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13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 23:01

     

     Toute cuisine révèle un corps en même temps qu'un style, sinon un monde : lorsque enfant il m'a fallu comprendre ce qu'étaient la pauvreté et les fins de mois de mes parents, ce sont les oeufs ou les pommes de terre qui me l'ont signifié. Ou le manque de viande ...

 

 

  

Michel  ONFRAY

Le ventre des philosophes.

Critique de la raison diététique

 

Paris, Ed. Grasset & Fasquelle, 

Le Livre de Poche, Biblio Essais, n° 4122

p. 9 de mon édition de 1997

 

 

 

     La toute récente exposition du Louvre-Lens, cette salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, ou la découverte que beaucoup d'entre vous, amis visiteurs, ont déjà probablement faite soit des mastabas datant essentiellement de l'Ancien Empire situés sur le plateau de Guizeh soit des hypogées du Nouvel Empire enfouis dans la montagne thébaine vous ont sans conteste appris que la figuration d'animaux et des produits alimentaires dont ils sont à l'origine constitue un topos des scènes peintes et/ou gravées sur les parois des tombeaux égyptiens antiques.

 

     Mais tout ce bétail, symbole premier d'une importance économique réelle dans le chef de ceux qui s'en prévalurent, quel rôle joua-t-il dans le théâtre de la réalité factuelle du peuple égyptien, pour ce qui concerne plus spécifiquement les repas quotidiens ?

 

     C'est à tenter de répondre à cette question mais également à d'autres qui lui sont apparentées que nous nous attelons vous et moi depuis peu.

 

          Vous rappelez-vous ce morceau de viande réel mais desséché (E 14551) que vous avez vu, la semaine dernière, sur la petite étagère vitrée, tout en haut, à droite de ce côté de la vitrine 6 de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes ?

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 28. DE L'ALIMENTATION CARNÉE DES GENS DU PEUPLE ÉGYPTIEN (Seconde Partie)

 

     Grâce à lui, en guise de première approche, vous aviez pu prendre connaissance de l'existence de l'intéressante documentation que nous ont léguée les ouvriers et artisans du désormais célèbre village de Deir el-Médineh, au Nouvel Empire.

 

     Cela fait de très nombreuses années maintenant que les égyptologues se sont penchés sur elle et nous ont transmis leurs conclusions à propos de la quotidienneté des habitants en général, et de leurs ressources nutritives en particulier.

 

    Mais, in fine,  la question que nous nous posions résidait dans le fait de savoir si oui ou non cette communauté était véritablement représentative de la classe populaire égyptienne.

 

     Aux fins de poursuivre cette petite enquête alimentaire, je vous propose ce matin de profiter de la présence, aux côtés du volatile grillé, d'un petit bas-relief de l'Ancien Empire (E 25281), mesurant 14,5 centimètres de hauteur et 21 de longueur.

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 28. DE L'ALIMENTATION CARNÉE DES GENS DU PEUPLE ÉGYPTIEN (Seconde Partie)

     

     Il fut légué au Louvre en 1952 par Georges-Henri Rivière (1897-1985), célèbre muséologue français qui, en 1937, fonda et dirigea trente années durant le Musée national des Arts et Traditions populaires, musée d'ethnologie dont les collections sont, depuis 2010, transférées à Marseille.

 

    La scène du registre principal qu'il donne à voir, - "de boucherie", comme aiment à la définir les égyptologues -, parfait exemple du traitement raffiné qu'imprimaient les artistes de l'époque à leurs gravures, les plus fidèles d'entre vous, amis visiteurs, la reconnaîtront : il s'agit de l'ablation de la patte antérieure droite d'un boeuf, - le khepesh tant souhaité -, dont les membres postérieurs ont préalablement été entravés.

 

     Au registre inférieur, dans le même ordre d'idées, - ce qui est loin d'être anodin -, l'artiste a représenté un homme portant sur ses épaules une gazelle ou un oryx, dont vous n'ignorez plus à présent qu'un même sort, un même rituel lie entre eux tous ces animaux !

 

     Bien au-delà de l'acte sacrificiel, lui-même donnant lieu à une offrande carnée de premier choix pour un défunt, avec tout ce que cela signifie quant à son alimentation post mortem, la symbolique de ces gestes se veut rappel constamment asséné de la prééminence du bon ordre social, du bon ordre universel, Maât, en fait ici personnifiée par celui qui tranche la patte, sur Isefet, le chaos, toujours susceptible de s'imposer, personnifié quant à lui par la bête qu'il faut sacrifier, assimilée dans ce cas de figure aux ennemis de l'Égypte ! 

 

      Si, comme je l'ai indiqué voici quelques instants, les travaux de l'égyptologue français Bernard Bruyère à Deir el-Médineh datent considérablement, d'autres recherches, beaucoup plus récentes et menées notamment sur des sites de l'époque pré-dynastique dans le Delta - je pense ainsi à ceux de Bouto, de Minshat Abu Omar, de Tell Ibrahim Awad ou de Maadi -, vont nous permettre d'affiner nos connaissances, c'est sur celui de Kom el-Hisn qu'aujourd'hui, amis visiteurs, je vous invite à m'accompagner.

 

    Nous sommes à l'ouest du Delta du Nil, entre une ancienne branche de ce fleuve et le désert libyque, à quelque 115 kilomètres au nord-ouest de Memphis. Le site, capitale du 3ème nome de Basse-Egypte, portant à l'Ancien Empire le nom de Ymaou, fut entre autres placé sous la protection de la déesse-vache Hathor ; ce qui ne vous étonnera pas si vous prenez en considération le fait que des cultes dédiés aux bovidés étaient fort répandus dans le Delta, au point que plusieurs des entités de la région portèrent un nom en relation avec cette famille animale. 

 

     Si les fouilles de Kom el-Hisn entamées dès l'aube de l'archéologie égyptienne par l'Anglais Francis Llewellyn Griffith (1862-1934), puis William Matthew Flinders Petrie (1853-1942) révélèrent que des monuments datant de l'époque de Ramsès II ou encore, à la XXIIème dynastie, de Chechonq, furent mis au jour, c'est sur celles entreprises avec une visée archéozoologique, en 1984, 1986 et 1988, par Robert J. Wenke que j'aimerais maintenant asseoir mon propos.   

 

     Outre que les artefacts analysés indiquent que de nombreuses activités domestiques élémentaires s'y déployaient - je pense notamment à ces pots et bols en céramique induisant préparation, voire stockage de denrées alimentaires -, il appert que Kom el-Hisn fut, dès les premiers moments de l'Histoire égyptienne, un centre d'élevage de bovins et d'ovins mais - et c'est à mes yeux le plus intéressant -, les ossements que l'on y a retrouvés sont majoritairement  ceux de capridés et de suidés.

     Ce qui, en d'autres termes, signifie que ces deux dernières familles de mammifères constituaient l'essentiel de l'alimentation carnée des fermiers producteurs, et que les deux autres, là élevées, considérées probablement comme plus prestigieuses, plus nobles, l'étaient en vue d'une exportation vers les centres cultuels les plus proches, entendez : Memphis, où il était capital de nourrir les puissants et leurs féaux et/ou Guizeh, où il était absolument nécessaire de ravitailler les ouvriers aménageant les mastabas de ces mêmes notables.

     Est-il besoin d'ajouter que l'abondance d'os de vaches, de veaux, de moutons et de chèvres retrouvés dans les nécropoles afférentes atteste mon propos ?

 

     Ce n'est donc pas - mais qui en eût douté ? -, parce que le pouvoir royal imposait – dans tous les sens du terme, déjà ! -, aux fermiers des contrées avoisinantes de produire des têtes d'un bétail considéré comme de haute qualité dans le but de subvenir aux besoins de classes sociales relativement privilégiées que ces producteurs villageois, que ces membres de la classe dite populaire, bénéficièrent de la même nourriture de premier choix !

 

     Affinons. Une étude comparative élargie à d'autres sites du Delta à cette époque - mais en a-t-il été autrement tout au long de l'histoire égyptienne ? -, révèle que la viande la plus mangée dans l'Égypte des temps anciens fut celle des porcins.

     Oui, vous m'avez bien lu, amis visiteurs, les chiffres sont formels : les reliefs osseux de porcs liés à la cuisine humaine qui furent exhumés dans ces différents sites nilotiques, affirme le Professeur Youri Volokhine, Maître d'Enseignement et de Recherche en Histoire des Religions à la Faculté des Lettres de l'Université de Genève, à la page 65 de son magistral ouvrage référencé ci-après dans la bibliographie infrapaginale, s'élèvent à 62,5 % de l'ensemble des animaux habituellement ingérés.

 

     Affinons encore. Il ressort entre autres intéressants renseignements déduits de l'analyse isotopique de tissus mous et minéralisés pratiquée par des chercheurs de l'Université Claude Bernard de Lyon à partir de momies égyptiennes appartenant au Musée des Confluences et au Musée Testut Latarjet d'Anatomie et d'Histoire naturelle médicale de la ville, - je vous invite à lire l'article détaillé grâce au lien fourni dans la référence infrapaginale, sous l'entrée "Touzeau ..." -, que les viandes les plus riches, entendez : essentiellement les bovidés, dont font état les registres peints ou gravés sur les parois des chambres sépulcrales ne furent que peu à la portée du petit peuple égyptien, probablement contraint pour diverses raisons de se contenter de chair animale plus adaptée à ses moyens personnels, comprenez : celle des porcins.        

 

     Deux importants noeuds gordiens restent maintenant à trancher.

 

1. Alors que grâce aux fouilles archéologiques et archéozoologiques, alors que grâce aux analyses scientifiques de momies, les unes apportant de l'eau au moulin des autres, vous venez de le voir, il appert incontestablement que la viande de porc fut largement consommée dans l'Égypte antique, comment peut-on expliquer son absence quasi totale au sein de l'iconographie des tombeaux actuellement connus ?

 

2. Qu'en est-il réellement en Égypte de cet "interdit" du porc dont, depuis les Grecs, l'on nous rebat séculairement les oreilles aux fins d'étayer diverses thèses, pas toujours des plus "catholiques" ?

 

     C'est à tenter de résoudre ces questions que je m'attellerai ces prochaines semaines, amis visiteurs, en commençant par vous proposer, mardi 21 avril, un court arrêt à l'entrée de cette même salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, devant la toute première vitrine que nous y avions déjà rencontrée en septembre 2009 : une petite piqûre de rappel ne me semble pas inutile avant de progresser dans notre enquête ... pour autant, bien évidemment, que cette thématique vous intéresse !

 

     A tout bientôt ? 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE 

 

CAGLE Anthony J. 

The spatial structure of Kom el-Hisn : an Old Kingdom town in the Western Nile Delta, Egypt, Dissertation, University of Washington, 2001.

(Librement téléchargeable grâce à ce lien)

 

 

HAMONIC Fanny 

Relief : scène de boucherie, dans Des animaux et des pharaons - Le règne animal dans l'Égypte ancienne, Catalogue de l'exposition au Musée du Louvre-Lens, Paris, Somogy éditions d'art, 2014, notice p. 111.

 

 

MORENO GARCIA Juan Carlos 

"J'ai rempli les pâturages de vaches tachetées ..." - Bétail, économie royale et idéologie en Égypte de l'Ancien au Moyen Empire, dans RdE 50, Paris, Peeters, 1999, pp. 241-57.

 

 

TOUZEAU A./LECUYER C./FLANDROIS J.-P.

L'alimentation des anciens Égyptiens retrouvée par l'analyse isotopique des momies, Note de l'Institut antional des sciences de l'univers, CNRS, 11 avril 2014.

(Librement téléchargeable grâce à ce lien.) 

 

 

VOLOKHINE  Youri 

Le porc en Égypte ancienne - Mythes et histoire à l'origine des interdits alimentaires, Liège, Presses universitaires de Liège, 2014.

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6 avril 2015 1 06 /04 /avril /2015 23:01

 

 

     L'étude de la boucherie doit tenir compte d'un ensemble de données sociales et symboliques - contexte funéraire, rituel, consommation réelle -, ce qui ne peut s'envisager qu'à la croisée de plusieurs chemins. La voie des images et des textes, où l'on trouve de nombreuses clés permettant de comprendre la mentalité égyptienne, se doit d'être empruntée à la lumière des constatations archéologiques, source de précieuses informations d'ordre aussi bien économique que social sur la production et la consommation des denrées carnées en Égypte ancienne.   

 

 

Fanny HAMONIC

Quelques notions sur la boucherie et la consommation de viande en Égypte ancienne

 

dans Des animaux et des pharaons - Le règne animal dans l'Égypte ancienne

Catalogue de l'exposition au Musée du Louvre-Lens,

Paris, Somogy éditions d'art, 2014

   p. 108

 

 

 

 

     Au terme de notre rendez-vous de mardi dernier, amis visiteurs, vous aurez compris que seuls des repas offerts à tous lors de festivités religieuses étaient susceptibles de transformer un temps l'ordinaire de ceux qui n'avaient nullement les moyens financiers de s'offrir morceaux de boeuf ou gibier de choix.

     S'il appert qu'au quotidien l'alimentation de base des Égyptiens consistait essentiellement en pains, légumes et fruits, cela signifie-t-il une absence totale de chair animale, quelle qu'elle soit ? 

     

     Aux fins de mener à bien cette thématique, je vous avais aussi promis d'asseoir mes propos futurs sur des sources irrécusables telles que la documentation provenant des fouilles de différents villages égyptiens antiques, ainsi que l'analyse isotopique de certaines momies.

 

 

     C'est le premier groupe d'entre elles - rapports ou éléments exhumés lors de recherches sur un site précis - que je voudrais développer au long de cette présente rencontre, en vous invitant à vous approcher de la vitrine 6, côté Seine, ici dans la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, de façon à pouvoir concentrer votre regard sur la petite étagère vitrée, tout au-dessus à droite puis, plus spécifiquement, sur un "objet" exposé en son centre. 

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 27. DE L'ALIMENTATION CARNÉE DES GENS DU PEUPLE ÉGYPTIEN (Première Partie)

 

     Comprenez que vous avez là sous les yeux une pièce particulière (E 14551) : il ne s'agit en effet aucunement d'un de ces modèles que vous avez maintenant l'habitude de découvrir en ma compagnie, d'un de ces simulacres façonnés par un artiste dans l'une quelconque pierre égyptienne, à l'instar des deux que nous avions vus, à gauche, sur l'autre présentoir vitré ... mais d'un morceau réel, - oui, vous m'avez bien lu ! : de la matière organique, donc. 

     Comprenez que vous regardez le corps acéphale d'un oiseau desséché, ouvert sur toute sa longueur et aplati sur un foyer avant d'y être grillé. Ainsi présenté, il mesure 15,2 centimètres de longueur, 11,5 de largeur et 2,4 d'épaisseur.

    Les savants hésitent à y voir qui un canard, qui un de ces pigeons dont sont encore friands les Égyptiens de notre époque. 

    

     Qu'ils soient produits d'élevage, voire de gavage, comme je vous l'avais expliqué le 20 avril 2012, ou de capture à l'aide d'un filet hexagonal, le 3 mai 2010, les volatiles prisés pour leur chair, indépendamment du fait qu'ils étaient susceptibles d'entrer dans le viatique funéraire déposé dans les tombeaux aux fins d'assurer la subsistance post mortem de leur propriétaire ou offerts quotidiennement à la divinité tutélaire de différents temples, rassasiant ainsi, quelques heures après que le dieu s'en était régalé bien sûr, la théorie des prêtres officiants, ces volatiles, donc, constituaient, à défaut de viande "noble", un important  apport alimentaire pour le peuple égyptien.

      Au point que les égyptologues en mirent au jour, conservés au sein de grandes jarres, marinant dans une espèce de saumure, indubitablement destinés à une consommation ultérieure.

     À chacun son type de garde-manger !

 

     Ce morceau de volaille grillée fut découvert dans une tombe du cimetière de l'Est du "Village des Artisans", à Deir el-Medineh, puis cédé en 1935 au Musée du Louvre par le Gouvernement égyptien, en partage des fouilles que l'égyptologue Bernard Bruyère (1879-1971) y entreprit inlassablement à partir de 1922 au nom de l'Institut français d'archéologie orientale (IFAO).

 

    Mais qu'induit exactement le terme de Deir el-Médineh au sein de l'égyptologie contemporaine ?  

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 27. DE L'ALIMENTATION CARNÉE DES GENS DU PEUPLE ÉGYPTIEN (Première Partie)

     (© Martine Detrie-Perrier, Présidente de l'Association Papyrus de Lille.) 

 

 

    Un village. Mais pas n'importe lequel, évidemment !

 

     Les autochtones le nommaient "Pa demi", ce qu'il est convenu de traduire par "La Ville".

 

     Créé ex nihilo par Thoutmosis Ier, souverain du début du Nouvel Empire, en vue d'héberger les artistes, artisans et ouvriers qui, près d'un demi-millénaire durant, opéreront creusements et aménagements intérieurs des hypogées royaux et princiers des proches vallées des Rois et des Reines, il n'en subsiste plus actuellement que des ruines, ainsi que vous pouvez le constater de visu, sur le cliché ci-dessus.  (Merci Martine.)  


     Témoin absolument unique de la vie professionnelle et privée des familles qui se sont succédé là siècle après siècle, il fut agrandi sous le règne de Thoutmosis III, momentanément déserté sous celui d'Amenhotep IV/Akhenaton - la communauté rejoignant alors un hameau semblable fondé à Tell el-Amarna -, remis à l'honneur avec Horemheb, dernier souverain de la XVIIIème dynastie et connaissant définitivement son acmé à l'époque des Ramsès, aux XIXème et XXème dynasties où il se développa sur quelque 5600 m² : près de 70 maisons, toutes semblables, se sont partagé, de part et d'autre d'une rue principale, une superficie de plus ou moins 132 mètres de long pour une petite cinquantaine seulement de large.

     Aux confins du site, deux nécropoles : celle dite de l'Est, sur les flancs de Gournet Mouraï et celle de l'Ouest, sur l'autre versant, au pied de la montagne thébaine.

     Les tombes du cimetière de l'Est découvertes intactes par Bernard Bruyère datant des règnes de Thoutmosis III et d'Hatchepsout, si elles n'offraient pas une importance particulière quant à leur structure et leur décor pariétal, se révélèrent en revanche d'un intérêt certain pour ce qui concerne le matériel funéraire qu'elles recelaient : en effet, les objets mis au jour, dans leur plus grande majorité, présentaient de manifestes traces d'usure prouvant indubitablement qu'ils avaient été utilisés par leur propriétaire.

 

     Et c'est bien grâce à eux, grâce à ces chaises, tabourets, lits, nattes, paniers divers, vaisselle et ustensiles de cuisine, outils agricoles et de construction, objets de toilette, vêtements ou encore, comme ici, produits alimentaires conservés, - dont le Louvre vous propose de très beaux et intéressants exemplaires -, que l'on peut de nos jours tenter de lever le voile sur l'environnement quotidien des anciens Égyptiens.

 

     Car, pallèlement à tout son travail de fouilleur, Bruyère ne cessa de publier le fruit de ses découvertes de manière éminemment scientifique : je songe notamment à cette imposante et ô combien remarquable somme, retrouvée dans un puits proche, de quelque 5000 ostraca rédigés en cursive hiératique qu'après lui, d'éminents épigraphistes tels que Jaroslav Cerny (1889-1970), Georges Posener (1906-1988), Serge Sauneron (1927-1976) et maints autres se sont attelés et s'attellent encore à déchiffrer. 

 

     (A l'usage des amateurs de rapports archéologiques, je m'en voudrais de ne pas signaler ici que les carnets tenus par Bernard Bruyère pendant toutes ces années sont à présent accessibles sur le site de l'IFAO grâce à ce lien.)

 

     Pour ce qui concerne les habitudes alimentaires des artisans du village de Deir el-Medineh, désormais au coeur de nos réflexions, diverses sources sont utilisables, qui nous fournissent d'importants renseignements : les ostraca d'époque ramesside que je viens d'évoquer complétant administrativement ce qu'il est convenu d'appeler le Journal de la Tombe, c'est-à-dire des papyri - aujourd'hui essentiellement conservés à Turin -, sur lesquels, quotidiennement, des scribes décrivaient la vie communautaire et, plus intéressant encore pour mon propos, la liste des produits de bouche, versements en nature constituant les salaires des travailleurs.

     Les fouilleurs ont également mis au jour des archives privées comme des lettres personnelles ou  des documents ressortissant au monde juridique.  

     

     Et que nous apprend le dépouillement de cette manne terrestre ?

 

      Que la viande figurait à cette époque l'aliment le moins couramment consommé. Rare en définitive, elle constituait l'apanage de certains émoluments d'artistes ou d'artisans vraisemblablement plus doués - ou plus appréciés -, partant, mieux rémunérés que d'autres, dans la mesure où les fiches des salaires les plus communs n'en faisaient jamais état !

 

     Ceci posé, outre le fait que certaines familles élevaient une ou deux têtes de bétail, l'apport carné se résumait le plus souvent en viande de boeuf, de porc ou de caprinés, sachant qu'elles devaient toujours se contenter des bas-morceaux, tels que les côtes, ceux de la zone des reins, les tripes, les têtes, les cuissots et les abats.

     Nonobstant, il leur arrivait de bénéficier de bovins livrés par l'Administration royale, sur pied ou par morceaux cuits ou grillés, voire mis en pots ou en jarres, comme je l'ai signalé tout à l'heure ... 

 

    N'oublions pas aussi les volatiles, tels les oies et les pigeons qu'ils pouvaient eux-mêmes capturer ...

 

     Pour tutoyer au plus près l'exhaustivité, à ces produits de boucherie, j'ajouterai les poissons régulièrement fournis par ceux des pêcheurs à qui incombait la tâche d'ainsi ravitailler le village : à partir de la documentation sur ostraca, il a été calculé que, certaines années, quelque 60 familles disposèrent de 6 tonnes de poissons. De "savants" calculs ont permis de déterminer un quota moyen de  280 grammes par jour et par famille ...

     Ces poissons étaient livrés soit crus et non-vidés, soit vidés et préalablement séchés au soleil.

     A cet apport régulier, je me dois d'associer celui également offert par le Pouvoir royal en guise de provisions exceptionnelles, le plus généralement la récompense d'un souverain souhaitant manifester son contentement par rapport au travail effectué dans son futur hypogée ...

 

     L'égyptologue D. Valbelle qui a brillamment étudié la communauté des ouvriers de Deir el-Medineh - permettez-moi d'ailleurs de vous conseiller, amis visiteurs, de lire son ouvrage référencé en note infrapaginale : passionnant !! -, a ainsi recensé dix-huit variétés de poissons différentes que dégustèrent les familles du village.

 

     La question maintenant à poser : pouvez-vous vraiment considérer que les membres de cette communauté villageoise particulière soient représentatifs du petit peuple égyptien ?

 

     Oui, si vous concevez que ces ménages ne bénéficiaient pas quotidiennement de mets aussi succulents que ceux indiqués dans les souhaits funéraires. Mais, rappelez-vous, je vous ai souvent mis en garde contre une crédulité abusive de ces "menus" peints ou gravés sur les parois des chapelles sépulcrales.

 

     Non, si vous estimez que, malgré des restrictions le plus souvent dues à un approvisionnement ne répondant pas toujours à la demande, leur sort demeure relativement enviable, ne fût-ce que par rapport à la grande majorité qui ne reçoit rien du Palais royal.   

 

  

 

BIBLIOGRAPHIE 

 

 

HAMONIC Fanny 

Quelques notions sur la boucherie et la consommation de viande en Égypte ancienne, dans Des animaux et des pharaons - Le règne animal dans l'Égypte ancienne, Catalogue de l'exposition au Musée du Louvre-Lens, Paris, Somogy éditions d'art, 2014, p. 108

 

 

MALAISE Michel

Les animaux dans l'alimentation des ouvriers égyptiens de Deir el-Medineh au Nouvel Empire, Anthropozoologica, 1988, second numéro spécial, pp. 65-72.

 

 

TALLET Pierre

Volaille (pigeon ou canard), notice dans Les Artitses de Pharaon, Catalogue de l'exposition au Musée du Louvre, Paris, RMN, 2002, p. 109. 

 

 

LABÉ-TOUTÉE  Sophie

Volaille (pigeon ou canard), notice dans Les Portes du ciel, Catalogue de l'exposition au Musée du Louvre, Paris, Somogy/Musée du Louvre, 2009, p. 350.

 

 

VALBELLE Dominique

Les ouvriers de la Tombe. Deir el-Medineh à l'époque ramesside, Le Caire, BdE 96, I.F.A.O. 1985.

 

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31 mars 2015 2 31 /03 /mars /2015 13:43

     Une autre question m'intéresse bien davantage et le "salut de l'humanité" en dépend bien plus que d'une quelconque curiosité pour théologiens, c'est la question de l'alimentation.

 

 

Friedrich NIETZSCHE

Ecce homo

 

dans Oeuvres, Volume II

Paris, Robert Laffont, Coll. "Bouquins",

p. 1129 de mon édition de 1993

 

 

 

 

 " DE L'HOLOCAUSTE AU BARBECUE "

 

     Je l'ai tout de suite aimé ce titre d'un des articles de l'égyptologue belge Philippe Derchain, au point de l'emprunter ici pour chapeauter le mien. 

    Je l'ai tout de suite aimé pour son côté décalé, humoristique presque, annonçant une de ces interventions dont le sérieux de l'étude qu'il avait menée le disputait au sujet lui-même, festif en définitive, puisqu'il y rendait compte d'une des cérémonies du Nouvel An égyptien.

    Je l'ai tout de suite aimé pour cette association de termes évoquant un rituel : antique et religieux pour le premier, égyptien d'abord, grec ensuite avec les rites ouraniens et chtoniens ; éminemment contemporain pour le second, animant ces soirs d'été entre amis qu'accompagnent avec bonheur quelques bouteilles d'un Bourgogne Marsannay rosé, frais à souhait ...

    Je l'ai enfin tout de suite aimé parce qu'il constitue la caractéristique, presque la "marque de fabrique", de certaines interventions de ce savant égyptologue consacrées à des sujets scientifiquement pointus provoquant par là un intérêt encore accru.

 

     Que mettait-il tant en évidence dans son texte pour qu'à la barre aujourd'hui je convoque le Professeur Dechain?

 

    Vous vous souvenez, je présume, de la grande étagère vitrée accrochée sur la gauche de la paroi mitoyenne, côté Seine, de la vitrine 6 de la salle 5 du Département des Antiqutés égyptiennes du Musée du Louvre, devant laquelle nous nous sommes, l'année dernière, retrouvés vous et moi, amis visiteurs, des mois durant : nous y avions découvert une importante série de petits modèles de légumes et de fuits réalisés en différents matériaux, pour être inhumés avec des défunts égyptiens. Bizarrement seuls, à l'extrême gauche, avant les premières laitues, deux simulacres de morceaux de viande étaient exposés (E 17276 et E 17279).

 

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 26. " DE L'HOLOCAUSTE AU BARBECUE "

 

     Préférant les réserver pour le jour où j'aborderais les produits de boucherie, je n'avais alors évidemment pas cru nécessaire d'en relever la présence. Ce sera chose faite ce matin avec surtout l'un d'entre eux qui illustrera parfaitement mon propos et, surtout, celui de Philippe Derchain.

 

    Il s'agit du petit modèle (E 17276) en albâtre - que les égyptologues sont maintenant convenus de plutôt nommer calcite - de 8, 5 cm de longueur et de 4,5 de largeur

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 26. " DE L'HOLOCAUSTE AU BARBECUE "

(© Louvre - Ch. Décamps)

 

qui entra dans les collections du Musée en 1947, suite à une première donation accordée par le gouvernement égyptien du roi Farouk en partage des fouilles menées par le Français Raymond Weill de 1946 à 1948 sur le site de Kom ed-Dara, en Moyenne-Égypte.

 

     Là, dans une imposante nécropole, s'alignent notamment des tombeaux rectangulaires de briques crues - ici, le mastaba 1 - ayant vraisemblablement appartenus à des fonctionnaires subalternes de la VIème dynastie, voire du tout début de la Première Période Intermédiaire (P.P.I.), dans lesquels une descenderie, - ici, le puits A - , menait à une chambre sépulcrale voûtée dans laquelle ce simulacre fut repéré.

 

     

      Comme vous l'aurez remarqué, il présente un aspect quelque peu bombé et, important à noter, traversé de trois rides qui le creusent de chaque côté et qui, bien évidemment, ne peuvent qu'évoquer une viande cuite et retournée sur un gril.

 

    Diogène le Cynique n'est pas encore sorti de son amphore qui, dénigrant la chair cuite, ratiocinera en faveur d'un retour au cru, d'un retour à l'animalité, à la sanguinolence première de toute manducation humaine.

 

 

    Mais las du Sinopéen à la lanterne et revenons maintenant, vous aurez compris que cela s'impose, à l'étude que Philippe Derchain publia dans la revue allemande dont je vous propose la référence dans la bibliographie infrapaginale.

 

     Il y décrit, gravée sur les parois de l'escalier accédant au kiosque aménagé sur le toit du temple de Denderah, une procession de porte-enseignes et de différents prêtres menée par le roi et la reine censés présenter les divinités des lieux au soleil du Nouvel An.

 

    Des inscriptions surmontent ce cortège, qui mentionnent divers types de gibier suivis par des oies en nombre indéterminé incarnant les ennemis de l'Égypte, le tout grillant sur des autels.  

 

    Des oies en holocauste, peut-on lire dans un passage au-dessus de la procession qui monte sur le toit du temple ; leurs  grillades abondent sur tes autels, lit-on en un autre où la procession redescend du kiosque sommital. 

 

     

     Précisions extrêmement importantes qui permettent d'envisager un début de réponse à la question que nous nous étions posée mardi dernier, rappelez-vous : le peuple consommait-il de la viande ?

 

     En effet, il y a ici, dans un premier temps, sacrifice rituel, holocauste en l'honneur de certains dieux et, dans un second, barbecue, viandes grillées qui seront distribuées au peuple lors des festivités célébrant ce Nouvel An tant attendu, que j'ai déjà eu maintes fois l'opportunité d'évoquer puisqu'il est espérance de renouveau, de nouvelle nature, de nouvelles récoltes grâce à la crue du Nil bienfaiteur. 

 

     Malheureusement, ces festivités religieuses populaires, synonymes d'agapes de toutes sortes - le texte indique même à un autre endroit du temple : Tout le monde est saoul ! - , ne présentent pas une réelle récurrence : elles relèvent de circonstances exceptionnelles transformant un temps seulement le quotidien d'un petit peuple qui n'a pas les moyens financiers de s'offrir un repas avec de la viande de boeuf ou du gibier de choix pour accompagner ce qui constituait leur alimentation de base, pains, légumes et fruits. 

 

 

     Des sources irrécusables viennent sans conteste aucun corroborer mon propos : la documentation provenant des fouilles de villages datant de l'Ancien Empire, celle aussi, plus assurément connue, de la communauté des artisans de Deir el-Medineh, au Nouvel Empire et, celle enfin, faisant appel à des investigations scientifiques ultra-modernes, de l'analyse isotopique de certaines momies.  

 

     

     Pour entamer ces sujets, je vous propose, amis visiteurs, de nous retrouver le 7 avril prochain, ici même, devant la vitrine 6, côté Seine, de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre. 

 

    

      A mardi ?

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

DERCHAIN Philippe

De l'holocauste au barbecue - Les avatars d'un sacrifice, dans Göttinger Miszellen 213, 2007, pp. 19-22.

 

 

VERCOUTTER Jean

Kom ed-Dara, Simulacre d'une pièce de viande, dans Desroches-Noblecourt Ch. et Vercoutter J., Un siècle de fouilles françaises en Égypte, 1880-1980, Catalogue de l'exposition au Musée du Louvre, Le Caire, I.F.A.O., p. 86.

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24 mars 2015 2 24 /03 /mars /2015 00:00

     Quand, le 29 janvier 2013, nous découvrîmes ensemble, amis visiteurs, dans cette même salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, le "menu" de Tepemânkh sur le grand fragment que nous distinguons encore au sein de la cinquième vitrine, là-bas, sur la gauche de la sixième où je vous ai à nouveau donné rendez-vous ce matin, 

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 25. LE RELIEF B 32

j'attirai votre attention, souvenez-vous, sur les denrées escomptées par le défunt pour continuer à se sustenter en sa "maison d'éternité", tout à la fois gravées dans ou sous les cases de sa "pancarte", ainsi que le long du pied de la table d'offrandes posée devant lui.

    Tableau classique s'il en est que, de manière récurrente, ceux parmi vous qui ont déjà pénétré, à Guizeh, dans l'un ou l'autre mastaba de l'Ancien Empire, auront certainement remarqué.

 

    Parmi les produits de bouche énoncés, après les sempiternels mille pains et les mille cruches de bière s'inscrivant toujours en première position dans ce type d'invocation, la formule de dessous la table prévoyait mille têtes de bétail et mille volailles. Elle insistait en réalité de manière globale sur ce qu'il avait fait inscrire avec force détails plus haut, dans les cases du troisième rang et du début du quatrième, à savoir : épaule de boeuf, cuisse de boeuf, rognon, côte de boeuf, foie, rate, poitrineoie cendrée, oie rieuse, canard pilet, tourterelle.

     

 

Menu de Tepemânkh

 

     Prudente tautologie dans le chef de Tepemânkh ?

     Les mots valant, dans la pensée égyptienne, ce qu'ils expriment, ainsi s'assurait-il ses repas futurs dans l'éventualité où famille et amis oublieraient de lui apporter l'offrande de nourriture.

 

      Ceci posé, apparemment lui sembla-t-il suffisante une portion pour chacun des aliments retenus, les côtes de boeuf exceptées puisqu'il en souhaita quatre !

 

     Cette abondance carnée chez ce défunt privilégié - je rappelle au passage qu'il fut Directeur du bureau des Khentyou-she du Palais -, constitue un peu, mutatis mutandis, ce que figure, non plus en hiéroglyphes cette fois, mais - oserais-je ce jeu de mots ? -, en chair et en os, le monument par lequel, ce matin, il m'agréerait de poursuivre avec vous la découverte détaillée de cette partie sud de la vitrine 6, à savoir : le relief B 32, accroché sur la droite.

 Menu de Tepemânkh

 

 

 

(Grand merci à François de m'avoir envoyé le lien vers le site "Flickr" -http://www.flickr.com/photos/clairity/3837326106/sizes/o/in/photostream/ - permettant ainsi à tous de rendre le document ci-dessus plus lisible en l'agrandissant).

 

 

     Il faut évidemment concevoir que ce que vous auriez tendance à considérer comme un gargantuesque festin dans ces scènes d'agapes funéraires que vous ne manquerez pas de rencontrer dans vos visites de mastabas ou de musées ne rend nullement compte des repas réels et quotidiens des Égyptiens de l'Antiquité, fussent-ils souverains ou notables : ce ne sont, d'une part, qu'images à valeur performative de ce que souhaitait bénéficier tout défunt au cours de sa seconde vie et, d'autre part, que manière d'exprimer un des aspects du système relationnel établi entre lui et les membres en vie de sa famille, voire ses amis, tous censés, à certaines périodes déterminées, lui déposer sur la table d'offrande au pied de la stèle fausse-porte de quoi subsister éternellement dans l'Au-delà.

 

     Cette surabondance alimentaire ne doit donc pas être prise au pied de la lettre pour les vivants : elle fait partie intégrante du discours funéraire, donnant ainsi aux morts une dimension hors du commun, hors de toute réalité immédiate.

 

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 25. LE RELIEF B 32

 

     Ce fragment de calcaire jadis entièrement polychrome exhumé des ruines de la chapelle du culte de Séthi Ier, dans le petit temple de Ramsès II, à Abydos (XIXème dynastie), mesure 80 cm de longueur, 54 de hauteur et 9 de profondeur. Il avait appartenu à Jean-François Mimaut (1774-1837), qui fut consul  général de France à Alexandrie, de 1829 jusqu'à sa mort.

 

     Si de Mimaut l'on retient son entregent auprès de Mehmet-Ali, Vice-roi d'Égypte, qui lui valut d'être un acteur important dans le don puis le transport de l'obélisque choisi par Champollion pour être offert à la France, l'on ne doit pas oublier la très riche collection d'antiquités égyptiennes, grecques et romaines rassemblées par ses soins. Collection qui fut vendue à Paris, au 22 de la rue d'Aguesseau-Saint-Honoré, à partir du 18 décembre 1837, quasiment onze mois après son décès : elle fut acquise à la fois par le British Muséum de Londres et, pour une somme modique, par le Louvre, ce dernier à hauteur de 158 pièces, dont le présent bas-relief.

 

      À la page 32 du catalogue qu'il établit de la collection Mimaut, le Conservateur adjoint des Antiques du Musée royal du Louvre de l'époque, Léon Jean Joseph Dubois, (1780-1846), indique :  

 

189. Calcaire peint. - Débris d'un grand bas-relief représentant un amas d'offrandes. Sur la gauche existe une colonne d'hiéroglyphes, et le haut d'un cartouche dont on ne voit plus que le disque solaire. 

 

 

     Concevez que, personnellement, ce laconisme ne me sied guère ; et encore moins dans l'éventualité où vous attendez de ma part une compréhension détaillée de la scène. 

 

    Dès lors, que pourrais-je vous préciser, amis visiteurs ?

 

     Peut-être le fait qu'à la colonne de gauche vient perpendiculairement s'attacher une bande horizontale d'une épaisseur certaine séparant deux registres d'un tableau d'offrandes, le principal, incontestablement, étant celui du dessous.

     Au-dessus, s'alignent quelques récipients dont nous ignorons le contenu.

 

     Peut-être ajouter que si au centre de ce grand fragment de paroi figure un panier rempli de figues et de grenades semblables à celles déposées sur l'étagère vitrée de gauche, tout le reste de la composition qui l'entoure, constitue, gravée en relief dans le creux et ayant conservé traces de ses teintes originelles, une nomenclature idéale des différents morceaux de viande espérés par tout défunt.

 

     Peut-être aussi qu'indépendamment de ses couleurs quasiment estompées, l'ensemble se révèle empreint d'une certaine recherche esthétique.

     Car vous aurez remarqué cette patte de bovidé qui, de part et d'autre, épousant sa forme semi-circulaire, semble soutenir le panier. Et aurez assurément reconnu le khepech, cette patte antérieure droite des bovidés, ce morceau d'excellence, comme le définissaient les textes qui, avant tout autre, lors du découpage rituel, était rapidement emporté en guise d'offrande de premier choix au propriétaire de la sépulture. Pièce de viande sur laquelle j'avais voici peu attiré votre attention.

 

     Peut-être ajouter également qu'à gauche à tout le moins car à droite, la cassure de la pierre n'autorise qu'une éventuelle conjecture, au-dessus de cette cuisse tant convoitée, tant appréciée,  repose la tête du boeuf dépecé avec, devant elle, de chaque côté cette fois, un peu comme élément symétrique qui décorerait les bords du panier, un coeur, dont la forme, n'était sa dimension, s'harmonise élégamment avec les fruits de l'intérieur.

 

     Peut-être ajouter enfin qu'en dessous de cette composition esthétiquement pensée - car c'est le cas, n'en doutez point ! -, figurent côtes et entrecôtes, gîtes de boeuf, mais aussi des pains prêts pour l'offrande qu'en fils respectueux, Ramsès II se devait d'octroyer à son père défunt, Séthi Ier ...

 

     Peut-être devrais-je même vous adresser toutes ces remarques à la fois ...

 

     

     Nonobstant, dans ces scènes d'agapes funéraires où la viande abonde, il vous faut concevoir que ce que vous auriez tendance à envisager comme un gargantuesque festin ne rend nullement compte des repas réels et surtout quotidiens des Égyptiens de l'Antiquité, fussent-ils souverains ou notables ; et n'évoquons même pas les gens du modeste peuple ! Ce ne sont, d'une part, qu'images à valeur performative de ce qu'ils espéraient bénéficier au cours de leur seconde vie et, d'autre part, que façon d'exprimer un des aspects du système relationnel établi entre eux et les membres en vie de leur famille, voire leurs amis, tous censés, à certaines périodes déterminées, venir déposer sur la table d'offrande au pied de la stèle fausse-porte de quoi subsister éternellement dans l'Au-delà.

 

     Cette surabondance alimentaire ne doit donc pas être prise au pied de la lettre pour les vivants : elle fait partie intégrante du discours funéraire, donnant ainsi aux morts une dimension hors du commun, hors de toute réalité immédiate.

 

 

- "Mais ce petit peuple auquel vous venez presque subrepticement de faire allusion", seriez-vous en droit de vous inquiéter, "ne consommait -il donc jamais de viande" ?

 

 

     Que diriez-vous de nous retrouver à nouveau ici même, amis visiteurs, devant la vitrine 6, côté Seine, de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, mardi 31 mars prochain, pour commencer à répondre à votre légitime interrogation ?

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE 

 

 

 

DELANGE Élisabeth

Relief : amoncellement de victuailles, dans Des animaux et des pharaons. Le règne animal dans l'Égypte ancienne, Catalogue d'exposition, Somogy Éditions d'Art, 2014, p. 129. 

 

 

DUBOIS Léon-Jean-Joseph

Description des Antiquités égyptiennes, grecques et romaines, monuments cophtes et arabes, composant la collection de feu M. J.-F. Mimaut, Paris, Panckoucke, 1837, p. 32.

(Librement téléchargeable ici.)

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17 mars 2015 2 17 /03 /mars /2015 00:00

 

 

     Afin de nous reconnaître, il est utile de jeter un coup d'oeil sur l'état de mes Mémoires.

     Où en sont mes Mémoires.

     Il m'est arrivé ce qui arrive à tout entrepreneur qui travaille sur une grande échelle : j'ai, en premier lieu, élevé les pavillons des extrémités, puis, déplaçant et replaçant ça et là mes échafauds, j'ai monté la pierre et le ciment des constructions intermédiaires ; on employait plusieurs siècles à l'achèvement des cathédrales gothiques. Si le Ciel m'accorde de vivre, le monument sera fini par mes diverses années ; l'architecte, toujours le même, aura seulement changé d'âge. Du reste, c'est un supplice de conserver intact son être intellectuel, emprisonné dans une enveloppe matérielle usée.

 

 

François-René de CHATEAUBRIAND

 

Mémoires d'Outre-Tombe

 

Deuxième partie, Livre 13, Chapitres 1-2

Lausanne, Éditions Rencontre, Volume I,

pp. 481-2 de mon édition de 1968

 

 

 

     

     Après avoir, plusieurs mois durant, délaissé le Palais des Rois de France, en bord de Seine, pour d'abord s'en aller promener dans celui des Beaux-Arts de Lille, lors de l'exposition dédiée à Sésostris III puis, dans la foulée, au Musée du Louvre-Lens, pour vous rendre compte, à sa manière, de celle consacrée aux animaux de l'antique Double Pays, voici qu'ÉgyptoMusée s'apprête à réintégrer les salles du Louvre parisien, - enfin !, penseront certains ... -,  bien décidé qu'il est à y poursuivre, là où il les avait longuement interrompues, ses déambulations d'"Ouvreur de chemins". 

 

     Où en sont mes "Mémoires" ?, s'inquiétait Chateaubriand ?  Mutatis mutandis, où en sont nos mardis louvresques ?, se demande votre "Passeur de mémoire", en prélude à son proche retour devant la vitrine 6, côté Seine, de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes.  

 

     

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 24. OÙ EN SONT NOS MARDIS LOUVRESQUES ?

     

     Vous rappelez-vous ce haut meuble vitré à deux faces ? 

    La "nord", - celle vue de l'intérieur de la salle -, mettait en évidence une série de pièces ayant peu ou prou trait à deux produits essentiels aux yeux des Égyptiens : le pain et la bière.

     Et celle éclairée par les fenêtres grillagées donnant sur les quais de la Seine - côté sud, donc -, lui avait permis d'évoquer diverses pièces consacrées à d'autres aliments également prisés : les fruits et les légumes.

    Je pense notamment au superbe relief (AF 10243), au-dessus à gauche, qu'après une introduction très personnelle convoquant Robert Hossein et la troupe du Théâtre populaire de Reims, il vous avait fait découvrir voici quasiment un an, le 25 mars 2014.

     Bas-relief que certains d'entre vous ont peut-être (re)découvert à l'exposition de Lens.

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 24. OÙ EN SONT NOS MARDIS LOUVRESQUES ?

 

     Je pense aussi à ces petits modèles disposés sur l'étagère de verre accrochée juste en dessous de ces porteurs d'offrandes, 

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 24. OÙ EN SONT NOS MARDIS LOUVRESQUES ?

 

à propos desquels, du 1er avril au 21 octobre 2014, les deux mois de vacances d'été exceptés, il vous entretint : ce furent alors notamment laitues, fruits du mimusops, ceux du palmier-doum puis du palmier-dattier, à l'usage à la fois des vivants, des défunts et des dieux qui ainsi défilèrent devant vous, non seulement sous l'aspect de denrées alimentaires mais aussi en tant qu'indéniables symboles phyto-religieux.

 

     Cela posé, quelque intéressants qu'aient été les monuments déjà décrits, quelque attrayants les détails, parfois minimes, qu'il vous fit remarquer, si ÉgyptoMusée prit du temps pour se pencher et, surtout, s'épancher sur chaque catégorie de pièces, vous aurez compris en accordant un regard attentif à ce côté de vitrine qu'il paraît loin d'en avoir épuisé toutes les propositions. 

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 24. OÙ EN SONT NOS MARDIS LOUVRESQUES ?

 

     En effet, une autre étagère vitrée, au-dessus à droite, un autre imposant relief, immédiatement en dessous mais aussi ces pièces qui en jonchent le sol n'attendent qu'une nouvelle approche scrutatrice, que de nouvelles explications circonstanciées.

 

     Raison pour laquelle, selon ses vieilles habitudes, après cette rapide piqûre de rappel adressée à votre mémoire, - qu'il persiste didactiquement à juger nécessaire -, il vous fixe dès à présent rendez-vous pour de futures rencontres hebdomadaires, les mardis des mois à venir, se préparant à dévider avec vous et pour vous le fil conducteur qui relie entre eux ces monuments antiques, à savoir : l'alimentation carnée.

 

      Mais avant cela, c'est avec vous qui, depuis tant d'années l'accompagnez sur les chemins égyptologiques qu'il vous ouvre sur son blog et, depuis septembre 2014, sur Facebook ; avec vous qui  êtes de plus en plus nombreux à ses côtés ; avec vous qu'il tient à grandement remercier pour cette belle fidélité, avec vous donc, qu'il lui siérait aujourd'hui, de partager son bonheur d'avoir créé, le 18 mars 2008, cet ÉgyptoMusée lui permettant, si d'aventure vous confirmez l'intérêt que vous lui portez par cette présence qui tant l'agrée, d'espérer que sa seconde retraite ne s'inscrive pas encore à l'ordre du jour ...

 

     A vous tous, il réitère ses sincères remerciements pour votre réceptivité à ses coups de coeur, pour l'intérêt que vous manifestez au point de lui adresser vos commentaires ou d'importer certains de ses articles sur votre propre site Facebook ; bref, pour être des visiteurs toujours aussi fidèles à la fin de ce premier septennat

 

     Eh oui ! Vous l'avez compris : demain, mercredi 18 mars 2015, c'est son anniversaire de blogueur, partant, votre anniversaire de lecteur : 7 ans de "vie commune" pour certains, moins pour la majorité des autres mais peu lui chaut : c'est avec vous tous qu'il voudrait à présent partager quelques bulles, tout en souhaitant à son, à votre ÉgyptoMusée de longues et belles années encore de découvertes louvresques ...

 

 

SALLE 5 - VITRINE 6, CÔTÉ SEINE : 24. OÙ EN SONT NOS MARDIS LOUVRESQUES ?
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13 mars 2015 5 13 /03 /mars /2015 07:47

     Je prie mes lecteurs de bien vouloir excuser cette "maintenance" d'Overblog qui dure depuis mercredi suite à la disparition des réponses que, toujours, j'adresse à ceux qui m'honorent de leurs commentaires ...

 

     Les informaticiens d'Overblog contactés, il m'a été répondu qu'ils travaillent à résoudre cet important problème ...

 

     Attendons et patientons ...

 

     Belle journée à vous.

 

     Richard 

Mise au point ...
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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 00:00

 

     Au Louvre-Lens, les portes de la superbe exposition "Des animaux et des pharaons - Le règne animal dans l'Égypte ancienne" se sont hier définitivement closes. J'ai essayé, amis d'ÉgyptoMusée, d'en rendre compte à ma manière - car, malheureusement, point ne l'ai visitée -, en vous proposant un florilège d'anciens articles qui mettaient en valeur certaines des pièces provenant du Louvre.

 

     Je fus loin d'être exhaustif , vous vous en doutez et mon regret subsiste de ne pas avoir eu le temps d'en proposer plus encore à votre admiration, malgré le fait que j'aie résolu d'enfreindre ma sempiternelle habitude de ne vous fixer qu'un rendez-vous hebdomadaire, le mardi, et aie opté pour un rythme accéléré, avec un article tous les deux jours.

 

     Mais tant qu'à déroger, j'ai décidé ce matin de ME faire plaisir et, j'espère, VOUS procurer le même sentiment en vous offrant d'admirer un dernier monument qui - avis personnel, vous m'en direz par la suite ce que vous en pensez -, valait bien le déplacement vers Lens et méritera, si d'aventure l'Espagne, avant janvier 2016, vous tente, - Barcelone ou Madrid, à dire vrai ! -, ou si, l'année prochaine, vous décidez de vous rendre au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, que vous lui consacriez une attention particulière : il s'agit d'une peinture pariétale de toute beauté, bien en évidence sur la paroi du fond de la vitrine 2 de la salle 5.    

 

Salle 5 - Vitrine 2

 

     En 2010, je lui avais déjà consacré trois de nos rendez-vous qui m'avaient permis, le 23 février, d'évoquer la personnalité ainsi que le parcours professionnel de son inventeur, le Nantais Frédéric Cailliaud ; le 2 mars, de retracer les raisons de sa présence au Louvre ; et, le 9 mars, d'avoir quelque peu tenté d'instruire le "procès", toujours d'actualité, du pillage des vestiges d'anciennes civilisations au profit de grandes institutions muséales à travers le monde, voire de richissimes collectionneurs.

     Constituant originellement le centre d'une scène de chasse et de pêche dans les marais nilotiques, ce fragment de peinture pariétale sur limon stuqué, d'une longueur de 74, 5 cm pour 43 cm de haut, fut en 1822 détaché de la partie inférieure du mur du fond de la chapelle funéraire de l'hypogée 
d'un certain Néferhotep, "Directeur du Grenier" sous les règnes de Thoutmosis III et de son fils Amenhotep II. Située à Dra Abou el-Naga, au nord-est de la nécropole thébaine, cette tombe, je le souligne au passage, a malheureusement aujourd'hui totalement disparu sous les sables dans la mesure où, à l'époque, pas une seule indication n'avait été retenue quant à sa situation géographique précise.



E 13 101
 


     De sorte qu'avant que l'on redécouvre la sépulture de Neferhotep, il ne subsiste plus à nos regards admiratifs que cette représentation d'un fourré de papyrus aux ombelles vertes dessinées en éventail qui se détachent magnifiquement sur un fond pâle, alternant celles toujours en bouton avec celles qui s'ouvrent en corolles et celles, dans la partie supérieure, tellement épanouies que leurs extrémités semblent se toucher en une sorte de demi-cercle continu.

    Il eût été regrettable, vous en conviendrez, que cette scène dans laquelle, entourés de canards sauvages, hérons, et même une huppe, s'ébattent de frêles papillons ; dans laquelle aussi, sans trop se préoccuper de l'environnement piaillant, une oiselle couve paisiblement ses petits à venir ;



Couvee-E-13101.jpg

 

dans laquelle, enfin, un héron contemple sa compagne en train de nourrir sereinement leur progéniture ;
 


Heron-nourricier-E-13101.jpg


il eût été regrettable enfin, convenez-en, que cette scène disparût à jamais (?) enfouie sous les sables avec toutes les autres qui devaient vraisemblablement constituer la richesse de la "maison d'éternité" de ce haut-fonctionnaire palatial.

     Avant de vous ouvrir le chemin vers une compréhension quelque peu approfondie, il me siérait de d'abord vous donner à lire la description qu'en 1826, dans un élan relativement poétique, Cailliaud fit aux pages 292-3 du troisième tome de son Voyage à Méroé ..., de la paroi qu'il avait reproduite dans ses carnets. Le passage que j'ai délibérément choisi concerne bien évidemment le seul fourré de papyrus que nous avons ici devant nous, retiré du contexte de l'ensemble de la scène de chasse et de pêche dont il faisait manifestement partie.

     Un petit hypogée dont l'entrée venait d'être découverte, m'offrit divers sujets curieux peints à fresque 
et d'une belle conservation. J'y remarquai des scènes de chasse, de pêche, de vendange, des groupes de musiciens. J'en dessinai une partie, m'attachant toujours à prendre les sujets complets (voy. vol. II, pl. LXXV, fig. 1). Une grosse touffe de tiges de lotus, d'un dessin très-correct, sort de l'eau : elle est couverte d'oies et d'autres oiseaux aquatiques. Le peintre s'est plu à représenter ces oiseaux, les uns dans le nid et couvant leurs oeufs, d'autres donnant la becquée à leurs petits déjà éclos : des caméléons et un petit quadrupède s'approchent de ces nids ; mais leurs mères attentives accourent et les écartent à coups de bec. Au-dessus voltigent des papillons (...)



      Permettez-moi, amis visiteurs, - pour d'emblée apporter de très légers correctifs qui, certes, ne grèvent en rien les propos de Frédéric Cailliaud -, de simplement préciser qu'il ne s'agit nullement ici de lotus, mais d'un bosquet de papyrus ; que caméléons et quadrupède auxquels il fait allusion sont en réalité, respectivement, des ichneumons et une genette que, par parenthèse, la décoration de l'époque représente quasiment toujours associés dans semblable environnement palustre ; et, enfin, d'insister une fois de plus sur l'acception du terme "fresque", d'origine italienne (a fresco = dans le frais) et qui, stricto sensu, constitue un procédé totalement inconnu des Égyptiens puisqu'il n'apparut que bien plus tard en Italie.

     Les zones marécageuses telles que celle-ci, même si, suite à l'industrialisation du pays, elles ont de nos jours complètement disparu, constituaient à l'Antiquité un riche biotope présent non seulement de chaque côté du Nil, mais surtout dans la région du lac Fayoum, en Moyenne-Egypte, à l'ouest du fleuve et davantage encore dans le Delta, au nord du pays.

     Mais que représentaient-elles exactement aux yeux des Egyptiens ? Et, surtout, pour quelles raisons les inclure avec autant de récurrence dans la décoration des tombeaux dès l'aube de la civilisation pharaonique et jusqu'à ce véritable acmé de l'esthétisme atteint au Nouvel Empire, et plus particulièrement encore, je l'ai si souvent souligné, à l'époque du troisième souverain Amenhotep, dans tant de sublimes hypogées comme ceux de Nakht (TT 52), de Menna (TT 69), de Rekhmirê (TT 100), de Nebamon (TT ?), d'Ouserhat (TT 56) ... et bien d'autres encore ?

     C'est avec cette importante question qui, inévitablement, nous conduira  droit à envisager les symboles mythologico-religieux que véhicule 
ce topos iconographique de l'art funéraire présent dès les premiers instants de la civilisation pharaonique que sont ces végétaux nilotiques bruissant de vie, que je souhaiterais terminer notre présent entretien.

 


E 13 101


     Nous nous trouvons donc ici, je le rappelle, dans l'environnement très spécifique des zones palustres égyptiennes. Il faut d'emblée comprendre que, dans la mythologie liée à la création du monde, les marécages symbolisaient l'image sublimée des origines, le Noun, cette eau préexistante grosse de toutes les formes de vie futures, en ce compris le démiurge lui-même. À partir de cette masse liquide primordiale et inorganisée serait née la civilisation : de ce véritable athanor purent sourdre absolument tous les éléments de la création.

     Ces marais grouillaient tout à la fois d'animaux dangereux et malfaisants - l'hippopotame mâle et le crocodile en étant les deux principaux acteurs, comme nous l'avons vu samedi 7 mars dernier,
 mais aussi d'autres, parfaitement inoffensifs : dans les premiers, les Égyptiens voulurent voir la métaphore patente des puissances négatives originelles, d'où la nécéssité obvie de les éliminer qu'illustre à souhait les scènes de chasse et de pêche très souvent représentées de part et d'autre de ce fourré de papyrus.
 
     Mais, vous vous en doutez amis visiteurs, si vous me  lisez régulièrement, cette végétation luxuriante ne constituait pas qu'un simple élément esthétique des chapelles funéraires - l'art égyptien n'eut d'ailleurs jamais de finalité purement et gratuitement décorative - : non, elle matérialisait en fait un monde en devenir dans lequel s'affrontaient de multiples forces.

     Il vous faut en outre savoir - la présence de semblables fourrés de papyrus dans une tombe n'étant évidemment pas le fruit d'une dilection toute personnelle d'un artiste plus particulièrement porté à dessiner végétaux et animaux aquatiques -, que c'est précisément dans cet espace-là que tout défunt, désirant s'assurer une survie idéale, se portera protagoniste de sa renaissance, se voudra le seul à régler son propre devenir post-mortem.

     De sorte qu'il est absolument nécessaire à notre compréhension de maintenant considérer le sujet de ce fragment de peinture non plus en tant qu'élément esseulé, mais comme s'intégrant dans un ensemble pariétal précis. En effet, si parfois ces plantes servirent de toile de fond aux scènes cynégétiques, elles furent bien plus souvent comme ici représentées au centre même d'une composition antithétique dans laquelle étaient affrontées la scène de chasse au bâton de jet et celle de pêche au harpon.

Cailliaud - Tombe Néferhotep-1


     L'on pourrait presque comparer ce haut fourré végétal à un miroir sans tain de chaque côté duquel s'animerait la même image du défunt, occupé à une tâche toutefois physiquement différente mais - et c'est sur ce point que je voudrais insister -, symboliquement identique :  se donner les moyens de garantir sa propre régénération, espérée, attendue, nécessaire ...

     Il vous faut aussi être conscients que ces immenses bouquets de papyrus, même s'ils étaient susceptibles de se développer en plusieurs endroits des rives du Nil, faisaient essentiellement référence aux zones les plus  marécageuses du Delta qui, sur le plan métaphorique à nouveau, évoquaient les régions chtoniennes, - entendez par là le monde souterrain -, par définition privées de lumière solaire et dans lesquelles immédiatement après son trépas se mouvait tout impétrant à une vie future ; privées de luminosité donc, et surtout balisées d'obstacles à obligatoirement écarter.  

     Mais ces plantes à l'ombelle constituée d'une profusion de souples fibres verdâtres représentaient également une sorte d'allégorie de la fraîcheur, de la verdeur physique, partant, de la jeunesse éternelle ; cette jeunesse précisément recherchée par le défunt. De sorte que, conséquemment, leur présence dans cette scène ne pouvait qu'inévitablement, par la magie de l'image, assurer au propriétaire de la tombe son propre devenir dans l'Au-delà.
   
     J'observe et j'aime assez d'ailleurs qu'au sein de la langue française, ces deux termes, - image et magie -, forment une parfaite anagramme : hasard lexicographique heureux, ils constituent comme un crédo, une sorte de carte de visite de l'art égyptien pour lequel une représentation n'est pas une fin en soi mais un moyen, qu'il soit d'initiation, d'envoûtement, de défense, voire de guérison ...

     Ainsi ne devons-nous jamais perdre de vue que l'image égyptienne est utilitaire : incorporant tout être à la hiérarchie cosmique, elle se veut donc instrument de survie.
    

     Mais revenons un dernier instant à notre végétation palustre : v
ous imaginez bien, amis visiteurs, que telle qu'ici stylisée, si remarquablement arrondie en son sommet, jamais elle ne se présentait dans la Nature : les tiges, aussi figées, aussi statiques, tellement droites, tellement bien rangées côte à côte, ne pouvaient qu'être agitées par le vent. Et se balançant, se frottant immanquablement les unes contre les autres, elles développaient un certain bruissement qui, semble-t-il, suggérait les sons émis par un sistre, l'instrument de musique que traditionnellement jouait la déesse Hathor, - dont, soit dit en passant, le fourré de papyrus métaphorise le royaume ; Hathor, symbole de charme, de grâce et de séduction féminine, partant, personnification de l'Amour, cet amour absolument nécessaire à tout défunt pour accomplir son obligatoire régénération d'après trépas.


     La connotation sexuelle est donc ici flagrante ... comme est l'est, j'ai déjà aussi eu l'opportunité de le souligner, dans les scènes de chasse et de pêche !

 

    D'où la récurrence de semblables représentatoins dans les tombes des membres égyptiens des classes sociales privilégiées. 
 

 
 
 

    Chers amis visiteurs : ceci constituait, vous l'aurez compris, l'ultime article dédié à l'exposition du Louvre-Lens, avant de rentrer, mardi 17 mars prochain, au Département des Antiquités égyptiennes du Louvre parisien.

 

    M'y accompagnerez-vous ?

     Impatiemment, peut-être, vous l'attendiez, l'espériez, le guettiez, le trouviez long à venir ...

     Aujourd'hui, il est me semble-t-il temps d'envisager de répondre partiellement à votre attente : après trois interventions préalables qui m'ont permis, le 23 février dernier, d'évoquer la personnalité ainsi que le parcours professionnel de Frédéric Cailliaud ; le 2 mars, de retracer l'origine de la présence dans cette salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre d'une superbe peinture pariétale ; et, mardi dernier, d'avoir quelque peu tenté d'instruire le "procès", toujours d'actualité, du pillage des anciennes civilisations au profit de grandes institutions muséales à travers le monde, voire de
 richissimes collectionneurs, le voici enfin, toujours bien en évidence sur la paroi du fond de la vitrine 2 devant laquelle nous devisons vous et moi, amis lecteurs, depuis quelques semaines.

Salle 5 - Vitrine 2

     Constituant originellement le centre d'une scène de chasse et de pêche dans les marais nilotiques, ce fragment de peinture sur limon stuqué, d'une longueur de 74, 5 cm pour 43 cm de haut, fut détaché, souvenez-vous, en 1822, sinon personnellement, à tout le moins par quelqu'un exécutant l'ordre de Frédéric Cailliaud, de  la partie inférieure du mur du fond de la chapelle funéraire de l'hypogée situé à Dra Abou el-Naga, au nord-est de la nécropole thébaine, d'un certain Néferhotep, "Directeur du Grenier" sous les règnes de Thoutmosis III et de son fils Amenhotep II. Tombe qui, je le souligne derechef, a malheureusement aujourd'hui totalement disparu sous les sables dans la mesure où, à l'époque, pas une seule indication n'avait été notée quant à sa situation géographique précise.

E 13 101

    Et notre fourré aux ombelles vertes dessinées en éventail, magnifiquement mises en évidence grâce au fond pâle sur lequel elles se détachent, alternant celles qui sont en bouton avec celles qui s'ouvrent en corolles et celles, dans la partie supérieure, tellement épanouies que leurs extrémités semblent se toucher en une sorte de demi-cercle continu, en fit partie, pour notre actuel plus grand bonheur esthétique ... au-delà du geste répréhensible, évidemment.

    Il eût été regrettable, vous en conviendrez, que cette scène dans laquelle,  entourés de canards sauvages, hérons, et même une huppe, s'ébattent de frêles papillons ; dans laquelle aussi sans trop se préoccuper de l'environnement piaillant, une oiselle couve paisiblement ses petits à venir ;

Couvee-E-13101.jpg


dans laquelle, enfin, un héron contemple son congénère en train de nourrir sereinement leur progéniture,

Heron-nourricier-E-13101.jpg
que cette scène, donc, disparût à jamais enfouie sous les sables avec toutes les autres qui devaient vraisemblablement constituer la richesse de la "maison d'éternité" de ce haut-fonctionnaire palatial.


     Oserais-je, dans ce cas bien précis, regretter que Frédéric Caillaud n'en détachât point davantage ?

     Non, assurément pas ! Car, en archéologie, tout est toujours possible : ainsi il ne serait nullement impensable que
 le tombeau de Neferhotep soit un jour ou l'autre remis au jour ... à l'instar de la tombe que le général Horemheb, non encore pharaonisé, se fit aménager dans le cimetière du Nouvel Empire, à Saqqarah, pillée au XIXème siècle de manière à approvisionner en superbes fragments les musées de Leyde, de Francfort-am-Main, de Bologne, mais aussi le British Museum et le Louvre ; abandonnée ensuite, réensablée, oubliée pour en définitive être "redécouverte" par  une expédition conjointe de l'Egypt Exploration Society (Grande-Bretagne) et du Musée National des Antiquités de Leyde (Pays-Bas), sous la houlette de Geoffrey T. Martin, de l'University College de Londres vers 1975 ;
ou de celle
 d'un certain Amenhotep, haut fonctionnaire sous Thoumosis III, dans la nécropole thébaine, à Cheikh Abd el-Gourna, il y a de cela un an maintenant, par  une équipe  du Centre de Recherches archéologiques (CReA) de l'Université libre de Bruxelles (U.L.B.) avec, à sa tête, l'archéologue belge Laurent Bavay : là aussi, le temps avait réensablé le monument mis au jour en 1882 par l'égyptologue suédois Karl Pieh.

     Attendons donc ... Et peut-être que bientôt, notre patience sera enfin récompensée !

     Mais pour l'heure, comme promis, considérons avec admiration le fragment du Louvre pour lequel j
'ai jugé bon, dans un premier temps et avant de vous donner les clés pour une compréhension quelque peu approfondie, de vous proposer la lecture de la description qu'en 1826, dans un élan relativement poétique, fit Cailliaud aux pages 292-3 du troisième tome de son Voyage à Méroé ..., de la paroi qu'il avait reproduite dans ses carnets. Le passage que j'ai délibérément choisi concerne bien évidemment le seul fourré de papyrus que nous avons ici devant nous, retiré du contexte de l'ensemble de la scène de chasse et de pêche sur laquelle je ne manquerai pas de vous entretenir ... dès ce prochain mardi.


     Un petit hypogée dont l'entrée venait d'être découverte, m'offrit divers sujets curieux peints à fresque et d'une belle conservation. J'y remarquai des scènes de chasse, de pêche, de vendange, des groupes de musiciens. J'en dessinai une partie, m'attachant toujours à prendre les sujets complets (voy. vol. II, pl. LXXV, fig. 1). Une grosse touffe de tiges de lotus, d'un dessin très-correct, sort de l'eau : elle est couverte d'oies et d'autres oiseaux aquatiques. Le peintre s'est plu à représenter ces oiseaux, les uns dans le nid et couvant leurs oeufs, d'autres donnant la becquée à leurs petits déjà éclos : des caméléons et un petit quadrupède s'approchent de ces nids ; mais leurs mères attentives accourent et les écartent à coups de bec. Au-dessus voltigent des papillons (...)


      Permettez-moi, amis lecteurs, - et pour d'emblée apporter un très léger correctif qui, certes, ne grève en rien les propos de Frédéric Cailliaud -, de simplement préciser qu'il ne s'agit nullement ici de lotus, mais d'un bosquet de papyrus ; et que caméléons et quadrupède auxquels il fait allusion sont en réalité, d'après mes sources, respectivement, des ichneumons et une genette que, par parenthèses, la décoration de l'époque représente quasiment toujours associés dans semblable environnement palustre.

     Les zones marécageuses, vous vous en doutez, même si, suite à l'industrialisation du pays, elles ont  de nos jours complètement disparu, constituaient à l'Antiquité un riche biotope présent non seulement de chaque côté du Nil, mais surtout dans la région du lac Fayoum, en Moyenne-Egypte, à l'ouest du fleuve et davantage encore dans le Delta, au nord du pays.

     Mais que représentaient-elles exactement aux yeux des Egyptiens ? Et, surtout, pour quelles raisons les inclure avec autant de récurrences dans la décoration des tombeaux dès l'aube de la civilisation pharaonique et jusqu'à ce véritable acmé de l'esthétisme atteint au Nouvel Empire, et plus particulièrement encore, je l'ai si souvent souligné, à l'époque du troisième souverain Amenhotep, dans tant de sublimes hypogées comme ceux de Nakht (TT 52), de Menna (TT 69), de Rekhmirê (TT 100), de Nebamon (TT ?), d'Ouserhat (TT 56) ... et d'autres et d'autres qu'il serait fastidieux d'énumérer ?

     C'est à cette importante question qui, inévitablement, nous conduira  droit à envisager les symboles mythologico-religieux que véhiculent ces représentations que je tenterai de répondre, mardi prochain, amis lecteurs, si d'aventure vous conservez le désir de me suivre dans l'humidité moite des fourrés de papyrus nilotiques.

     Chaussez vos bottes ... 
 


(Keimer : 1940, 49-50 ; Germond : 2001, 98-100 ; Ziegler : 1982, 352)
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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 00:00
DES ANIMAUX ET DES PHARAONS - XXV. - LA FAUNE NILOTIQUE : 2. LE BAS-RELIEF E 26092

(© Louvre E 26092 - C. Décamps)

 

 

 

     Je l'avais évoqué à l'extrême fin de notre dernier rendez-vous, amis visiteurs, à propos d'une petite grenouille bleue à peine remarquée par les visiteurs du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre. Je ne sais d'ailleurs si elle le fut plus par ceux qui eurent l'heur de voir ce bas-relief peint (E 26092) à l'exposition "Des animaux et des pharaons" qui fermera définitivement ses portes ce tout prochain 9 mars au Musée du Louvre-Lens.

 

     Quoi qu'il en soit, ainsi que je l'avais déjà présenté dans les premiers mois de mon blog, en juillet 2008, je voudrais ce matin vous proposer de le (re)découvrir de manière que vous puissiez en admirer toute la finesse et en comprendre certaines de ses arcanes.

 

     Il s'agit, vous l'aurez constaté, d'un bas-relief anépigraphe en calcaire sculpté et peint, d’une longueur maximale de 157 cm, d’une hauteur de 55 cm et d’une épaisseur moyenne de 3, 5 cm, dont nous n’avons malheureusement ici que la partie inférieure d’une scène de pêche au harpon, elle-même découpée en quatre fragments, partiellement brisés et recollés sur du plâtre,

Pour la petite histoire, il constitue une de ces "offrandes" au Musée dont est coutumière la Société des Amis du Louvre ; celle-ci eut lieu en 1969.

     Selon son vendeur, ce relief proviendrait de Saqqarah, mais sans aucune autre précision; de sorte que nous ignorons tout du tombeau d'où il est originaire. Toutefois, et parce qu’il présente un soubassement uni, réalisé avec de l'ocre rouge surmonté d'une bande noire, et une frise verticale de rectangles de teintes différentes, conservée, en partie à tout le moins, du côté droit, on peut sans hésitation aucune déduire qu’il se trouvait dans la section inférieure droite d'un décor sur une paroi du monument d'où il fut arraché.

     Bien maigres renseignements, je vous l'accorde ... Actuellement, car il se peut qu'un jour futur apparaissent, sur le marché de l'art, d'autres fragments qui pourraient virtuellement être assemblés à ceux-ci et qui eux seraient assortis d'une "fiche technique" plus détaillée quant à leur origine. 
     En archéologie, semblable opportunité est toujours envisageable ...

    

     D’après certains critères, notamment cette convention stylistique propre à l'Ancien Empire qui veut que l'artiste représente devant le pêcheur debout son esquif une vague qui émergerait verticalement de la surface normalement plane de l'eau, vague gonflée de différents poissons lui évitant ainsi de se pencher dangereusement, ce superbe monument daterait de la fin de la Vème, voire du tout début de la VIème dynastie.

    

     Parce que de nombreuses représentations de pêche dans les marais ont été retrouvées sur les parois des tombes de toutes les époques, nous pouvons parfaitement imaginer le décor dans son intégralité. Autorisez-moi à prendre l'exemple célèbre de l'hypogée de Nakht qui vous permettra, et bien plus aisément qu'une longue explication, de visualiser mes propos, et notamment la "vague" évoquée à l'instant.


                                                                    
   


     Le défunt, tourné vers la droite, les bras écartés, manie des deux mains un harpon aux crochets duquel des poissons sont suspendus : ceux-ci lui permettront évidemment de se nourrir dans l'au-delà. 

     L'artiste l'a représenté debout sur sa barque en bois à la proue papyriforme, et a associé à la scène sa famille proche : son épouse et, debout devant lui, son fils, tous deux figurés à échelle réduite, - toujours selon certaines conventions de l'art égyptien ; ce fils qui, je le souligne au passage, dispose lui aussi d'un harpon.


     

 

     Sur le fragment supérieur droit du relief du Louvre, vous distinguerez seulement un pied du pêcheur défunt, en ocre rouge, le bas du harpon, avec ses deux barbelures, tenu verticalement par son fils et l'avant de la barque se terminant, au niveau de la frise, par l'ombelle stylisée d'un papyrus.

     Sans compter, bien évidemment, la partie inférieure de l'ensemble des poissons capturés que, peut-être, tant leur restitution s'avère d'une précision extrême, les plus connaisseurs d'entre vous reconnaîtront : au-dessus de l'embarcation, en haut à gauche, un synodonte nageant sur le dos; à sa droite, la tilapia nilotica avec, en dessous, une anguille; et enfin, à gauche de l'anguille, un tétrodon peint verticalement et un mormyre, horizontalement. 
A l'extrême droite de la composition, sous la proue, un lates, ou perche du Nil. 

 
               
     L'eau du marais est représentée en bleu, striée de zigzags noirs :

il n'est pas inutile de préciser que, dans la langue égyptienne, c'est ce hiéroglyphe  qui signifie "eau". ( = N 35 dans la liste de Gardiner).

 

     Tout le bas de la scène, sous l'embarcation, est quant à lui, magnifiquement conservé et illustre parfaitement tous ces animaux, redoutables ou pacifiques, évoluant dans les régions palustres : ainsi, sur le fragment de gauche,

 




 

remarquez, sous l'étambot de la barque dont on aperçoit un morceau dans le coin supérieur droit, cette adorable petite grenouille bizarrement bleue, négligemment posée sur une branche d'un potamogéton, plus prosaïquement appelé "épi d'eau", qui se balance au-dessus d'un mormyre, à gauche et, plus à droite, derrière deux hippopotames malheureusement à peine conservés, un poisson-chat (silure).

 

     Et sous le fragment central, un mulet frétille au-dessus de la queue minutieusement détaillée d'un crocodile. 

 


     

Puis voici, sous le fragment de droite


 

le crocodile en question et, à ses côtés, gueule ouverte, un autre hippopotame, attendant patiemment ses futures victimes ...

  

     Au terme de cette description sans grande prétention, il m'agrérerait, amis visiteurs, de m'attarder un court instant sur la technique de réalisation de la présente scène de pêche car, même si ce n'est peut-être pas flagrant à vos yeux - d'où ma recommandation réitérée de profiter des derniers jours d'ouverture de l'exposition à Lens car, comme je vous l'avais incidemment précisé, tous ces trésors du Louvre, las du climat de nos contrées, s'exileront sous le soleil espagnol jusqu'en janvier 2016, à Madrid d'abord, à Barcelone ensuite -, l'artiste, anonyme comme de coutume dans l'art égyptien, (à l'une ou l'autre exception près), a usé de deux techniques différentes, et ce, sur un même mur : au-dessus de la ligne d'eau sur laquelle repose la barque, il a légèrement creusé le fond de manière que tous les motifs se détachent en bas-relief ; en revanche, en dessous de cette ligne horizontale de démarcation, le crocodile mis à part, le seul en léger relief, - il faut toujours une exception ! -, toute la surface de la pierre calcaire est plane et son décor entièrement peint.

     Dernier petit détail : les nageoires et les ouïes des poissons, les ligatures et les planches de la barque ont été incisées.

     Ensuite, il me sied de mettre à mal cette conception dans l'esprit de certains d'un art égyptien répétitif, sclérosé, ne se renouvelant jamais, et complètement dénué d'humour : 
dans les chapelles funéraires que vous avez admirées, en avez-vous croisé beaucoup de semblables petites grenouilles mignonnement bleues ?  

 

     Enfin, j'aimerais que vous remarquiez la fraîcheur époustouflante des couleurs, néanmoins typiques de la peinture égyptienne, conférant à ces fragments une délicatesse que personnellement j'estime, à tort ou à raison, absolument remarquable.  

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE 
                

 

ZIEGLER Christiane 

Scènes, peintures et reliefs égyptiens de l'Ancien Empire et de la Première Période Intermédiaire, Paris, Ed. de la Réunion des musées nationaux, 1990, pp. 298-301. 

 

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5 mars 2015 4 05 /03 /mars /2015 00:00

 

 

     Parmi les animaux des rives du Nil qui ont jadis effectué le voyage vers celles de la Seine ou, plus exactement, vers la salle 3 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre qui les borde, le long du quai François Mitterrand, et que nous avions déjà rencontrés, souvenez-vous amis visiteurs fidèles de ce blog, en juin 2008, certains s'en sont pour un temps échappé en quelques bonds aux fins de s'exposer à Lens, illustrant eux aussi avec délicatesse et élégance l'éclectisme de la faune lacustre et celui des rituels dont ils furent les héros désignés.

     Il me siérait, aujourd'hui et ce prochain samedi alors qu'il ne vous reste plus que quelques jours jusqu'au 9 mars pour aller les saluer, d'en évoquer l'un ou l'autre, en commençant ce matin par vraisemblablement les plus petits d'entre eux : les batraciens. 

  

     Il vous faut savoir que dès l'époque prédynastique, et bien évidemment avec d'autres figurines d'animaux, la grenouille fit partie du mobilier funéraire déposé dans les tombes.

 

DES ANIMAUX ET DES PHARAONS - XXIV. - LA FAUNE NILOTIQUE : 1. DES BATRACIENS ...

 

(Grenouille en bois - Louvre E 17364 - © C. Décamps)

 

 

     Et que, l'usage s'étant instauré, les égyptologues en retrouvèrent en faïence dans les sanctuaires égyptiens datant déjà de la Ière dynastie, offertes comme ex-voto en quête de fertilité.

DES ANIMAUX ET DES PHARAONS - XXIV. - LA FAUNE NILOTIQUE : 1. DES BATRACIENS ...

 

      (Grenouille - Faïence siliceuse - Louvre AF 11513 - © C. Décamps) 

DES ANIMAUX ET DES PHARAONS - XXIV. - LA FAUNE NILOTIQUE : 1. DES BATRACIENS ...

      (Grenouille - Faïence siliceuse - Louvte AF 11514 - © C. Décamps) 

 

 

     A leur propos, permettez-moi de préciser que si leurs représentations n'autorisent pas toujours la distinction effective des espèces, je puis néanmoins affirmer que la grenouille possédait une valeur sémantique bien déterminée : parce qu’elle était issue des eaux - donc éventuellement des eaux primordiales chères à la cosmogonie égyptienne -, elle fut dès l’époque archaïque en étroite relation avec l’apparition de la vie, partant, de la procréation.

 

     Raison pour laquelle, dans l'écriture égyptienne, le dessin la représentant entra dans la composition de l'expression "vivant à nouveau", que l'on trouvait parfois gravée dans une tombe, suivant immédiatement le nom du défunt. 

 

      Et que celui du tétard, en quantité impressionnante dans les flaques ou d’autres eaux

stagnantes, fut retenu, comme l'expliquait à son cours d'égyptien hiéroglyphique, Michel

Malaise, mon Professeur à l'Université de Liège, pour noter, à partir du Nouvel Empire, le

nombre 100 000. 

 

 

     Dispensatrice de vie, la grenouille fut assimilée à la déesse accoucheuse Heket, figurée soit sous l'aspect d'une femme à tête de grenouille, soit plus simplement, sous celui de la grenouille elle-même.

 

     Parèdre de Khnoum, le dieu potier qui modèle l’enfant divin sur son tour, elle donnait souffle de vie en tendant le signe "ânkh" en direction du visage du petit être en devenir que Khnoum créait.

 

     A Lens, en plus des exemplaires en faïence datant du Nouvel Empire que je vous ai présentés ci-avant, vous pourrez également admirer une grenouille en cornaline (E 22720

DES ANIMAUX ET DES PHARAONS - XXIV. - LA FAUNE NILOTIQUE : 1. DES BATRACIENS ...

 

et une en basalte (AF 2 549), retrouvée à Tanis, dans le delta oriental, datant pour sa part de la Basse Époque.

DES ANIMAUX ET DES PHARAONS - XXIV. - LA FAUNE NILOTIQUE : 1. DES BATRACIENS ...

     Symbole de forces vivifiantes, Heket fut évidemment associée aux défunts dont elle permettait la régénération, la reviviscence dans l'Au-delà : c'est ce qui motive la présence de cette adorable petite grenouille bleue

DES ANIMAUX ET DES PHARAONS - XXIV. - LA FAUNE NILOTIQUE : 1. DES BATRACIENS ...

 

négligemment posée à l'extrémité d'une branche de potamot sur un fragment de calcaire peint (E 26092) représentant une scène de pêche dans les marais nilotiques, environnement dont vous ne pouvez décemment plus ignorer maintenant que vous êtes des fidèles d'ÉgyptoMusée toute la symbolique en rapport avec la renaissance des trépassés.

     (De ce bas-relief venant du Louvre, également exposé à Lens jusqu'au 9 mars prochain, je vous entretiendrai lors de notre tout prochain rendez-vous.)

 

     N'oublions pas que, du têtard à l'âge adulte, la grenouille subit d'importantes transformations, d'où sa présence tout à fait appropriée aux côtés des morts pour leur "annoncer" leur métamorphose à venir dans le royaume d'Osiris.   

 

     Elle  était également censée participer à l'avènement du monde, ainsi qu'à l'apparition de la tant attendue crue du Nil : elle avait donc partie liée avec certaines des fêtes agraires, dont celle du Nouvel An, vers le 19 juillet, quand tout à la fois fleuve, soleil et défunts reprennent vie.  

 

     Toute cette symbolique perdura d'ailleurs bien au-delà de l’Égypte pharaonique : ainsi  dans l'Alexandrie ptolémaïque, au sein de la nécropole de Gabarri, furent exhumées de nombreuses lampes à huile agrémentées de figurations de grenouilles. 

 

    Et ne connaît-on pas, datant de l'époque chrétienne, une lampe à huile où se lisent ces mots, en grec : "Je suis la résurrection

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE 

 

 

DERCHAIN Philippe

A propos d’une grenouille, RdE 30, Paris, Klincksieck, 1978, pp. 65-6.

 

 

MALAISE Michel,

La perception du monde animal dans l'Égypte ancienne, dans Anthropozoologica n° 7,  1987, p. 36.

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2 mars 2015 1 02 /03 /mars /2015 00:00

     Refermons, voulez-vous, amis visiteurs, notre dossier ouvert sur les pages dédiées aux bovins à propos de quelques monuments les concernant exposés jusqu'au 9 mars prochain au Musée du Louvre-Lens, en évoquant, ce matin, leur sacrifice rituel.

 

     ***

 

 

     

     Tiens ses deux cornes ! ...

     Retourne la tête de ce bœuf, dépêche-toi ! …

     Fais que nous puissions égorger …

.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Injonctions écrites dans certains mastabas de la VIème dynastie

 

Citées par Pierre MONTET

Les scènes de la vie privée dans les tombeaux égyptiens de l'Ancien Empire

 

Paris, Librairie Istra, 1925

p. 163

 

 

 

    Véritable topos iconographique qu'inévitablement ceux parmi vous qui se sont déjà rendus en terre pharaonique auront remarqué au détour d'une visite de la nécropole de Guizeh, le thème du sacrifice d'un boeuf faisait partie de ce que la littérature égyptologique nomme "scène de boucherie".

 

 

 

 

Ty---Sacrifice-du-boeuf--2--Corridor-2--paroi-est.gif

 

 

     En vous référant - comme je le fais ci-dessus, (grand merci Thierry !) -, au programme iconologique et épigraphique du mastaba de Ty remarquablement étudié sur le site OsirisNet, vous pourrez, sans trop conjecturer, comprendre les différentes étapes de l'opération d'abattage du boeuf que pratiquaient ces hommes dans leur atelier.

 

     Cette scène fut dessinée jadis par l'égyptologue français François Daumas d'après l'original figuré au premier registre de la paroi est du second couloir - (que son étroitesse et le manque de lumière empêchent de photographier -).

 

     Ce dessin vous permettra non seulement de visualiser l'évolution des actions mais aussi, - pour ceux parmi vous éventuellement familiers de l'écriture hiéroglyphique -, grâce aux séquences des différentes colonnes, de déterminer l'activité précise de chacun des participants, ainsi que de prendre conscience des dialogues ou injonctions qui parfois s'échangent.

 

     (Pour la forme, permettez-moi de rappeler qu'au-dessus de chaque personnage, les hiéroglyphes le concernant se lisent de droite à gauche si son visage est tourné vers la droite et de gauche à droite s'il est tourné vers la gauche. Et d'ajouter ce moyen simple pour mémoriser cette "règle" : commencez à lire en vous dirigeant vers la tête des hommes ou des animaux.)

 

 

     Dans un premier temps donc, il s'agissait d'enserrer ensemble les pattes postérieures au moyen d'un solide lien et de passer un noeud coulant autour de l'antérieure gauche de manière à la soulever quand, de toutes ses forces, un aide s'agrippait à la corde. Déséquilibré sur trois pattes dont deux totalement paralysées, subissant en outre des torsions manuelles au niveau de la queue et des cornes, le boeuf s'affaissait alors et était maintenu entravé, tête renversée sur le sol et gorge à la merci du couteau qui n'avait plus qu'à y pénétrer.

 

     Pendant ces préliminaires, un homme - le premier à l'extrême gauche du croquis ci-dessus - affûte son instrument de découpe avec la pierre attachée à sa ceinture. C'est ce qu'indiquent les hiéroglyphes le surmontant (n° 8) : Aiguiser le couteau par le boucher

 

 

     Ce type d'instrument - ce qu'il est convenu de nommer un couteau à soie,  comprenez : lame de silex incurvée, nommée dès dans la langue vernaculaire, dont la partie effilée se prolonge dans le manche - fut abondamment représenté sur les parois murales de nombreuses chapelles funéraires et tout aussi abondamment exhumé lors de fouilles archéologiques.

 

    Parce que très présent dans le sous-sol, parce que de grande qualité, le silex fut largement utilisé à l'Ancien Empire dans le quotidien de divers corps de métiers, dont les bouchers, mais également dans des gestes ritualisés d'officiants-sacrificateurs, de souverains ou de divinités s'attaquant aux forces négatives susceptibles d'entraver la bonne marche du pays.

 

    Revenons, voulez-vous, au croquis de F Daumas. 

     

 

Ty---Sacrifice-du-boeuf--2--Corridor-2--paroi-est.gif

   

 

     Dans un second temps, assuré que ses aides avaient tout mis en oeuvre pour que l'animal soit dans l'impossibilité de réagir d'une quelconque manière, le boucher enfonçait donc son couteau dans la gorge offerte d'où giclait le sang qu'un acolyte recueillait et emportait dans un récipient, non représenté dans cette tombe de Ty.

 

     En n° 9, le texte nous explique : Dépeçage d'un jeune boeuf par les bouchers du domaine.

 

     Ensuite, insérant la lame entre les os, il sectionnait la patte restée libre d'entraves -l'antérieure droite, en l'occurrence -, maintenue à la verticale par un de ses compagnons.(Dépecer un jeune boeuf par le boucher, nous indique le n° 12.)

 

     Par probité intellectuelle, je me dois - malheureusement - d'introduire ici une notion qui en attristera plus d'un parmi vous : selon certains égyptologues qui ont analysé cette scène, l'ordre dans lequel je viens de vous présenter le début des opérations serait tout autre.

 

     ... il est probable que le khepech qu'on doit offrir au mort était parfois coupé sur l'animal vivant. Sans doute la viande était-elle considérée comme meilleure ..., écrit notamment l'égyptologue français Jacques Vandier dans son étude sur le sujet.

 

     "Cabochiens" avant la lettre, nos sacrificateurs égyptiens auraient donc coupé la patte antérieure droite avant d'occire la victime !

 

     A l'appui de cette terrible suspicion, le fait que le boeuf soit entravé. Car quel besoin d'ainsi le ligoter, argumente-t-il, si on lui avait préalablement tranché la gorge ?

 

     Sans toutefois qu'il soit ici question d'une symbolique liturgique, mythologique ou astrale telle que nous l'avons rencontrée à propos du sacrifice de l'oryx mis en rapport avec l'acte séthien d'attenter à l'intégrité de l'oeil d'Horus, l'ablation de la patte antérieure droite, premier acte du repas d'un défunt, parce qu'indubitablement codifiée, ressortissait à l'évidence au domaine du rite : aussi, dans certaines tombes voit-on des prêtres-lecteurs réciter les formules rituelles  sur la bête sacrifiée. Et dans d'autres, il semblerait que soit vérifiée la pureté de l'animal. 

 

      Venait aussi l'instant de retirer le coeur de la poitrine : Arracher le coeur par le boucher, lit-on au n° 10 et de le déposer dans un récipient. Et les mêmes exégètes d'affirmer qu'ici encore, ce geste pouvait être exécuté du vivant de la bête à immoler.

 

     Le sacrifice du bovidé, aussi ritualisé soit-il, participe pleinement de la volonté de matériellement permettre au propriétaire de la tombe de bénéficier de la pérennité de sa subsistance dans l'Au-delà. Raison pour laquelle deux serviteurs du ka quittent l'abattoir emportant chacun la patte antérieure prélevée sur les animaux mis à mort. Les textes définissent alors l'action générale elle-même (n° 17) : Apporter ..., et la spécificité de l'offrande :

 

-  n° 14 : ... la découpe - entendez les morceaux de choix - à l'ami unique, Ty ;

-  n° 15 : ... la nourriture du matin, par le prêtre funéraire du mois ;

-  n° 16 : ... la nourriture du soir, par le prêtre funéraire du mois.

 

     Il est aussi important de savoir que quand procession de ces serviteurs  il y avait, ceux présentant le khepech marchaient en tête : généralement, ils étaient membres de la famille du défunt.

 

      Cette patte précise constituait indubitablement l'offrande la plus estimée, la plus souhaitée par les Égyptiens pour leur repas funéraire : ainsi, dans la liste des vivres que décline le "menu" souvent peint ou gravé dans les mastabas, - la "pancarte", comme la nomment aussi certains linguistes -, ce morceau de choix, est mentionné avant tout autre.  

  

    Les premières opérations rituellement menées à bien, essentielles et éminemment symboliques quant à leur ordre d'exécution, vous l'aurez compris, il revenait aux bouchers le soin de poursuivre la découpe du boeuf telle qu'ils l'entendaient, plus aucun geste prioritaire ne leur étant alors imposé : fendre la peau, séparer les chairs, extraire boyaux et viscères, lever les filets, trancher les pattes postérieures à hauteur de la jointure du tibia et du fémur, débiter cuisses, jarrets, côtes et côtelettes, enlever tête, foie, reins ...

 

     Retenait ainsi leur attention tout ce qui était consommable, partant, susceptible de figurer sur la table des victuailles offertes au défunt où attendaient déjà pains, fruits, légumes, volailles, jarres de bière ou de vin ; en un mot comme en mille, tout ce qui lui assurerait la pérennité de sa subsistance post mortem.

 

     Quant à certaines parties de l'animal qui ne lui étaient point proposées, elles revenaient directement aux sacrificateurs ritualistes et à leurs aides : c'était, par exemple, le cas de la peau-meseka que se partageaient officiants mais aussi divers artisans ...

 

 

      

 

(Jean : 1999, 34-6 ; Midant-Reynes : 1980, 40-3 ; Montet : 1910, 41-65 ; ID. 1925, 161 sqq. ; Vandier : 1969, 128-85)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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