans les collections du Louvre. Ainsi, le papyrus E 32 847 constitue-t-il le numéro le plus élevé que j'aie repéré au cours de mes lectures ... mais peut-être n'ai-je pas eu connaissance des toutes dernières entrées. 

 

     Ceci posé, en fonction de grands et beaux apports nouveaux, alors même que se développait l'inventaire E, d'autres tentatives de classement particulier firent leur apparition. Ainsi quand l'égyptologue français Auguste Mariette, après ses fouilles dans le Sérapéum de Memphis, en rapporta de précieux monuments au Louvre, apparurent des étiquettes collées à même les pièces exposées portant les lettres A.M. (pour "Auguste Mariette", évidemment), I.M. (pour "Inventaire Mariette") ou S (pour "Sérapéum").

 

     Toutefois, après quelques années de manipulations d'objets à l'intérieur des vitrines  ou des réserves en sous-sol, la détérioration de ces étiquettes devint patente ; quand ce ne fut pas leur totale disparition, notamment quand il s'est agi, en août 1939, quelques jours avant qu'éclate la Deuxième Guerre mondiale, de sauver et transporter maints "trésors" dans différents châteaux de France, à Chambord dans un premier temps, d'où ils furent répartis et dirigés par la suite vers d'autres lieux sûrs des environs : ainsi, de nombreuses caisses d'antiquités égyptiennes accompagnées de huit gardiens arrivèrent-elles le 6 septembre à Courtalain, en Eure-et-Loir, à une heure et demie de Paris, pour être entreposées dans le grand salon du château. 

 

     

     Aux objets parfois dépourvus d'étiquettes fut donnée par la suite une cote fictive, AF, ce qui signifiait, sans plus de précision, qu'ils appartenaient à l'Ancien Fonds du Musée.

 

     Enfin, dépossédés de leur identité initiale, certains furent-ils simplement signalés par un SN, ce qui, vous l'aurez deviné, signifie tout bêtement : sans numéro !! 


     Concevez, amis visiteurs, que ces deux dernières appellations, "non contrôlées", AF et SN étaient vouées à n'être que provisoires, donc à disparaître au fur et à mesure que le véritable numéro d'inventaire serait retrouvé dans les registres archivés. Mais fallait-il encore qu'on le cherchât ! De sorte que, comme souvent, constatation s'impose d'admettre que le provisoire aurait tendance à devenir définitif ... 

 

 

     Pour clore notre présent rendez-vous peut-être un peu didactique, voire rébarbatif aux yeux de certains, je ferai appel aux connaissances des plus avisés parmi mes visiteurs : en effet, dans la mesure où il m'est arrivé de rencontrer l'une ou l'autre référence commençant par Al peinte sur certaines pièces des galeries d'étude du circuit chronologique, au premier étage de ce Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, j'aimerais en connaître la signification et l'origine.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

KRIÉGER  Paule, Note concernant les numéros d'inventaire des objets conservés au département des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, RdE 12, Paris, Klincksieck, 1960, pp. 92-7.

 

LEVENT  FrédéricQuand le château de Courtalain hébergeait des œuvres du Louvre en 1939-1945, article et cliché publiés dans L'Écho républicain du 4 mars 2016, consultable ici.

 

NICHOLAS  Lynn H, Le pillage de l'Europe. Les œuvres d'art volées par les nazis, Paris, Seuil, 1995, p. 110. 

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